PENTECOTE II

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HOMÉLIES SUR LA PENTECOTE.

 

DEUXIÈME HOMÉLIE (1).

 

ANALYSE.

 

1° Dans cette homélie, dont on ne peut pas fixer l'année, saint Jean Chrysostome exhorte les fidèles à se réjouir, parce que la fête qu'ils célèbrent est la principale ou, comme il dit, la Métropole de toutes les fêtes; qu'elle en est le complément, parce qu'en ce jour nous recevons les fruits des promesses du Fils de Dieu. — 2° Il prouve que toutes les grâces nous viennent par l'Esprit-Saint; il établit sa divinité contre les hérétiques macédoniens qui l'attaquaient ; il examine pourquoi Jésus-Christ n'a pas envoyé le Saint-Esprit à ses disciples aussitôt après son ascension, pourquoi le Saint-Esprit est descendu sur eux en forme de langues. — 3° Il engage ses auditeurs à décorer leurs âmes de toutes les vertus pour recueillir les fruits que l'Esprit-Saint leur apporte, dont le principal est la charité, qui exclut l'envie ; il attaque avec force ce vice, et finit par adresser la parole à ceux qui étaient nouvellement baptisés, pour qu'ils travaillent à conserver la grâce qu'ils viennent de recevoir.

 

1. Qu'elles sont excellentes, mes très-chers frères, et au-dessus de toute expression ,les grâces dont nous comble aujourd'hui un Dieu plein de bonté ! Ainsi réjouissons-nous tous, et, dans les transports de notre joie, rendons hommage à notre divin Maître, puisque ce jour nous ramène une fête solennelle qui rassemble tout le peuple. Comme, dans la nature les saisons se succèdent les unes aux autres, de même, dans l’Eg lise , les fêtes qui se remplacent nous occupent successivement des différents mystères. Après avoir célébré la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, sa passion, sa résurrection, son ascension glorieuse, nous sommes enfin arrivés aujourd'hui au comble de tous les biens, à la principale de toutes les fêtes, au fruit des promesses du Fils de Dieu

 

1. Traduction de l'abbé Auger, revue.

 

Si je m'en vais, dit-il, je vous enverrai le Consolateur, et je ne vous laisserai pas orphelins. (Jean, XVl, 7. ) Voyez-vous l'attention de ce divin Maître et sa bonté infinie ! Avant ces jours, il s'est élevé au ciel, il est remonté sur son trône royal, et a repris sa place à la droite de son Père; aujourd'hui il fait descendre pour nous l'Esprit-Saint, et nous envoie avec lui du ciel des biens sans nombre.

