PSAUME XLV
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DISCOURS SUR LE PSAUME XLV

SERMON AU PEUPLE.

LA PRÉDICATION DES  APÔTRES

 

   

Ce Psaume est pour les fils de Coré ou du Calvaire, et dès lors pour nous, et le Christ est notre fin, puisque nous unir à lui c’est arriver au dernier terme de la gloire. Dieu est pour nous un refuge, parce qu’il habite notre conscience, à moins que le péché ne l’en bannisse ; le péché nous ferme alors cet asile, et où recourir ? C’est une créance que Dieu a sur nous, et que l’on ne solde que par la douleur. Les fils de Coré sont les Juifs convertis à la voix de Pierre, quand le Saint-Esprit descendit. ils trouvèrent le calme dans la foi. Les montagnes transportées dans la mer, ce sont les Apôtres an milieu des nations qui s’ébranlent, se convertissent, reçoivent la rosée de la grâce, tandis qu’Israël demeure stérile, se heurte contre la  petite pierre qui devient montagne. Paix avec Dieu.

 

 

1. Il est, mes frères, plusieurs sujets fort connus de vous, ce me semble, et sur lesquels nous passons légèrement, car il n’est pas besoin d’appuyer longuement sur les choses que vous savez. Comprenons bien que nous sommes les fils de Coré. Je ne fais que vous rappeler ce que vous savez déjà, que Coré signifie Chauve, et que Notre-Seigneur, parce qu’il fut crucifié au Calvaire 1 , s’attira beaucoup de fidèles, comme ce grain de froment qui serait demeuré seul, s’il ne fût mort dans la terre 2; et que ces hommes attirés au Crucifié, s’appellent mystérieusement fils de Coré. Du reste, je ne sais quels étaient ces fils de Coré, quand on chantait ce psaume 3; mais nous devons suivre l’esprit qui vivifie, et non la lettre qui tue 4. C’est donc nous qu’il faut comprendre ici, et voir si c’est à nous que s’adresse la suite du psaume ou son contexte. Nous nous y retrouverons sans nul doute, si nous nous attachons aux membres de ce corps dont la tête est dans le ciel, où elle s’est élevée après la passion, afin d’élever avec elle ceux qui étaient dans la bassesse, de les rendre fertiles avec elle, en leur faisant porter des

 

1. Matt. XXVII, 35. — 2. Jean, XII, 24. — 3. I Paral. XXVI, 1. — 4. II Cor, III, 6.

 

 

fruits dans la patience. Or, le psaume a pour titre: « Pour la fin, psaume aux enfants de Coré, pour les mystères 1 ». Il y a donc ici des choses cachées, mais vous savez que celui qui fut crucifié au Calvaire, déchira le voile du temple, afin d’en mettre les secrets en évidence 2, Comme la croix de Notre-Seigneur fut une clé qui ouvrit ce qu’il y avait de plus caché, croyons qu’il voudra bien nous venir en aide, et nous révéler ces figures. « Pour la fin », cette expression doit toujours s’appliquer à Jésus-Christ, « qui est la fin de la ce loi pour justifier ceux qui croiront 3 ». Or, on l’appelle fin, non parce qu’il détruit, mais parce qu’il perfectionne. En effet, nous disons d’un pain qu’il est fini quand il est mangé; d’une robe que l’on tissait, qu’elle est finie. Dans le premier cas il y a destruction, dans le second achèvement. Mais comme en allant au Christ nous ne pouvons nous élever davantage, il est appelé la fin de notre course. N’allons pas croire qu’une fois arrivés à lui il nous reste encore à faire de nouveaux efforts pour aller au Père. Ainsi le pensait Philippe, qui lui disait : «Seigneur, montrez-nous le Père et cela nous suffit ». En disant: « Cela

 

1. Ps. XLV, 1. — 2. Matt. XXVII, 51.— 3. Rom. X, 4.

 

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nous suffit », il cherchait une fin qui complète, qui perfectionne. Mais Jésus lui répond: « Philippe, voilà si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas encore? Philippe, celui qui me voit, voit aussi mon Père ». En lui donc nous avons le Père, parce qu’il est dans le Père, et que le Père est en lui, et que le Père et lui sont un 2.

2. Quel est donc l’avertissement que nous donne le Prophète dans ce cantique où nous devons reconnaître notre voix, si toutefois nous entrons dans les sentiments qu’il expime? ce Dieu est notre refuge et notre force 3 ». Certains asiles sont quelquefois peu sûrs, et s’y abriter c’est s’exposer plutôt que se préserver. Ainsi, par exemple, tu as recours à un homme élevé dans le monde pour t’en faire un ami puissant; tu vois un refuge près de lui. Et telle est néanmoins l’inconstance des choses de la terre, et chaque jour on voit tomber tant d’hommes puissants, qu’après avoir choisi un tel asile, c’est alors redoublent tes craintes. Auparavant tu ne craignais que pour toi, mais depuis que cet homme est ton appui, tu crains aussi pour lui. Plusieurs, en effet, qui avaient eu recours à de les protections, ont été recherchés à la chute de leurs protecteurs; et nul ne les eût inquiétés, s’ils n’eussent recherché ces appuis. Pour nous, tel n’est point notre appui, mais notre appui est la force même. Nous y réfugier, c’est y trouver la sûreté.

