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DISCOURS SUR LE PSAUME L.

SERMON AU PEUPLE DE CARTHAGE.

LA PÉNITENCE.

 

Culpabilité des chrétiens au théâtre, et prière à Dieu de les ramener comme David. La faute d’un si grand homme n’est un encouragement que pour les méchants. Profit qu’en doivent tirer les âmes de bonne foi. Danger de la prospérité, David persécuté demeure juste. Précaution contre le désespoir. David n’a point péché par ignorance, mais il implore la miséricorde et se fait justice à lui-même. Parabole de Nathan. La brebis du pauvre. La femme adultère obtient son pardon; comme pour David, son péché est toujours sous ses yeux. Dieu seul est sans péché. Souillure universelle. Dieu pardonne à quiconque se châtie. Les Ninivites. L’hysope on l’humilité aide à nous purifier. L’homme humble écoute comme Jean-Baptiste. Dieu châtie en cette vie pour épargner en l’autre. David en face d’Absalom et de Séméi. Union à l’Esprit-Saint, au Verbe de Dieu. Sacrifice de la loi nouvelle; prière pour l’Eglise. Réprimons le péché dans nous et dans les autres.

 

1. La vue d’une foule si nombreuse m’impose le devoir de ne point tromper son attente, et de ne pas surcharger sa faiblesse. Je vous demanderai seulement du silence et du repos, afin qu’après les fatigues d’hier, j’aie encore assez de voix et de force. Il faut croire que (547) dans votre charité, vous ne venez en si gram nombre aujourd’hui, qu’afin de prier pour

ceux qu’éloigne d’ici une folle et malheureuse passion. Nous ne parlons en effet ni des païens, ni des juifs, mais bien des chrétiens; non de ceux qui sont encore catéchumènes, mais de plusieurs qui sont baptisés, dont vous n’êtes nullement éloignés par le baptême, mais à qui vous êtes loin de ressembler par le coeur. Combien de frères ne devons-nous pas pleurer aujourd’hui, à la pensée qu’ils courent après la vanité et les folies du mensonge 1, et négligent d’aller où ils sont appelés ! Qu’un accident quelconque les effraie au milieu du cirque, ils feront le signe de la croix; ils se tiendront là, marquant leur front d’un signe qui devrait les en éloigner, s’il était dans leur coeur. Demandons à Dieu que, dans sa miséricorde, il leur donne la lumière qui condamne ces folies, l’amour qui les fuit, le pardon qui les oublie. Il est donc heureux pour nous que nous ayons chanté aujourd’hui un psaume de la pénitence. Parlons même aux absents, votre mémoire sera pour eux notre voix. Ne négligez ni ceux qui souffrent, ni ceux qui languissent; mais, afin de les guérir plus facilement, conservez vous-mêmes votre santé. Que vos réprimandes les corrigent, que vos discours les consolent, que la sainteté de votre vie leur serve de modèle, et celui qui vous a pris en pitié aura aussi pitié d’eux. Car en vous retirant de si grands dangers, la bonté du Seigneur n’a pas été épuisée. Ils viendront par le chemin que vous avez pris, ils passeront où vous avez passé. Leur état est fâcheux, j’en conviens; il est périlleux, ils courent à leur perte, à une mort certaine, puisqu’ils connaissent le mal qu’ils font. Il y a une différence, en effet, entre courir à ces folies quand on méprise la parole du Christ, et y courir quand on sait ce qu’il faut éviter. Mais notre psaume nous apprend à ne pas désespérer même de ceux qui en sont là.

2. En voici le titre: « Psaume à David, lorsque le prophète Nathan vint le trouver, après son adultère avec Bethsabée » ; car Bethsabée était femme et épouse d’un autre homme. Nous ne le disons qu’avec douleur et en tremblant; et pourtant ce n’est point pour qu’on en garde le silence, que le Seigneur l’a fait consigner dans l’histoire.

 

1. Ps. XXXI, 5.— 2. Id, L, 1, 2.

 

J’en parlerai donc, non de plein gré, mais parce que j’y suis contraint, et j’en parlerai non comme d’un modèle à imiter, mais comme d’un motif de crainte. David, roi et prophète, qui devait être selon la chair l’aïeul du Seigneur 1, s’éprit de la beauté de cette femme étrangère, et commit un adultère avec elle. Les psaumes n’en disent rien, mais le titre nous l’indique, et nous le lisons plus à découvert dans le livre des Rois. Ces deux ouvrages sont canoniques, et tout chrétien doit y croire sans hésiter. Le crime fut commis et ensuite consigné dans 1’Ecriture. David fit même tuer à la guerre le mari de cette femme; à l’adultère il joignit le meurtre: et après ce crime le prophète Nathan lui fut envoyé, et envoyé par le Seigneur, pour lui reprocher un si grand forfait 2.

3. Voilà ce que les hommes doivent éviter; écoutons ce qu’ils doivent imiter, s’il leur arrive de tomber. Plusieurs, en effet, veulent bien tomber comme David, mais non se relever avec lui. Ce n’est donc point lorsqu’il tombe, mais bien quand il se relève qu’il devient ton modèle, si tu es tombé. Veille donc à ne point tomber. Que la chute des grands ne soit point un sujet de joie pour les petits, mais que les petits craignent en voyant tomber les grands. Tel est le but de cette histoire, c’est pour cela qu’elle est écrite, pour cela que l’Eglise fait souvent lire et souvent chanter ce psaume. Que les hommes qui ne sont point tombés l’écoutent, afin de ne point tomber, et ceux qui sont tombés, afin de se relever. Le crime d’un si grand saint n’est pas couvert du silence; on le publie dans l’Eglise. Les coeurs dépravés l’écoutent, et y cherchent un encouragement au péché, ils s’efforcent d’y voir une excuse pour le crime qu’ils ont résolu de commettre, et non un moyen d’éviter celui qu’ils n’ont pas encore commis. Ils disent en eux-mêmes: David l’a fait, et moi, pourquoi non? Et voilà qu’en se livrant au crime, parce que David l’a commis, cette âme devient plus criminelle que David lui-même. Je vais m’expliquer plus clairement, s’il est possible. David ne s’était point, comme toi, proposé de modèle: il tombait sous le poids de la concupiscence, et non sous le patronage de la sainteté; tandis que toi, tu t’enhardis au péché par l’exemple d’un saint; et, loin d’imiter sa sainteté, tu n’imites que sa chute.

