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DISCOURS SUR LE PSAUME CL.LA LOUANGE DE DIEU DANS SES SAINTS.
Les psaumes sont au nombre de cent-cinquante; or, ce chiffre, dans lordre des unités, donne quinze formé de sept et de huit. Sept nous rappelle la semaine sabbatique de lAncien Testament, et le huitième jour est celui de la résurrection, ou du Nouveau Testament. Cinquante se compose dune semaine de semaines, plus lunité, et ce fut le cinquantième jour après la résurrection que descendit lEsprit-Saint, désigné par le nombre sept. Les cent cinquante-trois poissons nous montreraient dans trois le diviseur de cinquante. En décomposant dix-sept en autant de nombres que lon additionne ensemble on arrive à cent cinquante-trois. Or, dix-sept est composé de dix, le décalogue, et de sept, la figure du Saint-Esprit. La division en cinq livres est peu fondée. Cette parole : « Il est écrit au commencement du livre », désignerait ou le livre des Ecritures, au commencement duquel nous lisons : « Ils seront deux dans une même chair », mystère du Christ et de lEglise ; ou le livre des Psaumes, dont le premier regarde le Christ. La division en trois livres de cinquante psaumes chacun, nous montre la pénitence dans le cinquantième psaume, la miséricorde et la justice dans le centième, et la louange de Dieu dans ses saints, cest le psaume cent cinquantième. Cest la voie du ciel, puisque Dieu nous appelle par la pénitence, nous justifie par la miséricorde, puis nous admet dans la vie éternelle pour chanter ses louanges. Les saints en qui Dieu est glorifié, sont la justice, la puissance, et la grandeur de Dieu, en ce sens quils font connaître ces divins attributs. Louer Dieu avec la flûte, cest le louer dune manière éclatante; sur les instruments à cordes, par les bouses oeuvres; sur le tambour, dans la mortification de la chair; sur les cymbales, dans les louanges des saints qui rejaillissent sur Dieu. Les trois genres de musique se retrouvent dans les saints.
1. Bien que Dieu ne mait point encore fait la grâce de me révéler tous les grands mystères que me paraît contenir lordre des psaumes; bien que la faiblesse de mon esprit nen ait point pénétré toute la profondeur; néanmoins, comme ils sont renfermés dans le nombre de cent cinquante, ce nombre nous insinue quelque mystère que je voudrais vous exposer sans témérité et selon quil plaira à Dieu de me secourir. Dabord le nombre quinze est multiple de cent cinquante (car dans lordre des unités, il est le même que cent cinquante dans lordre des dizaines, puisque quinze multiplié par dix donne cent cinquante : le même que mille cinq cents dans lordre des centaines, ou quinze (308) multiplié par cent; le même que quinze mille dans lordre des mille, ou quinze multiplié par mille), le nombre de quinze nous marque donc laccord des deux Testaments. Dans lun, en effet, lon observe le sabbat au jour du repos 1; dans lautre, le dimanche, qui signifie jour de résurrection. Or, le sabbat est le septième jour; le dimanche qui vient après le septième jour, que peut-il être sinon le huitième, et en même temps le premier? On lappelle aussi le premier jour du sabbat 2, de manière à compter ensuite le second, le troisième, et ainsi de suite jusquau septième qui est le sabbat. Mais à partir du dimanche, jusquau dimanche, nous nous trouvons au huitième jour, auquel fut révélé ce Nouveau Testament qui était caché dans lAncien, sous les promesses terrestres. Or, sept et huit font quinze. Tel est le nombre des psaumes appelés Cantiques des degrés, parce que tel était le nombre des degrés du temple. Le nombre de cinquante renferme aussi en lui-même un grand mystère, puisquil se compose dune semaine de semaines, auxquelles on ajoute lunité qui serait comme le huitième et formerait cinquante; sept fois sept font en effet quarante-neuf, et nous avons cinquante en y ajoutant lunité. Or, ce nombre de cinquante a une signification tellement mystérieuse, q ne ce fut le cinquantième jour après la résurrection du Christ, que le Saint-Esprit descendit sur les disciples assemblés en son nom 3. De plus, lEsprit- Saint est désigné par le nombre sept dans les Ecritures, soit dans Isaïe, soit dans lApocalypse, où nous trouvons clairement les sept esprits de Dieu, à cause des sept opérations de ce même Esprit. Le prophète lsaïe nous parle ainsi de ces sept opérations « LEsprit de Dieu se reposera sur lui; Esprit de sagesse et dintelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de science et de piété, Esprit de crainte du Seigneur 4 ». Et pat cette crainte, il faut entendre la crainte chaste, qui demeure dans le siècle des siècles 5, Quant à la crainte servile, elle est bannie par la charité parfaite 6 : celle-ci nous affranchit de manière que nous ne fassions point de ces oeuvres serviles que proscrit le sabbat. Or, la charité est répandue dans nos coeurs par lEsprit-Saint qui nous a été donné 7 . Cest donc lEsprit-Saint que désigne le nombre sept.
