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DISCOURS SUR LE PSAUME XLIXSERMON AU PEUPLE.LE JUGEMENT DE DIEU.
Le Dieu qui appelle à la foi la terre entière et non lAfrique seulement, est le Dieu des dieux, cest-à-dire des anges et des saints, qui sont les cohéritiers de Jésus-Christ, qui doivent entrer en participation de sa gloire, aussi bien que le Dieu des démons, qui à leur tour sont les dieux des nations. Il a parlé et fait éclater sa gloire à Jérusalem dabord, puis dans les nations par le moyen des Apôtres. Mais pendant sa vie et à la croix, il était caché et parlait miséricorde; à sa résurrection il parut un Dieu même à Thomas ; tel il viendra au grand jour parler justice. Le feu qui le précède nest quun châtiment vulgaire, le plus terrible cest la privation de Dieu. Alors se fera la séparation ; les uns, figurés par les cinq vierges sages, les cinq frères du mauvais riche, les cent cinquante-trois poissons, monteront en haut pour juger avec Dieu. Ils ont fait miséricorde et ont offert le sacrifice de louanges, non avec des animaux, mais avec la sainteté du coeur et des oeuvres. Ce sacrifice, le pécheur ne peut loffrir. Crime du scandale, de la détraction. Glorifions-nous, mais en Dieu.
1. Cest à chacun de nous, mes frères, de voir en lui-même lefficacité de la parole de Dieu pour amender notre vie, nous faire espérer ses récompenses et craindre ses châtiments; cest à nous, dans ce péril extrême, de mettre sous nos yeux notre conscience, sans déguisement comme sans flatterie; car, vous le voyez, le Seigneur notre Dieu ne flatte personne. Sil nous console en nous promettant des biens, en soutenant nos espérances, il
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népargne aucunement ceux qui mènent une vie coupable et naccueillent sa parole quavec mépris. Que chacun sinterroge donc, alors quil en est temps, quil voie où il en est, et quil persévère dans le bien ou se détourne du mal. Car ce nest point un homme, ni même un ange, mais bien « le Dieu des dieux, le Seigneur qui nous parle », comme il est dit dans notre psaume. Mais en parlant qua-t-il fait? « Il a appelé la terre depuis lOrient jusquà lOccident 1». Celui qui a appelé la terre depuis lOrient jusquau couchant, cest Jésus-Christ Notre-Seigneur et Sauveur, le Verbe qui sest tait chair pour habiter parmi nous 2. Notre-Seigneur Jésus-Christ est donc le Dieu des dieux, parce que tout a été fait par lui, et que rien ne la été sans lui. Le Verbe de Dieu, sil est Dieu, est assurément le Dieu des dieux; or, 1Evangile nous répond quil est Dieu : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu 3 ». Et. si tout a été fait par lui, comme le dit ensuite lévangéliste, il faut que les dieux qui ont été faits laient été par lui. Car il ny a quun Dieu qui na pas été fait, et celui-là est vraiment le seul Dieu. Or, ce seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, est un Dieu unique. 2. Quels sont donc, et où sont ces dieux, qui ont pour Dieu le Dieu véritable? Un autre psaume a dit : « Dieu sest assis dans la synagogue des dieux, il est au milieu des dieux pour les juger 4». Nous ne savons encore sil ny aurait pas dans le ciel quelques autres dieux, dans lassemblée ou dans la synagogue desquels Dieu siégerait pour les juger. Voyez dans le même psaume à qui Dieu adresse ces paroles : « Jai dit : Vous êtes des dieux, vous êtes tous les enfants du Très-Haut, et néanmoins vous mourrez comme des hommes, vous tomberez comme un des princes 5 ». Il est évident par là que ceux quil appelle dieux sont des hommes déifiés par sa grâce, et non point nés de sa substance. Celui-là seul peut justifier qui a la justice par lui-même et non par un autre. De même que celui-là peut déifier, qui est Dieu par lui-même et non par un autre; or, celui qui justifie est aussi celui qui déifie, parce quen nous justifiant, il fait de nous des enfants de Dieu. « Il leur a donné le pouvoir de
1. Ps. XLIX, 1.2. Jean, I, 14. 3. Id. I. 4. Ps. LXXXI, 1. 5. Id. 6.
« devenir fils de Dieu 1». Devenir fils de Dieu, cest devenir des dieux; et toutefois nous ne sommes tels que par la grâce de ladoption, et non par la nature ou la naissance. Il nest quun seul Fils de Dieu, Dieu unique avec son Père, cest Notre-Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, le Verbe qui était au commencement, Verbe en Dieu et Verbe Dieu. Ceux qui deviennent des dieux, le deviennent par la grâce de Dieu; ils ne naissent point de sa substance, de manière à être ce quil est lui-même; il leur fait la faveur darriver jusquà lui, et dêtre ainsi les cohéritiers de Jésus-Christ. Tel est en effet la charité de cet héritier, quil a voulu des cohéritiers. Quel homme dans son avarice voudrait que dautres entrassent en partage avec lui ? Sil sen trouvait pour en vouloir et partager avec eux lhéritage, sa part serait bien moindre que sil leût possédé tout entier; mais lhéritage que nous partageons avec le Christ, ne diminue point par le nombre des possesseurs ; quel que soit le nombre des cohéritiers, la part nen est point rétrécie ; mais elle est aussi large pour un grand nombre que pour un petit nombre; celle de chacun vaut toutes les autres. «Voyez », nous dit un Apôtre, « quel amour le Père a eu pour nous, appelés enfants de Dieu et qui le sommes en effet 2 ». Et ailleurs : «Mes bien-aimés, nous sommes enfants de Dieu; « et ce que nous serons un jour ne paraît pas encore ». Nous le sommes donc en espérance, et pas encore en réalité. « Car nous savons », dit le même Apôtre, « que quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel quil est 3. » Un seul est semblable à lui par la naissance, nous le serons par la vue. Car nous ne serons pas semblables à lui de la même manière que le Fils, qui est tout ce quest celui qui la engendré; nous serons semblables sans être égaux, tandis que le Fils est dabord égal, et par là même semblable. Nous avons vu ceux qui sont devenus des dieux par la justification, et qui sont appelés fils de Dieu; mais ces autres dieux qui ne sont point des dieux, pour qui le Dieu des dieux est terrible, quels sont-ils? Il est dit dans un psaume que « Dieu est terrible par-dessus tous les dieux ». Et comme si lon demandait: Quels sont ces autres dieux? il ajoute : « Les dieux des nations sont tous des démons 4 ». Dieu donc est terrible
1. Jean, I, 12. 2. I Jean, III, 1. 3. Id. 2. 4. Ps. XCV, 4,5
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pour les dieux des nations, pour les démons; aimable pour les dieux quil a faits, pour ses enfants. De là vient que nous voyons la majesté de Dieu proclamée par les uns et par les autres, et les démons ont confessé le Christ, et les fidèles ont aussi confessé le Christ. « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant 1», sécria saint Pierre. « Nous savons qui vous êtes, le Fils de Dieu 2 », lui dirent les démons. Je trouve donc la même confession, sans trouver la même charité; ou plutôt la charité est dune part, de lautre, la crainte. Ils sont donc enfants de Dieu ceux qui le trouvent aimable; ceux qui le trouvent terrible, ne sont point ses enfants; il a fait dieux ceux qui le trouvent aimable, et il a convaincu de nêtre pas dieux ceux qui le trouvent terrible. Les uns deviennent des dieux, les autres en ont lapparence; la vérité donne aux uns la divinité, lerreur lattribue aux autres. 3. Donc « le Dieu des dieux a parlé »; et parlé en différentes manières. Cest lui qui a parlé au moyen des anges, qui a parlé dans les Prophètes 3, qui a parlé de sa propre bouche, qui a parlé dans ses Apôtres, qui parle dans ses fidèles, qui se sert de notre bassesse pour vous dire ce que nous disons de vrai. Voyez donc ce qua fait au moyen de ce langage si répété, si diversifié, qui nous vient par tant dorganes, par tant dinstruments, ce Dieu qui les touche, qui les accorde, qui les inspire. « Car il a parlé et il a appelé la terre». Quelle terre? lAfrique peut-être? Car on entend dire que lEglise du Christ, cest le parti de Donat. Dieu na pas seulement appelé lAfrique, mais il na pas séparé lAfrique du reste du monde. Car celui qui « a appelé la terre de lOrient au couchant », qui na laissé aucune partie du monde sans lappeler, a trouvé lAfrique dans les peuples quil daignait appeler à lui. Que lAfrique se réjouisse dêtre appelée, sans se glorifier dêtre séparée. Nous le disons avec raison, le Dieu des dieux a fait entendre sa voix en Afrique, mais sans ly borner; car « il a appelé la terre de lOrient à lOccident». Il ne reste aux hérétiques ni ténèbres pour cacher leurs embûches, ni ombres pour voi1er leur dogme erroné; car, « nul ne peut se dérober au feu de ce soleil 4 ». Celui qui a appelé la terre, a appelé toute la terre; celui