 

1. Rom.I, 3 — II Rois, XI, XII, 1-14.

 

Tu aimes en David ce que David hait en lui : tu te prépares au crime, tu pèches avec réflexion ; tu cherches dans le livre de Dieu une autorisation à la licence, et tu n’écoutes la parole de Dieu que pour faire ce qui déplaît à Dieu. Voilà ce que n’a point fait David, Un prophète le reprit, un prophète ne le fit point tomber. Mais à d’autres cette histoire est très-utile, et ils mesurent leur faiblesse sur la chute d’un homme si fort; afin d’éviter ce que Dieu condamne, ils interdisent à leurs yeux jusqu’au regard peu dangereux; ils ne les arrêtent point sur la beauté d’une chair étrangère, et ne se rassurent point avec une simplicité perverse; ils ne disent point: J’ai regardé sans malice, avec bonté, c’est par charité que j’ai regardé longtemps. Ils ont devant les yeux la chute de David, et ils comprennent que ce grand homme est tombé afin d’apprendre aux petits à ne point regarder ce qui pourrait causer leur chute. Ils répriment la liberté de leurs regards: ils rie se familiarisent pas facilement, ne s’entretiennent pas avec des femmes étrangères, ne lèvent point les yeux vers les appartements des autres, ni sur les terrasses voisines. Car David ne vit que de loin cette femme qui causa sa chute. La femme était loin, la luxure était proche. Ce qu’il voyait était loin de lui, ce qui le perdait était en lui. Il faut donc veiller à cette faiblesse de la chair, et se souvenir de ces paroles de l’Apôtre : « Que le péché ne règne pas dans votre chair mortelle 1 ». L’Apôtre n’a pas dit: Qu’il n’y soit point; mais: « Qu’il n’y règne pas ». Le péché est en toi, quand tu en ressens l’attrait; il y règne, si tu y consens. Il faut réprimer l’attrait charnel, surtout lorsqu’il nous porte à ce qui est défendu, à ce qui est funeste, et non lui lâcher les rênes. Il faut le dominer, et non pas en être dominé. Regarde sans crainte, si tu n’as rien qui te porte au mal. Mais, diras-tu, je résiste avec force. Es-tu donc plus fort que David?

4. Un tel exemple nous dit aussi que nul ne doit s’élever dans la prospérité. Il en est beaucoup en effet qui craignent l’adversité et non la prospérité de cette vie. Or, la prospérité est plus dangereuse pour l’âme que le malheur ne l’est pour le corps. L’une commence à corrompre l’esprit, afin que l’autre le puisse abattre. Il nous faut donc, mes frères,

 

1. Rom. VI, 12.

 

 

redoubler de précautions contre la félicité. Aussi voyez comment la parole de Dieu cherche à nous prémunir contre toute sécurité, quand la félicité nous sourit. « Servez le Seigneur», nous est-il dit, « avec crainte et tremblement, et servez-le avec allégresse ». Avec allégresse, pour le remercier; avec crainte, pour éviter la chute. David ne pécha point quand il était en butte aux persécutions de Saül. Quand ce saint prophète avait pour ennemi Saül qui le fatiguait de ses poursuites, quand il fuyait çà et là pour ne pas tomber entre ses mains 2, il ne convoita point la femme d’un autre, il ne fit point mourir l’époux après avoir débauché l’épouse. Dans cette instabilité du malheur, son âme était d’autant plus fixée en Dieu, qu’il paraissait plus malheureux. Le malheur a donc son utilité, et le fer du. médecin est plus utile que les amorces du démon. La disparition de ses ennemis lui donna la tranquillité; délivré de toute poursuite, son coeur s’enfla. Cet exemple doit donc nous faire craindre la félicité. « J’ai rencontré », dit-il, «la tribulation et la douleur, et j’ai invoqué le nom de mon Dieu 3».

5. Mais le crime fut commis; que mes paroles soient donc un avertissement pour ceux qui ne sont point tombés, afin qu’ils veillent à conserver leur innocence, et que les petits craignent, en voyant tomber un si grand saint. S’il est dans cet auditoire quelque pécheur à qui la conscience reproche quelque crime, qu’il écoute les paroles de ce psaume ; qu’il sonde la profondeur de cette plaie, mais qu’il ne désespère point de la puis. sauce du médecin. Le péché joint au désespoir, c’est la mort certaine. Loin de vous de dire: Puisque j’ai commis telle faute je serai certainement réprouvé, Dieu ne me pardonnera point de si grands crimes, pourquoi n’entasserai-je pas faute sur faute? Jouissons ici-bas de tous les plaisirs dans la volupté, comme dans la débauche : tout espoir de salut est perdu, jouissons au moins de ce qui est sous nos yeux, si nous ne pouvons posséder ce que promet la foi. Ce psaume est donc de nature à mettre sur leurs gardes ceux qui ne sont pas tombés encore, et à prémunir contre le désespoir ceux qui sont tombés. O pécheur, qui que tu sois, et qui hésites à faire pénitence de tes fautes, parce que tu désespères de ton salut, écoute les gémissements de David. Ce

 

1. Ps. II, 11. — 2. I Rois, XXIV, 5, XXVI, 9.— 3. Ps. XCIV, 3, 4.

 

n’est pas le prophète Nathan que Dieu t’envoie, mais David lui-même, Ecoute ses cris, et crie avec lui; écoute ses gémissements, et gémis avec lui ; écoute ses pleurs, et joins-y tes pleurs; écoute-le qui se corrige, et prends part à sa joie. Si tu n’as pu fermer ton coeur au péché, du moins ne le ferme pas à l’espérance du pardon. Dieu envoie le prophète Nathan vers ce pécheur 1, vois l’humilité du roi. Il ne rejette point la leçon qui lui est faite, il ne dit pas : Oses-tu me parler ainsi à moi qui suis roi? Ce prince dans sa majesté écouta le Prophète; que le peuple dans son humilité écoute le Christ.

6. Ecoute aussi, toi pécheur, et dis avec David: « Ayez pitié de moi, ô mon Dieu, selon la grandeur de votre miséricorde 2». Implorer une grande miséricorde, c’est avouer une grande misère. Qu’ils n’implorent qu’une miséricorde légère ceux qui n’ont péché que par ignorance: « Ayez pitié de moi », dit David, « selon votre grande miséricorde ». Guérissez ma large blessure, par la puissance de vos remèdes. Mon mal est grand, mais j’ai recours à la puissance infinie. Une blessure aussi mortelle me jetterait dans le désespoir, si je ne trouvais un médecin aussi puissant. « Ayez pitié de moi, dans toute l’étendue de votre miséricorde; et dans la multitude de vos bontés, effacez mon péché ». Dire: «Effacez mon péché », revient à dire: « Ayez pitié de moi, mon Dieu». De même: « La multitude de vos bontés», a le même sens que: « L’étendue de votre miséricorde». Parce que votre miséricorde est grande, vos miséricordes sont nombreuses, et de votre grande miséricorde viennent vos bontés infinies. Vous avez l’oeil sur les contempteurs pour les corriger, l’oeil sur les ignorants pour les instruire, l’oeil sur ceux qui avouent leurs fautes pour leur pardonner. Un homme a-t-il péché par ignorance? Quelqu’un déjà qui vous avait beaucoup offensé, qui avait fait des maux nombreux, « a trouvé miséricorde », nous dit-il, parce qu’il avait agi dans l’ignorance et dans l’incrédulité 3». Mais David ne pouvait dire : « J’ai agi dans l’ignorance », car il n’ignorait pas, que toucher à l’épouse d’un autre, est un crime, ni qu’il y a homicide à faire mourir le mari qui ignorait tout, qui n’en témoignait pas la moindre colère. Il obtient donc miséricorde celui qui pèche par

 

1. II Rois, XII, 1.— 2. Ps. L, 3.— 3. Tim. I, 13.

 

ignorance; mais celui qui pèche sciemment, obtient non pas une miséricorde quelconque, mais une grande miséricorde.