3. « Il est notre secours dans les afflictions sans nombre qui nous visitent 4 ». Les afflictions sont nombreuses, et dans toute affliction néanmoins il nous faut recourir à Dieu:

nous soyons affligés soit dans nos biens, dans notre santé, soit dans le danger que courent nos âmes, soit dans toute autre chose nécessaire à cette vie, le chrétien ne doit recourir qu’à Dieu seul ; et s’il y recourt, il deviendra fort. Ce n’est point par lui-même qu’il sera fort, il ne sera pas son propre appui; mais il trouvera la force en celui qui lui aura donné asile. Cependant, mes chers frères, de toutes les afflictions de l’âme humaine, il n’en est pas de plus douloureuse que la conscience de nos péchés; car s’il n’y a aucune blessure, et si cet intérieur de l’homme appelé conscience est complètement sain, d’où que lui vienne la peine, il se réfugie dans cet intérieur et y trouve Dieu. Mais si de

 

1. Jean, XIV, 8, 9.— 2. Id. X, 30.— 3. Ps. XLV, 2.— 4. Id. 3

 

nombreuses fautes ont banni le repos de cette conscience, et que Dieu n’y soit pas, que fera l’homme ? où trouvera-t-il un abri contre les peines? Qu’il fuie de la campagne dans la cité, du forum à sa maison, de sa maison dans sa chambre la plus retirée, la peine le suit toujours. Après sa chambre il n’a plus d’autre lieu où fuir, que cette retraite intérieure. Mais s’il doit encore y trouver le trouble, la fumée du péché, le brasier du crime, il ne peut s’y réfugier; il en est chassé; et, chassé de là, il est hors de lui-même. Il trouve son ennemi où il cherchait la sûreté ; où pourra-t-il se fuir lui-même? Partout où il puisse aller, il se traîne après lui; et partout où il se traîne il est son propre bourreau. Ce sont là les grandes tribulations qui viennent assaillir l’homme; il n’y en a point de plus cuisante, parce qu’il n’y en a point de plus intérieure. Voyez, bien-aimés, quand des bûcherons vont abattre des bois et les apprécier, il y a souvent à la surface quelque chose de gâté, de pourri, mais le charpentier en examine pour ainsi dire la moelle et le coeur, et s’il voit que cet intérieur est bon, il prononce hardiment qu’ils auront une longue durée dans l’édifice : et il se met peu en peine de la pourriture de la surface, quand il reconnaît que l’intérieur est bon. Mais chez l’homme il n’y a rien de plus intérieur que sa conscience; de quoi lui sert alors que l’extérieur soit d’une santé parfaite, quand la moelle de la conscience est en pourriture? Ce sont donc là des peines cuisantes, des peines tout à fait insupportables et, comme le dit le Psalmiste, des peines excessives ; et toutefois le Seigneur vient nous en soulager par le pardon de nos péchés, Car il n’y a que sa bonté qui puisse guérir la conscience des pécheurs. S’il endure de cruels tourments, cet homme qui se reconnaît débiteur du fisc; et qui, en face de ses affaires dans le désordre, reconnaît qu’il ne peut vivre en payant ce qu’il doit; s’il se plaint des tortures que lui font endurer les receveurs qui le pressent chaque année, et s’il n’a pour respirer que l’espoir de trouver quelque indulgence près des princes de la terre; combien plus vive doit être la peine de celui que ses fautes nombreuses rendent passible des plus grands supplices, et comment s’acquitter sur le fond d’une conscience en désordre, puisque s’acquitter c’est périr? Cette créance ne peut se solder que par la douleur. Il n’y a donc (490) plus que le pardon qui puisse nous donner la sécurité, pourvu qu’après le pardon nous ne contractions plus de nouvelles dettes.

4. Ainsi ces fils de Coré peuvent s’entendre de ceux à qui Pierre adressa la parole dans les Actes des Apôtres, alors que leur attention était excitée par la descente merveilleuse de l’Esprit-Saint, lorsque tous ceux qui l’avaient reçu parlaient toutes les langues. Il leur prêcha en effet le Christ, qui faisait éclater son pouvoir en envoyant le Saint-Esprit. Ces hommes pesant, d’une part., combien leur avait paru méprisable celui qu’ils avaient tué de leurs propres mains; et, d’autre part, combien il était grand et puissant devant Dieu, lui qui remplissait du Saint-Esprit des hommes simples, et leur faisait parler diverses langues, s’écrièrent dans la componction de leur coeur: « Que ferons-nous? » C’étaient les peines intérieures qui les venaient trouver. Pour eux, en effet, ils ne trouvèrent point eux-mêmes leurs péchés; mais la parole des Apôtres les leur fit trouver. D’où il suit que ce fut la tribulation qui les trouva, et qu’ils ne trouvèrent point eux- mêmes la tribulation. Qu’un homme, sans en être aucunement averti, considère ses oeuvres et se mette à prier Dieu, que dit-il? » J’ai trouvé « l’affliction et j’ai invoqué le nom de mon Dieu 1 ». Il y a donc une affliction que vous trouvez vous-même, et une affliction qui vient vous trouver. Mais pour  écarter celle que nous trouvons, ou celle qui vient nous trouver, il nous faut recourir à Celui qui est notre refuge dans les afflictions. Aussi David ayant rencontré l’affliction, s’écriait : « Et j’ai invoqué le nom du Seigneur »; et ceux que l’affliction est venue trouver disaient encore: « Dieu est notre refuge et notre force, il est notre soutien dans les tribulations qui ce sont venues nous accabler ». Mais, puisque Dieu est devenu protecteur, où a-t-il fait voir sa protection? « Touchés de componction », est-il écrit, « ils dirent dans leur coeur: Que ferons-nous 2? » Ils sont pris comme d’un grand désespoir. S’il est si grand celui que nous avons mis à mort, que deviendrons-nous? Et Pierre: « Faites pénitence, que chacun de vous soit baptisé au nom du Christ, et vos péchés vous seront remis 3 ». Car ils n’ont rien pu trouver de plus grave que ce péché. Quoi de plus horrible pour un