1. Matt. XVI, 16. 2. Marc, I, 24. 3. Héb. I, 1. 4. Ps. XVIII, 7.
qui a appelé la terre, la appelée telle quil la créée. Pourquoi mapporter de faux christs et de faux prophètes? Que me veulent ces hommes qui cherchent à menlacer dans leurs discours captieux, en disant : « Le Christ « est ici, ou il est là 1?» Je ne comprends rien quand on me montre des parties; le Dieu des dieux me montre lunivers entier; lui qui « a appelé la terre de lOrient jusquà lOccident », la rachetée sans exception; il a condamné ceux qui divisent par la calomnie. 4. Mais après avoir vu que cest la terre qui est appelée depuis lOrient jusquà lOccident; depuis quel temps celui qui la appelée a-t-il commencé à lappeler? Ecoutez cette parole: « Cest de Sion que lui vient léclat de sa beauté 2 » Ce passage du psaume est daccord avec lEvangile, qui dit : « Allez dans toutes les nations, en commençant par Jérusalem ». Remarquez : « Dans toutes les nations; il a appelé la terre depuis lOrient jusquà lOccident ». Ecoutez encore: « En commençant par Jérusalem; cest de Sion que lui vient léclat de sa beauté ». Donc, « il a appelé la terre depuis lOrient jusquà lOccident », est analogue à ces paroles du Seigneur : « Il fallait que le Christ souffrît, quil ressuscitât dentre les morts le troisième jour, et quen son nom la pénitence et la rémission des péchés fussent prêchées parmi les peuples 3 ». Car tous les peuples sont disséminés de lOrient à lOccident. Quant à cette parole: « Cest de Sion que lui vient léclat de la beauté », ou que lEvangile a commencé à jeter son éclat, puisque cest là que lon a dabord annoncé celui qui est le plus beau parmi les enfants des hommes 4, elle est analogue à ces mots du Seigneur : « En commençant par Jérusalem ». Les nouvelles Ecritures saccordent avec les Ecritures anciennes, comme les anciennes avec les nouvelles; les deux séraphins se disent mutuellement : « Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu des armées 5 ». Les deux Testaments sont daccord, et tous deux nont quune même voix; écoutons la voix de ces deux Testaments, si unis entre eux, et rejetons les calomnies des déshérités. Voilà donc ce qua fait le Dieu des dieux : « Il a appelé la terre de lOrient à lOccident », et sa beauté lui est venue de Sion. Cest là quétaient les
1. Matt. XXIV, 23. 2. Ps. XLIX, 2. 3. Luc, XXIV, 46, 47. 4. Ps. XLIV, 3. 5. Isa. VI, 3.
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disciples qui reçurent lEsprit-Saint, quand il descendit du ciel, au cinquantième jour après la résurrection du Christ 1. De là nous vient IEvangile, de là cette prédication, qui remplit lunivers entier, et cela par la grâce de la foi. 5. Car le Seigneur étant venu sur la terre, est venu caché, parce quil venait pour souffrir : ayant la force en lui-même, il a paru néanmoins dans linfirmité de la chair. Il devait être vu, mais sans être compris, et méprisé afin dêtre mis à mort. Léclat de sa gloire était dans sa divinité; mais elle se dérobait sous le voile de la chair. Car si les Juifs leussent connu, ils neussent jamais crucifié le Seigneur de la gloire 2. Il a donc vécu caché au milieu des Juifs, au milieu de ses ennemis, opérant des miracles, souffrant des injures, jusquà ce quil fût suspendu à la croix, et que les Juifs ly voyant suspendu lui prodiguassent outrage sur outrage, branlant la tête devant la croix et sécriant : « Sil est le Fils de Dieu, quil descende de la croix ». Donc, le Dieu des dieux était caché, et lorsquil parlait, il nous faisait entendre la voix de la miséricorde plutôt que celle de la majesté. Comment pouvait-il dire autrement quen notre nom : « O Dieu, mon Dieu, pourquoi mavez-vous abandonné 4? » Quand le Père aurait-il quitté le Fils, ou le Fils quitté le Père? Le Père et le Fils ne sont-ils pas un seul Dieu? Cette parole : « Mon Père et moi sommes un », nest-elle donc pas dune vérité absolue? Doù vient alors : « O Dieu, mon Dieu, pourquoi mavez-vous abandonné? » si ce nest le cri du pécheur dans linfirmité de la chair? Lui qui a pris la ressemblance de la chair de péché 6, pourquoi ne prendrait-il pas une voix qui ressemblât à la voix du pécheur? Le Dieu des dieux était donc caché, lorsquil vivait parmi les hommes, lorsquil avait faim et soif, lorsque la fatigue le faisait asseoir, lorsquil dormait pour soulager sa lassitude, lorsquil était saisi, flagellé, amené devant le juge, et quil réprimait son orgueil en lui disant : « Tu naurais sur moi aucun pouvoir sil ne te venait den haut 7 »; et lorsquil a été conduit à la mort, sans ouvrir sa bouche, non plus que lagneau devant celui qui le tond 8, et lorsquil a été cloué à la croix, puis
1. Act. II, 4. 2. I Cor. II, 8. 3. Matt. XXVII, 39. 4. Ps. XXI, 2 ; Matt. XXVII, 46. 5. Jean, X, 30. Rom. VIII, 8. 6. Jean, XIV, 11. 7. Isa. LIII, 7.
enseveli, le Dieu des dieux a toujours été caché. Mais quarriva-t-il après sa résurrection? Les disciples furent dabord dans la stupeur, et refusèrent dy croire jusquà ce quils leussent touché de leurs propres mains 1. Cétait la chair qui était ressuscitée, parce que la chair seule avait pu mourir; mais la divinité, qui ne peut mourir, était voilée par cette même chair ressuscitée. On pouvait voir la forme du corps, toucher les membres, palper les blessures; mais le Verbe par qui tout a été fait, qui pourra le voir? le toucher? le palper? Et pourtant, « ce Verbe sest fait chair et a demeuré parmi nous 2». Et Thomas, qui touchait la chair, comprenait Dieu autant que possible. Car, après avoir touché les plaies, il sécria : « Mon Seigneur et mon Dieu 3 ». Or, le Seigneur leur montrait cette forme, cette chair quils avaient vue clouée à la croix et déposée dans le sépulcre. Il en agit ainsi avec eux pendant quarante jours. Il ne se montra point aux Juifs impies; il se montra seulement à ceux qui avaient cru en lui avant quil fût crucifié, afin de fortifier par sa résurrection ceux que sa croix avait ébranlés. Le quarantième jour, il décrivit son Eglise ou la terre quil appelle depuis lOrient jusquà lOccident, afin de ne laisser point dexcuse à ceux qui veulent périr dans le schisme, et il monta au ciel en disant : « Vous serez mes témoins à Jérusalem », doù a jailli léclat de sa gloire, et dans toute la Judée, et dans la Samarie, et jusquaux extrémités de la terre ». A ces mots, une nuée le reçut, et les disciples regardaient celui quils avaient connu, mais quils navaient connu que dans lhumilité et non dans la gloire. Comme il se séparait deux pour aller au ciel, des anges leur dirent : « Hommes de Galilée, pourquoi demeurer là? Ce Jésus que vous voyez monter au ciel, en descendra de la même manière que vous lavez vu sy élever 4 ». Il monta donc, et les disciples retournèrent à Jérusalem pour y demeurer, selon lordre quil leur en avait donné, jusquà ce quils fussent remplis de lEsprit-Saint. Mais quavait-il dit à Thomas qui le touchait? « Tu as cru, parce que tu as vu; bienheureux ceux qui ne voient point et qui croient 5 ». Cest de nous que parlait le Sauveur. Cette terre appelée de lOrient à lOccident ne voit pas, et pourtant elle croit.
1. Luc XXIV, 37. 2. I Jean, I, 14. 3. Id. XX, 28. 4. Act. I, 3-12. 5. Jean, XX, 29.
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Donc le Dieu des dieux était caché, et pour ceux parmi lesquels il vivait, et pour ceux qui lont crucifié, e-t pour ceux dont les yeux le virent ressusciter, et pour nous qui croyons quil est assis dans les cieux, et qui ne lavons point vu conversant sur la terre. Mais quand nous le verrions, verrions-nous autre chose que les Juifs qui lont crucifié? Il est mieux pour nous de ne pas voir le Christ et de le croire Dieu, que pour eux de lavoir vu et de lavoir cru simplement un homme. Ils crurent à lerreur et le firent mourir; nous croyons à la vérité, et de là nous vient la vie. 6. Quoi! mes frères, ce Dieu des dieux, alors caché, main-tenant caché, sera-t-il donc toujours caché? Assurément non : écoutez ce qui suit : « Dieu viendra ostensiblement 1 ». Il est venu caché, il viendra au grand jour. Il est venu caché pour être jugé, il viendra au grand jour pour juger; il est venu caché pour se présenter devant un juge, il viendra au grand jour pour juger les juges eux-mêmes: « Il viendra donc au grand jour et ne se taira point ». Comment donc? Est-ce quil se tait maintenant? Doù vient alors ce que nous vous prêchons? Doù viennent ces préceptes? Doù ces conseils? Doù vient cette trompette effrayante? IL ne se tait pas et pourtant il se tait, Il ne se tait pas à légard des avertissements, il se tait quant à la vengeance; il ne se tait pas à légard des préceptes, il se tait à légard des peines. Il tolère chaque jour les crimes des pécheurs, qui nont souci de Dieu ni dans leur conscience, ni dans le ciel, ni sur la terre : rien de tout cela ne lui échappe, et il avertit généralement tous les hommes, et quand il en châtie quelques-uns sur la terre, cest un avertissement et pas encore une condamnation. Il sabstient donc de juger, il demeure caché dans le ciel, il intercède encore pour nous; il est patient envers les pécheurs, il ne sabandonne point à son indignation, mais il attend leur repentir. Il dit ailleurs : « Je me suis tu, me tairai-je donc toujours 2? » Quand il ne se taira plus, cest donc alors « que Dieu viendra au grand jour ». Quel Dieu? « Notre Dieu ». Cest vraiment notre Dieu qui est lieu. Les dieux des nations sont des démons, le Dieu des chrétiens est le Dieu véritable. Il viendra, mais au grand jour, non plus pour lIre exposé aux outrages, ni souffleté,
