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DISCOURSSUR LE PSAUME XIV 1LHOMME DU CIEL.
Le chiffre du psaume est quatorze et nous rappelle que lAgneau fut immolé au quatorzième jour, quand la lune est dans son plein. Or, habiter les tabernacles du Seigneur, cest demeurer dans lEglise, qui nest point une demeure permanente, et cette montagne où lon doit se reposer cest le ciel. Or, celui-là sy reposera « qui marche dans linnocence », cest-à-dire qui est encore en chemin, et qui est déjà innocent, « qui pratique la justice» en faisant du bien aux autres, « qui parle selon la vérité, qui ne fait aucun mal au prochain », cest-à-dire aux autres hommes. Un tel saint méprise le méchant fût-il haut placé dans le monde.
1. On vient de lire fort à propos le psaume quatorzième; bien quil vienne à son tour, on le dirait choisi tout exprès. Le lecteur la pris dans lordre des psaumes, et néanmoins jy vois la sagesse de Dieu, qui a mis dans lordre de nos explications ce qui devait vous être utile. Ce psaume est le quatorzième, qui a pour titre : « Psaume de David 2 ». Or, David cest pour nous le Christ, nous tavons dit souvent. Et puis, nous avons lu dans lExode que lAgneau doit être immolé le quatorzième jour 3; oui, ce quatorzième jour, quand la lune est dans son plein, quand il ne lui manque rien de sa splendeur; doù
1. Dans plusieurs manuscrits, ce discours précède le discours reproduit dans le tome VIII sur le psaume XIV. Dautres manuscrits attribuent ce fragment à saint Jérôme. 2. Ps. XIV, 1. Exod. XII, 5, 6.
vous pouvez voir que le Christ ne saurait être immolé quen pleine et parfaite lumière. Comme donc lAgneau doit être immolé au quatorzième jour, voilà que le Prophète saisi dadmiration sécrie: 2. « Seigneur, qui habitera dans votre tabernacle ? » O vous qui voulez habiter dans le tabernacle, du Seigneur, écoutez cette apostrophe du Prophète: « Qui habitera dans vos tabernacles, ô mon Dieu, ou qui se reposera sur votre montagne sainte? » Non point dabord sur la montagne et dans le tabernacle ensuite, mais dabord dans le tabernacle et ainsi sur la montagne. Le tabernacle nest point une demeure permanente, te tabernacle na point de fondement, mais on le plante ; çà et là, il suit les migrations de (313) lhomme. Aussi est-il appelé paroikia, et non point habitation. « Seigneur,qui habitera dans vos tabernacles? » Comme ce nest quune tente, ou lappelle en grec paroikia. Voyons donc ce quest un tabernacle, ce quest une montagne. Un tabernacle na aucun fondement, cest une demeure passagère; les montagnes, au contraire, ont des fondements solides; cest pourquoi ce tabernacle me parait être lEglise de ce monde. Or, les églises que vous voyez aujourdhui sont des tabernacles, puisque nous ne devons point y demeurer, nous devons passer ailleurs. Car, si la figure de ce monde passe 1, et si le ciel et la terre passeront 2, comme il est dit ailleurs, à combien plus forte raison les pierres de ces églises que nous avons sous les yeux? On appelle donc maintenant les églises des tabernacles, parce que nous devons en sortir pour aller à la montagne sainte du Seigneur. Quelle est cette montagne sainte du Seigneur? Ezéchiel nous le dit en parlant contre le prince de Tyr : « Tu as été blessé sur la montagne du Seigneur 3. Et qui reposera sur votre montague sainte?» Puisque nous devons quitter les tabernacles pour aller sur les saintes montagnes, il nous faut apprendre à quels hommes il appartient daller sur la sainte montagne de Dieu. 3. Il y a une interrogation dans cette parole : « Qui habitera dans vos tabernacles, ou qui se reposera sur votre montagne sainte? » Cest maintenant lEsprit-Saint qui répond à la question du Prophète; et que lui dit-il? Veux-tu savoir, ô Prophète, veux-tu savoir qui doit habiter dans mes tabernacles, et reposer sur ma montagne sainte? Ecoute ce qui suit : Si tu observes ce que je vais dire, tu habiteras sur ma montagne sainte. Vous donc qui voulez habiter les saints tabernacles, et vous élever sur la sainte montagne du Seigneur, vous navez pas besoin découter mes paroles, écoutez ce que le Seigneur répondit au Prophète; pratiquez ce que te Seigneur vous ordonne, et vous arriverez à la sainte montagne du Seigneur. u Cest celui u qui marche dans linnocence, et qui pratique la justice 4 ». Aussi le psaume cent dix-huitième nous dit-il : « Heureux les hommes innocents dans leurs voies ! » Oui, cest ainsi quil commence : « Bienheureux les hommes