1. Exod. XX, 10. 2. Marc, XVI, 2. 3. Act, II, 1 4. 4. Isaï. XI, 2,3. 5. Ps. XVII, 10. 6. I Jean, IV, 18. 7. Rom. V, 5.
Mais le Seigneur a lui-même divisé le nombre cinquante en quarante et en dix i; puisque cest le quarantième jour après sa résurrection quil monta au ciel 2, puis dix jours après quil envoya le Saint-Esprit, désignant ainsi par le nombre quarante son passage en cette vie temporelle. Le nombre quatre est en effet le nombre qui prévaut dans quarante; or, il y a quatre parties dans le monde comme dans lannée, et en y ajoutant dix comme le denier qui doit récompenser les oeuvres de la loi, nous trouvons la figure de léternité. En multipliant cinquante par trois, et pour ainsi dire par la trinité, nous arrivons à cent cinquante, nombre qui nest point sans raison celui de nos psaumes. Dans ce nombre de poissons pris dans les filets des Apôtres après la résurrection, lEvangile ajoute le nombre de trois à celui de cent cinquante 3, pour nous montrer, ce semble, en combien de portions nous devons partager ce nombre de manière à trouver trois fois cinquante. On pourrait néanmoins trouver dans ce nombre une raison plus subtile et plus agréable, cest-à-dire que si nous décomposons dix-sept, de manière que tom les nombres depuis un jusquà dix-sept soient additionnés ensemble, nous arrivons encore à ce nombre de cent cinquante trois. Or, le nombre dix désigne la loi, et celui de sept désigne la grâce; puisque la loi nest accomplie que par la charité répandue dans nos coeurs par ce même Esprit que représente le nombre sept. 2. Quant à ceux qui ont divisé les psaumes en cinq livres, ils ont suivi en cela lindication des psaumes qui finissent par ces mots: Fiat, fiat 4. Mais quand jai voulu pénétrer les raisons de cette division, je nai pu y par. venir; parce que ces cinq parties ne sont point égales entre elles, ni par la quantité de la matière, ni même par le nombre des psaumes, qui serait alors de trente. Et si chacun de ces cinq livres doit se terminer par fiat, fiat, on pourrait avec raison demander pourquoi le dernier de tous ne finit pas de même. Pour nous, conformément à lautorité canonique des saintes Ecritures, où nous lisons: « Il est écrit dans le livre des Psaumes 3 », nous ne reconnaissons quun livre des psaumes. Je comprends que ce sentiment soit le