 

1. Ps. CXIV, 3.— 2. Act. II, 37.— 3. Id. 38.

 

malade que de tuer son médecin? Oui, quel plus funeste emportement pour le malade que d’ôter la vie au médecin? Quand on pardonne un tel crime, que ne peut-on point pardonner? Ils reçurent donc une grande assurance de la part de celui qui est appelé « notre refuge et notre force. Que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus »; c’est au nom de celui que vous avez mis à mort qu’il vous faut être baptisés, « et vos péchés vous seront pardonnés ». Vous n’avez connu votre Médecin qu’après, buvez sans crainte le sang que vous avez répandu.

5. Enfin, après une telle assurance, quel est leur langage ? « Aussi bien, serons-nous sans crainte dans les troubles de la terre 1? ». Naguère ils étaient dans l’inquiétude, les voilà tout à coup dans la sécurité; d’un trouble excessif ils passent au plus grand calme. Pour eux le Christ dormait, et ils étaient dans le trouble; le Christ s’éveille, et, comme nous l’avons entendu tout à l’heure dans l’Evangile, il commande aux tempêtes et les tempêtes s’apaisent 2 . Comme le Christ est dans le coeur de chacun de nous parla foi, cette figure nous montre que tout homme dont le coeur perd la foi est troublé par les ouragans du siècle; il est troublé comme si le Christ dormait; mais que le Christ s’éveille, et le calme se rétablit. Que dit donc enfin le Seigneur? « Eh ! où est votre foi 3? » Le Christ s’éveille et réveille votre foi, afin que le calme du navire devienne aussi le raine de vos coeurs. « Vous êtes notre soutien dans ce les afflictions qui sont venues fondre sur ce nous ». Voilà ce qu’il fit pour établir la paix.

6. Voyez quel fut ce calme. « Aussi n’aurons-nous aucune crainte, quand la terre serait ébranlée et que les montagnes seraient transportées au milieu de la mer». Alors même nous ne craindrons rien. Cherchons ces montagnes transportées, et si nous pouvons les trouver, il est clair que c’est en cela que sera notre sécurité. Car le Seigneur a dit à ses disciples: « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : « Ote-toi et jette-toi dans la mer, et il en serait ainsi 4 ». Peut-être était-ce de lui-même qu’il parlait en disant : «Cette montagne », car il a été, appelé montagne : «Et dans les derniers

 

1. Ps. XLV, 3. — 2. Matt. VIII, 24-26. — 3. Luc, VIII, 25. — Matt. XVII, 19; Marc, XI, 23.

 

 

jours se manifestera la montagne du Seigneur ». Mais cette montagne sera placée sur d’autres montagnes, car les Apôtres aussi sont des montagnes qui portent cette montagne principale. Aussi Isaïe a-t-il ajouté : « Dans les derniers temps se manifestera la montagne du Seigneur sur le sommet d’autres montagnes 1 ». Cette montagne s’élève donc au-dessus des autres montagnes et s’assied sur leurs cimes, car les autres montagnes prêchent cette montagne sainte. Quant à la mer, elle est le symbole de ce monde, et en comparaison de cette mer la Judée paraissait une terre ferme, car elle n’était point couverte des flots amers de l’idolâtrie, mais elle était comme une terre sèche, environnée de toutes parts de Gentils qui ressemblaient à une onde amère. Or, cette terre devait être troublée, c’est-à-dire la Judée elle-même; et les montagnes devaient se transporter au milieu des eaux, c’est-à-dire premièrement cette grande montagne, assise sur les sommets des montagnes. Car il abandonna la nation juive pour passer aux autres nations; il passa de la terre dans la mer. Par qui fut effectué ce passage? Par les Apôtres, à qui il avait dit : «Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Ote-toi et jette-toi dans la mer, et il en serait ainsi »; c’est-à-dire, votre prédication pleine de foi fera que cette montagne , ou moi-même, je sois prêché parmi les Gentils, glorifié parmi les Gentils, connu chez les Gentils, que s’accomplisse cette parole: « Le peuple que je ne connaissais point m’a servi 2 ». Quand ces montagnes ont-elles été transportées? Que l’Ecriture nous le dise encore. Lorsque l’Apôtre prêchait aux Juifs, ils rejetèrent sa parole, et Paul leur dit alors: « Nous étions envoyés vers vous, mais puisque vous avez méprisé la parole de Dieu, nous allons vers les Gentils 3 ». Les voilà donc transportés au sein des mers. Or, les Gentils crurent à ces montagnes, et il arriva que ces montagnes furent dans le coeur de la mer; et il n’en fut pas ainsi des Juifs, dont il est dit : « Ce peuple m’honore des lèvres, et leur coeur est loin de moi 4 ». Telle est la promesse que le Seigneur faisait par son Prophète pour le Nouveau Testament : «Je mettrai mes lois dans leurs coeurs 5 ». Ces lois, ces préceptes,

