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DISCOURS SUR LE PSAUME XLIV.PRÊCHÉ AU PEUPLE DE CARTHAGE 1LÉPITHALAME DE LÉGLISE
Ce psaume est pour les fils de Coré ou du Chauve; mais à ce propos, gardons-nous de ressembler aux enfants qui insultaient à Elisée, soyons enfants, mais par linnocence. Ce psaume est pour ceux qui se convertiront et pour le bien-aimé. Ce bien-aimé est le Verbe fait chair, sa beauté, sa bonté, sa puissance créatrice, sa promptitude, la grâce de ses lèves, son glaive ou sa parole, qui divise le fils contre le père, son humanité qui nous attire, sa justice, sa vérité, sa douceur, son trône éternel, son sceptre qui nous redresse, lonction qui le fait le Christ. Vêtement de lEpouse ou de lEglise, une dans sa foi; avec la variété des langues, elle est la bonne odeur du Christ pour la vie et pour la mort. Ses palais ou les coeurs des saints. Les filles des rois sont les filles des Apôtres converties ou engendrées au Christ. Beauté intérieure de la reine. Les filles des rois viennent après elle avec des présents ou des oeuvres de charité. Les évêques successeurs des Apôtres. Beauté extérieure, ou bon exemple. 1. Je vous conjure, mes frères, dapporter autant dattention pour considérer ce psaume avec nous, que nous avons mis de joie à le chanter avec vous. On le chante en effet aux saintes épousailles de 1Epoux et de lEpouse, roi et du peuple, du Sauveur et de ceux quil doit sauver. Celui qui vient à ces noces avec la robe nuptiale, cherchant la gloire de lÉpoux, et non la sienne propre, apporte non-seulement cette attention que donnent les hommes qui aiment les spectacles sans en donner eux-mêmes, mais il grave ces paroles dans son coeur, afin quelles ny demeurent point stériles, quelles y germent au contraire, quelles éclosent, quelles croissent, quelles mûrissent un fruit que Dieu puisse récolter. Cest pour nous que le psaume doit se chanter, pour nous qui devons être les fils de Coré, comme lindique le titre. Ces fils de Coré étaient des hommes ; et toutefois, pour lhomme spirituel, toute inscription de lEcriture une signification quil ne suffit pas découter, mais quil faut comprendre. Nous cherchons dans lhébreu la valeur de ce mot et les interprétations de toutes les expressions de lEcriture nous enseignent que les fils de Coré signifient les enfants du Chauve. Gardons-nous de railler ce nom, de peur quon ne trouve en nous ces moqueries
1. Dans le manuscrit de Corbie on lit ce titre : V des nones de septembre, le mercredi, ce discours fut prononcé dans la basilique Restituée, sur le psaume XLIV. Or, au greffe de cette basilique on trouve que plusieurs conciles de Carthage y furent célébrés, entre autres le grand concile, qui eut lieu lan 401, le 13 septembre. Les vieux manuscrits de Reims portent le même titre que celui de Corbie.
enfantines des jeunes gens qui insultaient le prophète Elisée, comme nous lisons au livre des Rois, et qui criaient derrière lui : « Monte, chauve, monte, 1 ». Telle était la stupide insolence de ces enfants qui le maudissaient à leur propre perte ; des ours sortis de la forêt les dévorèrent. Voilà ce qui est écrit, nous vous avons cité lendroit : «ux qui ont de la mémoire peuvent sen souvenir; ceux qui ne sen souviennent point peuvent lire; et ceux qui ont lu doivent croire. Quel était pour lavenir le sens de cette figure, cest là ce que nous devons éviter. Ces enfants étaient la figure de ces hommes insensés, dont lignorance est lapanage; ce que lApôtre veut éloigner de nous quand il dit: « Ne soyez point sans discernement comme les enfants 2». Et parce que le Seigneur nous avait invités à imiter les enfants quand il prit lun deux devant lui et quil dit : « Si quelquun ne devient comme cet enfant, il nentrera point dans le royaume des cieux 3 », lApôtre a soin de nous détourner de lignorance des enfants, et de recommander leur simplicité à notre imitation : « Gardez-vous », nous dit-il, « de lignorance des enfants, mais soyez comme eux sans malice, « afin que par la prudence vous deveniez des « hommes faits ». Que celui qui se plaît à imiter les enfants, mette son plaisir dans leur simplicité et non dans leur ignorance. Ceux-ci donc, dans leur ignorance, insultaient au saint de Dieu qui était chauve, et criaient
1. IV Rois, II, 23. 2. I Cor. XIV, 20. 3. Matt. XVIII, 2, 3.
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derrière lui : « Chauve, chauve ! » Ils furent dévorés par les bêtes, et figuraient ces hommes qui devaient imiter leur folie enfantine en raillant un certain chauve crucifié au Calvaire 1. Ceux-là aussi devinrent la proie des bêtes ou des démons, du diable et de ses anges, qui agissent parmi les hommes de lincrédulité. Telle était la folie de ceux qui, devant le bois sacré de la croix, sécriaient en branlant la tête : « Sil est Fils de Dieu, quil descende de la croix 2 ». Or, nous sommes les enfants de ce chauve, si nous sommes les fils de lEpoux; cest pour nous quest écrit ce psaume dont le titre porte: « Aux fils de « Coré, pour ceux qui doivent changer 3 ». 2. Quai-je besoin dexposer le sens de ces paroles : « Pour ceux qui doivent changer? » Que puis-je vous dire? Quiconque a changé le comprend. A ces paroles : « Pour ceux qui doivent changer », quil voie ce quil était jadis et ce quil est maintenant. Quil voie dabord le changement opéré dans le monde, qui naguère adorait les idoles, et qui maintenant adore le vrai Dieu; qui naguère servait louvrage de ses mains, et qui sert maintenant Celui dont il est louvrage. « Pour ceux qui ce doivent changer ». Voyez en quel temps fut dite cette parole. Un reste de païens voit avec stupeur ces grands changements; et ceux qui ne veulent point changer voient nos églises remplies et leurs temples déserts ; ici de grandes solennités, là une grande solitude. Ils admirent le changement, quils lisent la prophétie, quils prêtent loreille à celui qui fait les promesses et quils croient à celui qui les accomplit. Mais chacun de nous aussi, mes frères, a passé du vieil homme à lhomme nouveau; que dinfidèle il devienne fidèle; davare, libéral; dadultère, homme chaste; de méchant, bienfaisant. Quil soit donc notre psaume, cet hymne que lon chante pour ceux qui seront changés, et quil commence par nous décrire celui par qui tout est changé. 3. Le titre est donc: « Pour ceux qui doivent changer, intelligence aux fils de Coré, cantique pour le bien-aimé 4 ». Ce bien-aimé a été vu par ses persécuteurs, mais non pour en être compris. « Car sils eussent connu le Seigneur, ce Roi de gloire, ils ne leussent point crucifié 5 ». Cétait pour cette intelligence que lui-même cherchait dautres yeux
1. Matt. XXVII, 33. 2. Id. 39. 3. Ps. XLIV, 1. 4. Ibid. 5. I Cor, II, 8.
quand il disait: « Celui qui me voit voit aussi mon Père 1 ». Que le psaume relève ici ses louanges; réjouissons-nous de ces noces et nous serons aussi de ceux qui entrent eux-mêmes dans ces saintes épousailles, qui y sont invités, et où les invités sont lEpouse même. Car cette Epouse est lEglise, et 1Epoux est le Christ. Les jeunes étudiants chantent parfois aux hommes et aux femmes qui se marient, des vers appelés épithalames; tout ce qui est chanté lest à la gloire de lépoux et de lépouse; or, dira-t-on que dans ces noces du Christ où nous sommes invités, il ny a pas un thalamus ou lit nuptial? Doù vient alors cette parole dun autre psaume: « Il a placé sa tente dans le soleil, et lui-même est comme lEpoux qui sort de son lit nuptial 2 ? » Lunion conjugale, cest le Verbe uni à la chair; et le lit où sest opérée cette union est le sein de la Vierge. Cest là que la chair a été unie au Verbe, et de là vient cette parole: « Ils ne sont plus deux, mais une seule chair 3 ». LEglise a été tirée dentre les hommes, afin que cette chair unie au Verbe devînt la tête de lEglise, et que les membres de cette tête fussent tous ceux qui croiront. Veux-tu voir en effet celui qui est venu à ces noces? « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu4 ». Que cette Epouse se réjouisse, elle qui est aimée de Dieu. Quand laime-t-il ? quand elle est encore souillée. « Tous ont péché , dit lApôtre, ce et ont besoin de la gloire de Dieu 5». Et encore : « Le Christ est mort pour les pécheurs 6 ». Dieu la aimée dans sa laideur, afin quelle quittât cette laideur. Ce nest pas toutefois à cause de cette laideur quil la aimée, puisque Dieu naime point ce qui est laid ; et sil laimait, il le conserverait; or, le voilà qui la dépouille de cette laideur pour lui donner la beauté. Comment donc était cette épouse quil est venu trouver, et quen a-t-il fait? Quil vienne aussi en nous dans ces paroles prophétiques; quil vienne à nous lui-même, cet Epoux; aimons-le, ou même ne laimons point, si nous trouvons en lui quelque difformité. Il a trouvé en nous bien des laideurs, et néanmoins il nous a aimés : ne laimons point, si nous trouvons en lui quelque chose de difforme. En cela