Car, je vous le demande, parmi toutes les grâces qui opèrent notre salut, en est-il une seule qui ne nous soit dispensée par ce divin Esprit? par lui nous sommes affranchis de la servitude, appelés à la liberté, honorés d'une adoption divine; nous sommes formés de nouveau , pour ainsi dire; nous déposons le fardeau pesant et odieux de nos péchés. C'est par l'Esprit-Saint que nous voyons des assemblées (269) de prêtres, que nous avons des ordres de docteurs. De cette source découlent les révélations, les remèdes salutaires de nos âmes; enfin de là viennent tous les avantages qui décorent l'Eg lise du Seigneur. Aussi saint Paul s'écrie-t-il : C'est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons suivant qu'il lui plaît. (I Cor. XII, 2.) Il dit suivant qu'il lui plaît, et non suivant qu'on le lui ordonne. Il dit encore distribuant et non distribué, c'est-à-dire agissant de son autorité propre et non par une autorité étrangère à laquelle il obéisse. En un mot, saint Paul attribue à l'Esprit-Saint la même puissance qui, d'après son témoignage, convient au Père; et comme il dit de celui-ci : C'est Dieu qui opère toutes choses dans tous les hommes (I Cor. XII, 6) ; il dit de l'Esprit-Saint : C'est un seul même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant ses dons à chacun suivant qu'il lui plaît. Ne voyez-vous pas dans l'Esprit-Saint une puissance parfaite , égale à celle du Père? Des êtres qui ont une même nature, ont sans doute une même autorité; des êtres qui ont une dignité pareille, doivent avoir la même puissance. C'est par l'Esprit-Saint que nous avons trouvé la délivrance de nos péchés; c'est par lui que nous avons été lavés de toutes nos taches; c'est par l'efficacité de sa présence et en participant à la grâce, que nous sommes devenus anges, d'hommes que nous étions. Ce n'est pas que notre nature ait été changée; mais ce qui est beaucoup plus admirable, quoique conservant la nature humaine nous montrons en nous une vie angélique. Tel est le pouvoir de l'Esprit-Saint; et comme le feu ordinaire fait un vase solide d'une molle argile, de même le feu de l'Esprit divin, lorsqu'il trouve une âme bien préparée, quoique plus molle que l'argile, il la rend plus ferme que l'airain; et celui qui, peu auparavant, était souillé de la lie du péché, il le rend tout à coup plus brillant que le soleil. C'est ce que nous apprend le bienheureux Paul, lorsqu'il s'écrie : Ne vous y trompez pas; ni les fornicateurs, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les impudiques, ni les abominables, ni les ambitieux, ni les avares, ni les voleurs, ni les hommes adonnés au vin, ni les ravisseurs du bien d'autrui, ne seront héritiers du royaume de Dieu. (I Cor. VI, 9 et 10.) Après avoir parcouru presque toutes les espèces de vices et montré que tous ceux qui sont sujets à ces désordres, ne sont pas faits pour le royaume céleste, il ajoute aussitôt : C'est là ce que furent autrefois quelques-uns de vous; mais vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés..... comment et de quelle manière ? dites-nous-le, grand apôtre ; c'est là ce que nous cherchons: Au nom, dit-il, de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et par l'Esprit de notre Dieu. Voyez-vous, mes très-chers frères, la puissance de l'Esprit-Saint? voyez-vous comme le divin Esprit a fait disparaître tous les vices, et a élevé tout à coup à des honneurs suprêmes ceux que le péché avait dégradés?