1. I Cor. VII, 31. 2. Matth. XXIV, 35. 3. Ezéch. XXVIII, 16, suiv. les Septante. 4. Ps. XIV, 2.
innocents dans leurs voies 2 ! » De même quil est dit là: « Innocents dans leurs voies», il est dit ici : « Qui marche dans linnocence ». Or, marcher cest être dans la voie, « Qui marche dans linnocence ». Voyez ce qui est prescrit. Il nest pas dit qui est pur en atteignant la fin; mais qui est encore en chemin, et qui est sans tache. Quelquun pouvait dire : Je nai aucune tache, nayant commis aucun mal. Il ne suffit pas déviter le mal, si nous ne faisons aussi le bien. Car le Prophète continue : « Et qui pratique la justice ». Non point qui garde la chasteté, non point, qui fait des actes de sagesse ou de courage. Voilà sans doute les principales vertus. Ainsi la sagesse nous vient en aide pour résister aux persécutions : la tempérance et la chasteté nous sont utiles, pour ne point perdre nos âmes. Mais il ny a que la justice pour dominer toutes les vertus dont elle est la mère. Comment, dira-t-on, la justice peut-elle dominer toutes les autres? Les autres vertus font la joie de ceux qui les pratiquent, tandis que la justice fait la joie, non de celui qui la pratique, mais des autres. Que je sois sage, la sagesse fait nies délices; que je sois courageux, le courage me plaît; que je sois chaste, la chasteté a des charmes pour moi mais la justice fait moins le bonheur de ceux qui la possèdent, que des malheureux qui ne lont point. Donne-moi un pauvre qui a un différend avec mon frère, donne à ce frère une puissance telle quil opprime de son crédit tout ce qui nest pas moi, ou qui mest étranger; de quoi ma sagesse va-t-elle servir à ce Pauvre? Que fait à ce pauvre ma chasteté? Que lui fait mon courage? Mais ma justice lui vient en aide, parce que, sans acception pour mon frère, je prononce selon la justice. La justice, en effet, ne connaît ni frère, ni mère, ni père; elle connaît la vérité. Non plus que Dieu, elle ne fait acception de personne, Aussi le Prophète nous dit-il : « Et qui pratique la justice », de peur quil ne paraisse exclure les autres vertus. Quiconque se met dans une sainte colère pour en soulager un autre, quiconque ne fait point sa joie du malheur dautrui, celui-là est juste. 4. Disons encore ce qui suit : « Celui qui dit la vérité dans son coeur 2 ». Beaucoup ont la vérité sur les lèvres, et non dans le coeur; ils paraissent dire la vérité, et le coeur nest
1. Ps. CXVIII, 1. 2. Id. XIV, 3.
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point daccord avec la bouche. « Celui qui ne cache point lartifice dans ses paroles ». Qui dit au dehors ce quil a dans la pensée. « Qui na fait aucun mal à son prochain ». Au nom de prochain beaucoup simaginent un frère, un voisin, un allié, un parent. Mais le Seigneur nous fait connaître le prochain dans cette parabole de lEvangile, à propos de celui qui descendait de Jérusalem à Jéricho. Le prêtre passa outre, le lévite passa outre, sans en prendre pitié; mais un samaritain qui vint à passer, fut ému de compassion. Le Seigneur fait ensuite cette question : « Lequel de ces hommes fut son prochain?» On lui répond « Celui qui lui fit du bien ». Et le Seigneur ajoute: « Allez, vous aussi, et faites de même 1». Nous sommes donc tous notre prochain réciproquement, et nous ne devons faire aucun mal à personne. Mais si nous ne voyons le prochain que dans nos frères et dans nos proches, il nous sera donc permis de faire du mal aux autres? Loin de nous de le croire. Nous sommes tous notre prochain, et nous navons quun même père. « Et que son prochain na point couvert dopprobre ». Cest le comble de la louange. Jamais voisin na murmuré contre lui ; jamais il na trouvé occasion den dire du mal. Cest là une vertu bien supérieure à lhumanité, cest un don de Dieu. 5. « Le méchant, sous ses yeux est réduit
1. Luc, X, 30 37.
à néant 1 ». Quun homme soit empereur, quil soit préfet, quil soit évêque ou quil soit prêtre (car lEglise a aussi ses dignités), quiconque est méchant sous les yeux du saint par excellence, est compté pour rien. Puis aussitôt le Prophète ajoute : « Il glorifie ceux qui craignent le Seigneur ». Ce saint qui marche dans linnocence, qui méprise les puissants dès quils sont méchants, décerne lhonneur à tout homme qui craint Dieu, quelle que soit sa pauvreté. « Qui sengage par serment à son prochain, sans le tromper ». Et ici nous devons entendre comme plus haut ce mot de prochain. 6. « Celui qui na point donné dargent à usure 2».On pourrait dire ici bien des choses, mais le temps nous presse. Mais, avant-hier, nous en avons parlé au commencement de linstruction, et puisque vous êtes par la grâce de Dieu sortis de la Chaldée avec Abraham 3, et que vous vous souvenez de ce que nous avons dit au sujet de cette sortie, venez dans la terre des promesses. Quant à Abraham, dès quil fut entré dans la terre promise, il trouva des adversaires à droite et à gauche, des ennemis qui tenaient le pays: le Seigneur vint pour len tirer, et lui fit gravir une montagne doù il lui montra la terre entière, en disant: « Je te donnerai toute cette terre et à ta postérité 4 ». A lui la promesse, à nous laccomplissement.
1. Ps. XIV, 4. 2.
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