1. Jean, XIV, 9. 2. Ps. XVIII, 6. 3. Matt. XIX, 6. 4. Jean, I, 1. 5. Rom. III, 23. 6. Id. V, 6.
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même quil sest revêtu de notre chair, et que le Prophète a dit de lui: « Nous lavons vu, et il navait ni apparence ni beauté 1 »; il y a une grande beauté, si nous considérons la miséricorde qui la réduit à cet état. Cétait ou nom des Juifs que le Prophète sécriait : « Nous lavons vu, et il navait ni apparence ni beauté». Pourquoi? parce quils ne le comprenaient point. Mais pour ceux qui le comprennent, il y a dans « le Verbe qui sest fait chair 2 », une beauté suprême. « A Dieu ne plaise », disait un ami de cet Epoux, « que je me glorifie, sinon en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ 3 » Cest peu nen pas rougir, si tu ne vas jusquà ten glorifier. Mais pourquoi navait-il ni apparence ni beauté ? Parce quun Christ à la croix était un scandale pour les Juifs, une folie pour les Gentils. Pourquoi navait-il aucune beauté sur la croix? Parce que, en Dieu, ce qui est folie, est plus sage que les hommes; ce qui est faible en Dieu, est plus fort que les hommes 4. Pour nous qui croyons, que Epoux apparaisse toujours dans sa beauté. est beau comme Dieu, puisque le Verbe est Dieu; il est beau dans le sein de la Vierge il se revêt de la nature humaine sans se dépouiller de la nature divine: il est beau dans sa naissance, ce Verbe enfant; car cet Enfant à la mamelle, et dans les bras de sa mère, donne la parole aux cieux, fait chanter sa gloire par les anges ; une étoile amène à sa crèche les Mages qui ly adorent, lui qui est la nourriture des pacifiques 5. Il est donc beau dans le ciel et beau sur la terre; beau dans les entrailles virginales, beau dans les bras maternels; beau dans ses miracles et beau dans la flagellation; beau quand il nous invite à sa vie, beau quand il méprise la mort ; beau quand il donne son âme, et beau quand il la reprend; beau sur la croix, beau dans le sépulcre, beau dans le ciel. Ecoutez ce cantique pour le comprendre, et que linfirmité de la chair ne détourne point vos yeux de la splendeur et de la beauté de cet Époux. La grande et la véritable beauté, cest la justice : dès que tu découvres linjustice, il ny a plus de beauté à tes yeux; si donc il est toujours juste , il est toujours beau. Quil se montre donc aux yeux de notre âme, cet Epoux quun de ses prophètes
1. Isa. L II, 2~ 2. Jean, I, 14. 3. Gal. VI, 14. 4. I Cor. I, 23, 25. 5. Luc, II, 8-14.
a si bien chanté. Le voici qui commence. 4. « Une bonne parole séchappe de mon coeur, cest au roi que jadresse mes uvres 1». Quel est ici linterlocuteur? est-ce Dieu le Père, ou le Prophète? Plusieurs ont compris que cest le Père qui dit : « Une bonne parole est sortie de mon coeur », pour désigner une naissance ineffable, et nous empêcher de croire que Dieu eut besoin dun secours étranger pour engendrer son Fils, comme un homme qui, pour engendrer des enfants, a recours au mariage, sans lequel nul homme na de postérité. Dieu donc, pour nous empêcher de croire que, pour engendrer son Fils, il a besoin de quelque mariage, sécrie: « Une bonne parole ce sest échappée de mon coeur». Aujourdhui, ô homme, ton coeur enfante un dessein généreux et na nul besoin dune épouse daprès ce conseil né de ton coeur, tu construis un édifice; or, cette oeuvre était déjà celle de ton esprit avant dêtre celle de tes mains: elle est déjà faite dans ton esprit, par cela même que tu dois la faire: et tu textasies devant une construction qui nexiste pas encore, qui na nulle apparence dun édifice, et qui nexiste que dans ton dessein; nul autre ne peut louer ton dessein, si tu ne lui en as fait part ou sil na vu ton oeuvre. Donc, si fout est loeuvre du Verbe, et si le Verbe vient de Dieu, regarde loeuvre de cet édifice construit par le Verbe, et que lédifice ten fasse admirer le dessein. Quel doit être le Verbe, par qui sont faits le ciel et la terre, et toute la beauté des cieux, et la fécondité de la terre, et létendue des mers, et la capacité de lair, et léclat des astres, et la clarté du soleil et de la lune? Voilà ce qui est visible; mais franchis au delà, élève-toi par la pensée jusquaux Anges, aux Principautés, aux Trônes, aux Dominations , aux Puissances: « Tout a été fait par lui ». Pourquoi donc toutes ces choses ont-elles été faites si bien? Cest parce que ce la bonne parole » qui devait les faire sest échappée. Donc le Verbe est bon; et cest au Verbe que lon a dit: « Bon Maître ». Et le Verbe lui-même a répondu : « Pourquoi mappeler bon? Il ny a que ce Dieu seul qui soit bon 2 ». On lui dit donc: « Bon Maître »; et il répond : «Pourquoi ce mappeler bon? » puis il ajoute: « Il ny a de bon que Dieu seul ». Comment donc lui-
1. Matt. II, 1. 2. Marc, X, 18.
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même est-il bon, sinon parce quil est Dieu? Et non-seulement Dieu, mais Dieu unique avec son Père. Quand il a dit en effet: « Il ny a de bon que Dieu seul », il ne sest point séparé de Dieu, mais il sest uni à lui. « Une ce bonne parole sest donc échappée de mon cur ». Laissons à Dieu le Père ce langage au sujet de son Verbe qui est bon, qui est notre bien, et par lequel seul nous pouvons devenir bons. 5. Voyons la suite: « Cest au roi que je dis mes uvres ». Est-ce encore le Père qui parle ainsi? Si ce langage est encore du Père, voyons comment nous pouvons entendre, sans blesser la foi vraie et catholique, cette parole: « Cest au roi que je dis mes uvres ». Quelles oeuvres le Père peut-il raconter à son Fils notre roi? quelles oeuvres peut faire connaître le Père à son Fils, puisque toutes les oeuvres du Père ont été accomplies par le Fils? A moins peut-être que dans cette parole: « Je dis mes oeuvres au roi », le mot « dire » nexprime la génération du Fils. Je crains que des gens peu instruits ne puissent me comprendre ; je le dirai cependant, me suivra qui le pourra, de peur que si je men tais, celui qui pourrait me suivre, ne le fasse point, Nous lisons ces mots dans un autre psaume : « Dieu a parlé une seule fois ». Dieu a parlé si souvent par ses Prophètes, si souvent par ses Apôtres, il parle aujourdhui si souvent par ses saints, et le Psalmiste dit: « Dieu a parlé une seule fois (Ps. LXI, 12) » Comment na-t-il parlé quune fois, sinon parce quil na quune parole, un Verbe unique? De même que dans ce verset: « Une ce bonne parole sest échappée de mon coeur», nous reconnaissons la génération du Fils, la même pensée me semble répétée dans ce qui vient ensuite; alors «je dis», serait la répétition de « une bonne parole sest échappée « de mon cur ». Que signifie: « Je dis? » Je profère une parole. Doù vient en Dieu, la parole, sinon de son coeur, du fond de lui-même? Pour toi, tu ne dis rien au dehors qui ne sexhale de ton coeur; ta parole qui résonne et qui passe, ne vient pas dailleurs, et tu serais étonné que Dieu parlât de la sorte? Mais, en Dieu, dire est quelque chose déternel, Toi, tu parles maintenant, parce que tout à lheure tu te taisais, ou bien voilà que tu némets pas encore ta parole,et tout à lheure, quand tu commenceras, tu rompras en quelque sorte le silence, et tu enfanteras une parole qui nétait pas auparavant. Ce nest pas ainsi que Dieu enfante son Verbe; le dire de Dieu est sans commencement et sans fin; et pourtant il ne dit quune parole. Quil en dise une autre, si la première est finie. Mais comme linterlocuteur subsiste toujours, comme sa parole subsiste également, comme cette parole une fois dite na point de fin; alors cette fois même est sans commencement, on ne la répète pas deux fois, parce que dite une fois elle subsiste toujours. Cette phrase donc : « Une bonne parole sest échappée de mon coeur », a le même sens que celle-ci: « Je dis mes oeuvres au roi ». Mais pourquoi dis-je mes oeuvres ? Parce que toutes les oeuvres de Dieu sont dans son Verbe. Tout ce que Dieu devait faire dans la création était dans son Verbe; et ce qui neût pas été dabord dans son Verbe, neût pu être réalisé: de même que rien nentre dans une construction, sil nest dabord dans lidée. Cest ce qui est marqué par lEvangile: « Ce qui a été fait en lui était vie 1 » Donc ce qui a été fait était auparavant, mais dans le Verbe; et toutes les oeuvres de Dieu étaient là avant dêtre des oeuvres; mais le Verbe était, et ce Verbe était Dieu, et il était en Dieu et il était Fils de Dieu, et il était un seul Dieu avec son Père. « Pour moi, je dis mes oeuvres au roi ». Entende celui qui parle, quiconque peut comprendre le Verbe; et quil voie avec le Père cette parole éternelle, en qui sont toutes les choses à venir, et en qui ne cessent pas dêtre celles qui ont passé. Toutes ces oeuvres de Dieu sont dans son Verbe comme dans sa parole, comme dans son Fils unique, comme dans le Verbe de Dieu. 6. Quelle est la suite? « Ma langue est comme la plume de lécrivain rapide 2 ». Quel rapport, mes frères, quel rapport entre la langue de Dieu et la plume de lécrivain? Quelle ressemblance entre une pierre et le Christ 3? quelle ressemblance entre un agneau et le Sauveur 4? entre un lion et la force du Fils unique de Dieu 5? Tout cela néanmoins a été dit; et sans ces comparaisons il nous serait difficile de nous élever des choses visibles à lInvisible lui-même. Cest ainsi que nous nélevons pas jusquà lexcellence divine celle
1. Jean, I, 3. 2. Ps. XLIV, 2. 3. I Cor. X, 4. 4. Jean, I, 29, 5. Apoc. V, 5.
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chétive plume de lécrivain, sans la mépriser pourtant. Car je me demande pourquoi Dieu a comparé sa langue à la plume habile écrivain? Quelle que soit en effet la rapidité dun écrivain, on ne peut lui comparer cette vitesse dont un autre psaume a dit: « Son Verbe se répand avec rapidité 1». Toutefois, autant que lintelligence peut pénétrer ces matières , il me semble que lon peut attribuer au Père cette parole : «Ma langue est la plume lécrivain ». Ce que dit la langue, en effet, résonne et passe ; ce que lon écrit, demeure. Comme donc Dieu dit son Verbe, et que ce Verbe ne résonne pas, ne passe point, mais se dit toujours et demeure toujours, Dieu a préféré comparer sa parole à une écriture plutôt quà un son. Quil ajoute : « Qui écrit rapidement », il stimule notre esprit qui cherche à comprendre: mais ne sarrête point à considérer les écrivains et les copistes les plus habiles; avec ces considérations il sen tiendra là. Quil soit, habile à considérer lexpression « rapidement », et quil sefforce de découvrir ce que signifie « rapidement ». Telle est en Dieu la rapidité, quil ny a rien de plus rapide. Or, en écrivant, on ne peut écrire quune lettre après une lettre, une syllabe après une syllabe, un mot après un mot; on ne passe à un second quaprès avoir formé le premier. Le plus expéditif est davoir peu de paroles sans que rien soit omis, de renfermer tout en un mot.