2. Qui pourrait donc assez déplorer les blasphèmes de ces hommes qui entreprennent d'attaquer la divinité de l'Esprit-Saint, et qui, comme des furieux, ne pouvant être détournés d'une erreur coupable par la grandeur de ses bienfaits, osent agir contre leur propre salut, dépouillent un Dieu, autant qu'il est en leur pouvoir, de la majesté divine, et le font descendre à la condition de simple créature? Je leur dirais volontiers: Pourquoi, je vous prie, déclarez-vous une telle guerre à la divinité de l'Esprit-Saint, ou plutôt à votre propre salut? pourquoi ne daignez-vous point vous rappeler ces paroles du Sauveur à ses disciples: Allez, enseignez toutes les nations, en les baptisant au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit? (Matth. XXVI, 19.) Ne voyez-vous pas une dignité pareille? ne voyez-vous pas une ressemblance parfaite? ne voyez-vous pas une Trinité indivisible? une des trois personnes offre-t-elle quelque différence, quelque changement, ou quelque diminution? osez-vous ajouter vos commandements aux commandements du divin Maître? ne savez-vous pas que parmi les hommes celui qui porterait l'audace jusqu'à entreprendre d'ajouter ou de retrancher quelques mots aux dépêches du prince, qui cependant a la même origine et la même nature que nous, subirait le dernier supplice,sans que rien pût le sauver de la punition? Si donc on a tant à craindre de la part d'un homme, quel pardon peuvent espérer des hommes qui entreprennent d'altérer les paroles du Sauveur commun, et qui refusent d'écouter le digne organe du Fils de Dieu dont il annonce les oracles, saint Paul, qui leur crie d'une voix éclatante: L'oeil n'a pas vu, l'oreille n'a pas entendu, l'esprit de l'homme n'a pas conçu ce que Dieu prépare pour ceux qui l'aiment ? (I Cor. II, 9.) Mais si (270) l'oeil n'a pas vu, si l'oreille n'a pas entendu, si l'esprit de l'homme ne peut concevoir ce que Dieu prépare pour ceux qui l'aiment, d'où pouvons-nous, bienheureux Paul, en avoir la connaissance? Attendez un moment, et vous allez entendre cet apôtre qui s'explique en termes clairs: Mais Dieu, dit-il, nous l'a révélé par son Esprit. Et il ne s'arrête point là; mais afin de montrer la grande puissance de cet Esprit divin, et qu'il est de même nature que le Père et le Fils, il continue: Parce que l'Esprit pénètre tout, et même les profondeurs de Dieu. Ensuite, voulant nous instruire plus exactement encore par des exemples humains, il ajoute : Car qui des hommes connaît ce qui est en l'homme, sinon l'esprit de l'homme, qui est en lui ? Ainsi nul ne connaît ce qui est en Dieu, sinon l'Esprit de Dieu. Voyez-vous une doctrine parfaite ? Comme il n'est pas possible, dit-il, qu'un autre connaisse ce qui est dans la pensée d'un homme, si ce n'est lui-même; ainsi personne ne connaît les choses de Dieu, sinon l'Esprit de Dieu; ce qui est la plus forte preuve, la preuve la plus propre à établir la divinité de l'Esprit-Saint. Dans l'exemple qu'apporte saint Paul, il semble dire: Il n'est pas possible qu'un homme ignore jamais ce qui est dans sa pensée. Eh bien ! dit-il, l'Esprit-Saint connaît aussi parfaitement les choses de Dieu. N'est-il donc pas clair que dans ce passage le bienheureux apôtre confond ceux qui, prévenus eux-mêmes contre leur propre salut, déclarent la guerre à la divinité de l'Esprit-Saint, et, le dépouillant, autant qu'il est en eux, de la dignité de Seigneur et de Maître, le rabaissent à la simple condition des êtres créés et mortels? Mais si, par un vain esprit de dispute, ces hommes combattent ouvertement les paroles de là divine Ecriture, nous, du moins, qui regardons les dogmes sacrés qu'elle renferme comme des oracles venus d'en-haut, renvoyons à Dieu la gloire qui lui est due, et montrons en nous, avec la droiture de la foi, l'exactitude de la vérité.

Je n'en dirai pas davantage contre ceux qui ont la hardiesse d'attaquer, dans leurs enseignements, les oracles de l'Esprit divin. Il est nécessaire de vous expliquer pourquoi le Seigneur n'a pas accordé à ses disciples, aussitôt après son ascension, tous les biens qu'il leur avait promis; pourquoi il ne leur a envoyé la grâce de l'Esprit-Saint qu'après la leur avoir fait attendre quelques jours, et les avoir abandonnés à eux-mêmes. Ce n'est pas au hasard et sans cause qu'il a tenu cette conduite. Il savait, sans doute, que les hommes n'estiment, comme ils le doivent, les biens, qu'en les comparant aux maux; qu'ils n'apprécient, comme elle le mérite, la position la plus douce et la plus heureuse que quand ils ont éprouvé une situation contraire. Par exemple, car c'est une vérité qu'il faut démontrer clairement, un homme qui jouit de la santé la plus florissante, ne peut en bien connaître tout le prix, à moins qu'une maladie survenue ne lui ait fait éprouver un état contraire. Pour apprécier à sa valeur le bienfait de la lumière du jour, il faut sortir de l'obscurité de la nuit. L'expérience du contraire est donc toujours le meilleur maître pour nous apprendre et nous faire sentir toute l'importance des avantages dont nous jouissons. Voilà pourquoi lorsque les disciples eurent joui d'une infinité de biens, par la présence de leur divin Maître , et trouvé en sa compagnie le bonheur et la gloire (car tous les habitants de la Palestine regardaient comme des astres bienfaisants, des hommes qui ressuscitaient les morts, chassaient les démons, guérissaient la lèpre et toutes les maladies , qui enfin opéraient une infinité de prodiges, ils étaient donc connus et même célèbres). Voilà, dis-je, pourquoi Dieu a permis qu'ils fussent séparés quelque temps de la puissance de Celui qui les soutenait, afin qu'étant laissés à eux seuls, ils sentissent mieux tout l'avantage de la présence d'un Maître plein de bonté, et que le sentiment des biens passés leur fît recevoir, avec plus de reconnaissance, le don dé l'Esprit consolateur. Ils étaient tristes, affligés, découragés, abattus par la séparation de leur Maître; l'Esprit-Saint les a consolés, il a ranimé leur courage, dissipé le nuage de tristesse qui les enveloppait, il les a éclairés de sa lumière, et les a tirés de leur embarras. Ils avaient entendu cette parole du Sauveur: Allez, enseignez les nations; mais chacun d'eux flottait incertain, et ne savait de quel côté il devait tourner ses pas; dans quelle partie de la terre il devait aller prêcher la parole: l'Esprit-Saint venant à eux en forme de langues, leur distribue les régions de la terre qu'ils doivent instruire , et par la langue de feu, sous la figure de laquelle il repose sur chaque disciple, il écrit dans l'âme de chacun , comme dans un livre , l'autorité qu'il lui confie; il lui marque la partie du (271) monde qu'il doit éclairer de ses instructions.