7. « Lavez-moi de plus en plus de mon « injustice». Qu’est-ce à dire: « Lavez-moi de  plus en plus? » C’est que je suis beaucoup souillé. Lavez de plus en plus les péchés que j’ai commis en pleine connaissance, vous qui avez effacé les fautes que j’ignorais. Il ne faut pas désespérer de votre miséricorde. « Purifiez-moi de mon péché 1 ». Quel en sera le salaire? C’est un médecin, offre une récompense; c’est un Dieu, offre un sacrifice. Que donneras-tu pour être purifié ? Vois celui que tu invoques; il est juste, et parce qu’il- est juste il hait le péché; parce qu’il est juste, il châtie le péché : tu ne saurais enlever à Dieu sa propre justice. Implore sa. miséricorde, mais considère sa justice : sa miséricorde pardonne au pécheur, mais sa justice châtie le péché. Quoi donc? Tu cherches la miséricorde, et le péché doit-il demeurer impuni? Que David nous réponde, que les pécheurs nous répondent, qu’ils nous répondent comme David, et qu’ils disent : Non, Seigneur, mon péché ne sera point impuni; je connais la justice de celui dont j’implore la miséricorde; mon péché ne sera point sans châtiment; mais, je vous en supplie, ne le châtiez point, car je veux le châtier moi-même : épargnez-moi, puisque je ne veux point m’épargner.

8. « Car je reconnais mon iniquité, et mon crime est toujours devant moi 2 ». Je n’ai

point rejeté en arrière ce que j’ai fait, je ne m’oublie point moi-même pour regarder les

autres, je ne cherche point à ôter la paille de l’oeil de mon frère, quand il y a une poutre

dans mon oeil 3 ; mon péché est toujours sous mes yeux, et non derrière moi. Il était derrière moi, quand est venu le Prophète qui m’a exposé la parabole de la brebis du pauvre. Voici en effet ce que dit Nathan à David : «Un homme riche avait beaucoup de brebis; un pauvre son voisin n’en avait qu’une seule qu’il élevait dans son sein et avec son pain; un étranger vint chez le riche qui, sans toucher à son troupeau, jeta un oeil d’envie sur la brebis du pauvre son voisin, et la tua pour son hôte; qu’a mérité cet homme 4? » Dans son indignation David prononça une sentence, et ne sachant point que le Prophète le

 

1. Ps. L, 4. — 2. Id. 5. — 3. Matt. VII, 3. — 4. II Rois, XII, 2-6.

 

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prendrait dans ses paroles, il dit que ce riche était digne de mort, et rendrait quatre brebis; sentence sévère, mais juste! Alors son péché n’était pas encore sous ses yeux, son action criminelle était derrière lui; il ne connaissait point encore sa propre faute, et il était sans pitié pour celle d’un autre. Mais le Prophète, envoyé à dessein, remit sous les yeux du roi cette faute laissée en arrière, afin de lui faire comprendre qu’il s’était lui-même condamné par sa propre sentence. Il s’était servi de sa langue comme d’un fer salutaire, pour ouvrir la plaie et la guérir. Ainsi en usa le Sauveur avec les Juifs, qui lui amenaient une femme adultère, pour lui tendre un piége, et qui y tombèrent eux-mêmes. «Cette femme», lui disaient-ils, « vient d’être surprise en adultère: « or, Moïse nous a commandé de lapider ces « coupables; pour vous, qu’en pensez-vous 1?» il y avait là un double piége tendu à la sagesse du Seigneur: s’il la condamnait à mort, il perdait sa réputation de douceur; s’il la faisait renvoyer libre, il encourait leur calomnie et passait pour un violateur de la loi. Que répond le Sauveur? Il ne leur dit point: Qu’on la fasse mourir; il ne dit point : Qu’on la mette en liberté; mais: « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre ». La loi était juste en décrétant la mort contre l’adultère; mais donnez à cette loi juste des exécuteurs innocents. Vous considérez celle que vous amenez, voyez aussi ce que vous êtes. « A ces mots, ils s’en allèrent l’un après  l’autre ». Il ne resta que la femme adultère avec le Seigneur; que la malade avec le médecin; que la profonde misère avec la profonde miséricorde. Ceux qui l’amenaient rougirent sans demander leur pardon; celle que l’on amenait fut dans la confusion et fut guérie. « Le Seigneur lui dit: O femme, aucun ne vous a-t-il condamnée? et celle-ci : Aucun, Seigneur. Et le Seigneur: Et moi non plus, je ne vous condamnerai point, allez et ne péchez plus à l’avenir » . Le Christ a-t-il donc agi contre sa loi? Car son Père n’avait pas donné cette loi sans lui. Si le ciel, la terre et tout ce qui est en eux, ont été faits par lui, la loi aurait-elle été écrite sans le Verbe de Dieu? Donc le Seigneur n’agit point alors contre sa loi, non plus qu’un potentat n’agit contre les lois, quand il fait grâce à des coupables qui avouent leurs crimes. Moïse était

 

1. Jean, VIII, 4 -11.

 

le ministre de la loi, le Christ en était le promulgateur; Moïse fait lapider comme juge, le Christ fait grâce en roi. Le Seigneur eut pitié de cette femme selon l’étendue de sa miséricorde, comme le demande le Prophète, comme il en supplie le Seigneur par ses cris et ses gémissements. Voilà ce que n’ont point fait ceux qui lui présentaient la femme adultère; et quand le médecin étalait leurs plaies sous leurs yeux, ils n’ont point demandé au médecin la guérison. Ainsi en est-il beaucoup qui ne rougissent point du péché, et qui rougissent de la pénitence. Incroyable folie : tu ne rougis point de la plaie, et tu rougis des bandes qui la couvrent? N’est-elle pas plus hideuse et plus fétide, quand elle est à nu? Va donc trouver le médecin, fais pénitence et dis-lui : « Je connais mon iniquité, et mon péché est toujours sous mes yeux ».

9. « J’ai péché contre vous, contre vous seul, j’ai commis le mal en votre présence 1», Que veut dire cette parole? Est-ce que l’adultère de cette femme et le meurtre du mari ne furent connus d’aucun homme 2? Tous ne savaient-ils point le crime de David? Que signifie : « J’ai péché contre vous seul, j’ai commis le mal en votre présence? » C’est que Dieu seul est sans péché. Celui-là seul punit avec justice, qui n’a rien en soi que l’on doive punir: il peut reprendre justement, celui en qui l’on ne peut rien reprendre. « J’ai péché contre vous seul, j’ai commis le mal en votre présence; en sorte que vos paroles seront justifiées et que vous vaincrez quand vous serez jugé ». A qui s’adressent ces dernières paroles, mes frères? il est difficile de le voir. Assurément le Prophète s’adresse à Dieu, et il est évident que Dieu le Père n’a pas été jugé. Qu’est-ce à dire: « J’ai péché contre vous seul, j’ai commis le mal en votre présence, en sorte que vous serez justifié dans vos discours, et que vous vaincrez quand vous serez jugé? » Le Prophète voit dans l’avenir le juge suprême qui sera jugé, le juste que jugeront les pécheurs, et qui sera vainqueur, parce qu’il n’y aura en lui rien de condamnable. Seul de tous les hommes, l’Homme-Dieu a pu dire avec vérité: « Si vous trouvez en moi un péché, dites-le ». Mais il y avait peut-être en lui quelque faute qui échappait aux hommes, et alors ils ne pouvaient trouver en lui ce qui existait réellement, bien que

 

1. Ps. L, 6. — II Rois, XI, 4, 15.

 