7. Cette parole ainsi proférée, parole éternelle et coéternelle à celui qui est éternel, cet Époux, le voici: « Il surpasse en beauté les enfants des hommes » 2. « Les enfants des hommes », est-il dit, pourquoi pas les anges? Qua-t-il voulu dire par « les enfants des hommes », sinon quil est un homme? Mais de peur quon ne vît dans le Christ quun homme ordinaire, il dit : « Vous surpassez en beauté les enfants des hommes ». Tout homme soit, il est avant les fils des hommes; quil soit parmi les enfants des hommes, passe les enfants des hommes; bien quil in nombre des enfants des hommes, il tus que les enfants des hommes. « La est répandue sur vos lèvres » . «La loi donnée par Moïse, la grâce et la vérité ment de Jésus-Christ 3 ». Javais besoin
1. Ps. CXLVII, 15. 2. Id. XLIV, 3. 3. Jean, I, 17.
de ce secours, « Car selon lhomme intérieur je me plais dans la loi de Dieu, mais je sens dans mes membres une loi qui résiste à la loi de lesprit, et qui me captive sous la loi du péché qui est dans mes membres. Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de ce Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur1. » Cette grâce est donc répandue sur vos lèvres ». Il est venu vers nous avec la parole de la grâce, avec le baiser de la grâce. Quoi de plus doux que cette grâce? Quel est son effet en nous? « Bienheureux sont ceux dont les iniquités sont remises, dont les ce péchés sont couverts 2 » Sil venait comme un juge sévère, sans que la grâce fût épanouie sur ses lèvres, qui oserait espérer son salut? Mais en venant avec la grâce il na point exigé ce quon lui devait, il a même payé ce quil ne devait pas. Nétant point pécheur, devait-il mourir? Et à toi pécheur, que te revenait-il, sinon la mort? Il ta déchargé de tes dettes pour payer ce quil ne devait point. Cest là une grâce magnifique. Pourquoi une grâce? Parce quelle est donnée gratuitement. Aussi peux-tu rendre grâces à Dieu, mais non grâce pour grâce; cest là limpossible. Aussi David se demandait ce quil devait rendre. « Que rendrai-je au Seigneur », disait-il, «pour tous les biens quil ma rendus? » Il semble avoir trouvé quelque chose : «Je prendrai le calice du salut, et jinvoquerai le nom du Seigneur 3». Mais est-ce bien rendre à Dieu grâce pour grâce, que dinvoquer le Seigneur et de prendre le calice du salut? Qui donc ta donné ce calice du salut? Aussi David se borne-t-il à remercier, car il trouvait impossible de rendre grâce pour grâce. Trouve ce que tu peux offrir à Dieu, sans lavoir reçu de lui, et tu lui auras rendu grâces. Prends garde néanmoins quen cherchant à lui rendre en échange ce que tu nas point reçu de lui, tu ne trouves ton péché. Assurément tu ne le tiens pas de lui, mais tu ne dois pas le lui offrir non plus. Ce fut là le don des Juifs qui lui rendirent le mal pour le bien; trempés de la rosée, ils ne lui donnèrent aucun fruit, mais les épines de la douleur 4. Quel que soit donc le bien que tu veuilles offrir à Dieu, sans lavoir reçu de lui, tu ne le trouveras pas en toi. « Cest la grâce de Dieu qui est répandue
1. Rom. VII, 22, 25. 2. Ps. XXXI, 1. 3. Id. CXV, 12, 13. 4. Matt. XXVII, 29.
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sur ses lèvres ». Cest lui qui ta fait, et fait gratuitement. Il naurait pu faire du bien à aucun homme sans le créer dabord. Tu étais perdu, et il ta recherché; et en. te retrouvant il ta ramené dans le bon chemin. Sans te reprocher le passé, il ta promis pour lavenir. Il est donc vrai que ce la grâce est « répandue sur ses lèvres ». 8. «Aussi», dit le Psalmiste, «Dieu vous a-t-il béni éternellement ». Il est bien difficile de comprendre que Dieu le Père dise à son Fils: « Aussi le Seigneur vous a-t-il béni pour léternité ». Il serait plus aisé dattribuer cette parole au Prophète; on trouve en effet dans les saintes Ecritures ces changements de personnes, si brusques et si inattendus; pour le lecteur attentif, les pages sacrées en sont pleines : «Seigneur, délivrez mon âme des lèvres injustes, des langues menteuses » et aussitôt : « Que vous donner, comment ce vous défendre contre les langues trompeuses ? » Cest une personne au premier verset, une autre personne au second; lune prie, lautre vient au secours. « Elles sont ce aiguës les flèches de lhomme puissant, elles dévorent comme la flamme ». Cest une personne, autre encore que celle-ci : « Que vous donner, et comment vous défendre ? » puis en vient une autre encore pour nous dire: «Hélas ! combien mon exil est long à mon impatience ». Tant de changements dans si peu de versets stimulent notre attention : lEcriture nen marque point lendroit, elle ne nous dit point : Cette parole est dun homme, cette autre de Dieu ; mais elle nous force à chercher dans les paroles ce qui est de lhomme et ce qui est de Dieu. Cest un homme qui disait: « Une bonne parole sest échappée de mon coeur, cest au Roi que je dis mes oeuvres ». Voilà ce que disait lhomme, ce que disait lécrivain du psaume, mais il le disait dans la personne de Dieu : cest en son propre nom quil commence à dire : «Cest pour cela que Dieu ta béni pour léternité ». Car Dieu avait dit : «La grâce est épanouie sur vos lèvres », à celui quil avait fait plus beau que les enfants des hommes, à cet homme que lEternel avait engendré éternellement comme Dieu. Le Prophète est donc plein dune joie ineffable; et, considérant tout ce que Dieu le Père a révélé de son Fils à un homme qui a pu parler ainsi
1. Ps. CXIX, 2,5.
au nom de Dieu, il sécrie: « Aussi Dieu vous a-t-il béni pour léternité». Pourquoi? A cause de la grâce. Et où tend cette grâce? Au royaume des cieux. Le premier Testament avait promis la terre ; et autre fut la récompense ou la promesse de Dieu à ceux qui vivaient sous la loi, autre à ceux qui vivent sous la grâce ; aux Juifs placés sous la loi, la terre de Chanaan; à ceux qui vivent sous la grâce, le royaume des cieux. Cest pourquoi ce royaume, qui appartenait à ceux qui vivaient sous la loi, a passé avec la terre; mais le royaume du ciel, promis à ceux qui vivent sous la grâce, ne passe point. Cest pour cela, dit le Prophète, ce que Dieu vous a bénis, non pour un temps, mais ce pour léternité ». 9. Dautres ont préféré attribuer à la personne du Prophète toutes les paroles précédentes, ils lui ont même attribué ce début: « Une bonne parole sest échappée de mon cur », comme un hymne quil chanterait au Seigneur. (Quiconque en effet chante un hymne, laisse échapper de son coeur une bonne parole ; de même que le blasphème contre Dieu est une parole mauvaise échappée du coeur). En sorte que ces paroles qui viennent après : «Je dis mes oeuvres au ce roi », signifieraient que loeuvre suprême de lhomme est de louer Dieu. Cest à Dieu à te plaire par sa beauté, à toi de le louer partes actions de grâces. Dès que tes oeuvres ne tendent point à louer Dieu, tu commences à laimer toi-même; et tu es du nombre de ceux dont lApôtre a dit: « Les hommes saimeront eux-mêmes 1 ». Commence par te déplaire à toi-même, afin de te complaire en celui qui ta fait. Que ton oeuvre soit la louange de Dieu, quune bonne parole séchappe de ton coeur. « Dis donc tes oeuvres au roi », puisque tu lui dois de pouvoir le faire, et quil ta donné de quoi lui offrir. Rends-lui ses propres dons; et cette part de ton héritage que tu as reçue, ne va pas, comme le prodigue, la dissiper en vivant dans la débauche, et paître ensuite les pourceaux. Souviens-toi de ce passage de lEvangile, car cest de nous aussi quil est dit : «Il était mort et il est ressuscité, il était ce perdu et il est retrouvé 2 » 10. « Ma langue est comme la plume dun écrivain très-habile ». Plusieurs ont cru que le Prophète avait récité dabord ce quil devait écrire, et qualors il comparait sa langue
1. II Tim. III, 2. 2. Luc, XV, 32.
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à la plume de lécrivain; quil avait ajouté : « Ecrivain très-prompt » , pour faire entendre quil écrivait ce qui allait bientôt saccomplir, et alors écrire vite signifierait écrire des choses qui vont arriver, ou écrire ce qui ne saurait tarder. Car Dieu na pas tardé de envoyer son Christ. Le temps ne paraît-il point court, dès quil est passé? Remontez générations antérieures, et Adam ne vous paraîtra créé que dhier. Ainsi ont passé les choses depuis le commencement ; elles ont passé rapidement. Rapidement encore viendra le jour du jugement: préviens cette vitesse; et sil se hâte de venir, hâte-toi plus encore de changer. Alors apparaîtra la face du juge; mais vois ce que dit le Prophète : « Prévenons cette face par un humble aveu1. La grâce est épanouie sur vos lèvres, aussi votre Dieu vous a-t-il béni pour léternité ». 11. « Ceignez-vous de votre glaive sur votre cuisse, ô Tout-Puissant 2 ». Quest-ce que votre glaive, sinon votre parole? Cest avec ce glaive quil a renversé ses ennemis, avec ce glaive quil a séparé le fils de son père, la fille sa mère, la bru de sa belle-mère. Voici en effet ce que nous lisons dans lEvangile : « Je suis point venu apporter la paix, mais le glaive. Dans une famille de cinq personnes, il y aura division: deux seront contre trois, trois contre deux; cest-à-dire le fils contre son père, la fille contre sa mère, la contre sa belle-mère 3 ». Quel glaive a fait ces divisions, sinon le glaive apporté par le Christ? Et en effet, mes frères, cest là ce que nous voyons tous les jours. Un jeune homme veut servir Dieu, son père sy oppose: les voilà divisés lun contre lautre. Lun promet un héritage sur la terre, lautre veut celui-là du ciel : autre est la promesse de celui-là, autre le choix de celui-ci. Que le père néanmoins ne crie pas à linjure, on ne lui préfère que Dieu seul; et pourtant il dispute à son fils le droit de servir Dieu selon ses voeux. Mais le glaive de Dieu qui les sépare est plus que la nature charnelle qui les unit. Cela se vérifie encore dans la fille à légard de sa mère, et bien plus dans la bru à légard de sa belle-mère. Souvent dans la même maison on voit la bru et la belle-mère, lune catholique, lautre hérétique; et lorsque ce glaive a puissamment frappé, nous navons pas à redouter un second baptême. La fille a