1. Ps. XLIX, 3. 2. Isa. XLII, 14.
ni flagellé; il viendra, mais au grand jour, non pour quon le frappe dun roseau sur la tête, non pour quon lattache à la croix, quon le fasse mourir, quon lensevelisse : cest là tout ce qua voulu souffrir le Dieu caché. II viendra au grand jour et ne se taira point. 7. La suite du psaume nous montre quil viendra pour juger. « Un feu marchera devant lui 1 ». Devons-nous craindre? Changeons-nous, et nous ne craindrons plus. La paille peut craindre le feu, mais que peut le feu sur lor? Il ne tient quà toi de ne pas éprouver ce que tu éprouveras malgré toi, si tu ne te corriges. Quand même nous pourrions empêcher larrivée de ce jour du jugement, il me semble néanmoins quil ne faudrait pas vivre dans le désordre. Quand même le feu ne serait pas à craindre au jour du jugement, et que les pécheurs nauraient à redouter que dêtre séparés de Dieu, quelles que fussent dailleurs leurs délices; dès quils ne verront point celui qui les a créés, quils seront privés des ineffables douceurs de sa face, ils auront encore à pleurer, quelle que soit leur éternité et limpunité de leurs crimes. Mais que dirai-je, et à qui le dirai-je? Les coeurs qui aiment Dieu comprennent seuls ce châtiment, et non ceux qui le méprisent. Ceux qui sentent quelque peu la douceur de- la sagesse et de la vérité, comprennent mes paroles et savent ce quil y a de pénible dans la séparation de Dieu; mais ceux qui nont point goûté cette douceur nont quà redouter le feu. Sil naspire point à voir Dieu, quil redoute les tourments, celui que nattirent point les récompenses. Si tu nas que mépris pour les promesses de Dieu, crains du moins ses menaces, On te promet de voir Dieu, et cette promesse ne te fait ni changer, ni tressaillir, ni soupirer, ni désirer: tu te plonges dans le péché, dans les délices de la chair, tu amasses de la paille, et le feu viendra. « Un feu brûlera en sa présence ». Ce feu sera loin de ressembler à celui de ton foyer; et pourtant, sil te fallait y mettre la main, tu ploierais à la volonté de celui qui ten menacerait. Sil te disait : Signe contre ton père, signe contre tes enfants, autrement je vais mettre ta main au feu; tu ferais tout pour épargner cette douleur à ta main, pour épargner à lun de tes membres la douleur dun moment, car cette douleur ne serait pas éternelle. Tu fais
1. Ps. XCVI, 3.
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donc le mal pour éviter une douleur si légère dont te menace un ennemi, et tu ne fais pas le bien quand le Seigneur te menace dun malheur éternel ! Nulle menace ne devrait te porter à faire le mal, comme nulle menace ne devrait te détourner de faire le bien. Mais les menaces du Seigneur, les menaces du feu éternel tinterdisent le mal et te stimulent pour le bien, Doù vient cette torpeur, sinon de ton peu de foi? Que chacun alors sonde son coeur et voie ce quy produit la foi, Si nous croyons au jugement à venir, mes frères, vivons dans la vertu. Cest maintenant le temps de la miséricorde, celui du jugement viendra ensuite. Nul ne dira: Faites--moi retourner à mes années premières. Ce sera le temps des regrets, mais des regrets superflus: quil se repente, maintenant que la pénitence est utile; quon mette de lengrais sur les racines de larbre, cest-à-dire le deuil du coeur et les larmes, de peur que Dieu ne vienne et ne larrache 1. Lorsquil sera arraché, il nattendra plus que le feu. Maintenant on peut encore insérer de nouveau les rameaux retranchés 2 : « Alors, tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu 3 » . « Un feu brûlera en sa présence ». 8. « Et autour de lui une tempête effroyable 4 ». Elle sera grande, la tempête qui vannera laire si spacieuse du Seigneur; cest ce tourbillon dont le souffle doit séparer les saints de tout ce qui est impur, et les fidèles des hypocrites, et les âmes pieuses qui craignent le Seigneur, de tous les orgueilleux qui le méprisent. Aujourdhui, tout est mélangé de lOrient à lOccident. Voyons ce que fera celui qui doit venir, ce quil fera dans cet ouragan, qui sera « autour de lui une tempête horrible». Sans nul doute, un tel ouragan fera une séparation, et telle est la séparation que nont pas attendue ceux qui ont rompu les filets avant darriver au rivage 5. Or, cette séparation établit une différence entre les bons et les méchants, Aujourdhui, en effet, il en est qui suivent le Christ, qui. ont déchargé leurs épaules des soins embarrassants de cette vie, qui nont pas entendu en vain ces paroles : « Si vous voulez être parfait, vendez ce que vous possédez et donnez-le aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel, puis venez et suivez-moi 6 ». Cest à eux
1. Luc, XIII, 8. 2. Rom. XI, 19. 3. Matt. III, 10. 4. Ps. XLIX, 3. 5. Luc, V, 6. 6. Matt. XIX, 21.
quil est dit : « Vous vous assiérez sur douze trônes, pour juger les douze tribus dIsraël 1 ». Les uns donc jugeront avec le Seigneur, tandis que les autres seront jugés et passeront à la gauche. Que les uns doivent juger en effet avec le Sauveur, nous en avons un témoignage évident que je viens de vous citer: « Vous vous assiérez sur douze trônes, pour juger les douze tribus dIsraël ». 9. Mais, dira quelquun, les douze Apôtres, et pas plus, doivent siéger avec le Christ, Où donc sera lapôtre saint Paul? Doit-il en être séparé? Loin de nous de tenir ce langage! loin de nous de le penser même intérieurement ! Mais peut-être, dira-t-on, devra-t-il occuper la place de Judas? Cependant lEcriture fait connaître celui qui fut ordonné pour le remplacer : car Matthias est désigné si expressément, que le doute nest pas possible 2. La chute de Judas nempêche pas que le nombre de douze ne soit complet. Mais si les douze trônes sont occupés par les douze Apôtres, Paul ne jugera donc point? Ou peut-être jugera-t-il debout ? Nullement. Dieu dans sa justice ne le souffrira point il ne jugera point debout, celui a travaillé plus que tous les autres 3. Ce seul apôtre saint Paul nous force donc dexaminer, de rechercher avec plus de soin pourquoi lEvangile a précisé douze trônes Il y a dans lEcriture, en effet, dautres nombres pour exprimer une multitude. Cinq vierges sont admises, et cinq autres exclues 4. Entendez ces vierges comme il vous plaira, soit de la chasteté et de lintégrité du coeur, comme doit être vierge cette Eglise à qui il est dit : « Je vous ai fiancée à cet unique Epoux, pour vous présenter à Jésus-Christ comme une vierge sans tache 5 » ; soit de cette pureté de la chair que de saintes femmes ont vouée à Dieu : est-ce que dans tant de milliers, cinq seulement seront élues? Le nombre de cinq nous marque seulement la continence dans les sens de la chair au nombre de cinq. Les uns, en effet, se perdent par les yeux, dautres par louïe, dautres par des odeurs illicites, plusieurs par un goût dépravé, plusieurs enfin par des embrassements adultères : voilà donc en nous cinq portes de corruption, et quiconque les ferme par la continence, et une continence qui sappuie sur le
