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DISCOURS SUR LE PSAUME XXXVIII.
SERMON PRÊCHÉ A CARTHAGE A LA FÊTE DE SAINT CYPRIEN.LES PROGRÈS DE LA VERTU.
Ce cantique est celui de lhomme intérieur, qui laisse en arrière ce qui est terrestre pour sélever à Dieu. Sil garde le silence, il perd loccasion de dire le bien. Il parle donc, mais à Dieu. Il veut connaître sa fin ou Jésus-Christ, contempler sa beauté, connaître ses années qui demeurent. Il voit ici-bas lavare qui thésaurise sans savoir pour qui, il conseille de confier notre argent à Dieu, qui nous instruit, nous humilie par la mort certaine, quoique lheure en soit incertaine. Voyageurs en cette vie, allons à Dieu qui seul est souverainement. Aller en enfer cest nêtre plus, quoique lon soit encore.
1. Le Psaume que nous venons de chanter et que nous entreprenons dexpliquer, est intitulé: « Pour la fin, psaume à David pour Idithun 1 ». Ce sont donc les paroles dun homme appelé Idithun quil nous faut attendre et écouter; et si chacun de nous peut être Idithun, il se retrouvera et sentendra dans les paroles quil chantera. Cherchez quel est cet homme que lon appelait Idithun, daprès le nom quil eut autrefois à sa naissance; pour nous, écoutons le sens de ce nom, et cherchons dans cette signification à comprendre le sens de la vérité. Autant que nous avons pu le savoir par ce nom, que les hommes versés dans les saintes Ecritures ont traduit du grec en latin, Idithun signifie: Qui les devance. Quel est cet homme qui devance, ou quels sont ceux quil dépasse? Car on na pas dit simplement: Qui devance; mais : Qui les devance. Or, est-ce en dépassant quil chante, ou en chantant quil dépasse? Mais, soit quil chante en dépassant, ou quil dépasse en chantant, cest le cantique de celui qui devance que nous avons chanté tout à lheure. Cest à Dieu, que nous chantons, de voir si nous sommes de ceux qui savancent. Mais si lhomme qui progresse a chanté, quil se réjouisse dêtre ce quil a chanté. Si tel autre qui a chanté demeure encore attaché à la terre, quil désire être un jour ce quil vient de chanter, Car cet homme que lon appelle: Devançant les autres, devance en effet ceux qui demeurent fixés à la terre, courbés vers les choses du monde dont soccupent leurs pensées, et qui nont despérance que dans les biens passagers. Lesquels a-t-il devancés, sinon ceux qui demeurent?
1. Ps. XXXVIII, 1
2. Vous savez que plusieurs Psaumes ont pour titre : Cantique des degrés; et lexpression grecque anabathmon nous en explique suffisamment la signification. Ce sont en effet des degrés que lon monte, mais que lon ne descend pas. Le mot latin nayant pu rendre la signification propre, a dit en général des degrés, et nous a laissé douter si ces degrés étaient pour monter ou pour descendre. Mais comme « il ny a pas de discours, pas de langage dans lequel on nentende leurs voix 1 », le texte précédent explique celui qui est venu après; et le grec nous donne une certitude quand le latin donnait un doute. De même que dans ces Psaumes, le chantre est un homme qui sélève, de même ici il devance les autres. Mais pour sélever, pour devancer ainsi les autres, il nest besoin ni de pieds, ni déchelles, ni dailes ; et toutefois, si nous envisageons lhomme intérieur, cest réellement avec des pieds, des ailes et des échelles. Si ce nétait avec les pieds, comment cet homme intérieur dirait-il : « Que le pied de lorgueil ne me vienne point 2 ? » Si ce nétait avec des échelles, quaurait vu Jacob, alors que des anges montaient et descendaient 3 ? » Si ce nétait avec des ailes, pourquoi donc sécrier: « Qui me donnera des ailes, comme à la colombe, et je volerai, et je me reposerai 4? Dans les choses corporelles cependant, autres sont les pieds, autres des échelles, autres des ailes. Mais chez lhomme intérieur, ailes, pieds, échelles sont les affections de la bonne volonté. Nous nous en servons pour marcher, pour monter, pour prendre lessor. Donc, lorsque nous parlons dun homme qui devance les
1. Ps. XVIII, 4. 2. Id. XXXV, 12. 3. Gen. XXVII, 12. 4. Ps, LIV,7.
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autres, que celui de nos auditeurs qui veut limiter ne cherche point à franchir un fossé par un bond léger, ni à sélancer comme au vol, au-delà dun escarpement: ce que jentends dune manière corporelle; car celui dont il sagit, doit aussi franchir des fossés, « ces lieux creux et brûlés par le feu, qui périront, Seigneur, sous les regards menaçants de votre face 1 ». Or, quels sont ces lieux creux et brûlés par le feu, qui doivent périr sous le regard du Seigneur, sinon les péchés? Ce qui est brûlé par le feu, cest loeuvre dun ardent désir du mal ; ce qui est creux, cest loeuvre dune lâche timidité. Car tous les péchés viennent des désirs ou de la lâcheté. Que notre héros franchisse donc tout ce qui peut le retenir sur la terre; quil dresse ses échelles, quil déploie ses ailes, et que chacun voie sil peut se reconnaître ici. Je ne doute point que plusieurs, par la divine miséricorde, ne sy puissent reconnaître, qui méprisent le monde, et tous les attraits que peut nous offrir le monde, et se proposent de vivre saintement, à cause des joies spirituelles quils goûtent dès cette vie. Et doù viendront ces délices pour ceux qui marchent encore sur la terre, sinon des oracles divins, de la parole de Dieu, ou de quelque parole des saintes Ecritures, que lon aura méditée, et dont on trouvera le sens avec dautant plus de joie quon laura recherché avec peine? Car il y a dans les livres saints des délices pures et innocentes. Sil y en a dans lor, dans largent, dans les festins, dans la débauche, dans la pêche et dans la chasse, dans le jeu, dans le divertissement, dans les folies du théâtre, dans la recherche et dans la possession des ruineux honneurs de ce monde; si lon en trouve dans toutes ces choses qui ne peuvent donner une joie solide, pourrait-on nen pas trouver dans les livres saints ? Que lâme au contraire sélance par dessus ces bas-fonds, quelle cherche son bonheur dans la parole de Dieu, et quelle dise avec autant de vérité que de sécurité: « Les impies mont raconté leurs plaisirs; mais, Seigneur, ce nest point comme votre loi 2 ». Qu Idithun vienne et devance tous ceux qui se plaisent ici-bas, quil mette son bonheur dans les choses den haut, dans la parole de Dieu, dans les douceurs de la loi du Très-Haut. Mais, que dis-je? Faut-il encore passer de ce bonheur à un autre? Ou doit-il arrêter
1. Ps. LXXIX, 17. 2. Id. CXVIII, 85.
là sa course, celui qui veut devancer? Ecoutons plutôt ses paroles, car cet homme qui bondit me paraît avoir sa demeure dans la parole de Dieu; cest là quil a puisé ce que nous allons entendre. 3. « Jai dit: Je veillerai sur mes voies, pour nêtre point coupable dans mes paroles 1 ». Croyez-le bien, il est difficile pour un homme de lire, de parler, de prêcher, davertir, de reprendre, quand il est à loeuvre, fatigué par les devoirs pénibles, comme un homme qui traite avec des hommes, bien quil ait devancé tous ceux qui nont point mis leur joie en Dieu, et de ne point faillir ou pécher par la langue. « Quiconque ne pèche point par la langue», est-il écrit, « est un homme parfait 2». Peut-être linterlocuteur avait-il parlé de manière à sen repentir, et avait-il dit quelque parole quil eût voulu, mais quil ne pouvait retenir. Ce nest pas sans raison que notre langue est toujours humide, afin de glisser facilement. Il voit donc combien il est difficile quun homme soit obligé de parler et ne dise rien quil puisse regretter; et, à la vue de toutes ces fautes , il se prend dennui et demande à Dieu de pouvoir les éviter. Telle est la peine dans laquelle se trouve lhomme qui devance. Que lhomme qui demeure en arrière ne me juge pas, quil prenne le devant et il éprouvera ce que je dis ; car alors il sera un témoin et un fils de la vérité. Dans cette situation il avait résolu de ne point parler, afin de navoir point à se repentir de ses paroles. Cest là ce quindiquent les premiers mots : « Jai dit : Je veillerai sur mes voies, pour nêtre point coupable dans mes paroles ». Oui, Idithun, garde tes voies, afin que tes paroles soient irréprochables : pèse bien ce que tu diras, examine, consulte la vérité intérieure; et porte-la ensuite à lauditeur du dehors. Tu cherches souvent à en agir ainsi dans le trouble des affaires, dans la préoccupation des esprits, alors que lâme déjà si faible et sous le poids dun corps qui se corrompt, veut écouter et veut parler, écouter à lintérieur, parler au dehors; et, dans son empressement à parler, elle néglige de sinstruire, et il lui arrive de dire ce quelle aurait dû taire. Le meilleur des remèdes en ce cas est le silence. Voilà un pécheur, un pécheur qui mérite ce nom plus particulièrement, homme orgueilleux et jaloux; il entend parler Idithum,