1. Ps. CIV, 2. 2. Id. XLIV, 4. 3. Matt. X,34, 35; Luc, XII, 51-53.
pu être séparée de sa mère, et la bru ne pourrait lêtre de sa belle-mère. 12. Cest là ce qui est arrivé dune manière générale dans le genre humain : le fils a pris parti contre son père. Nous étions jadis fils du diable, et quand nous étions encore infidèles on nous a dit: « Vous avez le diable pour père 1». Et doù venait en nous toute infidélité, sinon de ce diable notre père? Il était notre père, non quil nous eût créés, mais parce que limitation nous avait faits ses enfants. Aujourdhui nous voyons le fils prenant parti contre son père. Par leffet de ce glaive sacré il renonce au démon et trouve un autre père comme une autre mère. Le démon, en se proposant pour modèle, nengendrait que pour la mort; les deux parents que nous trouvons nous engendrent à la vie éternelle. Le fils prend parti contre son père, la fille contre sa mère; ceux dentre les Juifs qui crurent au Christ prirent parti contre la Synagogue. La bru prend parti contre sa belle-mère; on appelle bru cette multitude venue des Gentils, parce quelle a pour Epoux le Christ, Fils de la Synagogue. Doù était le Fils de Dieu selon la chair? De la Synagogue. Cest lui qui a quitté son père et sa mère pour sattacher à son épouse, afin quils fussent deux dans une même chair 2 ; et ceci nest point une conjecture, puisque lApôtre nous dit : «Ce sacrement est grand, je dis dans le Christ et ce dans lEglise 3 ». Pour sunir à la nature humaine, il a donc quitté son Père en quelque sorte, car il ne la point quitté de manière à sen séparer entièrement. Comment la-t-il quitté? « Cest quayant la nature de ce son Père, il na point cru faire une usurpation de ségaler à Dieu; et néanmoins il sest anéanti en prenant la forme de lesclave 4 ». Et sa mère, comment la-t-il quittée? En quittant le peuple juif, cette synagogue attachée aux rites anciens. Il en donnait une figure quand il disait: « Quelle ce est ma mère et quels sont mises frères 5? » Il enseignait au dedans, tandis que sa mère et ses frères se tenaient au dehors. Voyez sil nen est pas ainsi des Juifs aujourdhui. Le Christ enseigne dans lEglise, eux sobstinent dehors. Quelle est donc cette belle-mère? Cest la synagogue, mère de lEpoux, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Sa bru, cest lEglise qui est venue
1. Jean, VIII, 44. 2. Gen.II, 24. 3. Eph. V, 32. 4. Phil. II, 6. 5. Matt. XII, 48.
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des Gentils, sans accepter la circoncision de la chair, prenant ainsi parti contre sa belle-mère. « Ceignez-vous de votre glaive ». En vous parlant de la sorte nous avons dit la puissance de ce glaive. 13. « Ceignez-vous de votre glaive », ou de votre parole, « sur vos reins, ô Tout-Puissant »; que votre glaive soit sur vos reins. Quest-ce à dire : «Sur vos reins?» Que devons-nous entendre par vos reins? la chair. De là cette parole: « Il ne manquera pas de prince ce en Juda, ni de chef issu de ses reins 1 ». Aussi Abraham, à qui Dieu avait promis une postérité en laquelle toutes les nations devaient être bénies, envoyant son serviteur pour chercher une femme à son fils, doù devait venir ce germe sacré en qui tous les peuples ont reçu la bénédiction ; Abraham dont la foi voyait dans cet humble germe la grandeur de son nom, ou le Fils de Dieu qui devait naître un jour, parmi les enfants, des hommes, sur la tige dAbraham, demanda au serviteur quil envoyait : « Mets ta main sous ma cuisse , et jure ainsi 3 ». Comme sil disait : Place ta main sur lautel ou sur lEvangile, ou sur un Prophète, ou sur quelque chose de sacré. Mets ta main sous ma cuisse, dit-il, parlant ainsi dans sa confiance, sans rougir de cette manière de jurer, parce quil en comprenait la mystérieuse vérité. De là vient ce langage : «Ceignez votre épée sur ce votre cuisse, ô Tout-Puissant », adressé à celui qui est tout-puissant jusque dans ses reins : « Parce quen Dieu ce qui est faible a ce plus de force que les hommes 3. O Tout-ce Puissant ». 14. « Dans votre éclat, dans votre beauté s, ou dans cette justice qui vous fait toujours beau, toujours glorieux: «Avancez, marchez à la victoire, et régnez 4 ». Nest-ce point là ce que nous voyons? Cest là ce qui est accompli. Jetez les yeux sur lunivers entier; le Christ savance, il a des succès, il règne, les nations lui sont soumises. Quétait-ce que voir cela en esprit? Ce quest aujourdhui den constater la vérité. Quand le Prophète parlait de la sorte, le Christ ne régnait point encore de la sorte, il navançait point, il ne marchait point de victoire en victoire : tout cela était promis, tout cela est accompli, nous le tenons de nos mains. Dieu a tenu déjà beaucoup de
1. Gen. XLIX, 10. 2. Id. XXIX,2. 3. I Cor. I, 25. 4. Ps. XLIV, 5,
ses promesses, il est peu en redevance. « Avancez, marchez à la victoire et régnez». 15. « A cause de la vérité, de la douceur, et de la justice ». Dieu a montré la vérité, quand la vérité est sortie de la terre, et que la justice a regardé du haut des cieux 1». Le Christ sest présenté au genre humain qui lattendait, et dans ce germe dAbraham tous les peuples ont été bénis. LEvangile a été prêché, cest la vérité. Quest-ce que la douceur ? Les martyrs ont souffert, ce qui a fait beaucoup avancer le royaume de Dieu, qui obtenu des succès chez tous les peuples. Les martyrs souffraient tout, sans se laisser abattre comme sans résister ; ils disaient tout, ils ne cachaient rien ; prêts à tout, ils ne refusaient rien. Voilà une grande douceur. Voilà ce qua fait le corps du Christ, à lexemple de son chef. Le premier, il a été conduit à la mort, et « comme lagneau en présence de celui qui le tond, il na pas ouvert sa bouche 3 ». Telle était sa douceur, que sur la croix il disait : «Mon Père, pardonnez-leur, ce car ils ne savent ce quils font 4 ». Que signifie: « A cause de la justice? » « Cest quen ce effet il viendra pour juger, et rendre à chacun selon ses oeuvres ». Il a dit la vérité, il a souffert linjustice, il apportera léquité. « Et votre droite vous conduira par des merveilles ». Cest sa droite qui nous conduit, sa droite qui le conduit. Il est un Dieu, nous sommes des hommes. Il a en lui la même puissance que le Père, la même immortalité que le Père ; la divinité du Père, léternité du Père, la vertu du Père. Sa droite le conduira merveilleusement, faisant des oeuvres divines, tolérant des oeuvres humaines, et dédaignant par bonté les oeuvres des hommes. Il arrive où il nétait pas encore, et sa droite ly conduit. Car il est conduit lui-même par cette puissance quil a donnée aux saints. « Votre droite vous conduira merveilleusement». 16. « Vos flèches sont acérées et puissantes 6 ». Vos paroles percent le coeur, y excitent lamour. De là ce mot des Cantiques: « Lamour ma blessée 7 ». Lépouse accuse ainsi une blessure damour, cest-à-dire quelle avoue son amour, quelle dit la flamme de son cur, ses soupirs pour son époux qui lui a lancé la flèche de la parole. « Vos flèches sont acérées
1. Ps. XLIV, 5. 2. Id. LXXXIV, 12. 3. Isa. LIII, 7. 4. LUC, XXIII, 34. 5. Rom. II, 6. 6. Ps XLIV, 6. 7. Cant. II, 5, V,8.
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et puissantes ». Elles pénètrent, elles ont de leffet. « Aiguës et puissantes. Les peuples tomberont sous vos coups ». Quels peuples sont tombés ? Ceux-là sont tombés qui ont été frappés. Nous voyons des peuples soumis au Christ, mais qui ne sont point tombés. Le Prophète nous explique ce genre de chute : « Dans le cur », dit-il. Cest par là quils élevaient contre le Christ, cest par là quils tombent devant le Christ. Saul blasphémait le Christ, il se dressait contre lui ; il implore le Christ, il tombe, il se prosterne ; il meurt comme ennemi du Christ, afin de vivre disciple du Christ. Une flèche part du ciel, Saul est frappé au coeur, lui qui nest pas encore Paul, mais Saul, qui lève la tête, qui nest pas encore renversé : il reçoit une flèche et son coeur fléchit. Car son coeur ne fléchit pas, quand son visage fut abattu, mais bien quand il dit: « Seigneur, que mordonnez-vous de faire 1 ? » Tu courais tout à lheure pour garrotter les chrétiens, pour les conduire au supplice ; et maintenant tu dis au Christ : « Que voulez-vous que je fasse? » O flèche acérée, flèche puissante, qui perça le coeur de Saul et en fit Paul ! Il en est des peuples comme il en fut de lui: voyez les nations, voyez-les sincliner devant le Christ. Donc « tous les peuples tomberont de coeur devant vous, tous les ennemis du Roi » ; cest-à-dire, tous vos ennemis. Il donne le nom de Roi au Christ quil reconnaît pour son Roi. « Les peuples tomberont de coeur devant vous, tous les ennemis du Roi ». Ils étaient ennemis: frappés de vos flèches, ils tombent devant vous. Dennemis ils sont devenus amis; métaient des ennemis morts, ce sont des amis vivants. Ainsi saccomplit: « Pour ceux qui doivent changer ». Nous cherchons à comprendre chaque parole, chaque verset ; mais sous cherchons de manière que nul nhésite à les appliquer au Christ : «Les peuples tomberont de coeur devant vous, tous les ennemis du Roi ». 17. « Votre trône, ô Dieu, est pour les siècles des siècles ». Car Dieu vous a béni pour léternité, à cause de la grâce qui sépanouit sur vos lèvres. Dans le royaume des Juifs le trône était temporel ; il regardait ceux qui étaient sous lempire de la loi et non ceux qui étaient sous lempire de la grâce. Le Christ est venu pour délivrer ceux qui étaient