1. Matt. XX, 28. 2. Act. X, 26. 3. I Cor. XV, 10, 4. Matt. XXV, 10, 12. 5. II Cor. XI, 2.
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témoignage de la conscience, ne doit pas sen référer aux louanges des hommes: voilà les cinq vierges sages qui portent leur huile avec elles 1. Quest-ce à dire quelles ont leur huile avec elles? Cest là notre gloire, le témoignage de notre conscience 2. Le riche dévoré dans les flammes de lenfer, nous dit encore: « Jai cinq frères 3 ». Cest là limage du peuple juif qui était sous la loi : car Moïse leur législateur, a écrit cinq livres. De même encore le Seigneur, après sa résurrection, ordonna de jeter le filet du côté droit, et les pécheurs prirent cent cinquante-trois poissons; «et nonobstant ce grand nombre », dit lEvangile, « le filet ne se rompit point 4». Avant sa passion, il avait fait jeter le filet, sans indiquer la droite ou la gauche: sil eût dit, en effet, la droite, il eût désigné les bons seulement, et seulement les méchants sil eût indiqué la gauche; mais quand il ny a ni droite ni gauche, cest quon pêche les méchants mêlés aux bons. On en prit tant alors que le filet se rompait, au témoignage de lEvangile 5. Cette pêche désignait le temps présent: les filets qui se rompent, ce sont les déchirures, les divisions des hérétiques et des schismatiques. Mais ce que fit le Sauveur après sa résurrection, nous montre ce qui doit arriver quand nous serons ressuscités, dans ce grand nombre marqué pour le ciel, où nul méchant ne doit se trouver. Les filets jetés à droite, désignent les bons, séparés des hommes de la gauche. Mais ceux de la droite ne seront-ils composés que de cent cinquante-trois justes? LEcriture parle de mille millions 6. Lisez lApocalypse, et vous verrez que le seul peuple juif fournit douze fois douze mille élus 7. Voyez le grand nombre des martyrs: non loin dici la seule Masse blanche 8, comme on lappelle, a plus de cent cinquante-trois martyrs. Enfin, ces sept mille hommes dont il est dit à Elie : « Je me suis réservé sept mille hommes qui nont point courbé le genou devant Baal 9 », surpassent de beaucoup le nombre de ces poissons. Donc ces cent cinquante-trois poissons 10 , ne fixent pas le nombre des saints, mais lEcriture a ses raisons pour désigner par ce nombre déterminé luniversalité des saints et des justes ; en sorte que ces cent cinquante-trois nous marquent tous ceux qui appartiennent 1. Matt. XXV, 14. 2. II Cor. I, 12. 3. Luc, XVI, 28. 4. Jean, XXI, 6, 11. 5. Luc, V, 6. 6. Dan. VII, 10. 7. Apoc. VII, 4. 8. V. Serm. CCCVI, n. 2. 9 III Rois, XIX, 18. 10. Jean, XXI, 11.
à la résurrection pour la vie éternelle. Car la loi renferme dix préceptes et lEsprit de grâce par lequel on les accomplit a sept dons 1. Cherchons donc la signification de ces deux nombres dix et sept: dix préceptes, sept dons de lEsprit de grâce qui nous aide à accomplir les préceptes. Ce nombre de dix-sept renferme donc ceux qui appartiennent à la résurrection, qui sont à droite, qui auront part au royaume des cieux, à la vie éternelle, cest-à-dire qui accomplissent la loi par la grâce de lEsprit-Saint, et non par leurs propres oeuvres ou par leurs propres mérites. Prenez maintenant ce nombre de dix-sept, et additionnez ensemble tous les autres nombres depuis un jusquà dix-sept, en ajoutant deux à un, puis trois, puis quatre, de manière à faire dix, puis cinq qui donneront quinze, puis six, vingt et un, puis sept, vingt-huit, puis huit, trente-six, puis neuf, quarante-cinq, puis dix, cinquante-cinq, puis onze, soixante-six, puis douze, septante-huit, puis treize, nonante-un, puis quatorze, cent cinq, puis quinze, cent vingt, puis seize, cent trente-six, puis dix-sept, cent cinquante-trois; et vous trouverez que le nombre de saints est admirablement exprimé par ce petit nombre de poissons. De même donc que ces cinq vierges expriment des vierges sans nombre, de même que les cinq frères de celui qui était torturé dans les enfers désignent des milliers dans le peuple juif, de même que les cent cinquante-trois poissons désignent des milliers de millions délus, de même sur les douze trônes, il ne sassiéra pas douze juges seulement, mais le grand nombre des parfaits. 10. Mais je vois ce que vous me demandez encore: de même que je vous ai montré comment cinq vierges en désignent beaucoup dautres, comment les cinq frères expriment un grand nombre de Juifs, et comment enfin le nombre de cent cinquante-trois désigne tant délus, montrez-nous, me direz-vous, pourquoi et comment ces douze trônes, au lieu de marquer douze hommes seulement, en désignent un si grand nombre? Pourquoi ces douze trônes, qui désignent ceux de tous les endroits du monde qui auront pu rivaliser de perfection avec les parfaits auxquels il fut dit: « Vous serez assis sur douze trônes pour juger les douze tribus dIsraël 2? » Pourquoi ces hommes venus de toutes parts sont-
1. Isa. XI, 23. 2. Matt. XIX, 23.
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ils désignés par le nombre douze? Parce que cette expression de toutes parts se dit de lunivers entier; or, lunivers entier a quatre parties, lorient et loccident, le midi et laquilon : comme donc ceux qui sont parfaits dans la foi, et par lobéissance à la Trinité, sont appelés, au nom de la Trinité, de ces quatre parties du monde, et que quatre, trois fois répété, donne douze, vous devez comprendre pourquoi doivent être au nombre de douze ceux qui jugeront Israël, car Israël était divisé en douze tribus, et ces douze tribus désignent tout Israël. De même que les juges seront rassemblés des quatre coins du monde, de même aussi viendront des quatre coins du monde ceux qui devront être jugés. Lapôtre saint Paul, reprenant les laïques dentre les fidèles, qui ne portaient point leurs procès au tribunal de lEglise, mais qui traînaient devant le tribunal public leurs adversaires dans des affaires litigieuses, leur dit « Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges 1 ? » Voyez comment il sétablit juge, et non-seulement lui, mais tous ceux qui jugent équitablement dans lEglise? 11. Il est donc évident que plusieurs doivent juger avec le Sauveur, et que dautres seront jugés, non pas également, mais selon leurs mérites ; le Christ doit venir avec ses anges, les peuples de la terre seront rassemblés devant lui 2, et parmi les anges on doit compter ceux qui ont été assez parfaits pour sasseoir sur les douze trônes, et juger les douze tribus dIsraël. Car des hommes sont aussi appelés des anges ; lApôtre a dit de lui-même : « Vous mavez accueilli comme lange du Seigneur 3 ». Il est dit de Jean-Baptiste : « Voilà que jenvoie devant votre face mon ange, qui préparera la voie devant vous ». Donc, en venant avec ses anges, il viendra avec ses saints. Cest ce quIsaïe nous dit clairement: « il viendra juger avec les anciens de son peuple 4». Or, ces anciens du peuple, ceux qui sont appelés des anges, ces millions délus qui viendront de tous les points du monde, cest là ce quon appelle le ciel. Dautres sont appelés la terre; mais une terre fertile. Quelle est cette terre fertile? Celle qui doit être à la droite, et à qui lon dira: « Jai eu faim, et vomis mavez donné à manger 5» ; cest une terre vraiment
1. I Cor. VI, 3. 2. Matt. XXV, 31, 32. 3. Gal. IV, 14. 4. Malach. III, 1; Matt. XI, 10. Isa. III, 14. 5. Matt. XXV, 35.
fertile qui comblait de joie saint Paul, en lui envoyant de quoi subvenir à ses besoins: « Ce nest pas que je désire vos dons », leur dit-il, « mais je cherche le fruit qui vous en reviendra ». Il les remercie en disant : « Vos premiers sentiments pour moi ont refleuri 1 ». Il dit: « Ont refleuri », comme sil parlait dun arbre frappé dune certaine stérilité. Mais pour continuer notre psaume, que fera le Seigneur quand il viendra pour nous juger? « Il appellera les cieux en haut ». Il appellera donc en haut le ciel ou tous les saints, tous les parfaits qui doivent juger, ceux qui doivent sasseoir pour juger les douze tribus dIsraël 2. Comment les appellera-t-il en haut, puisque le ciel est toujours en haut? Mais ailleurs il nomme les cieux ceux quil appelle ici le ciel. Quels cieux ? Ceux qui racontent la gloire de Dieu. « Les cieux publient la gloire de Dieu »,et dont il est dit : « Leur voix se répand sur tous les confins de la terre, et leurs paroles jusquaux extrémités du monde 3 ». Voyez comme le Seigneur discernera dans son jugement : « Il appellera les cieux en haut, ainsi que la terre, pour séparer son peuple ». De qui, sinon des méchants? de ceux dont il nest plus fait mention, comme étant déjà condamnés au supplice. Vois donc et reconnais les bons. « Il appellera les cieux en haut ainsi que la terre, pour séparer son peuple ». Il appelle la terre, non pour la confondre, mais pour la séparer. Dabord il a fait appel aux hommes sans discernement, quand le Dieu des dieux a parlé, pour appeler la terre depuis lOrient jusquà lOccident ; il navait fait aucun discernement: ses serviteurs étaient allés convier aux noces, et avaient rassemblé les bons et les méchants 4 ». Mais quand le Dieu des dieux viendra dune manière ostensible, et quil ne se taira point, « il appellera le ciel « en haut», pour juger avec lui. Tel en effet est le ciel, tels sont les cieux, comme la terre et les terres, 1Eglise et les Eglises. « Il appellera donc le ciel en haut, ainsi que la terre, pour séparer son peuple ». Cest donc avec le ciel quil a fait le discernement de la terre, ou le ciel sest joint à lui pour faire ce discernement. Mais comment faire la séparation sur la terre? En mettant les uns à droite, les autres à gauche. Que dit-il à la terre ainsi