 

d’une manière cachée? Il dit ailleurs: « Voici le Prince de ce monde », celui dont l’oeil perçant voit les péchés de tous : « Voici le prince de ce monde», ce préposé de la mort qui en frappe tous les pécheurs : « Car la mort n’est entrée dans l’univers entier que par la jalousie du démon 1 » ; « voici donc le m prince de ce monde » (disait Jésus-Christ la veille de sa passion), « et il ne trouvera rien en moi », rien de coupable, rien qui soit digne de mort, rien qui mérite condamnation. Et comme si on lui demandait: Pourquoi donc mourez-vous? il continue en disant: « Mais afin que le monde connaisse que je fais la volonté de mon Père, levez-vous, sortons d’ici 2 ». Je souffre, dit-il, sans le mériter, pour ceux qui le méritent, afin de faire vivre en moi ceux pour qui j’endure si injustement la mort. C’est donc à ce juste sans péché que s’adresse David, quand il dit: « J’ai péché à l’encontre de vous seul, j’ai fait le mal en votre présence, en sorte que vous serez justifié dans vos paroles, et vainqueur quand on vous jugera ». Vous êtes bien supérieur à tous les hommes, à tous les juges, et quiconque se croit juste, n’est qu’injuste auprès de vous; vous seul jugez dans la justice, et l’on vous a jugé injustement, vous qui aviez le pouvoir de donner votre vie, comme le pouvoir de la reprendre 3. Vous triomphez donc alors qu’on vous-met en jugement. Vous surpassez tous les hommes, parce que vous êtes plus que tous les hommes, et que c’est par vous que les hommes ont été faits.

10. « J’ai péché contre vous seul, j’ai fait le mal en votre présence, en sorte que vous serez justifié dans vos paroles, et triompherez quand vous serez mis en jugement. Voilà en effet que j’ai été conçu dans l’iniquité 4 ». Comme si l’on disait: Ceux-là sont vaincus qui ont agi comme vous, ô David; car ce n’est pas un crime léger, une peccadille, qu’un adultère et un homicide: en est-il de même de ceux qui n’ont commis aucune faute depuis qu’ils sont sortis des entrailles de leur mère ? Imputeriez-vous à ceux-là quelques péchés, en sorte qu’il n’y ait pour triompher au jugement que celui dont vous venez de parler? David parle ici au nom du genre humain, il a vu les chaînes de tous, il a considéré en nous la mort qui se propage

 

1. Sag. II, 21. — 2. Jean, XIV, 30, 31. — 3. Id. X, 18. — 4. Ps. L, 7.

 

il a vu l’iniquité à notre origine, et il s’écrie: « Voilà que je suis conçu dans l’iniquité ». David était-il donc né de l’adultère, lui fils de Jessé, homme juste, et de son épouse 1? Pourquoi dit-il qu’il est conçu dans l’iniquité, sinon parce que l’iniquité nous vient d’Adam? Et l’assujettissement à la mort s’est formé de l’iniquité même. Nul ne vient au monde qu’il

n’entraîne avec lui sa peine, et le mérite de sa peine. Le Prophète a dit ailleurs: « Nul n’est pur en votre présence, pas même l’enfant qui est sur la terre depuis un jour 2 ».

Car nous savons que le baptême du Christ a la force d’effacer les péchés, et qu’il est institué pour la rémission des fautes. Si les enfants naissent avec une parfaite innocence, pourquoi les mères, les voyant malades, viennent-elles en hâte les apporter à l’Eglise? Qu’efface donc ce baptême, cette rémission? Je vois cet innocent qui pleure au lieu de s’irriter. Qu’efface en lui le baptême? Que délie la grâce? Elle le délivre du péché transmis. Si cet enfant pouvait parler, il dirait; et s’il avait l’intelligence comme David, il répondrait: Pourquoi ne voir en moi que l’enfant? Tu ne vois pas mes fautes à la vérité; « mais je suis conçu dans l’iniquité, et dans ses entrailles ma mère m’a nourri du péché ». Car ce lien de la concupiscence ne se trouvait pas dans le Christ né de la Vierge, qui l’avait conçu de l’Esprit-Saint. On ne peut dire de celui-là qu’il est conçu dans l’iniquité, il ne peut répéter: « Dans ses entrailles, elle m’a nourri du péché, cette mère », à qui l’ange avait dit: « L’Esprit-Saint viendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre 3 ». Si donc les hommes sont conçus dans l’iniquité, s’ils sont nourris du péché dans les entrailles maternelles, ce n’est point que l’union des époux soit un péché; mais parce qu’alors, ce qui a lieu, vient d’une chair condamnée, et la condamnation de la chair c’est la mort, et toute chair a son principe mortel. Aussi l’Apôtre ne dit-il point que notre corps doit mourir, mais qu’il est mort: « A la vérité le corps est mort à cause du péché, mais l’esprit vit à cause de la justice 4 ». Comment pourrait naître sans les liens du péché ce qui est conçu, ce qui germe dans un corps que le péché a

 

1. I Rois, XVI, 18. — 2. Job, XIV, 5, selon les LXX. — 3. Luc, I, 35 —      4. Rom. VIII, 10.

 

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frappé de mort? Cette action, dès qu’elle, est chaste, n’est point criminelle; mais l’origine du péché entraîne le châtiment qui lui est dû. Un époux, pour être époux, n’en est pas moins mortel, et il n’est mortel qu’à cause du péché. Le Seigneur aussi était assujéti à la mort, mais non cause du péché; il a pris sur lui notre peine, et a dès lors expié notre faute. Il est donc juste que tous meurent en Adam, et que tous vivent en Jésus-Christ 1. « Le péché », dit saint Paul, « est entré dans ce monde, et par le péché la mort ; ainsi la mort a passé en tous les hommes par celui-là seul en qui tous ont péché 2 ». C’est un arrêt, dit l’Apôtre : tous ont péché en Adam. Un seul enfant a pu naître dans l’innocence, parce qu’il n’était point l’oeuvre d’Adam.

11. « Voilà que vous avez aimé la vérité, vous m’avez découvert ce qu’il y avait pour  moi d’incertain et de caché dans votre sagesse 3 » . « Vous avez aimé la vérité »; c’est-à-dire, vous ne laissez point sans châtiment les péchés que vous couvrez du pardon. « Vous avez aimé la vérité »; et vous dispensez la miséricorde, de manière néanmoins à sauvegarder la vérité. Vous pardonnez à celui qui avoue sa faute, et vous lui pardonnez parce qu’il se châtie lui-même; ainsi sont d’accord la miséricorde et la vérité: la miséricorde, parce que l’homme est délivré; la vérité, parce que le péché reçoit son châtiment. « Voilà que vous avez aimé la vérité; vous m’avez découvert ce qu’il y avait pour moi d’incertain et de caché dans votre sagesse ». Qu’y avait-il d’incertain, qu’y avait-il de caché? C’est que Dieu pardonne même à de tels coupables. Rien d’aussi caché, rien d’aussi incertain. C’est dans cette incertitude que les Ninivites firent pénitence. Ils se dirent en effet, nonobstant les menaces du Prophète, nonobstant cette lugubre parole: « Dans trois jours Ninive sera détruite » ; ils se dirent qu’il fallait implorer la divine miséricorde; ils se dirent dans leur perplexité: « Qui sait si Dieu n’adoucira point sa sentence et n’aura point pitié de nous? » Dire: « Qui sait », c’est être dans l’incertitude. Donc dans leur incertitude ils firent pénitence, et obtinrent une miséricorde incertaine; ils se prosternèrent et s’humilièrent dans les larmes, dans le jeûne, dans le cilice et dans la cendre; ils gémirent, ils pleurèrent, et Dieu leur

 

1. I Cor. XV, 22. — 2. Rom, V, 12. — 3. Ps. L, 8.

 