Voilà pourquoi l'Esprit-Saint est venu les visiter en forme de langues ; c'était aussi pour nous rappeler le souvenir d'une ancienne histoire. Comme dans les premiers âges du monde, les hommes, entraînés par l'orgueil, avaient voulu construire une tour qui s'élevât jusqu'au ciel , mais que Dieu , par la division des langues , avait dissipé leur criminel complot, l'Esprit-Saint descend aujourd'hui sous la forme de langues de feu, afin de réunir le monde divisé, et, par une opération nouvelle et extraordinaire, au lieu qu'autrefois les langues avaient divisé la terre et rompu une ligue coupable, les langues, aujourd'hui, réunissent la terre, et ramènent l'union où régnait la discorde. Voilà donc pourquoi l'Esprit-Saint se montre sous la forme de langues; il emprunte des langues de feu, à cause de l'abondance des épines que le péché avait fait croître en nous. Quelque gras et quelque fertile que soit un champ par lui-même, s'il n'est point labouré, il se couvre et se hérisse partout de buissons et d'épines ainsi notre âme, quoique sortie bonne des mains du Créateur, quoique propre par elle-même à produire des fruits de vertu, ne recevant pas la culture de la piété, ni la semence de la connaissance de Dieu, a produit comme une forêt d'épines et de plantes inutiles, que l'impiété a fait croître en elle. Et semblable à la terre, dont la face est souvent cachée sous la multitude des épines et des mauvaises herbes, la pureté et la dignité de la plus noble portion de nous-mêmes étaient comme étouffées et ne paraissaient pas, jusqu'à ce que le divin Cultivateur de la nature humaine l'eût purifiée par le feu de son Esprit, et l'eût rendue propre à recevoir les semences célestes.