1. Philipp. IV, 10, 17. 2. Matt. XIX, 28. 3. Ps. XVIII, 2, 5. 4. Matt. XXII, 10.
séparée? « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès lorigine du monde. Car jai eu faim, et vous mavez donné à manger », et le reste. Mais eux, « quand vous avons-nous vu avoir faim », lui diront-ils? Et lui : « Quand vous lavez fait au moindre des miens, cest à moi que vous lavez fait 1». Le ciel montre à la terre que ses plus petits ont été appelés en haut, et tirés de leur bassesse: « Quand vous lavez fait au moindre des miens, cest à moi que vous lavez fait » . « Il appellera le ciel en haut, ainsi que la terre, pour séparer son peuple ». 12. «Rassemblez autour de lui ses justes 2 ». Telle est la voix de Dieu et du Prophète qui voyait lavenir comme sil eût été présent, et qui commande aux anges de rassembler les hommes. « Il enverra ses anges, et ils rassembleront devant lui toutes les nations 3. « Rassemblez les justes autour de lui ». Quels sont ces justes, sinon ceux qui vivent de la foi, qui font des oeuvres de miséricorde ? Car ces oeuvres sont des oeuvres de justice. Tu lis dans lEvangile : « Prenez garde de faire votre justice en présence des hommes pour en être vus 4». Et comme si lon demandait: Quelle justice? lEvangéliste ajoute: « Ainsi en faisant laumône 5 ». Donc laumône désigne ici les oeuvres de justice. Rassemblez donc ses justes, rassemblez ceux qui ont pris en pitié le pauvre, qui ont eu lintelligence du pauvre et de lindigent: assemblez-les, afin que le Seigneur les conserve et les vivifie 6 : « Rassemblez-lui ses justes; tous ceux qui contractent avec lui une alliance par le sacrifice », cest-à-dire, qui pensent à ses prouesses dans les bonnes oeuvres quils font. Car ces oeuvres sont des sacrifices, puisque le Seigneur a dit: « Je préfère la miséricorde au sacrifice 7 ». Ils contractent donc une alliance avec lui par le sacrifice. 13. « Les cieux annonceront sa justice 8 ». Oui, en effet, les cieux nous ont annoncé la justice de Dieu. Les évangélistes lont prêchée. Par eux nous avons appris que ceux-là seraient à sa droite, à qui le Père de famille dirait: « Venez, bénis de mon Père, et recevez ». Que recevrez-vous? « le royaume ». Pourquoi? « Parce que jai eu faim, et que vous mavez donné à manger 9 », Quoi de
1. Matt. XXV, 34-40. 2. Ps. XLIX, 1. 3. Matt. XXV, 32. 4. Id. VI, 1 5. Id. 2. 6. Ps. XL, 2, 3. 7. Osée, VI, 6 ; Matt. IX, 13. 8. Ps. XLIX, 6. 9. Matt. XXV, 34. -
plus vulgaire, de plus terrestre, que de donner un morceau de pain à celui qui a faim? Voilà ce que coûte le royaume des cieux. « Partage ton pain avec celui qui a faim, et reçois sous ton toit celui qui na pas dasile; si tu vois un homme nu, couvre-le 1 » - Mais si tu nas ni pain à partager avec lui, ni logis à lui offrir, ni habit pour le vêtir, donne-lui un verre deau froide 2; mets seulement deux deniers dans le trésor 3. Ces deux deniers valurent à la veuve ce que valut à Pierre dabandonner ses filets, et à Zachée de donner la moitié de son bien 4. Ce royaume coûte ce que vous avez. « Les cieux donc annonceront sa justice, car le Seigneur est juges. Oui, vraiment juge, ne confondant rien, discernant tout. « Car le Seigneur connaît ceux qui sont à lui 5». Bien que les grains soient cachés dans la paille, le laboureur les connaît. Que nul ne craigne dêtre le bon grain, fût-il mêlé à la paille, car les yeux de notre vanneur ne peuvent se tromper. Ne crains donc pas que la tempête qui se fera autour de lui te confonde avec la paille. La tempête sera violente à la vérité, et pourtant elle nôtera pas un seul grain de blé pour le jeter avec la paille ; car le juge ne sera point quelque homme agreste avec son trident, mais bien le Dieu Trinité. « Les cieux annonceront sa justice, car le Seigneur est un juge. Que les cieux aillent et quils prêchent, que leur voix gagne les confins de la terre, et que leurs paroles se répandent jusquaux extrémités du monde 6 »; et que ce grand corps dise à Dieu: « Des confins de la terre jai crié vers vous, quand mon coeur était dans langoisse 7 » Aujourdhui quil est dans la confusion, il gémit; après le discernement, il sera dans la joie. Quil élève donc la voix et quil dise : « Ne perdez point mon âme avec les impies, et ma vie avec les hommes de sang 8 ». Le Seigneur ne nous perdra pas avec eux, parce quil est un juge. Quil crie donc vers lui, et lui dise : « Jugez-moi, Seigneur, et séparez ma cause de celle dun peuple impie » Quil parle ainsi et Dieu lécoutera ; et tous ses justes se presseront autour de lui. « Il a appelé la terre pour séparer son peuple ». 14. « Ecoute, mon peuple, et je te parlerai 10».
1. Isa. LVI I, 7. 2. Matt. X, 42. 3. Marc, XII, 42. 4. Luc, XIX, 8. 5. II Tim. 11, 19. 6. Ps. XVIII, 5. 7. Id. LX, 3. 8. Id. XXV, 9. 9. Id. XLII, 1. 10. Id. XLIX, 7.
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Voyez quil ne se tait pas maintenant, si vous prêtez loreille, celui qui doit venir et qui ne se taira point. «Ecoute, ô mon peuple, et je te parlerai » . Car si tu nécoutes, je ne parlerai point. « Ecoute, et je te parlerai ». Si tu nécoutes, je parlerai, mais non pour toi. Quand donc te parierai-je? quand tu écouteras. Quand écouteras-tu? Quand tu seras mon peuple. « Ecoute, ô toi qui es mon peuple ». Tu nécoutes pas, si tu es un peuple étranger. « Ecoute, ô mon peuple, et je te parlerai. Israël, je te rendrai témoignage ». Ecoute, Israël, écoute ô mon peuple. Israël est un nom choisi: « On ne tappellera plus Jacob, est-il dit, Israël sera ton nom 1» - Ecoute donc comme Israël, comme celui qui voit Dieu; pas encore face à face, mais par la foi. Car Israël signifie celui qui voit Dieu. « Quil entende, celui qui a des oreilles pour entendre 2, et quil voie, celui qui a des yeux pour voir. Ecoute, Israël, et je te rendrai témoignage ». Celui qui disait plus haut : « Mon peuple », dit ensuite : «Israël »; et après avoir dit: « Je te parlerai », il dit: « Je te rendrai témoignage » .Que dira donc à son peuple celui qui est le Seigneur notre Dieu? Quel témoignage rendra-t-il à son Israël? Ecoutons: « Moi Dieu, je suis ton « Dieu ». Je suis Dieu et suis ton Dieu. Quest-ce à dire : « Je suis ton Dieu? » Cest-ce qui fut dit à Moïse : « Je suis celui qui suis 3 ». Quest-ce à dire encore: « Je suis ton Dieu ? »Je suis le Dieu dAbraham, le Dieu dIsaac, le Dieu de Jacob. Je suis Dieu et je suis ton Dieu. Et quand même je ne serais pas ton Dieu, je suis Dieu. Je suis Dieu pour mon bonheur, et ce serait ton malheur si je nétais pas ton Dieu. Car à vrai dire, cette parole : « Je suis ton Dieu», ne sadresse quà celui que Dieu traite plus familièrement, quil regarde comme son serviteur fidèle, comme son bien. « Moi Dieu, je suis ton Dieu ». Que veux-tu de plus? Voudrais-tu demander à Dieu quil te récompense, quil te donne quelque bien qui tappartiendrait en propre? Ce Dieu qui te le donnerait se donne lui-même à toi. Y a-t-il rien de plus riche ? Tu voulais un don, tu as le donateur. «Moi Dieu, je suis ton Dieu». 15. Voyons ce que Dieu exige de lhomme; quel tribut veut lever sur nous notre Dieu, notre chef et notre roi ; car il a voulu être pour nous un roi, il veut que nous soyons sa province. Ecoutons ses édits. Que le pauvre