 

pardonna 1. Ninive demeura-t-elle sur pied ou, fut-elle renversée? Autres sont les pensées. des hommes, et autres celles de Dieu. Pour moi, je crois que la prédiction du Prophète fut accomplie. Voyez ce qu’était Ninive, et comprenez qu’elle fut renversée: elle fut détruite du côté du mal, et reconstruite dans le bien; de même que Saul persécuteur dut être renversé, pour que s’élevât Saul le prédicateur 2. Qui ne croirait que cette ville où nous sommes a été renversée pour son bonheur, si tous ces insensés quittaient leurs folies, pour revenir dans 1’Eglise avec componction, et demandaient à Dieu pardon de leurs fautes passées? Ne dirions-nous pas alors: Où est cette Carthage d’autrefois? Elle n’est plus ce qu’elle était, elle est renversée; mais, pour être ce qu’elle n’était pas, elle est donc reconstruite ? C’est en ce sens qu’il fut dit à Jérémie: « Voilà que je t’ai établi pour arracher, pour détruire, pour renverser, pour dissiper, et ensuite pour édifier et planter 3». De là encore ce mot du Seigneur:  « Je frapperai et je guérirai 4 ». Il frappe ce qu’il y a de grangréné dans le vice, il guérit la douleur de la blessure. Ainsi en usent les médecins: ils tranchent, ils frappent, ils guérissent; ils s’arment pour frapper, ils prennent le fer et ne viennent que pour guérir. Mais comme les Ninivites étaient de grands coupables, ils dirent: « Qui sait? » Cette incertitude, le Seigneur en avait délivré David son serviteur. Quand, en face du Prophète qui lui reprochait son crime, il s’écria: « J’ai péché » ; aussitôt il entendit le Prophète, c’est-à-dire l’Esprit-Saint par la bouche du Prophète, qui, lui dit: « Votre péché vous est remis 5 ». Le Seigneur donc lui avait découvert ce qu’il y a d’incertain dans sa sagesse.

12. « Vous me laverez avec l’hysope », dit-il, « et je deviendrai pur 6 ». Nous savons que l’hysope est une herbe peu élevée, mais curative: on dit que sa racine s’attache à la pierre. De là vient qu’elle est choisie comme un symbole de la pureté du coeur. Toi aussi, embrasse la pierre, par la racine de l’amour: sois humble devant ton Dieu qui est humble, afin de t’élever un jour avec ton Dieu glorifié., Tu seras lavé avec l’hysope, l’humilité, du Christ te purifiera. Au lieu de mépriser la

 

1. Jean, III, 4-10. — 2. Act. IX, 4. — 3. Jérém. I, 10. — 4. Deut. XXXII, 39, — 5. II Rois, XII, 13. — 6. Ps. L, 9.

 

 

bassesse de cette herbe, considère sa vertu médicale. J’ajouterai ceci, que disent d’ordinaire les médecins, et dont les malades font l’expérience : c’est que l’hysope a la vertu de guérir les poumons. Or, le poumon est le symbole ordinaire de l’orgueil; il s’enfle et se dilate par la respiration. Il est dit de Saul persécuteur ou de Saul l’orgueilleux, qu’il courait pour lier les chrétiens, ne respirant que le meurtre 1 ; son poumon n’était point pur, et il respirait le meurtre, il respirait le sang. Mais écoute combien est pur celui qu’a lavé l’hysope: « Vous me laverez avec l’hysope et je serai pur; vous me laverez, et je serai plus blanc que la neige ». «Quand même », est-il dit ailleurs, « vos péchés seraient comme la pourpre, ils se blanchiraient comme la neige 2 ». C’est de ceux-là que le Christ se forme un manteau sans tache et sans ride 3. De là vient que sur la montagne son vêtement parut blanc comme la neige 4, et fut le symbole de l‘Eglise pure de tout péché.

13. Mais où est l’humilité qui vient de l’hysope ? Ecoutez la suite : « Vous ferez entendre à mon oreille la joie et l’allégresse, et les ossements brisés tressailliront 5. Vous mettrez dans mon oreille la joie et l’allégresse ». Je me réjouirai de vous entendre et non de parler contre vous. Tu es pécheur, ô homme, pourquoi t’en défendre ? Tu veux parler : souffre que Dieu te parle, écoute, cède à la parole divine, ne te trouble point afin de ne point augmenter tes blessures : une faute est commise, ne la défends point, confesse-la sans l’excuser. Tu succomberas si tu te constitues l’avocat de ta faute: tu n’es pas un avocat irréprochable, ta défense ne peut être que malheureuse. Qui es-tu en effet, pour te défendre? Tu n’es propre qu’à t’accuser. Loin de toi donc ces excuses: ou, je n’ai rien fait; ou, quelle grande faute ai-je commise? ou, d’autres l’ont faite ainsi que moi. Si, coupable d’un crime, tu dis que tu n’as rien fait, tu ne seras rien devant Dieu, tu ne recevras rien de lui : Dieu est tout prêt à t’accorder le pardon, tu en fermes l’issue jusqu’à toi : il est prêt à te faire grâce, ne lui oppose point ta défense comme une digue, ouvre-lui ton coeur par l’aveu. « Vous me ferez entendre la joie et

 

1. Act. IX, 1. — 2. Isa. I, 18. — 3. Eph. V, 27. — 4. Matt. XVII, 2. 5. — 5. Ps. L, 10.

 

l’allégresse ». Que Dieu, mes frères, me donne d’exprimer ma pensée. Les auditeurs sont plus heureux que les prédicateurs: quiconque s’instruit est humble, mais celui qui instruit les autres doit se mettre en garde contre l’orgueil, contre toute volonté de plaire aux hommes, ce qui serait alors déplaire à Dieu. Ceux qui instruisent, mes frères, tremblent devant ces paroles, et je ne vous parle qu’en tremblant. Croyez-en à mon coeur que vous ne pouvez voir: mais puisse s’adoucir en notre faveur, et nous être propice, celui qui connaît avec quel tremblement je vous instruis ! Mais lorsque nous l’écoutons qui nous parle intérieurement, qui nous enseigne, alors nous sommes en sûreté, notre joie est sans crainte : nous avons un maître, nous cherchons sa gloire, nous le louons dans ses enseignements : sa vérité nous transporte à l’intérieur où nul ne fait et n’entend le bruit. C’est là que David trouvait sa joie et son allégresse. «Vous mettrez», dit-il, « dans mon oreille la joie et l’allégresse ». Mais il écoute parce qu’il est humble. Celui qui écoute, qui écoute vraiment, sincèrement, celui-là écoute avec humilité, car toute sa gloire est dans celui dont il écoute la parole. Après avoir dit : « Vous mettrez dans mon oreille la joie et l’allégresse, il nous montre ce qu’il en revient d’avoir écouté. Les ossements brisés tressailliront ». Les ossements brisés, les ossements de celui qui écoute, n’ont point ce faste et cet orgueil que surmonte difficilement en lui-même celui qui parle. De là encore l’humilité de ce grand homme dont le Christ a dit que nul ne fut plus grand parmi les enfants des hommes 1, et qui s’humilia au point de se dire indigne de délier les cordons des souliers du Seigneur 2, de ce Jean-Baptiste, qui rendit toute la gloire à son maître et devint ainsi son ami. Et quand on le prenait pour le Christ, et qu’il pouvait se prévaloir et s’enorgueillir de cette erreur; non que lui-même se soit dit le Christ, mais quand il pouvait accepter cet honneur de la part des hommes qui voulaient spontanément le lui déférer 3, il repoussa ce faux honneur afin de trouver la vraie gloire; et voyez comme son humilité venait de ce qu’il écoutait: « Celui qui a l’épouse » , dit-il, « est l’époux; mais celui qui se tient debout et qui écoute, est l’ami de

 

1. Matt. XI, 11. — 2. Marc, I, 7. — 3. Luc, III, 15.

 

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l’époux ». Il dit qu’il est debout et qu’il écoute, non pas, qu’il tombe et qu’il parle. « Il est debout», dit-il, « et il écoute l’époux». Vous l’entendez, il est debout, où donc est la

joie et l’allégresse ? Il continue aussitôt : « Il est debout, et il l’écoute, et il tressaille de joie à la voix de l’époux 1. Quand j’écouterai, vous me donnerez la joie et l’allégresse, et les ossements jetés à terre tressailliront ».