 

1. Isa. II, 2.— 2. Ps. XVII, 45.— 3. Act. XIII, 46 .— 4. Isa. XXIX, 13 ; Matt. XV, 8.— 5. Jean, XXXI, 33; Héb. VIII, 10.

 

présentés par les Apôtres à la foi et à la croyance des Gentils, voilà ce que notre psaume appelle des montagnes transportées au coeur des mers. Pour nous alors il n’y aura point de crainte. Pour qui n’y aura-t-il rien à craindre? Pour nous qui avons été touchés de componction, afin de n’être point des rameaux retranchés, comme les Juifs réprouvés. Quelques-uns d’entre eux ont cru et se sont attachés aux Apôtres qui prêchaient. Qu’ils craignent, ceux que les montagnes ont abandonnés; mais nous, nous ne quittons pas les montagnes; et, quand elles sont transférées au sein des mers, nous les y suivons.

7. Qu’est-il arrivé après que les montagnes ont été transférées au sein des mers? Ecoutez et voyez la vérité. Quand ces choses étaient annoncées, elles étaient obscures, puisqu’elles n’étaient pas encore accomplies; maintenant qu’elles sont accomplies, qui ne les reconnaîtra? Que l’Ecriture te serve de livre pour les comprendre; que toute la terre te serve de livre pour en voir l’accomplissement. Ceux-là seuls peuvent lire dans les livres qui connaissent les lettres; mais dans le livre du monde entier un idiot peut lire. Qu’est-il donc arrivé quand les montagnes ont été transférées du sein des mers? « Leurs flots ont mugi, ils ce se sont troublés», quand on prêchait l’Evangile, ils ont dit : « Quelle est cette parole? Il ce semble que cet homme noué annonce d’autres dieux 1». Ainsi disaient les Athéniens. Mais quel tumulte ne soulevèrent pas les Ephésiens, qui voulurent tuer les Apôtres, et poussèrent dans le théâtre ces grands cris: « Vive la grande Diane d’Ephèse 2 », Or, au milieu de ces flots et de ces tempêtes de la mer, ils ne craignaient pas, ceux qui avaient pris Dieu pour soutien. Enfin l’apôtre saint Paul voulait entrer dans le théâtre, et il en fut empêché par les disciples, car il fallait qu’il demeurât dans sa chair à cause d’eux 3. Et toutefois ce les eaux de la mer se soulevèrent ce avec fracas; les montagnes furent ébranlées ce par sa force as. De qui cette force? Est-ce de la mer, ou plutôt de Dieu dont il est dit: « Vous êtes notre refuge, notre force, notre ce soutien dans les tribulations sans nombre qui nous ont assaillis 4? » Les montagnes, ou les puissances du siècle, ont été troublées. Il y a en effet les montagnes de Dieu et les montagnes du siècle; les montagnes du siècle,

 

1. Act. XVII, 18.— 2. Id. XIX, 28.— 3. Phil. I, 24.— 4. Ps. XLV, 2.

 

qui ont le diable pour chef, et les montagnes de Dieu dont le chef est le Christ. Mais de ces montagnes, les unes ont été ébranlées par les autres. C’est alors qu’elles ont élevé leurs voix et leurs cris contre les chrétiens quand montaient leurs flots en courroux. Oui, ces montagnes furent ébranlées, et il se fit un grand bruit sur la terre et sur les flots. Mais contre qui toutes ces clameurs? Contre cette ville bâtie sur la pierre 1. Les eaux mugissent, les montagnes se troublent à la prédication de l’Evangile. Que deviens-tu, cité de Dieu? Ecoutez ce qui suit.

8. « Les bonds du fleuve portent la joie ce dans la cité de Dieu 2 ». Lorsque les montagnes sont ébranlées, et que la mer s’élève en courroux, Dieu témoigne par l’impétuosité du fleuve qu’il n’abandonne point sa cité. Qu’appelle-t-on les bonds du fleuve? Cette inondation du Saint-Esprit dont le Seigneur a dit : «Si quelqu’un a soif, qu’il vienne et ce qu’il boive; qui croit en moi, des fleuves ce d’eau vive couleront de son sein 3 ». Ces fleuves coulaient donc du sein de Pierre, de Paul, de Jean, des autres apôtres, des autres évangélistes fidèles. Et comme ces fleuves coulaient d’un seul fleuve, « les élans multipliés du fleuve portent la joie dans la cité ce de Dieu ». Et pour vous faire mieux comprendre que cela est dit du Saint-Esprit, voici ce qu’ajoute l’évangéliste, au même endroit : « Il disait cela du Saint-Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. Car ce l’Esprit-Saint n’était pas encore envoyé, ce puisque Jésus n’était pas encore glorifié 4 ». Or, après que Jésus eut manifesté sa gloire par sa résurrection, sa gloire encore par son Ascension, au jour de la Pentecôte, l’Esprit-Saint descendit, et remplit les fidèles qui parlèrent diverses langues 5, et se mirent à prêcher aux Gentils. De là cette joie dans la cité de Dieu, tandis que la mer se troublait au mugissement de ses eaux, que les montagnes s’ébranlaient et demandaient ce qu’il fallait faire, comment repousseraient-elles cette nouvelle doctrine, et pourraient-elles exterminer de la terre la famille chrétienne. Contre qui tous ces efforts? Contre ces élans du fleuve qui portaient la joie dans la cité de Dieu. De là aussi nous comprenons facilement de quel fleuve il veut parler, et qu’il

 

1. Matt, VII, 24. — 2. Ps. XLV, 5. — 3. Jean, VII, 37, 38.— 4. ld. 37-39. — 5. Act. II, 4.

 

désigne l’Esprit-Saint quand il dit : « Les bonds du fleuve portent la joie dans la cité de Dieu ». Que dit-il en effet après cela? « Le Très-Haut a sanctifié son tabernacle ». Dès lors qu’il parle immédiatement de sanctification, il est évident que ces bonds du fleuve doivent s’entendre de l’Esprit-Saint, qui sanctifie toute âme pieuse croyant au Christ, pour prendre place dans la cité de Dieu.