1. Gen. XXXII, 28. 2. Matt. XI, 15. 3. Exod. III, 14.
ne craigne point les édits du Seigneur, puisquil nous donne le premier ce quil exige de nous; donnez-le seulement de bon coeur. Dieu nexige de nous rien quil ne nous ait donné, et il a donné à tous ce quil demande à tous. Quexige-t-il en effet? Ecoutons: « Je ne taccuserai point au sujet de tes sacrifices 1 ». Je ne te dirai point: Pourquoi ne mas-tu pas immolé un taureau puissant? Pourquoi nas-tu pas choisi dans ton troupeau le plus fort des chevreaux? Pourquoi se promène-t-il dans le bercail, au lieu dêtre sur mon autel ? Je ne dirai point : Cherche dans tes champs, dans ton parc, dans ta maison, de quoi moffrir. Non, « je ne taccuserai point au sujet de tes sacrifices ». Quoi donc? Vous nacceptez point mes sacrifices pour agréables? « Vos holocaustes sont toujours en ma présence ». Il parle de certains holocaustes dont il est dit dans un autre psaume: « Si vous aviez voulu des sacrifices, je vous en aurais offert, mais les holocaustes ne vous sont point agréables » ; puis le psalmiste ajoute : « Le sacrifice qui plaît à Dieu est une âme brisée, et Dieu ne dédaigne pas un coeur contrit et humiliée ». Quels sont donc les holocaustes que Dieu ne méprise pas? Quels holocaustes sont toujours en sa présence? «O Dieu»,continue le Prophète, « dans votre amour, répandez vos bénédictions sur Sion, élevez les murs de Jérusalem; cest alors que vous recevrez le sacrifice de justice, et les offrandes et les holocaustes 3 ». Il assure que Dieu recevra certains holocaustes. Quand y a-t-il holocauste ? quand toute la victime est consumée par le feu; des mots grecs kausis action de brûler, et olon entièrement: holocauste signifie donc brûlé totalement. Or, il est un feu qui vient dune charité très-fervente ; que notre âme soit donc embrasée de cette flamme de lamour, que cette charité sempare de nos membres et les fasse servir à son usage; quelle ne les laisse point au service de liniquité, afin quil soit totalement embrasé du feu de lamour divin, celui qui veut offrir à Dieu un holocauste. Voilà « ces holocaustes qui sont toujours en ma présence ». 16. Mais peut-être que cet Israël ne comprend point encore les sacrifices que Dieu toujours en sa présence, et quil pense à ses boeufs, à ses chevreaux, à ses béliers. Arrière
1. Ps. XLIX, 8. 2. Id. L, 18-20. 3. Id. 20, 21.
cette pensée: « Je naccepterai point les veaux de tes étables 1 ». Jai parlé dholocauste, et déjà ta pensée courait à des troupeaux terrestres, tu my choisissais quelque pièce bien grasse: « Je naccepterai point les veaux de tes étables ». Le Prophète annonce ici le Nouveau Testament, qui a mis fin aux anciens sacrifices. Car ils figuraient ce sacrifice à venir, dont le sang devait nous purifier. « Je naccepterai point les veaux de vos étables, ni les boucs de vos troupeaux ». 17. « Les bêtes des forêts mappartiennent 2 ». Pourquoi tenir de toi ce que jai créé ? Sont-ils plus à vous à qui jen ai donné la possession, quà moi qui les ai créés ? « Cest donc à moi quappartiennent les hèles des forêts ». Mais, dira peut-être cet Israël, les animaux sont à Dieu; oui, pour ces bêtes que je enferme pas dans mes enclos, que je nattapas dans mon étable; mais ce boeuf, cette brebis, ce chevreau, sont bien à moi. « Cest à moi quappartiennent les animaux qui paissent sur les montagnes, ainsi que les brebis ». A moi ce que tu ne possèdes pas, à moi ce que tu possèdes. Si tu es en effet mon serviteur, tes biens mappartiennent totalement; et tandis que tout le bien que samasse un esclave est à son maître, on ne aurait soustraire à la possession du maître ce quil a créé pour cet esclave. Elles mappartiennent donc ces bêtes des forêts, que tu nas pas soumises ; ils mappartiennent aussi les troupeaux qui paissent sur les montagnes, et ces boeufs qui sont dans tes étables: tout mappartient, puisque jai tout créé. 18. «Je connais tous les oiseaux du ciel 3». Comment Dieu les connaît-il? Il les a suspendus dans les cieux, les a comptés; qui dentre nous connaît tous les oiseaux du ciel? Quand le Seigneur nous donnerait la connaissance de tout ce qui vole dans les airs, lui ne les connaît point de la manière quil permet à lhomme de les connaître. Autre est la connaissance chez Dieu, autre est la connaissance chez lhomme; de même autre est pour Dieu posséder, et autre pour lhomme; cest-à-dire que Dieu possède bien autrement que les hommes. Pour toi, en effet, ce que tu possèdes nest pas complètement en ton pouvoir, puisque tu ne saurais à ton gré faire vivre un boeuf ou lempêcher de mourir ou de paître lherbe. Celui qui a le souverain
1. Ps. XLIX, 9. 2. Id. 10. 3. Id, 11.
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pouvoir, a aussi la connaissance la plus étendue comme la plus secrète. Reconnaissons-le à la gloire de Dieu. Loin de vous de dire Comment Dieu peut-il connaître? Nattendez pas de moi, mes frères, que je vous explique la manière dont connaît le Seigneur ; ce que je puis vous dire, cest quil ne connaît point comme les hommes, ni même comme les anges; mais je noserais dire comment il connaît, je ne puis même le savoir. Toutefois je sais une chose, cest que Dieu savait ce quil devait créer, même avant quil y eût aucun oiseau. Mais quelle connaissance en avait-il? O homme, depuis ta naissance, depuis que tu as reçu le sens de la vue, tu as considéré des oiseaux. Ces oiseaux sont sortis de leau à la parole de Dieu, qui a dit: « Que les eaux produisent des oiseaux 1 ». Où Dieu connaissait-il ce quil commandait à leau de produire ? Car il connaissait ce quil avait créé, et il le connaissait avant de lavoir créé. Telle est donc pour Dieu la connaissance, que toutes les créatures étaient en lui dune manière ineffable, avant leur création ; mais exigera-t-il de toi ce quil avait avant même de rien créer? « Je connais tous les oiseaux du ciel », et tu ne saurais me les donner. Je connais tout ce que tu peux immoler à ma gloire ; et je le connais, non pour lavoir fait, mais parce que je devais le faire. « Et la beauté des champs est avec moi ». Ce quil y a de beau dans les campagnes, la fertilité de tout ce qui produit sur la terre, tout cela « est avec moi » , dit le Seigneur. Comment avec lui ? Est-ce même avant dexister ? Avec lui était tout ce qui devait exister, et avec lui est encore ce qui est passé ; il voit lavenir sans que pour cela rien du passé lui échappe. Tout est avec lui par une certaine connaissance de lineffable sagesse divine qui est en son Verbe, et ce Verbe comprend tout. La beauté des champs ne serait-elle pas avec lui, en ce sens que Dieu est partout et quil a dit: « Je remplis le ciel et la terre 2 ? » Quest-ce qui ne serait pas avec celui dont il est dit : « Si je monte vers les cieux, vous y êtes ; si je descends dans les enfers, je vous rencontre 3? » Tout est avec lui: non quil souffre du contact des êtres quil a créés ou quil en ait besoin. Peut-être y a-t-il près de toi une colonne, près de laquelle tu te tiens debout; et si tu ressens la fatigue, tu tappuies
1. Gen, I, 20. 2. Jérém. XXIII, 24. 3. Is. CXXXVIII, 8.
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sur elle. Tu as donc besoin de ce qui est avec toi, mais Dieu na nul besoin de ce qui est avec lui. Les campagnes et leur beauté sont avec lui, la beauté des cieux avec lui, tous les oiseaux avec lui, parce que lui-même est partout. Et pourquoi tout est-il avec lui ? Parce que tout lui était connu avant dexister, ou dêtre créé. 19. Qui peut nous expliquer et nous faire comprendre ce qui est dit dans un autre psaume: « Car vous navez nul besoin de mes biens 1 ? » Le Prophète nous dit quil na pas besoin de recevoir de nous, rien qui lui soit nécessaire. « Si jai faim, je ne vous le dirai point 2 ». Or, celui qui garde Israël, ne souffrira ni de la faim, ni de la soif, ni du sommeil 3. Mais voilà que jaccommode mon langage à votre nature charnelle : parce que tu nas pas mangé, et que dès lors tu souffres de la faim, tu timagines que Dieu a faim de manière à manger. Sil a faim, il ne te le dit pas: tout est devant lui, il peut prendre partout ce qui lui est nécessaire. Dieu parle donc ainsi pour confondre notre faible intelligence, et non pour faire quelque aveu de sa faim. Et toutefois à cause de nous ce Dieu des dieux a daigné avoir faim. Il est venu pour avoir faim et nous rassasier, avoir soif et nous donner à boire, se revêtir de notre nature mortelle pour nous revêtir de limmortalité, se faire pauvre pour nous enrichir, Car eu se revêtant de notre pauvreté il na point perdu ses richesses, puisquen lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science 4. Si « jai faim, je ne te le dirai point. Cest à moi quappartient la terre avec tout ce quelle renferme ». Ne te mets donc pas en peine de ce que tu me donneras, jai sans peine ce que je veux. 20. Pourquoi penser à tes troupeaux ? « Mangerai-je la chair de tes boeufs, et boirai-je le sang des boucs? » Vous voyez ce que nexige point de nous celui qui va nous faire je ne sais quelle prescription. Si votre pensée se portait sur de tels sacrifices, détournez-en votre esprit, et gardez-vous de penser à offrir à Dieu rien de semblable. Avez-vous un taureau gras, tuez-le pour les pauvres ; que les pauvres mangent la chair tics taureaux, bien quils ne boivent pas le sang des boucs. Et quand vous laurez fait, il vous en tiendra compte, celui qui a dit : « Si jai faim, je ne