1. Ps. XXXVIII, 2. Jacques, III, 2.
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il épie son langage, lui tend des piéges; et il est bien difficile que dans ses paroles il nen trouve quelques-unes qui manquent de convenance. Il est auditeur sans pardon, et jaloux jusquà la calomnie. Cest pourquoi Idithun, qui le devance, avait résolu de se taire et commençait ainsi son cantique: « Jai dit: Je veillerai sur mes voies, afin de nêtre point répréhensible dans mes paroles ». Tant que je serai surpris par les médisants, ou du moins tenté, sinon surpris, «je veillerai sur mes voies, pour ne point pécher en paroles ». Quoique bien au-dessus des terrestres plaisirs, quoique les frivoles affections des choses temporelles ne me touchent point; quoique je dédaigne ces choses dici-bas pour mélever à un amour meilleur, il me suffit néanmoins de goûter devant Dieu le plaisir de comprendre la supériorité de mon amour; quest-il besoin de parler pour que lon me censure, et douvrir le champ aux médisances? « Jai donc dit: Je veillerai sur mes voies, afin de ne point pécher dans mes paroles. Jai mis une garde à ma bouche». Pourquoi? Est-ce à cause des hommes pieux, des hommes qui aiment la parole de Dieu, des fidèles, des saints? A Dieu ne plaise I Ces hommes écoutent avec lintention de louer ce quils approuvent; et, quant à ce quils désapprouvent, au milieu de bien des choses dont ils font léloge, ils aiment mieux le pardonner que lenvenimer par la calomnie. A légard desquels veux-tu donc veiller sur tes voies, afin de nêtre pas répréhensible en paroles, et veux-tu mettre un frein à ta bouche? Ecoute la réponse : « Tandis que le pécheur se tient devant moi ». Il ne se tient pas près de moi; mais: « Il se tient à lencontre de moi ». Que puis-je dire enfin pour le satisfaire? Je parle de choses spirituelles à un homme tout charnel, qui voit, qui entend au dehors, mais qui à lintérieur est sourd et aveugle. Car lhomme animal ne comprend point ce qui est de lesprit de Dieu 1. Et sil nétait charnel, semporterait-il à ces calomnies? « Bienheureux celui qui parle à une oreille qui écoute 2 », non à loreille du pécheur, qui se tient à lencontre. Telle était cette multitude qui se dressait en frémissant devant celui « qui ressemblait à la brebis que lon mène à la boucherie, et qui nouvrait point la bouche, non plus que lagneau devant celui qui le tond 3». Que dire en effet à
1. I Cor. II, 14. 2. Eccli. XXV, 12. 3. Isa. LIII, 7.
des hommes orgueilleux, brouillons, calomniateurs, querelleurs, verbeux? Que leur dire de saint, de pieux, comment leur parler de religion, ô toi qui les devances; quand le Sauveur dit à des hommes qui lécoutaient volontiers, qui désiraient sinstruire, dont la bouche souvrait à la vérité, qui la recevaient avidement: « Jai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter à présent 1? » Et lApôtre : « Je nai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels » : dont il ne faut point désespérer, mais quil faut nourrir. Car il ajoute: « Je vous ai donné du lait comme à de petits enfants en Jésus-Christ, et non de la nourriture dont vous nétiez pas capables ». Parlez donc au moins maintenant. « Maintenant même, vous ne lêtes pas encore 2».Ne tempresse donc point découter ce que tu ne comprends point, mais grandis afin de comprendre. Cest ce que nous disons aux petits enfant, quil nous faut nourrir du lait de la piété dam le giron de lEglise, et rendre capables de manger à la table du Seigneur. Que dire de semblable au pécheur qui se tient en face de moi, qui se croit ou feint dêtre capable dentendre ce qui est au-dessus de lui? Si je lui parle et quil ne comprenne point, il croira que je suis en défaut, et non pas son intelligence. Cest donc en vue de ce pécheur qui se tient à lencontre de moi, que « jai mis un frein à ma bouche ». 4. Et quen est-il advenu? « Je suis resté muet, dans lhumiliation, et nai dit aucun bien 3 ». Celui qui sest avancé souffre de nouvelles difficultés, dans le degré quil occupe; il tâche de sélever sur un autre, afin déchapper à ces difficultés nouvelles. La crainte de pécher me fermait la bouche et mimposait silence; je métais dit en effet: « Je veillerai sur mes voies, afin de ne point pécher en paroles » ; et, quand la crainte du péché me ferme la bouche, voilà que « je demeure muet, dans lhumiliation, sans dire aucun bien ». Doù vient que je disais le bien, sinon parce que je lentendais? «Vous ferez résonner à mon oreille la joie et lallégresse 4 », a dit David. Et lami de lEpoux se tient près de lui, lécoute, et tressaille dentendre, non sa propre voix, mais celle de lEpoux 5. Afin de dire la vérité, il écoute le
1. Jean, XVI, 1,2. 2. I Cor. III, 1,2. 3. Ps. XXXVIII,3. 4. Id. 1, 10. 5. Jean, III, 29.
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Seigneur. Ils parlent deux-mêmes ceux qui disent le mensonge 1. Notre interlocuteur a donc éprouvé quelque chose de fâcheux, et dans son aveu il nous invite à y prendre garde et à ne point limiter. Car, disions-nous, la crainte excessive déchapper une parole qui ne fût pas bien, lui a fait prendre la résolution de ne dire même aucun bien; et cette résolution de se taire la empêché découter. En effet, si tu as devancé les autres, tu es devant Dieu, écoutant de lui ce que tu dois dire eux hommes: entre Dieu qui est riche, et lhomme qui est pauvre, désirant entendre quelque chose, tu interviens, toi qui devances afin de pouvoir écouter dune part, et parler dautre part: si tu ne veux point parler, tu ne mérites point dentendre ; tu méprises le pauvre et encours le mépris du riche. Tu as donc oublié que tu es le serviteur établi par Dieu sur toute sa famille pour donner la nourriture aux autres serviteurs 2? Pourquoi donc chercher à recevoir ce que tu es paresseux à donner? Il est bien juste que le refus de dire ce que tu avais reçu tempêche de recevoir ce que tu désirais. Tu désirais quelque chose, et déjà tu possédais: donne dabord ce que tu as, afin de mériter ainsi de recevoir encore. Donc, après avoir mis un frein à ma bouche, et mêtre imposé silence, parce quil me paraissait dangereux de parler, il mest arrivé, dit linterlocuteur, ce que je ne voulais point: « Je suis devenu sourd, humilié », non que je me sois humilié ; mais « jai été humilié ». Jai commencé à taire les meilleures choses, dans la crainte den dire de mauvaises; et jai blâmé ma résolution. Jai cessé de dire le bien. « Et ma douleur sest renouvelée ». Le silence avait été pour moi un soulagement dans cette douleur que mavaient infligée mes calomniateurs et mes censeurs, ce que la calomnie mavait fait souffrir sapaisait; mais depuis que je ne dis plus le bien, ma douleur sest renouvelée. Taire ce que je devais dire mest devenu plus douloureux que dire ce que je ne devais pas. « Ma douleur sest renouvelée ». 5. « Un feu sest embrasé dans ma méditation 3 ». Mon coeur a été dans linquiétude. Je voyais les insensés et jen séchais de dépit 4, et dans mon silence jétais dévoré par le zèle de votre maison 5. Jai jeté les yeux sur le
1. Jean, VIII, 44. 2. Matt. XXIV, 45 3. Ps. XXXVIII, 5 4. Id. CXVIII, 158. 5. Id. LVIII, 8.
Seigneur qui me disait: « Méchant et paresseux serviteur, si tu donnais mon argent aux banquiers, à mon retour je le retirerais avec usure ». Et que le Seigneur détourne de ses ministres cette malédiction : « Jetez dans les ténèbres extérieures », pieds et poings liés, ce serviteur sinon dissipateur, du moins négligent à faire valoir 1. Mais, si lon condamne ainsi le paresseux qui a conservé largent du maître, que sera-ce de ceux qui lont dissipé dans la débauche? « Un feu sest embrasé dans ma méditation ». Placé dans cette alternative de parler ou de se taire, en face dauditeurs dont les uns cherchaient à le calomnier, les autres à sinstruire ; sujet dopprobre pour ceux qui sont dans labondance, de mépris pour les orgueilleux 2, et considérant combien sont heureux ceux qui ont faim et soif de la justice 3, nayant de toutes parts que fatigue et quaffliction; craignant de jeter des perles devant les pourceaux, craignant aussi de ne point donner la nourriture aux vrais serviteurs ; dans cette angoisse il cherche un état plus avantageux que ce ministère qui offre à lhomme tant de labeurs et de dangers ; il soupire après cette fin où lhomme naura rien de pareil à souffrir, après cette fin, dis-je, où le Seigneur dira à son fidèle serviteur: « Entre dans la joie de ton Seigneur 4 : Jai parlé, dit-il, en mon langage 5 ». Donc, au milieu de ces angoisses, de ces dangers, de ces difficultés, parce que le bonheur que vous fait goûter la loi de Dieu nempêche pas que la charité de plusieurs se refroidisse 6 ; au milieu de toutes ces peines, « jai parlé », dit le prophète, « en mon langage ». A qui? Non point à un auditeur que je veux instruire, mais à celui que je veux pour maître, et qui mexaucera. « Jai parlé dans mon langage», à celui qui me dit intérieurement tout ce que jentends de bon et de vrai. Quas-tu dit? : « Seigneur, faites-moi connaître ma fin ». Jai déjà devancé bien des objets, je suis arrivé à dautres, et ceux auxquels je suis arrivé sont meilleurs que ceux que jai devancés; mais il men reste beaucoup à dépasser encore. Nous ne demeurerons point toujours en ces lieux où nous devons subir la tentation, les scandales, les auditeurs et les calomniateurs. « Faites-moi donc connaître ma fin » : cette fin qui