1. Act. IX, 6.
sous la loi et les établir sous la grâce. « Son ce trône est pour les siècles des siècles ». Pourquoi? Parce que le premier siége nétait que celui dun royaume temporel. Pourquoi maintenant un trône dans les siècles des siècles? Parce que cest le trône de Dieu, ce Votre ce siége, ô Dieu, est pour les siècles des siècles». O Dieu de léternité! Dieu ne pourrait avoir un trône temporel. « Votre siége, ô Dieu, est ce pour les siècles des siècles; le sceptre de ce votre empire est un sceptre de droiture ». Il est sceptre de droiture, parce quil rend les hommes droits. Ils étaient courbés, tortueux; ils voulaient régner pour eux-mêmes; ils saimaient, ils aimaient leurs désordres; ils ne soumettaient point à Dieu leur volonté, mais ils prétendaient ployer la volonté de Dieu au gré de leurs convoitises. Le pécheur, lhomme injuste, en effet, semporte souvent contre Dieu, parce quil ne pleut pas; et il ne veut pas que Dieu sirrite contre sa mollesse. Et presque chaque jour des hommes soccupent à disputer contre Dieu : Il devait, disent-ils, agir ainsi; il na pas bien fait là. Tu sauras donc ce que tu dois faire, et Dieu ne le saura pas? Tu es tortueux, mais Dieu est droit. Comment unir ce qui est droit à ce qui est tortueux? On ne peut les mettre en ligne. Cest comme si tu posais un bois tortueux sur un parquet bien uni; il ny a ni alignement, ni adhésion, ni ajustement. Le parquet est uni partout, et ce bloc tortueux ne peut sajuster à ce qui est uni. Or, la volonté de Dieu est unie, droite; la tienne est courbée; et celle de Dieu te paraît courbée à son tour, parce que tu ne saurais y conformer la tienne. Mais redresse-toi sur ce modèle, et ne force pas le modèle à se courber avec toi; tu ne le pourrais, tes efforts seraient vains, ce modèle est toujours droit. Veux-tu ty adapter? Corrige-toi, et le sceptre de Dieu qui te dirigera sera le sceptre de la droiture. Car un roi tire son nom de régir ou rendre droit; il rie régit pas, celui qui ne redresse pas. De là vient que notre Roi est le Roi des âmes droites. De même quil est notre Prêtre parce quil nous sanctifie, il est notre Roi parce quil nous redresse. Mais, quest-il dit ailleurs? « Vous serez saint aux yeux de lhomme saint, ce pur aux yeux de lhomme pur, élu aux yeux de lhomme élu, méchant aux yeux du méchant 1». Or, Dieu nest pas pervers, mais
1. Ps. XVII, 26, 27.
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les pervers le voient ainsi. Que le bien te plaise, et Dieu est bon à tes yeux; quil te déplaise, et Dieu est pervers. Dieu te paraît tortueux, parce que tu les toi-même; car il est droit éternellement. Ecoute ce qui est dit dans un autre psaume: « Combien est bon le Dieu dIsraël pour ceux qui ont le coeur droit 1 !» 18. « Le sceptre de la droiture est le sceptre de votre empire. Vous avez aimé la justice et haï liniquité 2 ». Vois quel est ce sceptre de la droiture. « Vous avez aimé la justice et haï liniquité ». Approche de ce sceptre, et que le Christ soit ton roi; laisse-toi redresser par ce sceptre, de peur quil ne te brise, car cest un sceptre de fer, un sceptre inflexible. En effet, quest-il dit? « Tu les gouverneras avec un sceptre de fer, et tu les briseras comme le vase dargile 3 ». Il conduit les uns, il brise les autres; il dirige lhomme spirituel et brise lhomme charnel. Approche-toi donc du sceptre, que crains-tu de lui? Voici tout le sceptre : « Vous avez aimé la justice et haï liniquité ». Que crains-tu ? Mais tu es peut-être injuste, et la haine que lon attribue au Roi pour liniquité te fait trembler. Tu as un remède pourtant. Que hait-il? Linjustice; est-ce toi quil hait? Mais liniquité est-elle en toi? Si Dieu la hait, commence par la haïr, afin que vous soyez unis dans une même haine. En haïssant ce que Dieu hait tu seras lami de Dieu, et ainsi tu aimeras ce quil aime. Prends à dégoût liniquité qui est en toi, aime en toi la créature de Dieu. Tu es en effet homme injuste. En cela je dis deux choses; oui, deux choses homme et injuste. Dans ces deux noms, le premier vient de la nature, le second du péché; lun est louvrage de Dieu, lautre est ton ouvrage; aime donc loeuvre de Dieu et déteste ton oeuvre, puisque Dieu la déteste. Comprends alors quen haïssant ce quil hait tu commences à tunir à lui. Il doit punir le péché, parce que son sceptre est un sceptre de droiture. Mais ne pourrait-il pas laisser bi péché impuni? Il faut que le péché soit puni, et sil nétait point châtié, il ne serait plus péché. Préviens donc le Seigneur, et si tu ne veux pas quil le punisse, punis-le toi-même. Cest pour cela que Dieu tépargne ici-bas, quil diffère, quil retient son bras, quil tend son arc, cest-à-dire quil menace. Nous dirait-il si longtemps quil va frapper, sil le voulait
1. Ps. LXXII, 1. 2. Id. XLIV, 8. 3. Id. II, 9.
en effet? Il tarde alors de mettre la main à ton péché ;. mais toi, ne tarde point. Applique-toi donc à punir tes péchés, puisquun péché ne peut demeurer impuni. Donc il sera châtié ou par toi ou par Dieu; ne te pardonne rien afin que Dieu te pardonne. Ecoute un exemple du fameux psaume de la pénitence: «Détournez votre face de mes péchés 1 ». Dit-il: Détournez de moi? Dans un autre endroit il dit clairement : «Ne détournez pas de moi votre face 2 ». Donc « détournez votre face ce de mes péchés », je ne veux pas que vous voyiez mes péchés; car en Dieu, voir, cest châtier. Aussi, quun juge punisse un crime, on dit quil connaît dun crime, quil y a mis son attention, afin de le connaître et de le punir parce quil est juge. Cest ainsi que Dieu est juge lui-même. « Détournez votre ce face de mes péchés ». Mais toi, nen détourne pas ton regard, si tu veux que Dieu en détourne le sien. Vois ensuite comme le Prophète fait valoir ce motif devant Dieu dans ce même psaume: « Pour moi », dit-il, «je reconnais mon crime, et ma faute est toujours ce devant mes yeux as. Il ne veut pas que Dieu voie ce quil veut voir lui-même. «Le sceptre de votre règne est un sceptre de droiture ». Ne nous applaudissons pas à lexcès de la divine miséricorde, cest un sceptre de droiture. Disons-nous pour cela que Dieu est sans miséricorde? Quoi de plus miséricordieux que lui, qui pardonne tout aux pécheurs, que lui, qui oublie le passé de ceux qui se convertissent à lui? Aimez toutefois sa miséricorde, mais de manière à respecter sa véracité; la miséricorde en lui ne peut détruire la justice, non plus que la justice ne détruit la miséricorde. Mais pendant quil diffère de te châtier, ne diffère pas toi-même; parce que le sceptre de son royaume est un sceptre de justice. 19. « Vous avez aimé la justice et haï liniquité; cest pour cela que votre Dieu vous a marqué de lonction 4 ». Il vous a oint, afin que vous aimiez la justice et que vous haïssiez linjustice. Remarquez cette expression : « Cest pour cela, ô Dieu, que votre ce Dieu vous a oint ». O Dieu, cest un Dieu qui vous a marqué de lonction. Un Dieu est oint par un Dieu. Dans le latin, on pourrait croire que le-mot Dieu est répété au même cas; mais dans le grec la différence est claire,
1. Ps. L, 11. 2. Id. XXVI, 9. 3. Id. L, 5. 4. Id. XLIV, 8.
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puisque lun de ces noms est au nominatif, tandis que lautre est au vocatif. « Un Dieu vous a oint ». O vous, qui êtes « Dieu, votre Dieu vous a oint » ; comme sil disait : Cest pour cela quun Dieu ta marqué de lonction, ô toi qui es Dieu. Cest ainsi que vous devez lentendre et le comprendre, le grec la nettement déterminé. Quel est donc ce Dieu oint par un Dieu? Que les Juifs nous disent; car ces Ecritures leur sont communes avec nous. Un Dieu a été oint par un Dieu; quand on vous parle donction, comprenez le Christ, puisque Christ vient de chrisma, chrême, et que ce nom de Christ nous rappelle une onction. Les rois et les prêtres nétaient marqués de lonction en aucun endroit de la terre, sinon dans ce royaume où le Christ était prophétisé, où il était oint et doù devait sortir le nom de Christ; on ne trouve lonction nulle part, chez aucun peuple, dans aucun royaume. Un Dieu a donc reçu lonction dun Dieu; et de quelle huile, sinon dune huile spirituelle? Lhuile visible nest en effet quun signe, lhuile invisible est un sacrement, lhuile spirituelle est à lintérieur. Un Dieu a été oint pour nous, envoyé pour nous, et ce Dieu, pour recevoir lonction, était un homme; mais homme de manière à demeurer Dieu, et Dieu ne dédaignant pas dêtre homme; vrai homme et vrai Dieu. Ne trompant en rien, non plus quil nétait trompé; partout véritable, partout la vérité même. Ce Dieu donc était homme, et sil a été oint, tout Dieu quil était, cest quil était homme, et quainsi il est devenu Christ. 20. Ceci était figuré, quand Jacob mit une pierre sous sa tête et sendormit 1. Le patriarche Jacob avait donc mis une pierre sous sa tête; et pendant quil dormait sur cette pierre, il vit le ciel souvrir, et une échelle qui allait du ciel en terre, et des anges qui montaient et qui descendaient; après cette vision il séveilla, oignit la pierre et sen alla. Dans cette pierre il vit le Christ, et pour cela il loignit. Voyez donc depuis combien le Christ était prédit. Que signifie cette onction donnée à une pierre, surtout chez les patriarches qui adoraient un seul Dieu? Il fit cela en figure, car après lavoir fait il ny revint pas dune manière continue pour y adorer et y offrir des sacrifices. Cétait la figure dun
1. Gen. XXVIII, 11.
mystère, et non louverture dun sacrilège. Voyez quelle pierre : «La pierre que les architectes ont repoussée est devenue la ce pierre angulaire 1 » .Et parce que le Christ est la tête de lhomme, cette pierre fut mise à la tête de Jacob. Voyez donc ici un grand mystère. Le Christ est la pierre; « une pierre ce vivante, rejetée par les hommes », nous dit saint Pierre, ce mais choisie de Dieu 2 ». Et la pierre était à la tête, parce que le Christ est la tête de lhomme 3. Cette pierre est ointe, parce que cest de lonction que vient le nom de Christ. Et la révélation du Christ nous montre des échelles qui vont de la terre au ciel, ou du ciel à la terre, et des anges qui montent et qui descendent 4. Nous comprendrons mieux cette figure quand nous aurons cité une parole du Seigneur dans lEvangile. Vous savez que Jacob est le même quIsraël 5. Or, quand il lutta et eut lavantage sur lange, quand il reçut la bénédiction de celui quil avait vaincu, son nom fut changé, il sappela Israël; ainsi le peuple dIsraël prévalut contre le Christ quil fit crucifier, et pourtant dans la personne de ceux qui crurent au Christ, il reçut la bénédiction de celui quil avait vaincu. Mais il y en eut beaucoup pour ne pas croire, de là vient que Jacob fut boiteux. Il fut donc béni et boiteux; béni dans ceux qui crurent, car nous savons quun grand nombre dans ce peuple embrassèrent la foi, boiteux dans ceux qui demeurèrent incrédules. Et comme le nombre des incrédules fut plus grand que celui des croyants, il est dit que lange, pour le rendre boiteux, le frappa sur létendue de la cuisse. Que désignait cette étendue de la cuisse, sinon sa postérité nombreuse? Voyez donc ces échelles dans lEvangile; en voyant Nathanaël, « voilà », dit le Seigneur, « un vrai ce Israélite, sans déguisement 6 ». Cest là ce qui est dit de Jacob : « Et Jacob, qui était sans déguisement, demeurait au logis 7 ». Voilà ce que rappelait le Seigneur, en voyant Nathanaël sans déguisement, et qui appartenait à cette postérité, à cette nation. «Voilà», dit-il, « un véritable Israëlite, sans déguisement ». il lappela donc Israélite sans déguisement à cause de Jacob. Alors Nathanaël : « Doù me connaissez-vous? » Et le Seigneur: « Je tai vu quand tu étais sous
1. Ps. CXVII, 22. 2. I Cor. XI, 3. 3. I Pierre, II, 4. 4. Gen. XXVIII, 12 ; Jean, I, 51. 5. Gen. XXXII, 28. 6. Jean, 1,47. 7. Gen. XXV, 27.