9. « Mais Dieu est au milieu de la cité, elle ce ne sera point ébranlée ». Que la mer se soulève, que les montagnes s’ébranlent; ce Dieu est au milieu de la cité, elle ne sera ce point ébranlée 1 ». Qu’est-ce à dire, « au milieu d’elle? » Faut-il croire que Dieu se tienne en quelque lieu, et qu’il soit environné de tous ceux qui croient en lui? Dieu alors serait circonscrit dans un lieu, et ce qui l’environne est au large, tandis que lui, qui est environné, serait à l’étroit? Point du tout. N’imaginons rien de semblable à l’égard de Dieu, qui ne peut être circonscrit dans aucun lieu, qui a son trône dans la conscience des justes ; et telle est la manière dont il habite le coeur des hommes, que si l’homme vient à tomber en se retirant de Dieu, Dieu néanmoins demeure en lui, sans être en danger de tomber, comme s’il ne trouvait plus d’appui. Il te relève pour que tu sois en lui, plutôt qu’il ne s’abaisse vers toi, de manière à tomber, si tu te dérobes à lui. Qu’il se dérobe à toi et tu tomberas; dérobe-toi, s’il te plaît, et lui ne tombera pas. Que signifie donc: « Dieu est au milieu d’elle? » Cela signifie que Dieu a la même justice pour tous et ne fait acception de personne. De même que le milieu d’un cercle est à égale distance des extrémités qui l’environnent; de même il est dit que Dieu est au milieu, parce qu’il veille également sur chacun des hommes : « Dieu est ce au milieu de la cité, elle ne sera point ébranlée ». Pourquoi ne sera-t-elle point ébranlée? parce que Dieu est au milieu d’elle. « Le Seigneur la protégera de sa face.  C’est ce lui qui est notre appui dans les tribulations ce excessives qui sont venues fondre sur nous. Dieu la protégera de sa face ». Qu’est-ce à dire de sa face? En se faisant voir. Et comment Dieu se montre-t-il de manière que nous voyions sa face? Je vous le rappelle, vous connaissez la présence de Dieu, nous la connaissons par ses oeuvres; et quand nous

 

1. Ps. XLV, 6.

 

recevons de lui quelque secours de manière à ne pas douter qu’il ne nous vienne de Dieu, il nous montre alors son visage. « Dieu la protègera de sa face ».

10. « Les nations se sont soulevées ». Comment soulevées? Pourquoi ce soulèvement? Pour renverser la cité de Dieu, au milieu de laquelle est Dieu lui-même? Pour détruire le tabernacle qu’il a sanctifié, qu’il protège de sa face? Non, mais ce soulèvement des nations est un soulèvement salutaire. Voyons en effet la suite. « Les royaumes se sont inclinés 1 ». Les royaumes, dit le Prophète, se sont inclinés, ils ne s’élèvent plus pour sévir, ils s’inclinent pour adorer. Quand les royaumes se sont-ils inclinés? Quand s’est accomplie cette prophétie d’un autre psaume: «Les rois de la terre viendront l’adorer, toutes les nations le serviront 2 ». Quelle cause a fait incliner les royaumes? Cette cause, écoutez-la : « Le Très-Haut a fait retentir sa voix, et la terre en a tremblé ». Les sacrificateurs des idoles élevaient la voix comme les grenouilles du fond de leurs marais, et avec un bruit d’autant plus fort que ce bruit venait d’une boue et d’une fange plus infecte. Mais quel rapprochement entre ce bruit des grenouilles et les tonnerres des nuées? Car c’est de là que « le Très-Haut fit retentir cette voix dont la terre a été ébranlée »; il a tonné du haut de ses nuées. Quelles nuées sont les siennes? Les Apôtres, ses prédicateurs, qui étaient les porte-voix de ses préceptes, et les instruments de  ses miracles. Ils sont des nuées comme ils sont des montagnes; des montagnes à cause de leur hauteur et de leur solidité, des nuées à cause de la pluie et de la fécondité qu’elles répandent. Ces nuées ont arrosé la terre, et c’est d’elles qu’il est dit : «Le Très-Haut a fait retentir sa voix dont la terre a été ébranlée ». C’est encore de ces nuées que Dieu parle quand il menace une certaine vigne stérile, et c’est par suite de cette menace que les montagnes ont été transportées dans le sein de la mer. « Je commanderai aux nuées», dit le Seigneur, « de ne laisser tomber sur elle aucune pluie 3 ». C’est là ce qui s’accomplit, comme nous l’avons observé, quand les montagnes furent transférées au sein de la mer; quand il fut dit aux Juifs : « Nous étions envoyés vers vous, mais puisque vous repoussez la parole de Dieu, allons chez les nations 4 »:

 

1. Ps. XLV, 7.— 2. Id. LXXI, 11.— 3. Isa. V, 6.— 4. Act. XIII, 46.

 

alors s’accomplit cette menace: « Je commanderai aux nuées de ne laisser tomber sur elle aucune pluies ». Aussi la nation juive est-elle demeurée comme une toison sèche dans l’aire. Car vous savez que ce fait arriva autrefois par miracle. L’aire était desséchée, la toison seule était humide, mais la rosée n’était pas visible dans la toison 1. Ainsi le sacrement de la nouvelle alliance était invisible dans le peuple juif. La toison était pour eux ce qu’est pour nous un voile: et le sacrement était voilé dans la toison. Mais dans l’aire, ou chez toutes les nations, l’Evangile du Christ est en évidence; la pluie est visible, la grâce de Jésus-Christ est à découvert; aucun voile ne la couvre. Mais pour en faire sortir la rosée, on a pressé la toison. C’est en la pressant de la sorte qu’ils ont fait sortir le Christ du milieu d’eux, et le Seigneur au moyen de ses nuées a répandu la pluie dans l’aire, et la toison est demeurée dans la sécheresse. C’est donc de là que « le Très-Haut a fait retentir sa voix », c’est de ces nuées qu’est sortie la voix qui a forcé les royaumes à s’incliner et à l’adorer.

11. « Le Dieu des vertus est avec nous, le  Dieu de Jacob est notre appui 2».  Ce n’est point un homme quelconque, ni une puissance quelconque, ni même un ange, ni aucune créature, soit terrestre, soit céleste, mais « le Seigneur des vertus qui est avec nous, c’est le Dieu de Jacob qui est notre appui ». Celui qui a envoyé les anges, est venu après les anges, il est venu pour être servi par les anges, il est venu afin d’élever les hommes à la hauteur des anges. Incomparable faveur! « Si Dieu est pour nous, qui ce sera contre nous? Le Dieu des armées est ce avec nous » .Quel est ce Dieu des armées qui est avec nous? ce Si Dieu est pour nous as, dit l’Apôtre, « qui sera contre nous? lui qui n’a pas épargné son propre Fils, qui l’a livré à la mort pour nous, comment ne nous donnerait-il point toutes choses avec lui 3? » Soyons donc en assurance, et dans la paix du coeur nourrissons du pain de Dieu une conscience pure. « Le Seigneur des armées est avec nous, le Dieu de Jacob est notre appui ». Quelle que soit ta faiblesse, vois quel est ton appui. Un homme tombe malade, on appelle un médecin: le médecin dit qu’il prend le malade sous sa garantie. Qui donc

 

1. Juges, VI, 37, 38. — 2. Ps. XLV, 8. — 3. Rom. VIII, 31, 32.

 

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est l’appui du malade? le médecin. Grand espoir de salut, puisque c’est un célèbre médecin qui l’a entrepris. Quel est notre médecin? Tout autre médecin n’est qu’un homme auprès de lui: tout médecin qui vient près d’uni malade, peut être malade à son tour, excepté Dieu. « C’est le Dieu de Jacob qui nous prend sous sa garde ». Deviens tout à fait comme l’enfant que les parents entreprennent d’élever. Ceux qu’on n’entreprend pas d’élever, on les expose; ceux qu’on entreprend d’élever, on les nourrit. Or, penses-tu que Dieu se charge de toi-même, comme ta mère s’est chargée de ton enfance? Point du tout; il s’en charge pour l’éternité. Car c’est toi qui as chanté dans un autre psaume: « Voilà que mon père et ma ce mère m’ont abandonné, mais le Seigneur ce m’a pris sous sa garde 1. C’est le Dieu de ce Jacob qui nous sauvera ».

12. « Venez et voyez les oeuvres du Seigneur 2 ». Depuis que le Seigneur a voulu te sauver, qu’a-t-il fait? Jette les yeux sur l’univers entier; viens et regarde. Si tu ne viens, tu ne vois pas; si tu ne vois, tu ne croiras pas; si tu ne crois pas, tu es éloigné; si tu crois, tu viens; et si tu crois, tu vois. Comment vient-on à cette montagne sainte? Est-ce à pied? est-ce avec des vaisseaux? ou avec des ailes ? ou avec des chevaux? Que l’éloignement des lieux ne te cause ni souci ni trouble, la montagne elle-même vient vers toi. C’est elle qui était une petite pierre, qui a pris de l’accroissement, qui est devenue cette grande montagne remplissant toute la terre 3. Par quelles terres veux-tu aller à celui qui a rempli toute la terre? La voilà qui vient, éveille-toi, son accroissement éveille même ceux qui dorment: si tant est que leur sommeil ne soit pas, si profond qu’ils demeurent insensibles à cette montagne qui les frappe, et qu’ils puissent entendre : « Debout, ô toi qui dors, sors d’entre les morts et le Christ sera ta lumière 4 ». C’était beaucoup pour les Juifs de voir la pierre. Car cette pierre était petite encore: la voyant si petite, ils la méprisèrent; en la méprisant, ils s’y heurtèrent, et en s’y heurtant, ils s’y meurtrirent; ils n’ont plus qu’à s’y faire écraser. C’est de cette pierre en effet qu’il est dit: « Quiconque heurtera cette pierre s’y ce brisera;, et elle écrasera celui sur qui elle