1. Matt. XXV, 26, 27, 30. 2. Ps. CXXII, 4. 3. Matt. V, 6. 4. Id. XXV, 21. 5. Ps. XXXVIII, 5. 6. Matt. XXIV, 12.
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me manque, et non la course que jai déjà faite. 6. Il appelle fin ce but que lApôtre dans sa course ne perdait pas de vue, alors quil confessait son imperfection, envisageant en lui-même quelque chose, et cherchant autre chose ailleurs. Car il dit : « Non pas que jaie atteint mon but ou que je sois parfait, mes frères; je ne crois pas avoir atteint mon but 1 ». Et de peur que tu nen viennes à dire : Si lApôtre ne la pas atteint, latteindrai-je, moi? si lApôtre nest point parfait, comment arriver à la perfection ? vois ce quil fait, écoute ce quil dit. Que faites-vous donc, ô Apôtre ? Vous navez pas atteint votre but, vous nêtes point parfait? Que faites-vous donc? A quoi mengagez-vous? Quel modèle me proposez-vous à suivre ou à imiter? « Tout ce que je sais, cest quoubliant ce qui est derrière moi, et mavançant vers ce qui est devant moi, je tends à cette palme de la vocation de Dieu en Jésus Christ 2 » ; je tends à cette palme, dit lApôtre, je ny suis pas encore arrivé, je ne lai point encore saisie. Ne retombons pas au point doù nous nous sommes élancés, ne demeurons pas où déjà nous sommes arrivés. Courons, efforçons-nous, nous sommes dans la voie: sois moins en sûreté pour ce que tu as déjà dépassé, que soucieux pour le but où tu nes pas encore parvenu. « Tout ce qui est en arrière », dit lApôtre, « je loublie pour mélancer en avant, je mefforce darriver à cette palme de la vocation suprême de Dieu en Jésus-Christ ». Cest lui qui est ma fin. Il est une chose, dit lApôtre, et ce point unique le voici : « Seigneur, montrez-nous le Père, et cela nous suffit 3 ». Cest là ce qui faisait dire au Psalmiste : « Jai fait une seule demande au Seigneur, je la revendiquerai. Le voilà qui oublie ce qui est en arrière, pour se jeter dans lavenir. Jai fait une demande au Seigneur, et je la renouvellerai, cest dhabiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie ». Pourquoi? « Afin de contempler la beauté du Seigneur 3? »Cest là que je me réjouirai avec le compagnon de mon bonheur, sans craindre un adversaire: quiconque voudra contempler avec moi sera pour moi un ami et non un calomniateur jaloux. Cest là ce que désirait Idithun; il voulait le savoir dès cette vie, afin
1. Phil. III, 12, 13. 2. Id. 14. 3. Jean, XIV, 9. 4. Ps. XXVI
de comprendre ce qui lui manquait, et ressentir moins de joie de ce quil avait acquis, que de désirs pour ce quil devait acquérir encore; de ne point sarrêter en chemin après avoir franchi quelques degrés, mais de sélancer par de brûlants désirs vers les régions éternelles ; jusquà ce quenfin, après avoir franchi quelques degrés, il parvînt à les franchir tous, et quau lieu de ces quelques gouttes de rosée que laisse tomber sur lui la nuée des saintes Ecritures, il vînt comme un cerf à la source deau vive 1, quil vît la lumière dans la lumière 2, et se dérobât, dans la face de Dieu, au trouble des hommes 3. Cest là quil dira: Il est bon dêtre ici, je ne veux rien de plus, jaime tous ceux qui se trouvent ici, je ny crains personne. Cest là le bon, le saint désir. Soyez heureux avec nous, vous qui le ressentez, et priez pour quil persévère dans notre coeur, et que les scandales ne nous découragent point. Car voilà ce que nous autres demandons pour vous. Eh ! ne croyez pas que nous soyons dignes de prier pour vous, et vous indignes de le faire pour nous. LApôtre se recommandait aux auditeurs auxquels il prêchait la parole de Dieu 4. Priez donc pour nous, mes frères, afin que nous voyions ce quil faut voir, et que nous disions convenablement ce quil faut dire. Du reste, ce désir, je le sais, se trouve chez bien peu, et il ny a pour me bien comprendre que ceux qui ont goûté les choses que je dis. Toutefois nous parlons pour tous, et pour ceux qui ont ce désir et pour ceux qui ne lont point encore; pour ceux qui lont, afin quils soupirent avec nous vers le ciel; pour ceux qui ne lont pas, afin quils secouent leur paresse, quils franchissent les degrés dici-bas, quils arrivent enfin aux délices de la loi du Seigneur, sans demeurer dans les plaisirs des méchants. Il en est beaucoup, en effet, qui ont beaucoup à raconter, beaucoup à sapplaudir ; linjuste vante ses injustices. On trouve à la vérité quelques plaisirs dans liniquité, mais non comme ceux de votre loi 5, ô mon Dieu. Quils parlent donc avec nous, ceux qui croient que nous parlons à Dieu comme David. Cest là une affaire tout intérieure, on nen peut rien dire par les paroles. Mais que celui qui sen occupe, croie quun autre sen occupe aussi. Quil ne simagine
1. Ps. XLI, 2. 2. Id. XXXV, 10. 3. Id. XXX, 21. 4. Colos. IV,3, 5. Ps. CXVIII, 15.
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pas être le seul pour recevoir ce qui vient de Dieu. Que par leur bouche Idithun dise aussi: « Seigneur, faites-moi connaître ma fin ». 7. « Et quel est le nombre de mes jours 1 ?» le cherche ce nombre de jours qui est. Je puis lire et même comprendre un nombre sans nombre, comme il y a des années sans années. Dire années en effet, cest comme dire un nombre; et toutefois : « Vous êtes le même, Seigneur, et vos années ne finiront point 2». Faites-moi donc connaître le nombre de mes années, mais le nombre qui subsiste. Quoi donc? Est-ce que le nombre des années où tu es arrivé nest pas un nombre ? Assurément cest un nombre; et, à le bien considérer, il nen est point: si je my arrête, il paraît être, il nen est point si je le dépasse : si je men dégage pour contempler les choses éternelles, si je compare les choses qui passent avec celles qui demeurent, je vois ce qui est vrai ; mais quy a-t-il plus que nos jours pour avoir plus dapparence que de réalité? Dirai-je que mes jours sont bien des jours? Oui, ces jours, les appellerai-je des jours ; et donnerai-je témérairement un si grand nom à ce qui sécoule avec tant de rapidité ? Je ne suis pas néanmoins si près du néant que joublie celui qui eut: Je suis celui qui suis 3. Y a-t-il donc un nombre pour les jours? Oui, il en est un qui est sans fin. Quant à ceux dà présent, je répondrai quil y a quelque chose, si je retiens assez du jour où tu minterroges pour dire quil existe, ou bien toi-même qui minterroges, retiens le moment où tu parles. Peux-tu le retenir? Si tu as retenu celui dhier, tu retiens celui daujourdhui. Mais le jour filer, me diras-tu, je ne puis le retenir, il ut écoulé: je retiens celui daujourdhui, çest avec moi. Nen as-tu pas déjà perdu qui sest écoulé depuis laube? Car na-t-il pas commencé à la première heure ? Montre-moi la première heure de ce jour ; montre-moi même la seconde. Elle sest envolée, me diras-tu, mais je vous montrerai la troisième, cest peut-être à celle-là que nous en sommes. Donc nous parlons de jours, et dun troisième jour; et si tu me donnes une troisième, ce sera une troisième heure, non un troisième jour. Je ne te laccorderai même pas, pour peu que tu télèves avec moi au-dessus des dates terrestres. Montre-moi en effet cette
1. Ps. XXXVIII, 3. 2. Id. CI, 28. 3. Exod. III, 14.
troisième heure, cette heure dans laquelle tu es actuellement. Car si une partie déjà sen est écoulée, il en reste une autre partie; tu ne saurais me donner ce qui est écoulé, puisquil nexiste plus, ni ce qui en reste, puisquil nest pas encore. Que me donneras-tu donc de cette heure qui sécoule actuellement? Men donneras-tu suffisamment pour hasarder ce seul mot: elle est? Mais ce mot Est 1 na quune syllabe, nest que dun instant, et cette syllabe a trois lettres; or, en la prononçant, tu narrives pas du coup à la seconde lettre, que tu naies fini la première; et la troisième ne résonne quaprès la seconde. Que me donneras-tu donc dans cette unique syllabe ? Et tu retiens des jours, toi qui ne saurais retenir une seule syllabe? Nos instants senvolent et emportent tout, le torrent du monde senfuit: « Ce torrent auquel a bu pour nous dans son chemin celui qui a élevé la tête 2». Ces jours donc ne sont plus: ils sen vont presque avant darriver; et quand ils sont arrivés, ils ne peuvent subsister; ils se touchent, ils se suivent, mais ne se maintiennent point. On ne retranche rien au passé on attend un avenir qui doit passer; on ne la point quil narrive, et quand il arrive on ne le retient point. « Faites-moi connaître le nombre de mes jours », non point ce nombre qui ne subsiste pas, ou plutôt ce qui est étrange et me jette dans un trouble plus dangereux, ce qui est tout à la fois et qui nest pas; car nous ne pouvons pas dire dune chose quelle est, quand elle ne subsiste point, ni que ce qui vient et passe ne soit aucunement. Je cherche lEtre simple, lEtre véritable, je veux lEtre purement, cet Etre qui est dans la Jérusalem épouse de mon Dieu, où il ny a plus ni mort, ni défaillance, ni jour qui passe, mais un jour qui demeure, qui na point eu dhier, qui nest point refoulé par le lendemain. Cest là, Seigneur, « ce nombre de mes jours, qui subsiste, que je demande à connaître ». 8. « Afin que je sache ce qui me fait défaut 3 ». Car cest là ce qui me manque pendant que je travaille ici-bas ; et tant que cela me fera défaut, je ne me dis point parfait et tant que je ne le reçois point, je répète « Non que jaie atteint déjà ou que je sois
1. Dans la prononciation latine, on fait sentir chacune des trois lettres, et cest de cette prononciation quargumente le saint Docteur. 2. Ps. CIX, 7. 3. Id. XXXVIII, 5.