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le figuier » ; cest-à-dire , quand tu faisais partie de ce peuple établi sous la loi qui le couvrait comme dune ombre charnelle, cest là que je tai vu. Quest-ce à dire : Cest là que je tai vu? Là que je tai pris en pitié. Celui-ci se souvenant quil avait été vraiment sous un figuier, et sétonnant que Jésus-Christ le sût, parce quil croyait navoir été vu de personne, lui fit cette confession : « Vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le Roi ce dIsraël ». Qui parla ainsi? Celui qui venait de sentendre dire quil était un vrai Israélite, et quil ny avait en lui aucun déguisement. Et le Seigneur : «Parce que je tai dit : Je tai vu sous le figuier, tu as cru, mais ce tu verras de plus grandes choses ». Il parle à Israël, à Jacob, à celui qui avait mis une pierre sous sa tête. « Tu verras de plus grandes choses ». Quelles plus grandes choses? Car cette pierre est déjà posée sous sa tête. « En vérité, je vous le déclare, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu ce montant et descendant sur le Fils de ce lhomme ». Ah ! que les anges de Dieu montent et quils descendent par ces échelles, et que cela se fasse dans lEglise. Les anges de Dieu sont les messagers de la vérité; quils montent et quils considèrent : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était ce en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Quils descendent et quils considèrent ce que le « Verbe sest fait chair, et quil a habité parmi nous 2 ». Quils montent pour élever les forts; quils descendent pour nourrir les faibles. Voyez Paul qui monte: « Que nous ce soyons hors de nous-mêmes, cest pour Dieu ». Voyez-le qui descend : «Que nous ce soyons plus calmes, cest pour vous 3 ». Voyez-le monter encore : « Nous prêchons la ce sagesse de Dieu aux parfaits ». Voyez-le redescendre : « Je vous ai donné du lait et non de la nourriture 4 ». Voilà ce qui se fait dans lEglise, les anges de Dieu montent et descendent sur le Fils de lhomme; car le Fils de lhomme est en haut, cest vers lui comme vers le chef, que sélèvent les coeurs. Le Fils de lhomme ou son corps est aussi en bas; ses membres sont donc ici-bas, sa tête est en haut; on monte vers la tête, on descend vers les membres. Le Christ est au ciel, et le Christ est sur la terre. Sil nétait que dans le
1. Jean, I, 48-51. 2. Id. 1, 14. 3. II Cor. V, 13. 4. I Cor. II, 6 ; III, 2.
ciel et non sur la terre, doù viendrait cette voix : «Saul, Saul, pourquoi me persécuter 1 ? » Car, dans le ciel, qui pouvait le molester? Personne assurément, ni les Juifs, ni Saul, ni le diable tentateur; nul dans le ciel ne peut lui nuire; mais telle est la liaison des membres dans le corps humain, que la langue réclame quand le pied est blessé. 21. « Vous avez aimé la justice et haï liniquité : aussi votre Dieu, ô Dieu, vous a-t-il ce marqué de lonction 2 ». Nous avons parlé du Dieu marqué de lonction, ou du Christ. On ne pouvait désigner plus formellement son nom de Christ quen lappelant le Dieu oint. De même quil est le plus beau parmi les enfants des hommes ; ainsi « il a été marqué dune huile de joie par-dessus tous ceux qui doivent la partager avec lui». Quels sont ses cohéritiers? Les enfants des hommes; car le Fils de lhomme a voulu participer à leur nature mortelle, afin de les rendre participants de son immortalité. 22. « La myrrhe, lambre et le sandal sexhalent de vos vêtements 3 ». Cest-à-dire, que vos vêtements répandent la bonne odeur. Or, ses vêtements sont les saints, les élus du Christ, toute son Eglise, dont il se revêt comme dune robe sans tache et sans ride4 : il la lavée dans son sang pour en effacer les taches, il la étendue sur la croix pour en ôter les rides. De là cette bonne odeur-marquée ici par le nom de quelques parfums. Ecoutez saint Paul, cet humble apôtre, le bas de la frange qui guérit du flux de sang la femme qui le touchait 5, écoutez-le nous dire : « Nous sommes la bonne odeur de Jésus-Christ en tout lieu, et pour ceux qui se sauvent, et ce pour ceux qui périssent ». Il ne dit pas: Nous sommes la bonne odeur pour ceux qui se sauvent, lodeur pernicieuse pour ceux qui périssent; mais bien: « Pour ce qui me regarde, nous sommes la bonne odeur, et pour ceux qui se sauvent, et pour ceux qui se perdent ». Quun homme trouve son salut dans la bonne odeur, cela nest ni improbable , ni incroyable : mais comment un homme périrait-il à loccasion dune bonne odeur? Il y a là un grand sens, une grande vérité; et quelle que soit la difficulté de le comprendre, il en est ainsi. Or, pour vous montrer que cela est difficile à comprendre,
1. Act. X, 4 2. Ps. XLIV, 8. 3. Id. 9. 4. Eph.V, 27. 5. Matt. IX, 20. 6. II Cor, II, 15.
483
saint Paul ajoute: « Et qui peut comprendre cela 1?» Qui peut comprendre quune bonne odeur fasse mourir un homme? Toutefois, mes frères, jen dirai un mot. Voilà que Paul prêchait lEvangile; beaucoup aimaient ce prédicateur, beaucoup lui portaient envie; ceux qui lui portaient envie périssaient à cause de la bonne odeur. Il était donc pour ceux qui périssaient une bonne odeur, et non une odeur pernicieuse; car ce qui augmentait leur envie, cétait la grâce qui éclatait si fort en lui; et lon ne porte pas envie aux misérables. Il était donc plein de gloire en prêchant la parole de Dieu, et en vivant selon la règle du sceptre de droiture; et il était aimé tous ceux qui en lui aimaient le Christ, qui le suivaient à lodeur de ses parfums, qui aimaient lami de leur Epoux, étant eux-mêmes cette Epouse qui dit dans les Cantiques: « Nous courons après lodeur de vos parfums 2 ». Mais plus ces envieux le voyaient dans léclat de la prédication évangélique et dune vie sans tache, plus la jalousie les déchirait, et la bonne odeur les suffoquait. 23. « La myrrhe, lambre, le sandal sexhalent de vos vêtements et des palais divoire, où les filles des rois font vos délices et votre gloire ». Par ces maisons divoire entendez de vastes palais, des maisons royales: cest là que des filles de rois font les délices du Christ. Veux-tu prendre au figuré ces palais divoire? Ce sont les vastes demeures, ces immenses tabernacles de Dieu, les coeurs des saints, ces rois eux-mêmes qui dominent leur chair, qui sassujétissent les bruyantes passions humaines, qui affligent leur corps et le réduisent en servitude ; parce que cest là que les filles des rois font ses délices. Toutes ces âmes qui sont nées de la prédication évangélique des saints, sont filles de rois : elles sont filles de rois aussi ces Eglises, filles des Apôtres. Car le Christ est le Roi des rois; ils sont rois encore, ceux dont il est dit : «Vous serez assis sur douze trônes pour juger les douze tribus dIsraël 4 ». Ils ont prêché la vérité, et ont engendré des Eglises, non point à eux, mais au Christ. Cest là le mystère que de figurait cette prescription de la loi : «Si un frère vient à mourir, que son frère prenne son épouse et quil suscite des enfants à son frère 5 ». Que le frère donc épouse la veuve,
1. II Cor, II, 16. 2. Cant. I, 3. 3. Ps. XLIV, 10, 4. Matt. XIX, 28 5. Deut. XXV, 5.
et quil suscite une lignée, non pour lui, mais pour son frère. Or, le Christ a dit: « Allez dire ce à mes frères1 ». Au livre des Psaumes il dit: « Jannoncerai votre nom à mes frères 2 ». Le Christ est mort, il est ressuscité, il est monté aux cieux, il est corporellement absent: ses frères alors ont pris son épouse, afin de lui susciter une postérité par la prédication de lEvangile, non par eux-mêmes, mais par lEvangile, et au nom de leur frère. « Cest au ce nom de Jésus-Christ », dit lun deux, « et par lEvangile que je vous ai engendrés 3 ». Aussi, en suscitant une postérité à leur frère, ils ne lont pas appelée du nom de Pierre et de Paul, mais chrétienne, du nom du Christ. Voyez si tel nest pas le sens marqué dans ces versets. Car dans « ces maisons divoire », il nous parlait de ces palais dont les dimensions, la beauté, les délices sont vraiment royales, comme sont les coeurs des saints, et il ajoute : « Cest là que les filles des rois feront votre gloire et vos délices » .Elles sont bien ce filles « de rois », ces filles de vos Apôtres ; mais cest « pour votre gloire as, parce quils ont suscité une postérité à leur frère. Aussi Paul, voyant que ceux quil avait engendrés à son frère, prenaient son nom, sécria: « Paul a-t-il donc été crucifié pour vous 4?» Que dit la loi? Que lenfant porte le nom du défunt 5. Quil croisse pour le défunt, quil soit appelé du nom du défunt. Saint Paul observe donc cette prescription légale. Cest à cette prescription quil rappelle ceux qui voulaient prendre son nom : «Paul a-t-il donc été ce crucifié pour vous? » Voyez le défunt. « Est-ce que Paul a été crucifié pour vous? »Quoi donc? En engendrant ces enfants, ne leur avez-vous pas donné votre nom? Point du tout. Car il dit : «Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés? Les filles des ce rois ont donc fait vos délices et votre gloire ». Remarquez bien et retenez cette expression: «Votre gloire » .Cest avoir la robe nuptiale, que chercher pour lui lhonneur et la gloire. Dans ces filles de rois, voyez les villes qui ont cru au Christ, et qui ont eu des rois pour fondateurs et dans ces palais divoire, les riches, les superbes, les orgueilleux. « Les filles des rois ont fait vos délices et votre gloire », parce quelles ont été moins fières de la gloire de
1. Matt. XXVI, 10. 2. Ps. XXI, 23. 3. I Cor. IV, 15. 4. Id. I, 13 5. Il y a ici une erreur. Vide Retract. II, c. 12, et lib. Quaest. in Deut.