1. Ps. XV, 2. 2. Id. XLIX, L2. 3. Id. CXX, 4. 4. Coloss. II, 3.
te le dirai pas » ; mais il vous dira un jour : « Jai eu faim, et vous mavez donné à manger 1», « Mangerai-je la chair des boeufs, et boirai-je le sang des boucs ?» 21. Dis donc alors : Seigneur, notre Dieu, que demandez-vous de votre peuple, de votre Israël? « Immole au Seigneur un sacrifice de louanges 2 ». Disons-lui donc nous aussi: « Seigneur, les voeux que je vous offrirai sont dans mon âme, et les actions de grâces que je vous rendrai 3 ». Je craignais que vous nen vinssiez à me demander quelque chose qui fût hors de moi, que je pouvais compter dans mon étable, et que le voleur mavait peut-être dérobé. Que mordonnez-vous? « Immole à Dieu un sacrifice de louanges ». Nous voilà en sûreté ; nous nallons pas en Arabie chercher de lencens, ni fouiller dans les magasins dun avare négociant; Dieu nous demande un sacrifice de louanges. Or, ce sacrifice de louanges, Zachée lavait dans ses biens, la veuve lavait dans sa bourse chétive, un autre pauvre lavait dans un verre deau froide ; et cet autre ne la ni dans ses biens, ni dans sa bourse, ni dans un verre deau, mais il la complètement dans son coeur. La maison de Zachée reçut le salut 4 ; et la veuve donna plus que les riches qui étaient là 5; celui qui na donné quun verre deau froide ne perdra point sa récompense 6, mais la paix doit être sur la terre pour les hommes de bonne volonté 7 : « Immole à Dieu un sacrifice de louanges ». O sacrifice gratuit donné par la grâce ! Je nai point acheté ce que je devais vous offrir, cest vous qui men avez fait don, car je ne laurais même point. « Immole à Dieu un sacrifice de louanges ». Cest immoler ce sacrifice de louanges que rendre grâces à celui dont te vient tout le bien que tu possèdes, et qui dans sa bonté te pardonne tout le mal qui vient de toi, et qui est en toi. « Immole à Dieu un sacrifice de louanges, et rends au Très-Haut tes hommages ». Tel est le sacrifice dont lodeur lui est agréable. « Rends tes hommages au Très-Haut». 22. « Invoque-moi au jour de la tribulation, et je te délivrerai, et tu men glorifieras 8 » Car tu ne saurais compter sur tes forces, tes efforts ne sont que vanité.
1. Matt. XXV, 35. 2. Ps. XLIX, 14. 3. Id, LV, 12. 4. Luc, XI, 8. 5. Marc, XII, 42. 6. Matt. X, 42. 7. Luc, II, 14. 8. Ps. XLIX, 15.
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« Invoque-moi au jour de la tribulation, et je te délivrerai, et tu men glorifieras ». Cest pour cela que jai permis que ce jour de tribulation tarrivât; si tu nétais dans laffliction, peut-être ne minvoquerais-tu pas; mais dans la tribulation, tu minvoques; et quand tu minvoqueras, je te délivrerai; et quand je te délivrerai, tu men rendras grâces, afin de plus te séparer de moi. Un homme sétait assoupi, sa prière sétait attiédie, et il sécria: « Jai trouvé la douleur et la tribulation, et jai invoqué le nom du Seigneur 1». Il a trouvé dans la tribulation quelque chose dutile, la corruption de ses péchés devenait une gangrène pour lui, il était privé de sentiments, et la tribulation est pour lui un feu qui brûle, un fer qui tranche. « Jai trouvé», dit le Prophète, « la tribulation et la douleur, jai invoqué le nom de mon Dieu ». Il y a, mes frères, des peines que tout le monde connaît; en voici de fort communes dans le genre humain: cet homme pleure parce quil a éprouvé une perte; cet autre pleure parce quil est orphelin; celui-ci safflige parce quil a est banni de sa patrie et quil désire y rentrer, léloignement lui paraît insupportable; la grêle a ravagé la vigne de celui-là, il est sensible à linutilité de son travail et de tous ses soins. Quand est-ce que lhomme est exempt de peine? Cest un ami qui devient son ennemi. Y a-t-il rien de plus sensible dans vie humaine? Voilà des misères, des plaintes communes à tous; dans ces afflictions ils invoquent le Seigneur, et ils font bien. Quils prient Dieu, qui peut ou leur apprendre à supporter ces maux, ou les guérir quand on les supporte. Il sait limiter la tentation, afin quelle nexcède pas nos forces 2. Invoquons le Seigneur au milieu de ces afflictions; et toutefois ce ne sont là que des tribulations qui viennent delles-mêmes, ainsi quil est écrit dans un autre psaume: « Vous êtes notre secours dans les maux sans nombre qui fondent sur nous 3 ». Il en est que nous devons trouver nous-mêmes. Que celles-ci viennent delles-mêmes, il en est une que nous devons chercher et trouver. En quoi consiste-t-elle? Dans la félicité même en ce bas monde, dans laffluence des biens temporels; non que ce soit là une peine, cest au contraire un soulagement dans nos peines. Dans quelles peines? dans les peines de notre 1. Ps. CXIV, 3. 2. I Cor. X, 13. Ps. XLV, 2.
exil. Car nêtre pas encore avec Dieu, vivre au milieu des tentations et des embarras, ne pouvoir jamais être sans crainte, cest là une tribulation, puisque ce nest point la sécurité qui nous est promise. Quiconque ne ressent point cette peine de lexil, na nul souci de retourner dans sa patrie. Cest là, mes frères, une véritable affliction. A la vérité nous faisons de bonnes oeuvres en cette vie, quand nous donnons du pain à celui qui a faim, un asile à létranger, elle reste : cest encore là une tribulation. Nous voyons des malheureux, que nous essayons de soulager, parce que leur misère nous a touchés de compassion. Combien serais-tu mieux dans ce séjour où tu ne verrais ni affamé à qui donner du pain, ni étranger à recevoir, ni indigent à revêtir, ni malade à visiter, ni plaideurs à mettre daccord, où tout sera la perfection, la vérité, la sainteté, léternité ! Là, notre pain sera la justice, notre breuvage la sagesse, notre vêtement limmortalité; le ciel sera notre éternelle demeure, notre durée sera sans fin. La maladie viendra-t-elle nous y surprendre? La fatigue nous entraînera-t-elle au sommeil? Il ny aura là ni la mort ni les procès; mais la paix, mais le repos, mais la joie, mais la justice. Nul ennemi nentrera dans ce lieu, nul ami nen sortira. Quel sera là notre repos? Si nous réfléchissons à létat où nous sommes, et si nous le comparons à celui que nous a promis celui qui ne sait point mentir, cette promesse elle-même nous montre dans quelle tribulation nous sommes plongés. Or, cette-tribulation, nul ne la trouve que celui qui la cherche par la pensée. Vous êtes en santé, voyez si vous souffrez; car pour un malade, il sent facilement quil souffre; mais quand vous êtes en santé, voyez si vous souffrez de nêtre point avec Dieu. «Jai rencontré la tribulation et la douleur, et jai invoqué le nom de mon Dieu 1 » . « Immole à Dieu un sacrifice de louanges » . Bénis-le dans ses promesses, bénis-le quand il tappelle, bénis-le quand il tencourage, bénis-le quand il te soutient; et comprends enfin quel est ton état daffliction. Invoque le Seigneur, et il te délivrera, et tu le glorifieras, et tu demeureras en lui. 23. Mes frères, écoutez la suite du psaume. Quelquun, peut-être, parce que Dieu lui a dit: « Offre au Seigneur un sacrifice de
1. Ps. CXIV, 3.
louanges », comme un tribut qui lui est dû, médite en son coeur, et se dit: Chaque jour je me lèverai, jirai à léglise et je chanterai au Seigneur un hymne le matin, un hymne le soir, un troisième et un quatrième dans ana demeure, chaque jour je fais à Dieu le sacrifice de la louange, loffrande à mon Dieu. En cela vous ferez bien; mais ne vous laissez point aller à la sécurité, parce que vous en agissez ainsi, et que votre langue bénit Dieu, tandis que votre vie est pour lui une malédiction. O mon peuple, te dit le Dieu des dieux, le Seigneur qui appelle la terre de lOrient à lOccident, bien que tu sois confondu avec livraie 1. « Offre au Seigneur un sacrifice de louanges, et présente-lui tes prières». Mais garde-toi de chanter bien, et de vivre mal. Pourquoi? « Dieu a dit au pécheur: Est-ce à toi de publier mes décrets, et à ta bouche dannoncer mon alliance 2? ». Vous voyez, mes frères, avec quelle crainte nous parlons ainsi. Notre bouche publie lalliance du Seigneur, nous vous prêchons ses enseignements et ses décrets. Et que dit Dieu au pécheur? « Est-ce à toi? » Il défend donc aux pécheurs de prêcher? Que devient cette parole: « Faites ce quils vous disent, et ne faites point ce quils font 3 ?» Et cette autre « Peu mimporte que le Christ soit annoncé par occasion, ou par un zèle véritable 4! »Ces paroles de lApôtre doivent rassurer les fidèles au sujet du prédicateur quel quil soit, mais non ceux qui disent le bien et font le mal. Pour vous donc, mes frères, vous navez rien à craindre maintenant; si vous entendez le bien, vous entendez Dieu, quel que soit celui qui vous prêche. Toutefois le Seigneur na pas voulu laisser les prédicateurs sans quelque menace; de peur que ce seul titre ne les endorme dans la voie pernicieuse, et quils ne se disent: Le Seigneur ne nous perdra point, lui qui sest servi de notre bouche pour verser de si grands biens sur son peuple. O toi qui prêches, écoute ce que tu dis, écoute le premier tes paroles, toi qui veux quon les écoute; et dis en toi-même ces paroles dun autre psaume : « Jécouterai ce que me dira le Seigneur, car il annoncera la paix à son peuple 5 ». Qui suis-je, pour forcer les autres à écouter ce que le Seigneur dit par ma bouche, moi qui nentends point