14. « Détournez votre face de mes fautes, effacez toutes mes iniquités 2 » Déjà tressaillent mes ossements jetés à terre, déjà l’hysope m’a purifié , et je suis devenu humble. « Détournez votre face, non de moi, mais de mes péchés ». Car il dit ailleurs en suppliant: « Ne détournez point de moi votre face 3». Il ne veut donc point que Dieu détourne de lui sa face, mais il veut qu’il la détourne de ses péchés. Car Dieu voit tout péché dont il ne détourne pas sa face; s’il le voit il le châtie. « Détournez donc votre face de mes fautes, effacez toutes mes iniquités». Il se rassure au sujet de son grand péché; il porte plus loin sa confiance, il veut que toutes ses fautes soient effacées : il met son espoir dans la main du médecin, dans cette grande miséricorde, qu’il a implorée au commencement du psaume: « Effacez toutes mes iniquités ». Dieu détourne ses regards, et c’est ainsi qu’il les efface: en détourner son regard, c’est les effacer; les voir, c’est les écrire. Tu as entendu que Dieu efface nos péchés quand il s’en détourne, écoute ce qu’il fait quand il les voit: « La face du Seigneur est sur tous ceux qui font le mal, afin d’effacer de la terre jusqu’à leur souvenir 4 » ; parce qu’il n’efface pas leurs péchés. Mais ici, que demande le Prophète? « Détournez vos regards de mes péchés ». Cette prière est sage, car lui-même ne détourne point les yeux de ses fautes, puisqu’il dit: « Pour moi, je connais mon péché ». Tu as donc le droit, tu fais bien de demander à Dieu qu’il détourne son regard de tes péchés, si tu n’en détournes pas le tien; mais si tu rejettes ton péché en arrière, Dieu le tient présent sous ses yeux. Que ton péché soit donc toujours sous tes yeux, si tu veux que Dieu en détourne ses regards tu peux alors le demander en toute sûreté, et il t’exaucera.

15. « Créez en moi,, Seigneur, un coeur nouveau ». « Créez » ; le Prophète n’a point

 

1.  Jean, III, 29.— 2. Ps. L, 11 — 3. Id. XXVI, 3.— 4. Id. XXXIII, 17.

voulu dire par là: Faites en moi quelque chose de nouveau; mais comme il priait avec repentir, comme il était coupable d’un crime, et qu’avant ce crime il était plus innocent, il nous montre ainsi la valeur de cette expression : « Créez. Et renouvelez au fond de mon âme l’esprit de droiture ». Mon crime, dit-il, avait détruit et courbé la droiture de mon esprit. Il dit dans un autre psaume: « Ils ont, courbé mon âme 1 ». Et quand l’homme se penche vers les convoitises du temps, il se courbe en quelque sorte; quand il s’élève aux biens d’en haut, de manière à trouver la douceur en Dieu, son coeur devient droit. « Combien est bon le Dieu d’Israël, pour ceux « qui ont le coeur droit 2 ! » Donc, mes frères, écoutez. Souvent Dieu châtie de ses péchés en cette vie l’homme auquel il pardonne pour l’autre vie. David lui-même, à qui Dieu avait dit par son Prophète : « Votre péché vous est remis 3 », dut subir les châtiments dont Dieu l’avait menacé à cause de sa faute. Son fils Absalon lui fit une guerre sanglante et le réduisit à d’humiliantes extrémités 4. Il marchait dans la douleur, dans l’affliction et le mépris, tellement soumis à Dieu qu’il reconnaissait sa justice dans ces traitements, et confessait qu’il ne souffrait rien qu’il n’eût mérité. Déjà son coeur était redressé, et Dieu ne lui déplaisait point. Il entendit patiemment un homme qui l’injuriait et lui jetait à la face des imprécations 5, un homme qui se déclarait son ennemi, et marchait avec les soldats de son fils rebelle. A ces malédictions jetées au roi, un des compagnons de David voulut courir sur cet insolent et le tuer; mais David le retint. En quels termes? « C’est Dieu», dit-il, « qui l’a envoyé pour me maudire ». Il reconnaît donc sa faute, il en approuve le châtiment, il ne cherche point sa propre gloire; il bénit le Seigneur du bien qu’il trouve en lui-même, il bénit le Seigneur des maux qu’il endure, il bénit le Seigneur en tout temps; la louange du Seigneur est toujours en sa bouche 6. Tels sont les hommes au coeur droit: bien différents de ces hommes dépravés qui se croient justes et Dieu pervers; qui jubilent quand ils font le mal ; qui blasphèment quand ils souffrent; qui sous le fouet de la tribulation s’écrient dans leur âme dépravée : Dieu, que t’ai-je fait? En vérité, ils

 

1. Ps. LV, 7.— 2. Id. LXXII, 1.— 3. II Rois, XII, 13.— 4. Id. XV, 10.— 5. Id. XVI, 6. — 6. Ps. XXII, 2.

 

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n’ont rien fait pour Dieu, ils ont tout fait pour eux-mêmes: « Renouvelez dans mes entrailles d’esprit de droiture ».

16. « Ne me repoussez point de votre présence ». Détournez vos regards de mes péchés, mais ne m’éloignez pas de votre présence. Il redoute le regard de Dieu, et néanmoins il invoque ce regard. « Ne m’éloignez pas de votre présence, et ne retirez pas de moi votre Esprit-Saint 1 ». Car le Saint-Esprit est dans celui qui avoue ses fautes. Que votre péché vous déplaise, c’est là un don de l’Esprit-Saint. Le mal plaît à l’esprit impur, il déplaît à l’esprit de sainteté: et quoique, d’une part, tu demandes encore pardon à Dieu, néanmoins comme d’autre part tu as en aversion le mal que tu as fait, lu es uni à Dieu, puisque tu hais ce qu’il hait. Ainsi, vous voilà deux contre la fièvre, le médecin et toi. Mais comme il n’est pas au pouvoir de l’homme d’avouer et de punir par lui-même son péché, quiconque s’irrite contre soi-même et se prend à dégoût, ne le fait que par un don de l’Esprit-Saint. Aussi le Prophète ne dit point: Donnez-moi votre Esprit-Saint, mais: « Ne le retirez pas de moi. Ne retirez pas de moi votre Esprit-Saint ».