1. Act. II, 3. 2. Id. 1. 3. Jean, XXI, 11. 4. Ps. XL, LXXI, LXXXVIII et CV. 5. Act. I, 20.
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véritable, et comment lautre pourrait lêtre aussi, sans quil y eût contradiction. Daprès la coutume des Ecritures des Hébreux, il est possible, en effet, quun livre divisé en plusieurs autres, ne soit regardé que comme un seul; ainsi on ne parle que dune Eglise, bien quelle soit divisée en plusieurs Eglises, et dun ciel unique, bien quil soit composé de plusieurs. Il nest pas à croire quen disant : « Mon secours vient du Seigneur qui a fait le ciel et la terre 1», le Prophète ait voulu omettre un des cieux. Et quand lEcriture nous dit: « Dieu donna au firmament le nom de ciel 2 »; quand elle assure quil y a des eaux au-dessus du firmament, cest-à-dire du ciel, elle ne ment point, bien quelle dise ailleurs: « Et que toutes les eaux qui sont par-dessus les cieux louent le Seigneur 3», sans dire au-dessus du ciel. On dit aussi: la terre, bien quelle soit composée de plusieurs, et chaque jour nous disons indifféremment orbis terrae, ou orbis terrarum, le globe de la terre, ou le globe des terres. Quoique, dans le langage ordinaire, cette expression : « Il est écrit dans le livre des Psaumes », semble dire quil ny a quun seul livre, néanmoins on peut répondre que cette manière de parler: « dans le livre des Psaumes », signifie dans lun des cinq livres. Mais cette manière de parler est tellement inusitée, ou du moins tellement rare, que ce texte : « Comme il est écrit dans le livre des Prophètes 4 », a fait croire que les douze Prophètes ne forment quun seul livre. Il en est encore qui ne regardent que comme un livre unique tous les livres de lEcriture, parce quils forment une admirable et divine unité, et. que cette parole : « Il est écrit, au commencement du u livre, que je dois faire votre volonté », doit nous faire comprendre que le Père a créé le monde par le Fils, puisque cette création est placée au commencement de toute Ecriture dans le livre de la Genèse. Ou plutôt parce que cette parole paraît une prophétie, rapportant moins les faits que prédisant lavenir, puisquil nest pas dit « que jaie fait », mais « afin que je fasse », ou que je fisse votre volonté »; et dès lors cette parole devrait se rapporter à une autre parole consignée aussi dans les premières lignes du même livre: « Ils seront deux dans la même
1. Ps. CXX, 2. 2. Gen. I, 7, 8. 3. Ps. CXLVIII, 4, 5. 4. Act. VII, 42. 5. Ps. XXXIX, 8.
chair 1» ; profond mystère, selon lApôtre, dans le Christ et dans lEglise 2. On pourrait voir encore le livre des Psaumes désigné dans cette parole : « Au commencement du livre, il est écrit de moi que je fasse votre volonté ». Car on lit ensuite : « Mon Dieu, je lai voulu, votre loi est dans le milieu de mon coeur 3 ». Or, on voit une prophétie de Jésus-Christ dans le premier psaume placé à la tête du livre : « Bienheureux lhomme qui ne sest point laissé aller au conseil des impies, qui ne sest point arrêté dans le sentier des pécheurs, ni assis dans la chair de pestilence, mais dont la volonté saffermit dans la loi du Seigneur, et qui méditera cette loi le jour et la nuit 4 ». Ce qui reviendrait à cette parole : « Mon Dieu, je lai voulu, et votre loi est au milieu de mon cur ». Quant à cette autre parole : « Jai annoncé votre justice dans une grande assemblée 5», elle se rapporte naturellement à celle-ci : « Ils seront deux dans une même chair 6». 3. Que lon prenne dans lun ou dans lautre sens cette expression: « Au commencement du livre », ce livre des psaumes, divisé en trois parties, de cinquante chacune, me paraît marquer de grands mystères, si lon consulte bien chaque psaume cinquantième. Je ne saurais croire, en effet, que ce soit sans raison que le cinquantième soit tira psaume de pénitence; le centième, de la miséricorde et de la justice; le cent cinquantième, de la louange de Dieu dans ses saints. Tulle est ers effet la voie que nous suivons, pour arriver à la vie éternelle et bienheureuse : dabord la condamnation de nos péchés, ensuite la vie pure, en sorte que nous méritions par cette vie pure, et par la condamnation de nos fautes, la vie éternelle. Cest en effet daprès un arrêt profond de sa justice et de sa bonté, que Dieu a appelé ceux quil avait prédestinés, que ceux quil a appelés, il les a justifiés, et que ceux quil a justifiés, il les a glorifiés 7. Il est vrai, ce nest point en nous-mêmes que sest faite notre prédestination, mais eu lui-même et dans le secret de sa prescience. Pourtant, les trois autres faveurs, la vocation, la justification, et la vocation se font en nous. Cest la prédication de la pénitence qui nous appelle; car cest ainsi que le Sauveur commence à prêcher son Evangile : « Faites
1. Gen II, 24. 2. Ephés. V, 31, 32. 3. Ps. XXXIX, 8-10. 4. Id. I, I, 2. 5. Id. XXXIX, 8-10. 6. Gen. II, 25. 7. Rom. VIII, 30.