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leurs fondateurs que jalouses de votre gloire. Que lon me montre, à Rome, en lhonneur de Romulus, un temple qui rivalise avec léglise bâtie en lhonneur de saint Pierre. Mais en Pierre qui est-ce que lon honore, sinon celui qui est mort pour nous? Car nous portons le nom du Christ et non celui de Pierre. Et si nous sommes nés du frère du défunt, nous avons cependant le nom du défunt; nous sommes nés par lun, mais nés pour lautre. Voilà Rome, voilà Carthage, voilà tant dautres villes qui sont filles de rois; elles ont fait les délices et la gloire de leur roi, et dans leur ensemble elles forment en quelque sorte une seule et même reine. 24. Mais quel épithalame, mes frères? Voilà que, dans ces cantiques pleins dallégresse, lEpouse elle-même savance. LEpoux était venu dabord, sa beauté nous a été décrite, et nos yeux lont contemplée : que lEpouse vienne à son tour. « La reine sest tenue de bout à votre droite ». Celle qui est à gauche nest pas la reine. Il y en aura une en effet à la gauche et à qui lon dira : «Allez au feu éternel ». Mais à celle de droite, on dira : «Venez , bénis de mon Père , et recevez le royaume qui vous a été préparé dès lorigine du monde 2 » . « La reine sest tenue à votre droite: son vêtement était dor, nuancé ce de diverses broderies ». Quel est le vêtement de cette reine? Il est précieux, il est nuancé, ce qui figure la doctrine du Christ prêchée dans tous les divers idiomes. Autre est lidiome africain, autre le syrien, autre le grec, autre lhébreu, autre tel ou tel : et tous ces idiomes forment à la reine les nuances de son vêtement. De même que ces nuances dans leur variété ne forment quune seule et même robe, de même toutes les langues ne prêchent quune même foi. Que la robe ait ses nuances, mais aucune déchirure. Nous voyons donc dans les nuances la diversité des langues, et dans le vêtement lunité; mais dans ces nuances que désigne lor? la sagesse elle-même. Quelle que soit la diversité des langues, on ne prêche que lor. La variété nest point dans lor, mais sur lor. Car cest la même sagesse, la même doctrine, la même règle de vie, quon prêche en toutes langues. La variété est donc dans le langage, mais lor dans les pensées. 25. Le Prophète sadresse donc à cette reine;
1. Ps. XLIV, 10. 2. Matt. XXV, 34, 41.
il chante avec joie son épithalame; il chante chacun de nous, si toutefois nous savons où nous sommes, et si nous nous efforçons dappartenir à ce corps, et de demeurer unis par la foi et lespérance aux membres du Christ, Cest donc à nous quil sadresse. « Ecoutez, ô ma fille, et voyez ». Le Prophète lui parle comme un de ses aïeux, parce que toute âme chrétienne est fille de rois; que ce soit un prophète qui parle ou un apôtre, cest toujours comme à sa fille ; cest ainsi que nous appelons les Prophètes nos pères, les Apôtres nos pères; si nous voyons en eux des pères, assurément ils voient en nous des fils : et cest une seule voix paternelle qui sadresse à une fille unique: « Ecoute et vois, ô ma ce fille ». Dabord écoute, et vois ensuite. On est venu jusquà nous avec lEvangile, on nous a prêché ce que nous ne voyons pas encore, et en lécoutant nous avons cru, et en croyant nous verrons, comme le dit le même Epoux par la bouche du Prophète : « Le peuple que je ne connaissais pas ma servi, il ma obéi dès quil ma entendu 1 ». Quest-ce à dire: « Dès quil ma entendu? » cest-à-dire, sans mavoir vu. Les Juifs lont vu et lont crucifié; les Gentils ne lont point vu et ont cru en lui. Que la reine vienne donc du pays des Gentils, quelle vienne avec son vêtement dor nuancé de broderies; quelle vienne du pays des Gentils, avec son cortège de toutes les langues, dans lunité de la sagesse, et quon lui dise : «Ecoute ma fille, et vois ». Tu ne verras que si tu écoutes. Ecoute afin de purifier ton coeur par la foi, comme le dit lApôtre dans les Actes : «Cest par la foi quil a purifié leurs coeurs 2 ». Nous écoutons donc ce que nous devons croire avant de le voir, afin de purifier ainsi notre cur et de mériter la vision. Ecoute alors, afin de croire, et purifie ton coeur par la foi. Et que verrai-je quand mon coeur sera pur? « Bienheureux ceux dont le coeur est pur, parce quils verront Dieu 3. Ecoute, ô ma fille, et vois; incline ton oreille ». Cest peu découter, écoute humblement: « Incline ton oreille. Oublie ton peuple et la maison de ton père 4 ». Il y avait un certain peuple, une certaine maison de ton père, cest là, cest dans ce peuple que tu es née, à Babylone, dans cette ville qui a le diable pour roi. De quelque point de la terre que soient venues les nations, elles étaient sous
1. Ps. XVII, 45. 2. Act. XV, 9. 3. Matt. V, 8. 4. Ps. XLIV, 11.
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la domination du diable; mais elles ont renoncé leur père. « Oublie ton peuple et la maison de ton père ». Il ta engendrée dans la souillure, et a fait de toi une pécheresse : Celui-là te rend à la beauté, qui justifie limpie. « Oublie ton peuple et la maison de ton père ». 16. « Car le roi sest épris de ta beauté 1 ». quelle beauté, sinon de celle quil a faite? Il sest épris de la beauté ». De qui est cette beauté? Est-ce dune pécheresse, dune injuste, dune impie , telle quétait cette chez le démon son père, et au milieu de son peuple? Non, mais de celle dont il est dit : « Quelle est celle-ci qui sélève éclatante de blancheur 2? » Auparavant donc elle nétait point blanche, mais depuis sa blancheur est éblouissante : «Car vos péchés fussent-ils rouges comme le vermillon, je vous rendrai blancs comme la neige 3 ». « Le Roi sest donc épris de votre beauté. Quel est ce Toi ? « Celui qui est le Seigneur votre Dieu ». Vois si tu ne dois pas abandonner celui qui t ton père, ce peuple qui était le tien, venir à ce roi qui est ton Dieu : il est Dieu et ton Roi; et ton Roi sera lui-même Epoux. Cest donc ton Roi, ton Dieu, qui de-t ton Epoux, lui qui tenrichit dune dot, qui tembellit, lui qui te rachète, lui qui guérit, lui qui te donne tout ce qui peut plaire en toi. 27. «Et les filles de Tyr viendront ladorer et lui offrir des présents 4 ». Cest ton Roi, ton Dieu, que « viendront adorer les filles de Tyr chargées de présents ». Or, les filles de Tyr sont les filles de la gentilité : la partie est prise pour le tout. Tyr était voisine de cette contrée où se chantait cette prophétie; elle désignait les nations qui devaient croire Christ. De là vint cette chananéenne qui fut tout dabord appelée chienne, Car pour vous montrer quelle appartenait bien à ce pays ,voici ce que dit lEvangile : «Jésus se retira sur les terres de Tyr et de Sidon, et voici quune femme chananéenne sortant de ces contrées sécriait », et le reste qui est marqué en cet endroit. Or, celle qui nétait quune chienne en demeurant parmi son peuple et chez son père, crie et vient à ce Roi; puis, embellie par sa foi en lui, qua-t-elle mérité dentendre? « O femme, votre foi est grande 5. « Le roi sest épris de votre beauté; et les
1. Ps. XLIV, 12. 2. Cant. VIII, 5. 3. Isa. I, 18. 4.Ps. XLIV, 13. Matt XV, 21-28.
filles de Tyr viendront ladorer avec des présents ». Quels présents? Cest ainsi que le Roi veut quon vienne à lui, afin de remplir ses trésors : cest lui qui donne de quoi les remplir et qui veut que vous les remplissiez vous-mêmes. Quelles viennent, dit-il, et quelles ladorent avec des présents. Quest-ce à dire avec des présents? « Ne vous amassez ce point des trésors sur la terre, où les vers et ce la rouille peuvent les dévorer, et où les voce leurs fouillent et dérobent ; mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où il ny a ni ce vers ni rouille pour dévorer, ni voleurs ce pour fouiller et dérober. Car là où est votre ce trésor, là est aussi votre cur 1». Venez donc avec des présents: « Répandez les aumônes, ce et tout deviendra pur pour vous 2 ». Venez avec des présents à celui qui dit : «Je veux ce la miséricorde plutôt que le sacrifice 3 ». Dans ce temple qui était jadis la figure du temple à venir, on venait avec des taureaux, des béliers, des boucs, avec divers animaux propres au sacrifice, afin que ce sang répandu fût lannonce dun sacrifice bien supérieur à ceux qui avaient lieu. Maintenant ce sang précieux prédit par tous ces rites est enfin arrivé; le Roi lui-même est venu, et il exige des présents. Quels présents? Des aumônes. Car il viendra juger les hommes, et tenir compte à quelques-uns de leurs présents. « Venez », leur dira-t-il, « bénis de mon Père, et recevez le royaume qui vous a été préparé dès ce lorigine du monde ». Pourquoi? « Jai eu ce faim et vous mavez donné à manger; jai eu soif, et vous mavez donné à boire; jai été nu, et vous mavez revêtu; étranger, et vous mavez recueilli; infirme et en prison, et vous mavez visité ». Tels sont les présents avec lesquels les filles de Tyr viennent adorer le Roi; et comme elles diront: « Quand vous avons-nous vu?» lui qui est dans le ciel et sur la terre, par ceux qui montent, comme par ceux qui descendent , leur répondra ce Quand vous lavez fait au moindre de mes ce frères, cest à moi que vous lavez fait 4 ». 28. « Les filles de Tyr ladoreront avec des ce présents ». Et pour nous préciser plus clairement quelles sont ces filles de Tyr, et avec quels présents elles viendront ladorer, le Prophète ajoute : «Les grands de la terre invoqueront vos regards 5 ». Ces filles de Tyr