 

1. Ps. XXVI, 10.— 2. Id. XLV, 9.— 3. Dan. II, 35.—4. Eph. V, 14.

 

tombera 1 ». Etre meurtri ou être écrasé, sont bien différents en effet. Etre meurtri est beaucoup moins qu’être écrasé; mais le Christ ne doit écraser, en venant dans sa gloire, que celui qu’aura meurtri son humilité. Avant de se montrer dans sa gloire, le Sauveur s’est montré aux Juifs dans son humilité; et en se heurtant contre lui, ils se sont meurtris; il viendra  ensuite pour le jugement, dans sa gloire, dans sa majesté, dans sa grandeur, dans l’éclat de sa puissance; non plus dans sa faiblesse pour être jugé, mais dans sa force, pour juger et pour écarter ceux qui se sont meurtris en le heurtant.

Ainsi c’est lui qui est la pierre d’achoppement, et la pierre de scandale pour les incrédules 2 . Donc, mes frères bien-aimés, ne nous étonnons point si les Juifs n’ont point connu, s’ils ont méprisé cette pierre si petite qu’ils voyaient à leurs pieds: ne pas le reconnaître quand il est devenu une si grande montagne, voilà ce qui doit nous étonner. Les Juifs se sont heurtés contre une petite pierre qu’ils ne voyaient pas, et aujourd’hui les hérétiques se heurtent contre une montagne. Déjà cette pierre a pris de l’accroissement; aujourd’hui nous leur disons : Voilà que s’accomplit la prophétie de Daniel ; cette pierre, d’abord petite, a grossi; elle est devenue une haute montagne qui remplit la terre. Pourquoi vous y heurter et ne pas y monter? Qui peut dire assez aveugle pour se heurter contre une montagne? Comme si le Christ était venu vers toi pour te fournir une cause de scandale, et non une cause d’élévation. « Venez donc et gravissons la montagne du Seigneur 3 ». Ainsi dit Isaïe: «Venez et montons ». Qu’est-ce à dire: « Venez et montons? » venez, c’est-à-dire croyez; « montons » ou avançons. Mais eux ne veulent ni venir, ni monter, ni croire, ni avancer. Ils aboient contre la montagne. Tant de fois ils se sont heurtés contre elle et meurtris, et ils s’obstinent à ne point monter, aimant mieux se heurter encore. Disons-leur: « Venez et voyez les oeuvres du Seigneur, les prodiges qu’il a faits sur la terre 4 ». On appelle prodiges ces miracles accomplis quand le monde a cru en Jésus-Christ, parce qu’ils avaient un sens prophétique. Qu’est-il donc arrivé, qu’annonçaient-ils?

13. « Il a fait cesser les guerres jusqu’aux extrémités du monde 5 ». Nous ne voyons

 

1. Luc, XX, 18.— 2. I Pier. II, 8.— 3. Isa. II, 3. — 4. Ps. XLV, 9.— 5. Id. 10.

 

pas encore que cela soit accompli, car il y a des guerres encore, et entre les peuples pour l’empire, et entre les sectes; entre les juifs, les païens, les chrétiens, les hérétiques, il y a des guerres, de fréquentes guerres, les uns combattant pour la vérité, les autres pour l’erreur. Cette parole : « Il a fait cesser les guerres jusqu’aux extrémités du monde », n’est donc point accomplie, mais peut-être s’accomplira-t-elle. Maintenant même, n’est-elle donc pas accomplie? Elle l’est pour quelques-uns. Elle l’est pour le froment, pas encore pour l’ivraie. Que signifie donc : «Il a dut cesser les guerres jusqu’aux extrémités du monde? » Il appelle guerres, les combats contre Dieu. Or, qui combat contre Dieu? l’impiété. Que peut faire à Dieu l’impiété? Rien. Que fait contre une pierre un vase de terre déjà fêlé, quel qu’en soit le choc? Plus le choc est violent, et plus complète est sa ruine. Ces guerres étaient grandes jadis, elles étaient fréquentes. L’impiété livrait bataille à Dieu, et les vases de terre se brisaient, quand les hommes étaient assez présomptueux pour compter sur leurs propres forces. Ils s’armaient fors de ce bouclier dont parle Job à propos le l’impie : «Il s’est élancé contre Dieu, le cou abrité de son bouclier 1 ». Qu’est-ce à dire: «Le cou abrité de son bouclier? » C’est-à-dire, en se confiant trop à la protection de cette armure. Ressemblaient-ils à ces orgueilleux, ceux qui disaient : «Le Seigneur est notre appui et notre force, il nous soutient dans les tribulations excessives qui sont-venues fondre sur nous 2 »; ou bien dans un autre psaume : «Je ne mettrai point mon espoir dans mon arc, et mon bras ne me sauvera point 3?» Quand un homme reconnaît qu’il n’est rien en lui-même, qu’il ne peut rien attendre de lui-même, ses armes sont brisées entre ses mains, la guerre est finie. Telles sont les guerres apaisées par la voix du Tout-Puissant, par cette voix sortie des nuées, qui fit trembler la terre et incliner les empires: ces guerres ont cessé jusqu’aux extrémités du monde. «Il a brisé l’arc, rompu les lances et jeté au feu les boucliers 4 ». Un arc, des lances, des boucliers, du feu. L’arc signifie les embûches; les lances, l’attaque ouverte; le bouclier, la vaine présomption dans ses forces; et le feu qui doit consumer tout cela, est celui dont le Seigneur a dit : «Je suis