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pénitence, car le royaume des cieux est proche 1 ». Nous sommes justifiés en invoquant la miséricorde, et en craignant le jugement; de là cette parole : « Seigneur, sauvez-moi en votre nom, et jugez-moi dans votre puissance 2 ». Or, il ne craint point dêtre jugé, celui qui a tout dabord obtenu dêtre sauvé. Notre vocation nous fait renoncer au diable par la pénitence, afin de ne plus demeurer sous son joug; après la justification, nous sommes guéris par la miséricorde, afin de ne plus craindre le jugement; et une fois glorifiés, nous passons àla vie éternelle, pour louer Dieu sans fin. Cest là ce que signifie, je crois, cette parole du Sauveur: « Voilà que je chasse les démons, et fais des guérisons aujourdhui et demain, et au troisième jour je serai mis à mort 3»; ce quil figura aussi dans les trois jours de sa passion, de son sommeil, et de son réveil. Car il fut crucifié, il fut enseveli, il ressuscita. Il triompha sur la croix des princes et des puissances, se reposa dans le sépulcre et sélança à sa résurrection. De même la pénitence nous met à la croix, la justice au repos, la vie éternelle dans la gloire. La pénitence dit : « Ayez pitié de moi, mon Dieu, selon la grandeur de votre miséricorde, et selon la multitude de vos bontés, effacez mes iniquités 4 ». Elle offre pour sacrifice à Dieu une âme brisée de douleur, un coeur contrit et humilié. Cest le Christ qui dit dans ses élus : « Seigneur, je chanterai votre miséricorde et votre jugement, je connaîtrai les voies de linnocence quand vous viendrez à moi 5 ». Cest la miséricorde, en effet, qui nous aide à faire les oeuvres de justice, afin darriver en toute sécurité au jugement, dans lequel seront bannis de la cité de Dieu ceux qui commettent liniquité 6. Le verset qui termine le psaume que nous allons expliquer est le cri de la vie éternelle. 4. « Louez le Seigneur dans ses saints»; dans ceux quil a glorifiés. « Louez-le dans le firmament de sa puissance »; ou, comme dautres ont traduit, « dans ses puissances ». « Louez-le selon ses infinies grandeurs 7 ». Toutes ces dénominations désignent les saints de Dieu, selon cette parole de lApôtre : « Afin que nous devinssions en lui la justice de Dieu 8». Si donc ils sont la justice que
1. Matth. III, 2; IV, 17. 2. Ps. LIII, 3. 3. Luc, XIII, 32 4. Ps. L, 3. 5. Id. C, 1; 2. 6. Id. 8. 7. Id. CL, 1, 2. 8. II Cor. V, 21.
Dieu a opérée en eux, pourquoi ne seraient-ils pas aussi cette puissance que Dieu a exercée en eux, pour les ressusciter dentre les morts? Car cest dans la résurrection du Christ que sa puissance paraît avec le plus déclat; comme sa faiblesse parut en sa passion, ainsi que la dit lApôtre : « Sil a été crucifié selon la faiblesse de la chair, il est néanmoins vivant par la force de Dieu 1 ». Et ailleurs : « Afin » , dit-il, « que je connaisse Jésus-Christ, et la vertu de sa résurrection 2 ». Le Prophète a dit admirablement : « Dans le firmament de sa puissance ». Cest en effet le firmament de sa puissance de ne plus mourir, de nêtre plus assujetti à la mort 3. Pourquoi ne pourrait-on appeler puissance de Dieu celle quil a déployée dans ses saints? Et même ce sont eux qui sont les puissances de Dieu, ainsi quil est écrit : « Nous sommes en lui la justice de Dieu 4». Quelle plus grande puissance que de régner éternellement, après avoir mis sous ses pieds tous ses ennemis? Pourquoi ses saints ne seraient-ils point aussi son infinie grandeur? Non point la grandeur qui le fait grand en lui-même, mais cette grandeur qui a fait la grandeur de tant de milliers de ses élus? De même, en effet, que lon se fait une idée particulière de la justice 5, par laquelle Dieu est juste, on se fait une autre idée de celle quil forme en nous, afin que nous soyons sa justice. 5. Ces mêmes saints sont encore désignés dans tous ces instruments qui servent à la louange de Dieu. Ce que le Prophète a dit tout dabord : « Louez le Seigneur dans ses saints », il le continue, en marquant les saints par différentes expressions. 6. « Louez-le au son de la flûte»; ce qui marque une louange éclatante. « Louez-le sur le psaltérion et sur la harpe 6». Le psaltérion fait résonner la louange de Dieu, par le haut de linstrument, et la harpe le fait par le bas; cest comme la louange dans les choses célestes, la louange dans les choses terrestres, comme le Dieu qui a fait le ciel et la terre. Déjà, en effet, dans un autre psaume, nous avons dit que le psaltérion a par le haut cette concavité sur laquelle on ajuste les cordes afin den tirer un son plus retentissant, tandis que dans la guitare cette concavité est en bas.