1. Matt. VI, 19-21. 2. Luc, XI, 41. 3. Osée, VI, 6 ; Matt. IX, 13. 4. Matt. XXV, 34-40. 5. Ps. XLIV, 13.
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qui viendront ladorer avec des présents sont donc les riches dentre le peuple, à qui lami de lEpoux sadresse ainsi : «Ordonnez aux riches de la terre de nêtre point orgueilleux, de ne point mettre leur confiance dans les richesses incertaines; mais dans le Dieu vivant, qui nous donne avec abondance ce qui est nécessaire à la vie; de senrichir par de bonnes oeuvres ; de donner facilement, de faire part de leurs richesses». Ladorer avec des présents ; car ce nest point là perdre, mais se faire un trésor que lon peut toujours retrouver. « Quils samassent un trésor qui soit un fondement solide pour lavenir, afin dembrasser la véritable vie 1 ». Adorer avec des présents, cest donc implorer vos regards. Ils viennent en foule dans lEglise pour y faire leurs aumônes , de peur quils ne soient dehors, cest-à-dire de peur que, placés en dehors de lEglise, ils ne fassent leurs aumônes dans lEglise. Car le visage de cette Epouse, de cette reine, leur sera favorable dans leurs bonnes oeuvres. Cest pourquoi ceux qui vendaient leurs terres, venaient avec des présents implorer les faveurs de cette reine, et déposaient aux pieds des Apôtres largent quils portaient 2. La charité était alors fervente dans lEglise, et lEglise était la face de cette reine; la face de cette reine était la soumission des filles de Tyr, ou des riches qui adoraient avec des présents: « Les riches dentre le peuple imploreront votre faveur ». Ceux qui implorent la faveur, et celle dont on implore la faveur, ne forment tous quune seule épouse, tous une seule reine, la mère et les fils ne font quun même tout appartenant à Jésus-Christ, appartenant au chef. 29.Mais parce que ces aumônes et ces bonnes oeuvres se font quelquefois en vue dune gloire humaine, le Seigneur lui-même nous donne cet avertissement: « Gardez-vous de faire vos bonnes oeuvres sous les yeux des hommes, afin den être vus 3 » ; mais il nous marque- en même temps la publicité quon doit donner à ces oeuvres, à cause du visage de lEpouse: « Que vos uvres », dit-il, « brillent devant les hommes, afin quils voient vos bonnes actions et quils en glorifient votre Père qui est dans les cieux 4 » ; non pas que dans ces bonnes oeuvres faites en public vous dussiez chercher votre propre gloire, mais bien la gloire de Dieu. Eh! qui sait, me
1. I Tim. VI, 17-19. 2. Act. IV, 34. 3.Matt. VI, 1. 4. Id. V, 16.
dira-t-on, si cest ma gloire ou la gloire de Dieu que je cherche ? Quand je donne au pauvre, on me voit, mais qui voit mon intention? Quil te suffise du témoin qui te voit, car ce témoin est celui qui ten donnera la récompense. Celui qui voit dans le secret aime aussi dans le secret : il aime dans le secret, quil soit aussi aimé au dedans, celui qui donne aussi la beauté intérieure. Ne cherche pas un vain plaisir dans les regards extérieurs, non plus quà être vu, à être loué, mais vois ce qui suit : «Toute la gloire de cette fille du roi vient de son cur 1 ». Non-seulement elle a au dehors un vêtement dor nuancé de broderies, mais celui qui sest épris de sa beauté connaît sa beauté intérieure. Quelle est donc cette beauté intérieure? Celle de la conscience. Cest là que voit Jésus-Christ, là que nous aime Jésus-Christ, là que nous parle Jésus-Christ, là que Jésus-Christ châtie, là que Jésus-Christ nous couronne. Que votre aumône soit donc secrète, parce que : «Toute ce la gloire de cette fille du roi vient de ce son coeur: elle est parée de franges dor et ce couverte de broderies 2 ». Sa beauté est intérieure : « ces franges dor désignent la variété des langues, la beauté de la doctrine. Mais à quoi bon tout cela sans la beauté intérieure? 30. « A sa suite les vierges seront présentées au roi ». Voilà ce qui est véritablement accompli. LEglise a pris de laccroissement, lEglise sest répandue parmi les nations Quel vif désir maintenant, pour ces vierges, de plaire à ce roi? Qui les presse en cela? LEglise qui leur en a donné lexemple. « A sa suite, les vierges seront présentées au roi: les compagnes de lEpouse, ô roi, vous seront présentées ». Celles qui seront présentées ne sont pas étrangères à lEpouse, ce sont pour elle des proches, et qui lui appartiennent. Et comme le Prophète avait dit « au roi », il lui adresse maintenant la parole en disant : «A vous : ses proches vous seront présentées ». 31. « Elles seront présentées dans la joie et ce dans lallégresse, elles seront amenées au temple du roi. ». Ce temple du roi, cest lEglise même, et lEglise même entre dans le temple du roi. De quoi ce temple est-il construit? des hommes qui entrent dans ce temple. Quelles en sont les pierres vivantes, sinon les fidèles de Dieu ? On les amènera dans le
1. Ps. XLIV, 15. 2. Ibid. 3. Ibid. 4. Id. 16.
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temple du roi. Il y a d'autres vierges qui sont hors du temple du roi, les vierges hérétiques : elles sont vierges à la vérité, mais de quoi leur servira cette virginité, si elles ne sont amenées dans le temple du roi ? Le temple du roi est dans l'unité: le temple du roi n'est ni ruineux, ni ouvert par des fentes, ni démembré. Ses pierres vivantes sont reliées par la charité. « Elles seront amenées dans le temple du roi » . 32. « A la place de vos pères il vous est né des enfants 1 ». Rien de plus clair. Voyez maintenant ce temple du roi, puisque c'est de lui que parle notre psaume, à cause de lunité répandue par toute la terre, et que c'est là que doivent être présentées, sous peine de ne pas plaire au roi, celles qui ont voulu être vierges. « A la place de vos pères il vous est né des fils » .Ce sont les Apôtres qui vous ont engendrés; ils ont été envoyés, ils ont prêché, ils sont des pères. Mais ont-ils pu demeurer toujours avec nous d'une manière corporelle? Bien que l'un d'eux ait dit: « J'ai un vif désir d'être dégagé des liens du corps pour être avec Jésus-Christ, ce qui est sans comparaison le meilleur; mais il est plus ,avantageux pour vous que je reste en cette vie 2 » ; nonobstant cette parole, combien de temps a-t-il pu demeurer ici-bas ? Jusqu'aujourd'hui ? Jusqu'à la fin des siècles ? Leur absence a-t-elle donc mis l'Eglise dans le délaissement ? Point du tout : « A la place de vos pères il vous est né des fils ». Les Apôtres sont les pères, mais après les Apôtres il vous est né des fils que l'on a établis évêques. Car ces évêques, répandus aujourd'hui dans le monde entier, d'où sont-ils nés? LEglise les appelle ses pères, et c'est elle-même qui les a engendrés, elle-même qui les a établis sur les sièges de ses pères. Ainsi donc, ô sainte Eglise, ne va pas te croire abandonnée parce que tu ne vois plus Pierre, que tu ne vois plus Paul, que tu ne vois plus ceux qui t'ont fait naître; tu as trouvé d'autres pères dans ta propre lignée. « A la place de vos pères il vous est né des fils; vous les établirez princes sur toute la terre » .Vois ce temple du Roi, comme il s'étend au loin, afin que les vierges qui n'ont pas été amenées à ce temple sachent bien qu'elles n'ont aucune part a espérer dans ces saintes épousailles. « A la place de vos pères il vous est né des fils ;
1. Ps., XLIV, 17 . 2. Philipp. I, 23, 24.
vous les établirez princes sur toute la terre » . Telle est l'Eglise catholique: ses fils sont princes sur toute la terre, ses fils sont établis à la place de leurs pères. Que nos frères séparés le reconnaissent et qu'ils reviennent à l'unité, qu'ils se laissent amener dans, le temple du roi. Dieu a établi son temple en tous lieux, en tous lieux encore il a consolidé les bases des Apôtres et des Prophètes. L'Eglise a enfanté des fils qu'elle a établis princes sur toute la terre, à la place de leurs pères. 33. « Ils se souviendront de votre nom dans la suite des âges. C'est pour cela que les peuples vous confesseront 1 ». De quoi sert-il de confesser Dieu hors de son temple? A quoi bon prier, si l'on ne prie sur la montagne? « J'ai crié vers le Seigneur » , dit le Prophète, « et il m'a exaucé du haut de sa montagne sainte 2 ». De quelle montagne ? De celle dont il est dit: « La ville placée sur la montagne ne saurait être cachée 3 ». De quelle montagne ? De celle que vit Daniel, comme une petite pierre qui grandissait démesurément, qui renversait les royaumes du monde et qui s'étendait sur toute la terre 4. C'est là que doit adorer celui qui veut recevoir, que doit demander celui qui veut être exaucé, que doit confesser ses fautes celui qui en désiré le pardon. « C'est pour cela que les peuples vous confesseront dans le cours des siècles et à jamais ». Car dans la vie éternelle, si, comme il est vrai, il n'y a plus de gémissement à cause du péché, il y aura néanmoins confession éternelle du bonheur dont on jouira, et elle se fera par les chants de l'allégresse dans cette patrie meilleure et sans fin. C'est en effet de cette cité qu'il est écrit dans un autre psaume : « Cité de Dieu, on a dit de toi des merveilles 5 » . Cette épouse du Christ, cette fille du roi, épouse du roi, dont les princes doivent bénir le nom d'âge en âge, c'est-à-dire jusqu'à ce que finisse le monde qui se perpétue par tant de générations, eux qui ont pour elle une si vive charité, afin que, délivrée de ce mode, elle règne avec Dieu, les peuples doivent la confesser éternellement. Une charité parfaite mettra dans tous les coeurs l'éclat et la splendeur de la lumière, afin qu'elle se connaisse pleinement dans son universalité, elle qui est maintenant inconnue et cachée à elle-même dans beaucoup de ses membres. De là vient que
1. Ps. XLIV, 18. 2. Id. III, 5. 3. Matt. V, 14. 4. Dan. II, 35. 5. Ps. LXXXVI, 3.
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lApôtre nous avertit de ne rien juger avant le temps, jusquà ce que Dieu vienne, quil éclaire la profondeur des ténèbres, quil manifeste les pensées des coeurs, et alors chacun recevra sa gloire de Dieu même 1. Cette cité sainte se rendra en quelque sorte témoignage à elle-même, quand ces peuples qui la composent la béniront éternellement; ainsi elle ne sera plus cachée à elle-même et en aucune de ses parties, puisque nul de ses membres naura rien de caché.
1. I Cor. IV, 5
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