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parfait, mais je poursuis cette palme du suprême appel de Dieu 1 », tel sera le prix de ma course. Cette course doit aboutir à une certaine demeure, et cette demeure sera la patrie qui ne connaît ni lexil, ni la sédition, ni lépreuve. Donc, « faites-moi connaître, Seigneur, le nombre de mes jours, qui subsiste, afin que je sache ce qui me fait défaut»; parce que je ny suis point encore parvenu; afin que je ne menorgueillisse point de ce que jai déjà, et que je sois trouvé en Dieu ayant une justice, mais non celle qui vient de moi. En comparant ce qui est en moi avec tout ce qui ny est point de la même manière, en voyant quil me manque bien plus que je nai, je serai plutôt humilié de ce qui me fait défaut, quenorgueilli de ce que je trouverai en moi. Ceux, en effet, qui croient avoir quelque chose, pendant quils sont en cette vie, se privent par cet orgueil de ce qui leur manque: parce quils regardent comme grand ce qui est de la terre. « Si quelquun simagine être quelque chose, il se trompe lui-même, puisquil nest rien 2 ». Ils ne se grandissent pas pour cela. Lenflure, lorgueil imite la grandeur, mais il na rien de solide. 9. Notre interlocuteur, qui devance les autres, roule en son âme quelque dessein que peut seul comprendre Celui qui a les mêmes pensées; comme si Dieu, exauçant sa prière, lui eût fait connaître sa fin, et fait comprendre le nombre de ses jours , non de ceux qui passent, mais de ceux qui demeurent ; le voilà qui considère ce quil a dépassé, qui le compare avec ce quil connaît de léternité, et comme si on lui demandait: Pourquoi désirer de connaître le nombre de tes jours, qui subsiste? Que penses-tu des jours présents? Du lieu où il sest élevé, il regarde ce qui est ici-bas et sécrie « Voilà que mes jours ont vieilli 3! » Dès lors que ceux-là vieillissent, jen veux de nouveaux, de ceux qui ne vieillissent jamais, afin que je puisse dire : « Ce qui était vieux est passé, « tout est devenu nouveau 4! » Aujourdhui en espérance, bientôt en réalité. Bien que nous soyons renouvelés par la foi et lespérance, combien nous faisons doeuvres du vieil homme! Car nous ne sommes pas tellement revêtus du Christ quil ne nous reste plus rien dAdam. Voyez Adam vieillir et le Christ se
1. Philip.III, 12-14. 2. Gal. VI, 3. 3. Ps. XXXVIII, 6. 4. II Cor. V,17.
renouveler en nous : « Quoique lhomme extérieur se détruise en nous», dit lApôtre, « lhomme intérieur se renouvelle de jour en jour 1 ». Donc nous ne sommes point à demeure, ni pour le péché, ni pour la mortalité, ni pour le temps qui senfuit, ni pour les gémissements, le travail et les sueurs, ni pour ces âges qui se succèdent, nous passons insensiblement de lenfance à la vieillesse, et en face de tout cela voyons ici le vieil homme, les vieux jours, le vieux cantique, le vieux Testament : mais considérons lhomme intérieur, et au lieu de ce qui change, voyons ce quil faut renouveler, nous trouverons alors lhomme nouveau, le jour nouveau, le nouveau cantique, le nouveau Testament: attachons-nous à ce qui est nouveau, de manière à ne point craindre ce qui a vieilli. Donc, en notre course en cette vie, nous passons de ce qui a vieilli à ce qui est nouveau ; et ce passage seffectue pendant que lhomme extérieur se détériore, que lhomme intérieur se renouvelle ; jusquà ce que le corps qui se corrompt extérieurement, payant tribut à h nature, arrive à la mort et se renouvelle dans la résurrection. Cest alors que se renouvellera en réalité ce qui se fait ici-bas ers espérance. Tu fais donc une oeuvre, maintenant, en te dépouillant de ce qui a vieilli pour courir à ce qui est nouveau. Mais Idithun, courant à ce qui est nouveau, et sélançant vers ce qui était devant lui, sécriait : « Seigneur, faites-moi connaître ma fin et le nombre de mes jours, qui subsiste réellement, afin que je sache ce qui me fait défaut». Il traîne après lui le vieil Adam , et se hâte darriver au Christ. « Voilà», dit-il, « que mes jours ont vieilli ». Ces jours qui me viennent dAdam, vous les faites vieux; ils vieillissent chaque jour, ils vieillissent au point de finir entièrement. « Et tout mon être sera devant vous comme rien ». Oui, devant vous, Seigneur, tout mon être sera comme le néant, devant vous qui voyez tout cela ; et moi, si je le vois, ce nest que devant vous, et non devant les hommes. Que dirai-je? Quelles paroles employer pour montrer que mon être nest rien en comparaison de Celui qui est? Mais cest à lintérieur que cela se dit, comme cest à lintérieur que cela se fait sentir. Cest « devant vous », Seigneur, cest-à-dire où se fixent vos yeux et non les yeux des hommes.
1. II Cor. IV, 16.
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Mais que voient vos yeux? « Que mon être nest rien devant vous » 10. « En vérité, tout homme vivant sur la terre nest que vanité 1». «En vérité», dit le Prophète, de quoi parlait-il alors? Voilà que jai passé en revue tout ce qui est périssable, jai méprisé tout ce qui est ignoble, jai foulé aux pieds ce qui est terrestre, je me suis élevé jusquaux délices de la loi du Seigneur, jai supputé avec hésitation le nombre des jours du Seigneur, jai désiré cette fin qui na point de fin, jai demandé pour mes jours un nombre qui subsiste, parce que le nombre des jours dici-bas nest rien en vérité; me voilà donc aujourdhui, élevant mes désirs bien au-dessus de tout cela, si jaspire après les choses qui demeurent : « En vérité », quel que soit mon état ici-bas, tant que je suis en ce monde, tant que je porte une chair mortelle, tant que la vie de lhomme sur la terre est une épreuve 2, tant que je gémis au milieu des scandales, tant que moi qui suis debout, jai à craindre la chute, tant que je suis dans lincertitude et de mes maux et de mes liens, « tout nest que vanité chez lhomme qui vit ici-bas » . « Tout homme », dis-je, et lhomme en retard, et lhomme qui devance les autres, et Idithun lui-même, est tributaire de la vanité : car imité des vanités, tout est vanité; qua de plus lhomme de tout le labeur qui le consume sous le soleil 3? Mais Idithun est-il donc sous le soleil encore? Dune part, il est sous le soleil, dautre part, il est bien supérieur au soleil. Il est sous le soleil alors quil veille, quil dort, quil mange, quil boit, quil a faim, quil a soif, quil a de la vigueur, quil ressent la fatigue, quil redevient enfant, quil rajeunit, quil vieillit, quil est dans lincertitude au sujet de ses désirs et de ses craintes; en tout cela Idithun est sous le soleil, bien quil devance les autres. En quoi donc les devance-t-il? Par ce désir: « Seigneur, faites-moi connaître ma fin 4 ». Cest là un désir supérieur, qui domine tout ce qui est sous le soleil. Les choses visibles sont sous le soleil nais tout ce qui est invisible nest pas sous le soleil. La toi ne se voit point, lespérance ne se soit point, la charité ne se voit point, la bonté ne se voit point; enfin on ne voit point cette crainte chaste qui demeure dans les siècles siècles 5. Idithun trouvant en cela sa joie
