GERVAIS ET PROTAIS
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SAINT GERVAIS ET SAINT PROTAIS

 

Gervais (Gervasius) vient de gérar, qui veut dire sacré et de vas, vase, ou bien de gena, étranger et syor, petit. Comme si l’on voulait dire qu'il fut sacré par le mérite de sa vie, vase (146) parce qu'il contint toutes les vertus, étranger parce qu'il méprisa le monde et petit parce qu'il se méprisa lui-même.

Protais (Protasius) vient de prothos, premier et syos, Dieu ou divin ; ou bien de pocul et stasis, qui se tient loin. Comme si l’on voulait dire qu'il fut le premier par sa dignité, divin par son amour, et éloigné des affections du monde. Saint Ambroise trouva l’histoire de leur martyre dans un écrit placé auprès de leur tête.

 

Gervais et Protais, frères jumeaux, étaient les enfants de saint Vital et de la bienheureuse Valérie. Après avoir donné tous leurs biens aux pauvres, ils demeurèrent avec saint Nazaire, qui construisait un oratoire à Embrun, et un enfant appelé Celse lui apportait les pierres (c'est anticiper sur les faits de dire que saint Nazaire avait Celse à son service, car d'après l’histoire du premier, ce fut, longtemps après que Celse lui fut offert). Or, comme on les conduisait tous ensemble à l’empereur Néron, le jeune Celse les suivait en poussant des cris lamentables : un des soldats ayant donné des soufflets à l’enfant, Nazaire lui en fit des reproches, mais les soldats irrités frappèrent Nazaire à coups de pied, l’enfermèrent en prison avec les autres et ensuite le précipitèrent dans la mer : ils menèrent à Milan Gervais et Protais. Quant à Nazaire, qui avait été sauvé miraculeusement, il vint aussi dans cette ville. Au même temps, survint Astase, général d'armée qui partait pour faire la guerre aux Marcomans. Les idolâtres allèrent à sa rencontre et lui assurèrent que les dieux se garderaient de rendre leurs oracles si Gervais et Protais ne leur offraient d'abord des sacrifices. On s'empare alors des deux frères et on les invite à sacrifier. Comme Gervais disait à Astase (147) que toutes les idoles étaient sourdes et muettes, et que le Dieu tout-puissant était seul capable de lui faire remporter la victoire, le comte le fit frapper avec des fouets garnis de plomb jusqu'à ce qu'il eût rendu l’esprit. Ensuite il fit comparaître Protais et lui dit : « Misérable, songe à vivre et ne cours pas, comme ton frère, à une mort violente. » Protais reprit : « Quel est ici le misérable ? Est-ce moi qui ne te crains point, ou bien toi qui donnes des preuves que tu me crains? » Astase lui dit : « Comment, misérable, ce serait moi qui te; craindrais, et comment? » « Tu prouves que tu crains quelque dommage de ma part, reprit Protais, si je ne sacrifie pas à tes dieux, car si tu ne craignais aucun préjudice, jamais tu ne me forcerais à sacrifier aux idoles. » Alors le général le fit suspendre au chevalet. «Je ne  m’irrite pas contre toi, général, lui dit Protais ; je sais que les yeux de ton coeur sont aveuglés ; bien au contraire, j'ai pitié de toi, car tu ne sais ce que tu, fais. » Achève ce que tu as commencé, afin que la bénignité du Sauveur daigne  m’accueillir avec mon frère. Astase ordonna alors de lui trancher la tête. Un serviteur de J.-C. nommé Philippe, avec son fils, s'empara de leurs corps qu'il ensevelit en secret en sa maison, sous une voûte de pierre ; et il plaça à leur tête un écrit contenant le récit de leur naissance, de leur vie et de leur martyre. Ce fut sous Néron qu'ils souffrirent, vers l’an du Seigneur 57. Longtemps leurs corps restèrent cachés, mais ils furent découverts au temps de saint Ambroise de la manière suivante: Saint Ambroise était en oraison dans l’église des saints Nabor et Félix ; il n'était ni tout à fait éveillé, ni entièrement endormi; (148) lorsque lui apparurent deux jeunes gens de la plus grande beauté, couverts de vêtements blancs composés d'une tunique et d'un manteau, chaussés de petites bottines, et priant avec lui les mains étendues. Saint Ambroise pria, afin que si c'était une illusion, elle ne se reproduisît plus, mais que si c'était une réalité, il eût une seconde révélation. Les jeunes gens lui apparurent de la même manière à l’heure du chant du coq, et prièrent encore avec lui ; mais la troisième nuit, saint Ambroise, étant tout éveillé (son corps était fatigué par les jeûnes) fut saisi de voir apparaître une troisième personne qui lui semblait être saint Paul, d'après les portraits qu'il en avait vus. Les deux jeunes gens se turent et l’apôtre dit à saint Ambroise: «Voici ceux qui, suivant mes avis, n'ont désiré rien des choses terrestres; tu trouveras leurs corps dans le lieu où tu es en ce moment ; à douze pieds de profondeur, tu rencontreras une voîlte recouverte de terre, et auprès de leur tête un petit volume contenant le récit de leur naissance et de leur mort. » Saint Ambroise couvoqua donc ses frères, les évêques voisins; il se mit le premier à creuser la terre, et trouva le tout comme lui avait dit saint Paul ; et bien que plus de trois cents ans se fussent écoulés, les corps des saints furent découverts dans le même état que s'ils venaient d'être ensevelis à l’heure même. Une odeur merveilleuse et extraordinairement suave émanait du tombeau.