17. « Rendez-moi la joie de votre salut 2 ». « Rendez-la-moi », car je l’avais avant de la perdre par le péché : « Rendez-moi cette joie de votre salut »; c’est-à-dire de votre Christ. Sans lui, qui peut être guéri? Avant même qu’il fût né d’une vierge, « le Verbe était au commencement, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu 3». Ainsi les anciens croyaient à l’Incarnation dans l’avenir, comme nous y croyons au passé. Les temps ont changé, mais non la foi. « Rendez-moi la joie de votre salut, et fortifiez-moi de votre souverain Esprit ». Plusieurs ont vu ici la Trinité, si l’on envisage Dieu en lui-même et sans le mystère de l’Incarnation. Il est écrit en effet : « Dieu est esprit 4 ». Ce qui n’est point corporel et qui existe néanmoins ne peut être qu’esprit. Quelques-uns donc ont vu ici la Trinité, « l’Esprit de droiture » serait le Fils 5, « l’Esprit-Saint », le Saint-Esprit, et « l’Esprit souverain», le Père. Que l’on entende ainsi ces paroles, ou que dans cette expression : « Renouvelez dans mes entrailles l’esprit de droiture », le Prophète ait parlé

 

1. Ps. L, 13.— 2. Id. 14. — 3. Jean, I, 1. — 4. Id. IV, 24.— 5. Cap.IV, n. 6, Hieronimus in Epist. ad Galat.

 

de l’esprit de l’homme, que le péché a courbé, rendu tortueux, en sorte que l’Esprit-Saint soit cet esprit principal, qu’il demande à Dieu de ne point lui ôter, et dans lequel il veut être affermi, aucun de ces deux sens n’est contre la foi.

18. Mais voyez ce qu’il ajoute : « Fortifiez-moi », dit-il, « parle souverain Esprit ». En quoi veut-il être affermi? Parce que vous m’avez accordé mon pardon, parce que j’ai la certitude que vous ne m’imputerez point ce que vous m’avez remis, cette faveur me donne la sécurité, cette grâce me fortifie, et je ne serai pas ingrat. Que ferai-je alors? « J’enseignerai vos voies aux méchants ». Moi, jadis impie, j’instruirai les impies, c’est-à-dire qu’après avoir été méchant, je ne le suis plus, et que si vous ne retirez de moi votre esprit, si même vous m’affermissez dans l’esprit souverain, « j’enseignerai vos voies aux méchants » .Quelles voies leur enseignerais-tu? « Les impies se retourneront vers vous 1 ». Si le péché de David est regardé comme une impiété, que les impies ne se livrent point au désespoir, puisque Dieu pardonne à l’impie : mais à la condition qu’ils se convertiront à lui, qu’ils étudieront ses voies. Si l’on ne voit point dans les péchés de David une impiété, et si l’impiété est proprement l’apostasie contre Dieu, si elle consiste à n’adorer pas un seul Dieu, à ne l’avoir jamais servi, ou à le quitter après l’avoir servi, il y a comme exagération dans cette parole: « Les impies se tourneront vers vous». Telle est l’abondance de votre miséricorde, que ceux qui se convertissent à vous, non-seulement d’entre les pécheurs vulgaires, mais aussi d’entre les impies, ne doivent point désespérer. « Les impies, se retourneront vers vous ». Pourquoi ? Afin que leur foi leur soit imputée à justice, quand ils croiront en celui qui justifie l’impie 2 .

19. «Délivrez-moi des sangs, Seigneur, Dieu de mon salut ». En mettant au pluriel le mot sang, le traducteur latin s’est servi d’une expression peu latine pour rendre la force du grec. Nous savons tous que le mot sang n’a pas de pluriel; et néanmoins comme le grec l’a mis au pluriel, non sans raison, et parce qu’il en était ainsi dans l’hébreu, le pieux interprète a mieux aimé employer une expression moins latine qu’une autre moins exacte.

 

1. Ps. L, 15. — 2. Rom. IV, 5.

 

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Pourquoi donc a-t-il dit au pluriel: « Délivrez-moi des sangs ? » Il a voulu montrer dans la pluralité du sang, comme dans l’origine de cette chair du péché, la pluralité de fautes. C’est dans le même sens que sain Paul, envisageant ces fautes sans nombre qu nous viennent de la corruption du sang et de la chair, s’écriait : « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu 1 ». Et néanmoins, d’après l’enseignement du même Apôtre, il est de foi que notre chair ressuscitera, et qu’elle méritera d’être incorruptible selon cette parole: « Il faut que ce corps corruptible soit revêtu d’incorruptibilité, et que cette chair mortelle soit revêtue d’immortalité 2 » . Comme  donc c’est du péché que vient cette corruption, elle donne son nom aux péchés; de même qu’on donne le nom de langue à cette parcelle de chair, à ce membre qui se meut dans la bouche quand nous articulons des mots distincts, et langue encore ce que profère cette langue; ainsi nous disons la langue latine ou la langue grecque; non que la chair soit différente, mais simplement le son. De même alors qu’on appelle une langue ce que produit une langue; de même on appelle sang l’iniquité qui vient du sang. Jetons donc les yeux sur le grand nombre d’iniquités, ainsi qu’il l’a dit plus haut : « Effacez toutes mes fautes ; et les attribuant à la corruption de la chair et du sang, « Délivrez-moi », dit-il, «des sangs»; c’est-à-dire, délivrez-moi de mes iniquités, purifiez-moi de toute corruption. Dire alors : Délivrez-moi des sangs, c’est témoigner le désir d’être incorruptible : car la chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu, non plus que la corruption ne possédera l’héritage incorruptible. « Délivrez-moi des sangs, Seigneur, Dieu de mon salut ». Il nous montre ainsi que quand notre corps sera parfaitement sain, il n’y aura en lui rien de cette corruption, que l’on désigne sous le nom de chair et de sang : et que la santé du corps sera complète. Maintenant, en effet, comment dire qu’il est sain, ce corps qui tombe, qui est dans le besoin, qui est sans cesse tourmenté par la maladie de la faim ou de la soif? Voilà ce qui disparaîtra

car les aliments sont pour l’estomac, et l’estomac pour les aliments 3, mais Un jour Dieu détruira l’un et les autres. Dieu donnera au corps une beauté parfaite, la mort sera

 

1. I Cor. XV, 5. — 2. Id. 53. — 3. I Cor. VI, 13.

 

absorbée dans sa victoire 1, il n’y aura plus aucune corruption, nulle défaillance ne nous surprendra, les années ne nous changeront point, nul travail ne nous fatiguera, nous n’aurons besoin ni de viande pour réparer nos forces, ni de nourriture pour les soutenir. Toutefois nous ne serons privés ni d’aliments ni de breuvage; mais nous aurons pour nourriture et pour breuvage Dieu lui-même: c’est le seul aliment qui nourrisse toujours et qui ne s’épuise jamais. « Délivrez-moi des sangs, Seigneur, Dieu de mon salut ». Ce salut, nous en jouissons dès maintenant. Ecoutez l’Apôtre: « Nous sommes sauvés par l’espérance ». Et voyez qu’il parlait du salut du corps: «En nous-mêmes nous gémissons dans l’attente de l’adoption des enfants de Dieu, qui sera la délivrance de notre corps; nous sommes en effet sauvés par l’espérance; or, l’espérance que l’on verrait ne serait plus de l’espérance; comment espérer ce que l’on voit? Si donc nous ne voyons pas encore ce que nous espérons, nous l’attendons par la patience 2 ». Celui qui persévérera jusqu’à la lin, et telle est la patience, celui-là sera sauvé 3; et voilà le salut que nous n’avons pas encore, mais que nous devons avoir. La réalité n’existe pas encore, l’espérance est certaine. « Et ma langue alors publiera votre justice ».