1. Ps. XXXVIII, 6. 2. Job, VII, 1. 3. Eccle. 1,2,3. 4. Ps. XXXVIII, 5 5. Id. XVIII, 10.
et sa consolation, et sélançant au-delà du soleil, parce que sa conversation est dans le ciel, gémit de tout ce quil a sous le soleil il méprise tout cela et sen afflige, et aspire avec amour à tout ce qui est du ciel. Il a parlé des choses den haut, laissons-le parler des choses den bas. Vous avez entendu ce quil faut désirer, écoutez ce qui est a mépriser « En vérité, tout homme vivant est vanité ». 11. « Quoique lhomme passe dans limage 1 ». Dans quelle image, sinon de celui qui a dit: « Faisons lhomme à notre image et à notre ressemblance 2 ? » « Quoique lhomme passe dans limage ». Il dit ici « quoique», parce que cette image est quelque chose de grand. Et après ce « quoique » vient un « cependant »; et de la sorte « quoique » marquera ce qui est au-delà du soleil, et « cependant » désignera ce qui est sous le soleil ; lun a rapport à la vérité, lautre à la vanité. « Quoique lhomme passe dans limage, toutefois un rien le trouble ». Ecoute son trouble et vois si ce nest pas une futilité, afin de la fouler aux pieds, de la laisser en arrière, et de te réfugier dans les cieux, où il ny a plus de vanité. Quelle est cette vanité? « Lhomme amasse des trésors et ne sait pour qui ». O folie de la vanité ! «Bienheureux celui qui a mis son espérance dans son Dieu, qui ne sest point arrêté aux vanités et aux folies du mensonge 3 ». O avare, tu prends mes paroles pour du délire; mon langage à tes yeux ressemble aux contes de vieilles femmes. Car toi, dans les profondeurs de ton esprit, dans ta rare prudence, tu imagines chaque jour des moyens dacquérir de largent par le négoce, par lagriculture, souvent peut-être par léloquence, par la jurisprudence, par la milice, et même par lusure. En homme judicieux, tu nomets rien, absolument rien, pour entasser argent sur argent et Je resserrer avec soin dans lombre. Tu sais voler un homme et éviter le voleur; tu crains pour toi ce que tu fais aux autres, et ce que lon te fait ne te corrige pas. Mais on ne te fait rien, jy consens; tu es un homme prudent; non-seulement tu sais amasser, mais tu sais conserver : tu sais où il faut placer, à qui tu dois prêter, afin de ne rien perdre de ce que tu as amassé. Jinterroge donc ton coeur, je fais appel à ta prudence: voilà que tu as amassé, et que tu as si bien
1. Ps. XXXVIII, 7. 2. Gen. I, 26. 3. Ps. XXXIX, 5.
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conservé que tu nas rien perdu; mais, dis-moi, pour qui conserves-tu? Je ne veux point discuter avec toi, je ne rappelle rien, je nexagère aucunement le mal que peut causer la vanité de ton avarice; je nen propose quun seul, je ne discuterai que ce point, dont la lecture du Psaume nous offre loccasion. Tu amasses donc, tu thésaurises; je ne te dirai point: Lorsque tu amasses, ne peut-on pas ramasser à tes dépens? Je ne dirai point: Quand tu veux ravir ta proie, nes-tu pas la proie dun autre? Je parlerai plus clairement; car, aveuglé par ton avarice, tu nas ni entendu ni compris; je ne dirai donc pas: Prends garde quen faisant ta proie dun plus faible, tu ne deviennes la proie dun plus fort. Car tu ne sais pas que tu es dans la mer, et tu ne vois pas que les gros poissons dévorent les plus petits. Je passe donc tout cela sous silence ; je ne parle point des difficultés, des dangers que lon rencontre en amassant de largent, de ce que souffrent ceux qui amassent, des périls qui les environnent, de la mort qui les menace presque partout, je passe tout cela sous silence. Tu amasses donc sans aucune résistance, tu conserves, sans quon te prenne rien: réveille ton coeur et cette rare prudence qui me tourne en dérision, qui ne voit que folie dans mes paroles; et dis-moi: Tu thésaurises, et pour qui ces richesses? Je vois bien ce que tu voudrais me répondre, comme si la réponse que tu veux me faire avait échappé au Psalmiste; tu me diras : Je conserve pour mes enfants. Cest la réponse du dévouement qui sert dexcuse à liniquité : je conserve, dis-tu, pour mes enfants. Oui, cest pour tes enfants ; mais Idithun lignorait-il? Il le savait fort bien, mais il comptait cela parmi les jours anciens, et ny opposait que le mépris, parce quil courait vers les jours nouveaux. 12. Car enfin je vais te mettre en cause avec tes enfants. Tu passeras, et tu amasses pour ceux qui passeront, ou plutôt, tu passes, et ils passent aussi. Car jai dit: Tu passeras, comme si maintenant tu étais stable. Aujourdhui même, depuis le commencement de mon discours jusquà présent, sais-tu que nous avons vieilli? Tu ne remarques pas linsensible accroissement de tes cheveux ; et maintenant que tu es debout ici, occupé de quelque affaire, lorsque tu parles, les cheveux croissent sur ta tête : car ce nest pas un accroissement subit qui ta fait chercher le perruquier. Le temps sécoule donc toujours avec rapidité, soit quon sen aperçoive, soit quon ny prenne pas garde, soit quon soccupe malencontreusement dautre chose. Tu passes donc, et tu conserves pour ton fils qui passe. Je te demanderai tout dabord : Es-tu bien assuré quil possédera ce que tu lui as gardé ? Sil nest point encore né, es-tu certain quil naîtra? Tu conserves donc pour tes enfants, et tu ne sais ni sils naîtront, ni sils posséderont : et tu ne mets pas ton argent où tu devrais le mettre. Car ton Seigneur ne donne. rait pas à son serviteur le conseil de perdre son argent. Tu es le riche serviteur dun père de famille de distinction. Cest lui qui ta donné ce que tu aimes, ce que tu possèdes, et il ne veut point que tu perdes ce quil te donne, lui qui doit se donner à toi. Mais, dis-je, il ne veut pas même que tu perdes ce quil ta donné pour un temps. Tu as de grands biens, des biens en abondance, qui dépassent de beaucoup tes nécessités : cest là un superflu ; même en ce cas, je ne veux pas que tu en perdes quelque peu, dit le Seigneur ton Dieu. Et que ferai-je? Change-les de place, celle où tu les a mis nest pas sûre. Assurément tu veux être lesclave de ton avarice : mais vois que mon conseil peut bien être daccord avec cette avarice même. Tu veux en effet posséder ce que tu as, et non le perdre:je te montre le lieu où tu dois le placer. Namasse point sur la terre, où tu ne sais pour qui tu amasses des richesses, ni quel usage ensuite en fera celui qui les possédera, et en sera le maître. Peut-être est-ce un homme ruiné qui les possédera, et qui ne pourra tenir ce que tu lui auras laissé. Peut-être les perdras-tu avant larrivée de celui pour qui tu les conserves. Contre toute sollicitude, voici le conseil que je te donne : « Amassez-vous des trésors dans le ciel 1». Si tu voulais conserver des richesses ici-bas, tu chercherais quelque coin dans ton grenier; peut-être dans ta maison craindrais-tu tes domestiques, et confierais-tu ton trésor à quelque banquier : car chez lui un accident nest pas facile, on ny redoute point le voleur, tout y est bien gardé. Pourquoi ces pensées dans ton âme, sinon parce que tu nas pas de meilleur endroit pour conserver tes richesses ? Mais si je ten indiquais un autre ? Je te dirai donc: Ne va pas