 

1. Job, XV, 20. — 2. Ps. XLV, 2, — 3. Id, XLIII, 7. — 4. Id. XLV, 10.

 

ce venu apporter le feu sur la terre 1 », et dont le Psalmiste a dit : «Nul ne peut se dérober à ses flammes 2 ». Quand ce feu brûlera en nous, il ne nous restera plus aucune arme impie, il faut que toutes soient brisées, soient rompues, soient brûlées. Demeure donc sans armes et sans appui en toi-même; et plus tu seras faible, sans aucune défense en toi, plus deviendra ton appui celui dont il est dit : « C’est le Dieu de Jacob qui veut nous sauver ». Tu avais de la puissance en toi-même, et voilà le trouble chez toi. Loin de toi ces armes sur lesquelles tu comptais ; écoute cette parole du Seigneur: « Ma grâce te suffit». Dis à ton tour: « Quand je suis faible, c’est ce là que je suis fort ». Ce mot est de l’Apôtre. Il avait perdu toutes les armes de sa force, lui qui disait: « Pour moi, je n’ai point à me ce glorifier sinon dans ma faiblesse 3 »; comme s’il disait : Je ne cours point contre Dieu avec le cou abrité par mon bouclier: « Moi qui ai d’abord été un blasphémateur, un persécuteur, un outrageux ennemi; mais qui ai ce reçu miséricorde, afin que Jésus-Christ ce montrât en moi toute sa patience envers ce ceux qui croiront en lui, pour la vie éternelle 4.— En apaisant les guerres jusqu’aux ce confins du monde ». Or, quand le Seigneur entreprend de nous sauver, nous laisse-t-il sans armes? Il nous donne des armes sans doute, mais d’autres armes, celles de l’Evangile, de la vérité, de la continence, du salut, de l’espérance, de la foi, de la charité. Ces armes nous les aurons, mais pas de nous-mêmes. Les armes qui venaient de nous sont brûlées, si tant est que nous ayons été embrasés de ce feu du Saint-Esprit dont il est dit : « Il jettera les boucliers au feu ». Tu voulais être fort en toi-même, et Dieu t’a rendu faible, ‘afin de te rendre fort en lui, toi dont la force n’était que faiblesse.

14. Quelle est donc la suite? « Demeurez en ce repos ». Pourquoi? « Et voyez que c’est moi ce qui suis Dieu 5 ». Voyez que ce n’est point vous, mais bien moi qui suis Dieu; c’est moi qui ai créé et qui crée de nouveau; moi qui ai formé et qui reforme; moi qui ai fait et qui refais. Si tu n’as pu te faire toi-même, comment te referais-tu? Voilà ce que ne voit pas l’esprit humain dans son trouble; et c’est à la vue de ce trouble

 

1. Luc, XII, 49.— 2. Ps. XVIII, 7— 3. II Cor. XII, 9, 10.— 4. I Tim. I, 13, 16. — 5. Ps. XLV, 11.

 

opiniâtre qu’on lui dit: « Demeurez en repos», c’est-à-dire, éloignez votre âme des querelles, ne raisonnez point, ne vous armez point contre Dieu, autrement vos armes seraient vivantes encore et non consumées par le feu. Mais si elles sont brûlées, « demeurez en ce paix », n’ayant plus de quoi combattre. Si vous êtes en repos en vous-mêmes, et que vous me demandiez tout ce que vous espériez d’abord de vous-mêmes : «Demeurez en repos, et vous verrez que je suis vraiment ce Dieu ».

15. « Je serai exalté au milieu des nations, exalté sur toute la terre ». J’ai dit tout à l’heure que la terre signifiait le peuple juif, et la mer les autres nations. « Les montagnes ce ont été transférées au sein des mers; les nations se sont troublées et les royaumes se ce sont abaissés; le Très-Haut a fait retentir sa ce voix et la terre a tremblé. Le Dieu des armées est avec nous, le Dieu de Jacob veut ce nous sauver 1 ». Toutes ces merveilles se sont opérées chez les nations, les nations

 

1. Ps. XLV, 12.

 

se convertissent à la foi, et les armes de la présomption humaine sont brûlées : le repos, la paix du coeur nous montre en Dieu l’auteur de tous ces dons. Mais Dieu, après s’être ainsi glorifié, a-t-il donc abandonné le peuple juif, dont l’Apôtre a dit: « Je vous exhorte à n’être  point sages en vous-mêmes, car une partie des Juifs est tombée dans l’aveuglement, jusqu’à ce que la plénitude des nations entrât dans l’Eglise 1 », c’est-à-dire, jusqu’à ce que les montagnes fussent transférées chez ces peuples , que les nuées y répandissent la pluie, et que le Seigneur par la grande voix de son tonnerre inclinât les empires. Jusqu’à ce que la plénitude des nations entrât. Qu’arrivera-t-il ensuite? « Et qu’ainsi tout Israël fût sauvé 2 ». C’est dans ce même ordre que notre psaume a dit : «Ma gloire éclatera ce parmi les nations , elle éclatera sur la terre » ; c’est-à-dire, au milieu des mers et sur les continents, afin que tous puissent chanter ce qui suit : Le Dieu des armées est avec ce nous, le Dieu de Jacob veut nous sauvera.

 

1. Rom. XI, 25. — 2. Id.. 26.

 

 

 

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