20. « Seigneur, vous ouvrirez mes lèvres, et ma bouche publiera vos louanges 4. Vos  louanges, parce que vous m’avez créé ; vos louanges », parce que vous ne m’avez

pas abandonné, malgré mon péché; « vos louanges », parce que vous m’avez averti

de confesser ma faute; « vos louanges», parce que vous m’avez purifié afin que je fusse en

sûreté : « Vous ouvrirez mes lèvres, et ma bouche publiera vos louanges ».

21. « Si vous aviez voulu des sacrifices, je vous en aurais offert 5 ». Au temps de David on offrait à Dieu des animaux en sacrifice, mais il voyait les temps à venir. N’est-ce point nous que nous reconnaissons dans ces paroles? Ces sacrifices étaient des symboles qui annonçaient l’unique sacrifice du salut. Dieu ne nous a donc pas abandonnés sans nous laisser un sacrifice que nous puissions lui offrir. Ecoute le Prophète soucieux de son péché, et cherchant à obtenir le pardon du crime qu’il a commis: « Si vous eussiez voulu des

 

1. I Cor. XV, 54.— 2. Rom. VIII, 23 - 25.— 3. Matt. X, 21; XXIV, 13— 4. Ps. L, 17. — 5. Id. 18.

 

sacrifices », dit-il, « je vous en aurais offert. Mais les holocaustes ne vous sont point agréables 1 ». N’aurons-nous donc rien à offrir? Nous présenterons-nous ainsi devant Dieu? Comment alors l’apaiser? Eh bien ! offre à Dieu, tu as en toi de quoi lui offrir. Ne va pas au loin chercher de l’encens; mais dis: «En moi, Seigneur, sont les vœux que je vous présenterai, les louanges que je vous offrirai 2». Ne cherche point un animal pour l’égorger, tu as en toi de quoi immoler à Dieu. « Le sacrifice que veut le Seigneur est une âme brisée, et Dieu ne dédaigne pas un coeur contrit et humilié 3». Le taureau, le bouc, le bélier, il les dédaigne; ce n’est plus le moment de les offrir. On les offrait quand ils étaient des symboles, des promesses; mais la promesse a dû disparaître devant l’objet lui-même. « Dieu donc ne rejette pas un coeur contrit et humilié ». Dieu est élevé, tu le sais: si tu t’élèves, il s’éloignera de toi; si tu t’abaisses, il s’en approchera.

22. Voyez celui qui parle ici : il semblait que cette prière n’était que de David, et néanmoins voyez ici notre image, et la figure de l’Eglise. « Dans votre bonté, Seigneur, répandez vos faveurs en Sion 4 ». Soyez favorable à cette Sion. A quelle Sion ? A la cité sainte. Quelle est la cité sainte? Celle qui ne peut être cachée, qui est établie sur la montagne 5. En Sion est la contemplation, parce qu’elle contemple ce qu’elle espère. Sion signifie donc la contemplation, et Jérusalem vision de la paix. Vous vous reconnaissez donc en Sion et en Jérusalem, si vous attendez avec certitude l’espérance à venir, et si vous êtes en paix avec Dieu. « Elevez les murs de Jérusalem. Seigneur, dans votre bonté, répandez vos faveurs en Sion; élevez les murs de Jérusalem ». Que Sion ne s’attribue aucun mérite; mais vous, Seigneur, comblez-la de vos grâces : « Elevez les murs de Jérusalem », mettez les boulevards de notre immortalité, dans la foi, dans l’espérance, dans la charité.

23. «Alors vous recevrez le sacrifice de justice 6. Maintenant pour nos fautes vous recevez le sacrifice d’une âme brisée, d’un coeur contrit et humilié, alors on ne vous offrira  plus qu’un sacrifice de justice, uniquement des louanges. « Bienheureux ceux qui

 

1. Ps. L, 19.— 2. Id. LV,12.— 3. Id. L,19.— 4. Id. 20.— 5. Matt. V, 14. — 6. Ps. L, 21.

 

habitent vos demeures, ils vous béniront éternellement 1 ». Voilà le sacrifice de justice. « Quant aux offrandes et aux holocaustes ». Qu’appelle-t-on holocaustes ? L’offrande entièrement consumée par le feu. Quand le corps de la victime était brûlé entièrement par le feu de l’autel, ce sacrifice prenait le nom d’holocauste. Que le feu divin nous consume entièrement, qu’une sainte ferveur nous absorbe. Quelle ferveur? « Nul ne peut se dérober à ses feux 2 ». Quelle ferveur encore ? L’Apôtre l’a dit: « Ayons la ferveur de l’esprit 3 ». Non-seulement que notre âme, que notre corps aussi soit embrasé de ce feu de la divine sagesse, afin de mériter là haut l’immortalité ; que notre holocauste s’élève jusqu’à absorber la mort dans sa victoire 4. « On fera en votre honneur des offrandes et des holocaustes, et l’on placera la chair des veaux sur vos autels ». Pourquoi des veaux? Qu’y choisira le Seigneur? Est-ce l’innocence du jeune âge, ou l’affranchissement du joug de la loi?

24. Nous voici, mes frères, par la grâce du Christ, à la fin du Psaume, non peut-être comme nous l’aurions voulu; mais, du moins, comme nous l’avons pu. Il nous reste à vous adresser quelques mots sur les malheurs dans lesquels nous vivons. Car nous vivons en ce monde et il nous est impossible de nous séparer des désordres du monde. Il nous faut donc de la patience pour vivre au milieu des méchants, car les bons qui vivaient avec nous quand nous étions impies, nous ont supportés avec patience. N’oublions pas ce que nous étions, ne désespérons pas de ceux qui sont aujourd’hui ce que nous avons été. Toutefois, mes frères, dans une telle diversité de moeurs, et dans une si effroyable corruption, gouvernez vos maisons, gouvernez vos enfants, gouvernez vos familles. Autant nous sommes obligé de vous parler au nom de l’Eglise, autant le devoir vous oblige à veiller sur vos familles, afin que vous puissiez rendre un bon témoignage de ceux qui vous sont confiés. Dieu aime l’ordre. C’est une innocence bien fausse et bien perverse, que de lâcher les rênes aux péchés. C’est une indulgence bien inutile et même bien funeste que celle d’un père pour un fils qui ressentira la sévérité de Dieu; et non-seulement le fils, mais avec

 

1. Ps. LXXXII, 5. — 2. Id. XVII, 7.— 3. Rom. XII, 11.— 4. I Cor. XV, 51.

 

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lui ce père dissolu. Quoi donc en effet? S’il ne péche point, n’est-il pas cause des péchés de son fils, n’est-ce pas à lui d’en arrêter les désordres ? Veut-il faire croire à ce fils qu’il commettrait les mêmes fautes, s’il n’était trop vieux? Une faute que tu ne détestes pas dans ton fils est une faute qui te plaît; c’est l’âge qui te fait défaut et non la concupiscence. Surtout, mes frères, veillez sur ceux de vos enfants pour qui votre foi vous a fait demander le baptême. Mais peut-être un fils indigne méprisera les avertissements, les réprimandes, les châtiments de son père; eh bien ! accomplissez votre devoir, Dieu lui demandera compte du sien.

 

Ces cinquante premiers Psaumes ont été traduits par M. l’abbé MORISOT

 

 

 

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