1. Matt. VI, 20.
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confier ton argent à ce banquier peu solvable, mais il en est un plus sûr, donne-le-lui : il a de vastes greniers où tes richesses ne se peuvent détériorer; il est plus riche que tous les riches. Mais, me répondras-tu, comment oser madresser à un tel homme? Et si lui-même ty engage? Eh bien ! reconnais-le enfin ; il nest pas seulement un père de famille, nais il est encore ton maître. Je ne veux pas, dit-il, ô mon serviteur, que tu perdes ton argent, mais voici où tu dois le placer : pourquoi le mettre où tu pourrais le perdre, et si tu ne ly perds, où tu ne peux toi-même demeurer toujours? Il est un autre lieu où je dois tappeler; que ton bien ty précède ; ne crains pas de le perdre. Cest moi qui te lai donné, cest moi qui en serai le gardien. Voilà ce que te dit ton Seigneur: interroge ta foi, et vois si tu veux croire en lui. Tu me diras peut-être: Je regarde comme perdu ce que je ne vois pas; cest ici que je veux voir tout cela. Mais en voulant le voir ici-bas, dabord tu ne ly verras point, et tu nauras rien là- haut. Tu as dans la terre je ne sais quels trésors cachés, et en marchant tu ne les portes pas avec toi. Tu viens entendre un sermon, pour amasser des richesses intérieures, et tu loccupes des extérieures; les as-tu donc apportées ici avec toi ? Tu ne les vois pas même à présent. Tu crois les avoir chez toi, parce que tu sais que tu les y a déposées; sais-tu si tu ne les as pas perdues? Combien sont rentrés chez eux sans y retrouver ce quils y avaient entassé ! Voilà peut-être que la crainte saisit les coeurs des avares, et parce que jai dit que beaucoup navaient souvent point retrouvé en rentrant chez eux ce quils y avaient laissé, chacun sest dit dans son âme : A Dieu ne plaise ! ô Evêque, souhaitez-nous mieux, priez pour nous; Dieu nous en garde ; à Dieu ne plaise quil en soit ainsi; je crois que Dieu me fera trouver chez moi ce que jy ai laissé. Tu crois en Dieu, dis-tu, mais ne crois-tu pas aussi à Dieu ? Je crois, en Jésus-Christ, que je retrouverai en sûreté chez moi ce que jy ai laissé, que nul nen approchera, que nul ne lenlèvera. Tu veux avoir dans ta foi en Jésus-Christ une garantie contre les pertes de ta maison; mais cette foi au Christ sera une garantie plus sûre encore, si tu mets tes richesses où il te conseille. Auras-tu donc de la confiance en ton serviteur et des doutes pour ton maître, de la confiance pour ta demeure, des doutes pour le ciel? Mais, diras-tu, comment placer mon argent dans le ciel? Je tai donné ce conseil, place-le où je te dis. Comment arrivera-t-il au ciel, je ne veux point que tu le saches. Place-le entre les mains des pauvres, donne-le aux- indigents, que timporte la manière dont il parvienne au ciel? Moi qui le reçois, ne saurai-je pas ly envoyer? As-tu donc oublié cette parole : « Ce que vous avez fait au moindre des miens, cest à moi que vous lavez fait 1 ? » Voilà quelquun de tes amis qui a des souterrains, des citernes; et quand tu cherches des vaisseaux pour y conserver des liquides, soit du vin, soit de lhuile, et remiser ainsi tes récoltes pour les conserver, sil venait te dire: Je te les conserverai; mais sil avait des canaux dérobés, des conduits, par lesquels sépancherait secrètement ce que tu verserais à découvert, et quau moment où il dit: Verse là ce que tu as, tu visses bien que tel nest pas lendroit où tu croyais verser, tu hésiterais alors dépancher tes liquides. Mais lui qui connaît les secrètes ouvertures quil a ménagées dans ses citernes, ne te dirait-il pas: Verse sans crainte, cela passera dans la citerne; tu ne vois pas comment, mais compte sur moi qui ai fait ces routes? Or, celui qui a fait toutes choses, nous a fait à tous des demeures : il veut que nous y fassions passer nos richesses, de peur que nous ne les perdions en terre. Mais quand tu les auras conservées sur cette terre, dis-moi, pour qui les amasses-tu? Tu as des enfants; comptes-en un de plus et donne une part au Christ. « Il thésaurise et ne sait pour qui sont ses trésors, il se trouble en vain ». 13. « Et maintenant ». Puisquil en est ainsi, sécrie Idithun, qui considère certaines vanités, qui aperçoit certaines vérités, qui se trouve placé entre ce qui est au-dessus de lui et ce qui est au-dessous; car il a au-dessous de lui ce quil a devancé, et au dessus les objets où tendent ses efforts. « Et maintenant », sécrie-t-il, que jai beaucoup laissé, que jai foulé aux pieds tant dobjets, que les choses du temps ne sont rien pour moi, je ne suis point encore parfait, je nai rien reçu encore. « Cest par lespérance, en effet, que nous sommes sauvés. Or, lespérance que lon voit nest plus lespérance; car, comment espérer ce que lon voit? Mais si nous espérons
1. Matt. XXV, 40.
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ce que nous ne voyons pas, nous lattendons par la patience 1 ». Et maintenant quelle peut donc être mon espérance?» Nest-ce « point le Seigneur? » Celui-là est mon attente, qui ma donné tous les biens que je méprise; et lui, qui est au-dessus de tout, doit se donner à moi, lui par qui tout a été fait, qui ma fait parmi tant de merveilles, cest le Seigneur qui est mon attente. Vous voyez Idithun, mes frères, vous voyez comme il espère. Que nul homme ici-bas ne se dise donc parfait; le croire, ce serait de lerreur, de lillusion, de la séduction : nul ne peut être parfait en cette vie. De quoi lui servirait cette pensée qui lui ferait perdre lhumilité? « Et maintenant, quelle est mon espérance, sinon le Seigneur? » Quand il sera venu, on ne lattendra plus; alors viendra la perfection. Quelque progrès quait fait Idithun, il attend toujours. « Tout mon être est toujours sous vos yeux». Idithun sélance, il marche vers Dieu, il commence à être quelque peu. « Toute ma substance est devant vous ». Mais cette substance est aussi devant les hommes. Tu as de lor, tu as de largent, des esclaves, des terres, des arbres, des troupeaux, des serviteurs; tout cela peut être vu des hommes; mais il y a une substance qui est toujours devant toi: « Et ma substance est toujours sous vos yeux ». 14. « Délivrez-moi de toutes mes iniquités 2 ». Il est vrai que jai dépassé beaucoup de choses, que jen ai beaucoup foulé aux pieds. « Mais dire que nous navons plus de péchés, cest nous tromper nous-mêmes et navoir pas en nous la vérité 3 ». Jai surpassé bien des choses, et néanmoins je frappe ma poitrine, en disant: « Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons à ceux qui nous doivent 4 ». Cest donc vous, Seigneur, qui êtes mon espérance, vous qui êtes ma fin. « Car le Christ est la fin de la loi pour justifier ceux qui croient 5 ». Délivrez-moi donc de ces fautes que jai laissées en arrière, afin que je ny retombe plus, mais absolument de toutes celles qui me font dire en frappant ma poitrine : « Remettez-nous nos dettes » . « Délivrez-moi de toutes mes iniquités », parce que je sens et tiens pour vraie cette parole de lApôtre: « Quelle que soit notre perfection, soyons dans ce sentiment ».
1. Rom. VIII, 24, 25. 2. Ps. XXXVIII, 9. 3. I Jean, I, 8. 4. Matt. VI, 12 5. Rom. X, 4.
Après avoir dit quil nétait point encore parfait, il ajoute aussitôt; « Quelle que soit notre perfection, soyons dans ce sentiment ». Quest-ce à dire : « Quelle que soit notre perfection ? » Déjà, Paul, vous aviez dit: « Non que jaie atteint mon but ou que je sois parfait». Suivons lordre des paroles: «Tout ce que je sais, cest que, oubliant ce qui est derrière moi, et mavançant vers ce qui est devant moi, je mefforce datteindre le but et de cueillir la palme à laquelle Dieu mappelle den haut par Jésus-Christ ». Il nest donc point encore parfait, puisquil poursuit cette palme de la suprême vocation de Dieu, quil na pas encore cueillie, quil na pas encore atteinte. Sil nest point encore parfait, parce quil est encore en arrière, qui de nous est parfait? Et néanmoins il ajoute aussitôt : « Quelle que soit notre perfection, ayons ces sentiments ». Quoi donc, ô Apôtre, vous nêtes point parfait et nous le serions? Avez-vous donc oublié, mes frères, que tout à lheure il sest dit parfait? Car il na pas dit: « Vous qui êtes parfaits, soyez dans ce sentiment » ; mais bien : « Nous qui sommes parfaits, ayons ce sentiment » ; lui qui avait dit un peu avant : « Non que jaie atteint le but et que je sois parfait ». Car tu ne peux être parfait ici-bas quà la condition de savoir que tu ne peux y être parfait. Ta perfection consiste donc à élever ton vol au-dessus de certains biens, pour en suivre dautres; à ne devancer les uns que pour voir celui qui reste à saisir, après avoir dépassé tous les autres. Telle est la foi certaine. Quiconque pense avoir atteint déjà le but, ne sélève quafin de tomber. 15. Parce que tel est mon sentiment; parce que je me dis tout à la fois imparfait et parfait : imparfait, puisque je nai point reçu lobjet de mes désirs; parfait, puisque je comprends ce qui me manque; parce quil y a dans mes sentiments du mépris pour les choses humaines, que je ne mets point ma joie dans les choses périssables, que je suis la dérision de lavare qui vante sa sagesse, et maccuse de folie, que telle est ma conduite et que je suis cette voie; « voilà », dit le Prophète, « que vous mavez rendu lopprobre des insensés ». Vous mavez condamné à vivre, condamné à prêcher au milieu des insensés; je ne puis être pour eux quun sujet
1. Philipp. III, 12-15.
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de dérision. Car nous sommes en spectacle immonde, aux anges et aux hommes 1; aux anges qui nous bénissent; aux hommes qui nous méprisent, ou plutôt aux anges qui nous bénissent et qui nous blâment, comme aux hommes qui nous blâment et qui nous bénissent tour à tour. A droite et à gauche, nous avons des armes avec lesquelles nous combattons dans lhonneur et lignominie, par la bonne et par la mauvaise renommée, comme des séducteurs, quoique sincères 2. Ce sont les anges, ce sont les hommes qui pensent ainsi; parmi les anges, en effet, il en est de saints auxquels nos bonnes oeuvres sont agréables; il est aussi des anges prévaricateurs, auxquels déplaît une vie sainte; et parmi les hommes, il en est de saints qui applaudissent à notre vie; comme il en est de très-méchants qui la tournent en dérision. Ce sont là des armes dune part, et des armes dautre part; les unes à droite, les autres à gauche; et toutes sont néanmoins des armes; je me sers de toutes ces armes, et de celles de droite et de celles de gauche, et de ceux qui me louent et de ceux qui me blâment, et de ceux qui mhonorent, et de ceux qui me navrent dignominie. Avec ces deux sortes darmes, je livre un combat au diable, je le frappe des unes et des autres: dans la prospérité, si je ne me laisse point corrompre, et dans ladversité, si je ne me laisse point abattre. 16. « Vous mavez rendu lopprobre de linsensé. Je suis devenu sourd et nai point ouvert ma bouche 3 ». Mais vis-à-vis de linsensé « jai été sourd et nai point ouvert ma bouche ». A qui dirais-je ce qui se passe en moi? Jécouterai ce que le Seigneur Dieu dira en moi, car il dira des paroles de paix pour son peuple 4 ; mais « il ny a point de paix pour limpie », dit le Seigneur. « Je suis devenu sourd et nai point ouvert ma bouche. Car cest vous qui mavez fait ». Cest donc parce que cest Dieu qui ta fait que tu nas pas ouvert la bouche? Cest étonnant. Car le Seigneur na-t-il pas formé ta bouche pour la parole? « Celui qui a planté loreille nentend-il point? Celui qui a fait loeil ne voit-il point 5? » Le Seigneur ta donné une bouche pour parler, et tu dis : « Je suis devenu sourd et nai point ouvert ma bouche : parce