1. II Cor. XIII, 4. 2. Philipp. III, 10. 3. Rom. VI, 9, 4. II Cor. V, 21. 5. Dan. VII, 10. 6. Ps. CL, 3.
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7. « Louez-le sur le tambour et au son des churs 1 ». Nous louons Dieu sur le tambour quand notre chair heureusement changée ne ressent plus rien de la faiblesse et de la corruption de la terre. On prend en effet pour le tambour une peau desséchée et durcie. Louer Dieu en choeur, cest le bénir dans une société paisible. « Louez-le sur les cordes et sur lorgue ». Comme nous lavons dit plus haut, le psaltérion et la harpe sont des instruments à cordes. Quant à lorgue, cest le nom générique de tous les instruments de musique; bien que dordinaire on désigne plus particulièrement ainsi des instruments à soufflets, ce que je ne crois pas que lon ait voulu indiquer ici. Car le mot organum désignant en général tous les instruments à soufflets, est un mot grec, et les Grecs avaient un autre nom pour ces instruments. Les appeler du nom dorgues est donc une exigence latine, une exigence de la coutume. Cette expression dès lors : « sur les cordes et sur lorgue», semble désigner un instrument pourvu de cordes. Or, ce nest pas seulement le psaltérion et la harpe qui sont pourvus de cordes; nais de même que le psaltérion et ta harpe, qui résonnent soit den haut soit den bas, nous ont fait découvrir quelque mystère analogue à cette différence, de même nous devons chercher quelque analogie dans ces cordes qui nous désignent la chair, et la chair délivrée de la corruption. Peut-être le Prophète y joint-il ce mot dorgue, non pour que chacune des cordes rende un son particulier, mais pour que la diversité des sons y produise la plus suave harmonie, comme il arrive dans lorgue. Car les saints de Dieu auront même alors des différences entre eux, nais des différences harmonieuses, et non discordantes, cest-à-dire des différences qui saccordent sans se heurter aucunement; de même que des sons différents, mais non discordants, forment une heureuse harmonie. « Une étoile diffère en clarté dune autre étoile; ainsi en sera-t-il à la résurrection des morts 2 ». 8. « Louez-le sur des cymbales retentissantes,
1. Ps. CL, 4. 2. I Cor. XV, 41, 42.
louez-te sur les cymbales de la joie 1 ». Ce nest quen frappant les cymbales que lon produit des sons ; de là vient quon les a parfois comparées à nos lèvres. Mais il me semble quon leur donne un sens bien préférable en disant quon loue Dieu sur des cymbales, quand chaque fidèle est honoré par ses frères et non par lui-même, et que cet honneur mutuel devient pour Dieu une louange. Aussi, de peur, je crois, que la pensée ne sarrête sur des cymbales qui résonnent sans âme, le Prophète ajoute : « cymbales de la jubilation » ; car la jubilation ou lineffable louange ne saurait venir que de lâme. Noublions pas toutefois que, au dire des musiciens et comme lexpérience le démontre, il y a trois sortes de sons, que produisent la voix, le souffle, limpulsion; la voix, quand un homme chante sans le secours daucun instrument; le souffle, qui donne les sons de la flûte ou de quelque instrument semblable; et limpulsion, comme dans la harpe ou tout ce qui lui ressemble. Le Prophète na donc oublié aucun son; il nous marque la voix dans les choeurs, le souffle dans la flûte, limpulsion dans la harpe. Ce qui nous montrerait par comparaison et non par propriété, lesprit, lâme et le corps. Quand donc le Seigneur nous dit : « Louez le Seigneur dans ses saints », à qui sadresse-t-il, sinon à eux-mêmes? Et en qui doivent-ils louer Dieu, sinon en eux-mêmes encore ? Car vous qui êtes ses saints, comme le dit le Prophète, vous êtes aussi sa vertu, mais la vertu quil a opérée en vous; vous êtes sa puissance, comme la multitude de sa grandeur, mais quil a opérée et fait paraître en vous vous êtes la trompette, le psaltérion, la harpe, le tambour, le choeur, les cordes, lorgue et les cymbales de la jubilation, qui donnent des sons mélodieux ou des sons en accord. Vous êtes tout cela; que la pensée ne sarrête à rien de vil, à rien de passager, à rien de futile. Et comme la sagesse de la chair est mortelle, « que tout esprit loue le Seigneur 2».
1. Ps. CL, 5. 2. Ps. CL, 6.
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