Or, un aveugle, en touchant le cercueil des saints martyrs, recouvra la vue, et beaucoup d'autres furent guéris par leurs mérites. On célébrait cette solennité ,en l’honneur des saints Martyrs quand fut rétablie la (149) paix entre les Lombards et l’empire romain. Et c'est pour cela que le pape saint Grégoire institua de chanter pour introït de la messe ces paroles : Loquetur Dominus pacem in plebem suam *. En outre les différentes parties de l’office en l’honneur de ces saints se rapportent tantôt à eux, tantôt aux événements qui survinrent à cette époque. Saint Augustin raconte, au livre de la Cité de Dieu, qu'un aveugle recouvra à Milan l’usage de la vue auprès des corps des saints martyrs Gervais et Protais, et cela en sa présence, devant l’empereur et une grande foule de peuple. Est-ce l’aveugle dont il a été question plus haut, est-ce un autre, on l’ignore. Le même saint raconte encore, dans le même ouvrage, qu'un jeune homme lavant un cheval dans une rivière près de la villa Victorienne, distante de trente milles d'Hippone, aussitôt le diable le tourmenta et le renversa comme mort dans le fleuve. Or, pendant qu'on chantait les vêpres dans l’église dédiée sous l’invocation des saints Gervais et Protais, église qui était près du fleuve, ce jeune homme, comme frappé par l’éclat des voix qui chantaient, entra dans un grand état d'agitation en l’église où il saisit l’autel, sans pouvoir s'en éloigner; en sorte qu'il paraissait y avoir été lié. Quand on fit des exorcismes pour faire sortir le démon, celui-ci menaça de lui couper les membres, en s'en allant. Après l’exorcisme le démon sortit, mais l’oeil du jeune homme restait suspendu par un petit vaisseau sur la joue. On le remit

 

* Ce sont encore les paroles du Missel Romain à l’introït de la messe de ces saints.

 

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comme on put en sa place, et peu de jours après 1'œil fut guéri par les mérites de saint Gervais et de saint Protais. Saint Ambroise s'exprime ainsi dans la Préface de ces saints : « Voici ceux qui, envolés sous le drapeau du ciel, ont pris les armes victorieuses dont parle l’apôtre : dégagés des liens qui les attachaient au monde, ils vainquirent l’infernal ennemi avec ses vices, pour suivre libres et tranquilles le Seigneur J.-C. Oh! les heureux frères, qui en s'attachant à la pratique des paroles sacrées, ne purent être souillés par aucune contagion ! Oh! le glorieux motif pour lequel ils combattirent, ceux que le même sein maternel a mis au monde, reçoivent tous les deux une couronne semblable. »

 

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