1. I Cor. IV, 9. 2. II Cor. VI, 7, 8. 3. Ps. XXXVIII, 10. 4. Id. Ps, LXXXIV, 9 . 5. Isa. XLVIII, 22. 6. Ps. XCIII, 9.
que cest vous qui mavez fait 1? » ou bien: « Parce que cest vous qui mavez fait », appartiendrait-il au verset suivant? « Parce que cest vous qui mavez fait, détournez de moi vos vengeances 2 ». Parce que cest vous qui mavez fait, ne manéantissez point: ne me frappez que pour me faire avancer, non pour me faire succomber. Frappez-moi seulement pour métendre, non pour me réduire. « Parce que cest vous qui mavez fait, détournez de moi vos châtiments ». 17. « Jai succombé sous le poids de votre main, quand vous mavez corrigé ». Cest-à-dire , jai succombé sous le châtiment. Et toutefois, quest-ce que le châtiment de votre part, sinon ce qui suit: « Vous avez corrigé lhomme à cause de sa faute, vous avez fait sécher mon âme comme laraignée? » Cest là, chez Idithun, une haute pensée; si lon peut suivre cette pensée, sélever à cette hauteur. Il dit quil a succombé sous les châtiments du Seigneur; il demande que ces châtiments séloignent de lui, et le demande au Dieu qui la fait. Que celui qui la fait le refasse; que celui qui la créé, le crée de nouveau. Toutefois, mes frères, pouvons-nous croire que ce soit sans raison quil a succombé, au point de vouloir une création nouvelle, une seconde formation? « Cest pour son iniquité », dit-il, « que vous avez châtié lhomme ». Si jai succombé, cest simplement parce que je suis infirme; si je crie du fond de labîme, cest simplement à cause de liniquité; aussi mavez-vous châtié, non pas condamné : « Vous avez corrigé lhomme à cause de son iniquité ». Ecoute cela plus clairement dans un autre psaume : « Il est bon pour moi que vous mayez humilié, afin que japprenne à devenir juste devant vous 2 ». Jai été humilié, mais cest mon bien; cest un châtiment, mais aussi une grâce. Que peut donc me réserver après le châtiment celui qui fait du châtiment une grâce? car cest de lui quil est dit « Jai été humilié, et cétait mon salut 3»; et : « Il mest bon que vous mayez humilié, afin que japprenne à devenir juste. Vous avez châtié lhomme à cause de liniquité ». Et ce qui est écrit ailleurs : « Vous attachez la douleur à vos commandements », na pu être dit à Dieu que par lhomme qui
1. Ps. XXXVIII, 11. 2. Id. 12. 3. Id. CXVIII, 71. 4. CXIV, 6. 5. Id. CXIII, 20.
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progresse, parce que lui seul a pu lapercevoir. « Vous attachez », dit-il, « la douleur à vos préceptes », vous me faites de la douleur un précepte. Cest vous qui formez cette douleur que jendure, vous ne la laissez point inachevée, mais vous la formez : et cette douleur que vous avez formée pour me linfliger, me devenait un précepte, afin que je fusse délivré par vous. Vous formez la douleur, fingis, est-il dit; vous la façonnez, et non, vous la simulez: ainsi façonne lartiste; ainsi le potier tire son nom de la poterie quil façonne. « Cest donc à cause de liniquité que vous avez châtié lhomme ». Je me vois dans les peines, je me vois dans laffliction, et je ne vois en vous aucune injustice. Donc, si je suis dans la peine et quil ny ait aucune injustice en vous, nen faut-il pas conclure que vous châtiez lhomme à cause de liniquité? 18. Et comment « lavez-vous châtié » ou instruit? Dis-nous cette leçon, ô Idithun comment Dieu ta-t-il instruit? « Et vous avez fait dessécher mon âme comme laraignée1». Telle est la leçon. Quoi de plus desséché que laraignée ? Je parle de lanimal. On pourrait dire aussi: Quoi de plus frêle que la toile de laraignée ? Pressez-la légèrement du doigt, tout se brise; rien, absolument rien nest plus frêle. Cest létat où vous avez réduit mon âme en me châtiant à cause de liniquité. Quand le châtiment rend faible, cest que la force a du vice. Je vois que quelques-uns dentre vous ont pris les devants et ont compris; mais ceux dont la course est agile ne doivent pas abandonner ceux qui sont tardifs, afin que tous suivent le chemin de lEvangile. Voici donc ce que jai dit et ce quil faut comprendre : Si la juste leçon de Dieu a réduit à cette infirmité, il y avait donc du vicieux dans la force. Lhomme a déployé ses forces pour déplaire à Dieu, qui len a châtié par la faiblesse ; car il a déplu par un orgueil qua dû rabattre lhumilité. Tous les orgueilleux vantent leurs forces. Cest pourquoi beaucoup sont venus de lOrient et de lOccident, et ont remporté la victoire, afin de reposer avec Abraham, et Isaac, et Jacob, dans le royaume des cieux. Pourquoi ont-ils vaincu ? Parce quils nont pas voulu être forts. Quest-ce à dire, quils nont pas voulu être forts? Ils ont craint de trop présumer deux-mêmes, ils nont point établi leur
1. Ps. XXXVIII, 12,
propre justice et se sont soumis à la justice de Dieu 1. Enfin, quand le Seigneur dit : « Beaucoup viendront de lOrient et reposeront avec Abraham, et Isaac, et Jacob, dans le royaume des cieux; mais les enfants du royaume 2 », cest-à-dire les Juifs qui ignorent la justice de Dieu et qui veulent établir leur propre justice, « iront dans les ténèbres extérieures »; rappelez-vous la foi de ce centenier, de cet homme de la gentilité, si faible en lui-même, si peu fort, quil disait: « Je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison ». Il ne se croyait pas digne de recevoir le Christ dans sa maison, lui qui lavait déjà reçu dans son coeur. Car le maître de lhumanité, le Fils de lhomme, avait trouvé dans son coeur où reposer sa tête 3. Le Seigneur, prenant en considération la parole du centenier, dit à ceux qui le suivaient: « En vérité, je vous le déclare, je nai pas trouvé une si grande foi en Israël 4 ». Il trouva ce centenier faible et les Israélites forts, et se prononça ainsi entre eux : « Le médecin nest pas nécessaire à ceux qui se portent bien, mais à ceux qui se portent mal 5». Et pour cela, cest-à-dire à cause de cette humilité, « beaucoup viendront de lOrient et de lOccident, et reposeront avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux; mais les enfants du royaume iront dans les ténèbres extérieures». Vous voilà mortels, portant une chair corruptible, et vous tomberez comme lun des princes. « Vous mourrez comme les hommes 6 », vous tomberez comme le diable. De quel remède est pour vous lassujettissement à la mort? Le diable est superbe, comme lange qui na point une chair mortelle ; mais toi, qui es revêtu dune chair mortelle, et à qui ne profite pas une semblable humiliation , tu tomberas comme lun des princes. Le premier bienfait de la grâce de Dieu est donc de nous amener à confesser notre infirmité, afin que nous lui rapportions tout ce que nous avons de bonté et de puissance « Afin que celui qui se glorifie, se glorifie en Dieu 7. Quand je suis faible», dit saint Paul, «cest alors que je suis fort 8.Vous avez donné à lhomme une leçon à cause de liniquité ; et vous avez fait dessécher mon âme comme laraignée ».
1. Rom. X, 3. 2. Matt. VIII, 8-12. 3. Luc, IX, 58. 4. Matt. VIII, 10. 5. Id. 11 12. 6. Ps. LXXXI, 7. 7. I Cor. I, 31. 8. II Cor. XII, 10.