3. Tels sont les biens, et de plus grands encore, que ce jour nous a procurés. Célébrons-le donc, ce jour, d'une manière qui réponde aux grâces qu'il nous apporte, célébrons-le en décorant nos âmes de toutes les vertus, plutôt qu'en ornant de fleurs l'entrée de nos maisons, et en revêtant nos murs de tapis superbes , afin que nous puissions recevoir la grâce de l'Esprit-Saint, et recueillir les fruits qui en proviennent. Et quels sont ces fruits? écoutons le bienheureux Paul: Les fruits de l'Esprit, dit-il, sont la charité, la joie, la paix. (Gal. V, 22.) Voyez quelle est l'exactitude du langage, et la suite naturelle des idées ! Il met la charité à la tête; et après cela il parle des biens qui doivent suivre; c'est après avoir planté la racine qu'il montre les fruits qui doivent naître; c'est après avoir posé le fondement, qu'il bâtit dessus l'édifice; c'est après être remonté à la source qu'il descend aux ruisseaux qui en découlent. Car la joie ne peut entrer dans nos âmes avant que nous ne regardions la prospérité d'autrui comme la nôtre, avant que le bien qui arrive à notre prochain ne nous soit aussi agréable que s'il nous arrivait à nous-mêmes. Or, nous ne parviendrons jamais à ce point de perfection, à moins qu'une charité supérieure ne domine chez nous avec empire, la charité, qui est la racine, la source, la mère de tous les biens spirituels. Comme une racine, elle produit mille branches de vertu; comme une source, elle fait jaillir des eaux abondantes; comme une mère, elle reçoit dans son sein et embrasse tous ceux qui ont recours à elle. Pénétré de cette vérité, saint Paul dit, dans une de ses épîtres, que la charité est le fruit de l'esprit. Il lui accorde dans une autre la glorieuse prérogative d'être l'accomplissement de la loi : La charité, dit-il, est l'accomplissement de la loi. (Rom. XIII, I0.) Lorsque le Sauveur du monde établit la règle certaine et la marque sûre à laquelle on reconnaîtra ses disciples, il ne propose point d'autre règle, d'autre marque que la charité: Tous les hommes, dit-il, connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de ! a charité les uns pour les autres. (Jean, XIII, 35.) Ainsi, recourons tous à la charité, embrassons-la avec ardeur, et décorons-nous de cette vertu pour célébrer la fête présente. Où est la charité, tous les défauts disparaissent; où est la charité, tous les appétits déraisonnables se répriment. La charité, dit saint Paul, n'agit point à contre-temps, elle ne s'enfle point, elle n'est point ambitieuse. (I Cor. XIII, 4.) La charité ne fait point de mal à son prochain. Où la charité domine, il n'y a pas de Caïn qui tue son frère. Retranchez l'envie, et vous avez retranché la source de tous les maux; coupez la racine, et vous avez supprimé le fruit. C'est moins dans l'intérêt de ceux qui sont en butte à l'envie, que je parle, que pour l'avantage de ceux qui éprouvent cette passion, puisque ces derniers se causent les plus grands préjudices, et se portent les coups les plus mortels, tandis que les persécutions de l'envie peuvent valoir aux autres, s'ils le veulent, des prix et des couronnes. Voyez comme le juste Abel est chanté (272) et célébré tous les jours, et comme la mort violente qu'il a essuyée a été pour lui une source de gloire: étendu sans vie et sans mouvement, il ne parle qu'avec plus de force; son sang, après la mort, élève la voix, et accuse hautement le malheureux fratricide; celui-ci n'a survécu que pour recevoir la punition de son attentat, pour parcourir la terre toujours gémissant et tremblant. Et comme le crime de l'un l'a condamné à une vie plus triste que la mort même, ainsi la vertu de l'autre l'a rendu plus glorieux et plus brillant même après le trépas.

Nous donc, mes frères, afin que nous puissions acquérir plus de confiance, et dans ce monde et dans l'autre, afin que nous puissions recueillir plus de joie de cette fête, dépouillons-nous de tous les vices qui souillent et défigurent notre âme, et surtout de l'envie; parce que, sans doute, eussions-nous fait une infinité de bonnes oeuvres, nous en perdrions tout le mérite si nous étions dominés par cette passion basse et cruelle. Puissions-nous tous éviter ce fléau de toutes les vertus, et principalement ceux qui ont reçu aujourd'hui la grâce de la régénération. qui ont dépouillé les anciens vêtements du péché, et qui peuvent briller avec le même éclat que les rayons du soleil! Vous donc (1) qui en ce jour avez été mis au nombre des enfants, conservez avec soin la blancheur éclatante des habits dont vous êtes maintenant revêtus, fermez de toute part l'entrée au démon, afin que recevant une grâce plus abondante du divin Esprit, vous puissiez produire des fruits au centuple, vous soyez jugés dignes de paraître avec confiance devant le Roi des cieux, lorsqu'il viendra juger le monde, et distribuer des biens ineffables à ceux qui auront terminé leur vie dans la vertu, en Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui soient la gloire et l'empire, maintenant et toujours, dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

 

1. Les nouveaux baptisés.

 

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