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19. « Mais cest en vain que lhomme se trouble en cette vie 1 ». Il en revient à ce quil a dit un peu plus haut : quel que soit le progrès de lhomme, il se trouble vainement en cette vie, puisquil est dans lincertitude. Qui peut être assuré même de son propre bien? « Cest en vain quil se trouble ». Quil jette ses anxiétés au sein de Dieu 2, quil y jette ses inquiétudes, que ce soit Dieu qui le nourrisse et qui le garde. Quy a-t-il ici-bas de certain, sinon la mort? Considérez tous les liens ou tous les maux de cette vie, dans la justice ou même dans linjustice, quy a-t-il ici-bas de certain, sinon la mort ? Tu avances dans la vertu: tu sais ce que tu es aujourdhui; mais tu ne sais ce que tu seras demain. Tu es pécheur: tu sais ce que tu es aujourdhui; tu ne sais ce que tu seras demain. Tu espères de largent, tu ne sais sil arrivera. Tu espères une épouse, tu ne sais si tu lobtiendras, ni celle que tu auras. Tu espères des enfants, tu ne sais sil ten naîtra; sont-ils nés, tu ne sais sils vivront; vivent-ils, tu ne sais si la santé les favorisera ou leur fera défaut. Tourne-toi de toutes parts, tu ne vois quincertitude : la mort seule est certaine. Tu es pauvre, il nest pas certain que tu deviennes riche; tu es ignorant, il nest pas certain que tu deviennes savant ; tu es malade, il nest pas certain que tu guérisses. Tu es né, il est certain que tu mourras; et en cela même la mort est certaine, le jour de la mort est incertain. Dans toutes ces incertitudes, il ny a que la mort qui soit certaine; encore son heure est-elle incertaine, et il ny a que la mort que lon cherche à éviter, bien quelle soit inévitable. « Tout homme vivant est vainement troublé ». 20. Bien au-dessus de toutes ces frivolités, touchant déjà aux biens supérieurs, foulant aux pieds les choses terrestres auxquelles néanmoins il serait réduit, « Seigneur», sécrie Idithun, « exaucez ma prière 3 ». De quoi me faut-il me réjouir, de quoi gémir? Je me réjouis de ce qui est déjà passé, je gémis de ce qui me reste encore. « Exaucez ma prière et mes supplications, prêtez loreille à mes sanglots. » Est-ce à dire quaprès mêtre lancé de la sorte, et avoir franchi tant dobstacles, je nai plus rien à pleurer? Nai-je pas à pleurer davantage? « Car, multiplier la science, cest multiplier la
1. Ps. XXXVIII, 12. 2. Id. LIV, 23. 3. Id. XXXVIII, 13.
douleur 1» Nest-il pas vrai que, plus je désire ce que je nai point encore, plus je gémis jusquà ce quil arrive, plus je répands de larmes jusquà ce que jen jouisse ? Nest-il pas vrai que plus les scandales se multiplient, que plus abonde liniquité, que plus la charité se refroidit, et plus je dis: « Qui donnera de leau à ma tête, et à mes yeux une source de larmes 2 ? Exaucez ma prière et mes supplications; prêtez loreille à la voix de mes sanglots ». Ne restez point muet éternellement. « Ne vous taisez pas devant moi » ; je vous écouterai. Car le Seigneur a un langage secret ; il parle au coeur de beaucoup et dans ce silence du coeur un grand bruit se fait entendre, quand le Seigneur dit à haute voix: « Cest moi qui suis ton salut. Dites à mon âme: Cest moi qui suis ton salut 3 ». En disant : « Ne vous taisez point devant moi », il demande au Seigneur que cette voix qui lui dit : « Je suis ton salut », ne se taise jamais dans son coeur. 21. « Car je suis un étranger devant vous 4 ». Moi étranger, chez qui? Quand jétais chez le diable, jétais étranger, mais javais un détestable maître dhôtel; maintenant je suis déjà chez vous, mais encore étranger. Comment suis-je étranger? Oui, étranger pour lendroit doù je dois émigrer encore, et non pour celui où je dois demeurer éternellement. Que lon appelle ma demeure lendroit où je serai éternellement; mais quand je dois émigrer, je suis étranger ; et pourtant je suis étranger chez Dieu, quoique je doive y avoir une demeure pour toujours. Mais quelle est cette maison où je dois aller en quittant ce lieu de passage? Reconnaissez donc la demeure splendide dont saint Paul a dit: « Dieu nous donnera une habitation, une maison que lhomme na point faite , une demeure éternelle dans les cieux 5». Mais, si cette maison du ciel est éternelle, une fois que nous y serons arrivés, nous ne serons plus étrangers. Comment serais-tu étranger dans une demeure éternelle? Ici-bas, toutefois, où le maître de la maison doit te dire : Va, sans savoir quand le dira-t-il, sois toujours prêt. Or, tu seras prêt, si tu désires la demeure éternelle. Garde-toi de lui en vouloir, parce quà son gré il te dit: « Pars ». Il na point souscrit dobligation envers toi, il ne sest engagé à rien, et tu nes
1. Eccle. I, 18. 2. Jérém. IX, 1. 3.Ps. XXXIV, 3. 4. Id. XXXVIII, 13. 5. II Cor. V, 1.
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point venu lui offrir une certaine somme dargent, pour louer sa maison, un temps fixé: tu ten iras quand le Seigneur voudra. Cest donc gratuitement que tu demeures aujourdhui. Cest là haut quest ma patrie, ma demeure. « Je suis devant vous comme un étranger et un voyageur ». Ici on sous-entend « devant vous ». Beaucoup sont voyageurs avec le diable; mais ceux qui ont déjà cru, ceux qui sont fidèles, sont voyageurs, il est vrai, parce quils ne sont pas encore arrivés à la patrie, à la véritable demeure; néanmoins ils ont leur demeure en Dieu. « Pendant que nous avons un corps, nous marchons en dehors du Seigneur, et notre ambition est de lui plaire, soit que nous soyons éloignés de lui, soit que nous soyons en sa présence 1. Je suis voyageur et étranger comme tous mes ancêtres ». Si donc je suis comme tous mes ancêtres, puis-je refuser dêtre voyageur quand eux-mêmes ont voyagé? Arriverai-je à la demeure fixe à dautres conditions quils ny sont arrivés? 22. Que me reste-t-il donc à demander, puisque je dois certainement sortir dici? « Laissez-moi quelque relâche, afin que je goûte le rafraîchissement avant de partir 2 ». Vois, Idithun, de quels noeuds il te faut délivrer, afin quensuite tu goûtes avant ce départ le rafraîchissement que tu désires. Tu as quelques ardeurs que tu voudrais tempérer, et tu demandes « quelque rafraîchissement », et tu voudrais « quelque relâche». Quelle relâche peut taccorder le Seigneur, à moins de tenlever ce remords qui te fait dire : « Remettez-nous nos dettes 3? » Pardonnez-moi donc avant que je men aille pour nêtre plus. Délivrez-moi de mes péchés avant mon départ, afin que je ne parte point avec mes péchés. Faites-moi rémission, afin que ma conscience demeure en repos, et quelle soit délivrée des cuisantes inquiétudes : inquiétudes qui me font penser à mon péché. « Donnez-moi quelque relâche, afin que jaie du rafraîchissement », avant tout, « avant que je ne parte, et désormais je ne serai plus ». Car si vous ne me permettez aucun rafraîchissement, jirai et ne serai plus. « Avant que je ne parte » pour cet endroit où je ne serai plus, si jy arrive. « Donnez-moi quelque relâche et quelque rafraîchissement». On se demande ici comment linterlocuteur
1. II Cor. V, 6-9. 2. Ps. XXXVIII, 14 3. Matt. VI, 12.
ne sera-t-il plus. Nirait-il point dans le repos? Dieu préserve Idithun dun tel malheur! Assurément Idithun ira de plein pied dans le repos. Mais supposez un homme injuste, qui ne soit point Idithun, qui ne fasse aucun progrès; un homme qui amasse, qui couve son or, un homme injuste, orgueilleux, plein de jactance, de vanité, de mépris pour le pauvre couché à sa porte; cet homme ne sera-t-il plus? Que signifie donc: « Je ne serai plus? » Car si le mauvais riche nétait plus, qui donc brûlait? Qui demandait que Lazare laissât tomber une goutte deau pour rafraîchir sa langue? Qui disait: « Abraham, ô mon Père, envoyez Lazare 1 ? » Celui qui parlait ainsi existait réellement ; celui qui -brûlait existait, puisquil doit ressusciter au dernier jour pour être, avec le démon, condamné au feu éternel. Que signifie donc: «Je ne serai plus », à moins quIdithun nenvisage ici ce que signifie être et ne pas être? De loeil de son coeur, de la force de ses veux il voyait cette fin quil avait désiré voir quand il sécriait: « Seigneur, montrez-moi ma fin ». Il voyait le nombre de ses jours, celui qui subsiste : il comprenait que tout ce qui est intérieur nest rien en comparaison de lêtre véritable, et il avouait que lui-même nétait pas. Dans ce quil voyait, il y a des choses qui demeurent, dautres qui sont mobiles, périssables, fragiles; et même cette douleur éternelle de lenfer, pleine de corruption, ne se prolonge que pour finir indéfiniment. Il a envisagé cette contrée bienheureuse, cette patrie céleste, cette incomparable demeure où les saints participent à la vie éternelle, à limmuable vérité; et il appréhende daller hors de là, où lêtre nest plus : il soupire après ce séjour où est lêtre parfait. Cette comparaison létablit donc entre lun et lautre, et dans sa crainte, il sécrie : « Donnez-moi quelque relâche, afin que jobtienne du rafraîchissement, avant daller où je ne serai plus » . Car si vous ne me faites remise de mes péchés, jirai loin de vous pour léternité. Loin de qui irai-je pour léternité? Loin de celai qui a dit: « Je suis celui qui suis » ; loin de celui qui a dit: « Va dire aux enfants dIsraël: Celui qui est ma envoyé vers vous 2 ». Celui-là donc va au néant qui tourne le dos à celui qui est, dans la stricte vérité, 23. Aussi, mes frères, si je vous ai causé
1. Luc, XVI, 24. 2. Exod. III, 14.
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de la fatigue corporelle, supportez-la; je me suis fatigué moi-même; mais en vérité cest vous-mêmes qui vous êtes fatigués. Si je vous voyais prendre à dégoût mes paroles, je me tairais aussitôt.
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