1. Matt. XIII, 25. 2. Ps. XLIX, 6. 3. Matt. XXIII, 3. 4. Philipp. I, 18. 5. Ps. LXXXIV, 9.
ce quil dit en moi? Jécouterai dabord, oui jécouterai; mon premier soin sera découter ce que le Seigneur dira en moi, parce quil dira des paroles de paix à son peuple. Que jécoute, que je châtie mon corps, que je le réduise en servitude, de peur quaprès avoir prêché aux autres, je sois moi-même réprouvé 1. « Est-ce bien à toi de publier mes décrets? » Est-ce à toi de publier ce qui na pas dutilité pour toi? Dieu donc avertit lhomme de sécouter, non de renoncer à la prédication, mais bien de pratiquer lobéissance. « Mais est-ce bien à toi douvrir la bouche pour publier mon alliance ? » 24. « Mais toi, tu as pris en haine le châtiment 2 ». Tu hais les corrections. Le pardon te fait chanter mes louanges ; le châtiment soulève tes murmures; comme si je nétais pas ton Dieu et quand je châtie, et ton Dieu encore quand je pardonne. «Car je réprime et corrige ceux que jaime 3 ». Mais toi, tu hais le châtiment, tu as rejeté loin de toi mes discours. Tu rejettes loin de toi ce que je dis par ta bouche. « Tu as donc rejeté mes discours derrière toi », de manière que sans les voir, tu en sentiras le poids. « Tu as rejeté mes discours derrière toi». 25. « En voyant un voleur, tu courais avec « lui, et tu partageais lhéritage des adultères 4 ». Ne va point dire: Je nai commis aucun vol, aucun adultère. De quoi cela te sert-il, si tu as des complaisances pour celui qui commet ces crimes; nest-ce point là courir avec eux? Louer celui qui agit de la sorte, nest-ce pas entrer en partage avec lui? Cest là, mes frères, courir avec le voleur et entrer en partage avec les adultères; si tu ne le fais pas en effet, tu vantes celui qui le commet, tu deviens solidaire avec lui, cest là louer le pécheur dans les désirs de son âme, et le bénir dans ses crimes 5. Tu tabstiens du crime, tu applaudis les criminels. Nest-ce là quun léger mal? « Tu as pris part avec les adultères ». 26. « Ta bouche a été féconde en malice, ta langue a embrassé la fraude 6 ». Le Prophète dénonce ici la méchanceté, la fourberie de ces hommes flatteurs qui, connaissant le mal quon leur dit, non-seulement nosent reprendre ceux qui le disent, de peur de les blesser, mais les applaudissent par un silence
1. I Cor. IX, 27. 2. Ps XLIX, 17. 3. Apoc. III, 19. 4.Ps. XLIX, 18. 5. Id. IX, 3.6. Id. XLII, 19.
coupable. Cest peu de ne point dire: Cest mal ; ils vont jusquà dire : Cest bien ; et néanmoins ils savent que cela est criminel, mais leur bouche est pleine de malice, leur langue a préparé la fourberie. La fourberie est la fraude en parole, cest le langage en désaccord avec la pensée. Le Prophète ne dit pas : Ta langue a ourdi ou commis la fourberie; mais, pour nous montrer quil y avait dans le crime un plaisir coupable, il dit: « Elle a embrassé ». Cest peu dagir mal, tu y mets ton bonheur; tu as des louanges au dehors et la dérision dans lâme. Tu causes la ruine dun homme qui étale ses vices avec imprudence, qui ne voit pas même sils sont des vices; et toi qui le sais, tu ne lui dis pas : Où vas-tu? Si tu le voyais marcher dans les ténèbres, et près de lendroit où tu connais un puits, quel homme serais-tu donc en gardant le silence? Ne te regarderait-on pas comme lennemi de sa vie? Et cependant, ce ne serait que la vie du corps et non celle de lâme quil perdrait dans un puits. Il sélance donc dans labîme du vice, il étale devant toi sa vie criminelle, tu en vois lhorreur, et tu lui applaudis au dehors, tandis que tu le méprises dans ton âme. Oh! sil se retournait un jour vers le Seigneur, cet homme que tu tournes en dérision, que tu ne veux pas reprendre, et quil sécrie : « Confusion sur ceux qui me disent : Courage, courage 1 ! » . « Ta langue a embrassé la fourberie», 27. « Tranquillement assis, tu parlais contre ton frère ». Cette expression « assis » a le même sens que celui que nous avons donné à « embrasser ». Agir debout, ou en passant, cest ne point y rechercher le plaisir; mais sasseoir pour le faire, nest-ce point prendre tout son loisir? Donc « tu tes assis pour parler contre ton frère » ; tu as mis tes soins à commettre la détraction, tu tes assis pour le faire: tu en voulais faire ton occupation, tu embrassais le mal, tu donnais à la fraude un baiser criminel. « Tu tasseyais donc pour parler contre ton frère, et tu plaçais le scandale devant le fils de ta propre mère 2 ». Quel est ce fils de ta mère? nest-ce pas ton frère? Le Prophète a donc voulu répéter ici ce qui a été dit plus haut: « Tu parlais contre ton frère ». Na-t-il pas voulu mettre une certaine distinction? Oui, mes frères, je crois quil est bon de distinguer. Ainsi un frère
1. Ps. XXXIX, 16. 2. Id. XLIX, 20.
médit de son frère, quand un homme affermi dans la foi, jouissant dune certaine considération, instruit et instruisant les autres, médit de son frère également instruit, et qui marche dans la voie droite ; mais voici un homme qui est faible, et votre détraction est un scandale pour lui. Quun homme de quelque considération et de quelque science médise des gens de bien, voilà un scandale pour les infirmes incapables de juger sagement. Or, cet infirme est appelé « le fils de notre mère », et non de notre père, parce quil a besoin de lait, et quil sattache encore aux mamelles. Il est porté sur le sein de lEglise, il ne peut prendre la solide nourriture de son père, mais il se nourrit aux mamelles de sa mère, incapable de juger, parce quil est encore animal et charnel. « Lhomme spirituel, en effet, juge de tout; mais lhomme animal ne perçoit pas les choses qui sont de lEsprit de Dieu; cest une folie pour lui ». Cest pour ces hommes que lApôtre a dit: « Je nai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des hommes charnels encore, comme à des enfants en Jésus-Christ, je vous ai donné du lait, non une nourriture solide : vous ne pouviez la supporter, vous ne le pouvez même encore 2 ». Jétais pour vous une mère, dit lApôtre, comme il dit ailleurs: « Je me suis fait petit au milieu de vous, comme la nourrice pleine de tendresse pour ses enfants 3 ». Non comme la nourrice donne à ses enfants la nourriture, mais comme la nourrice leur prodigue ses caresses. Il y a des mères qui, devenues mères, donnent leurs enfants à des nourrices ; elles sont mères, mais au lieu dallaiter leurs enfants, elles les donnent à nourrir; et les nourrices, loin dallaiter leurs enfants, allaitent des étrangers; mais lApôtre avait lui-même enfanté des fidèles, il les nourrissait, et ne confiait ce soin à personne, lui qui disait : « Vous que jenfante une seconde fois, jusquà ce que le Christ soit formé en vous 4 ». Donc il prodiguait ses caresses et allaitait. Or, des hommes doctes et spirituels blâmaient Paul. « Ses lettres », disaient-ils, « sont dures et accablantes; en face il est faible de corps, méprisable dans ses discours 5». Voilà les propos quil attribue lui-même dans ses lettres à ses détracteurs, ils sasseyaient
1. I Cor. II, 14. 2. Id. III, 2. 3. I Thess. II, 7 4. Gal. IV, 19. 5. II Cor. X, 10.
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donc, et parlaient mal de leur frère, et plaçaient le scandale devant le fils de leur mère que lApôtre devait nourrir. Ils obligeaient ainsi cette mère à enfanter de nouveau. « Devant le fils de ta mère tu plaçais le scandale ». 28. « Voilà ce que tu as fait, et je me suis tu 1 ». Cest pourquoi le Seigneur Dieu viendra et ne se taira point. Aujourdhui il nous dit : « Voilà ton ouvrage et je me suis tu ». Quest-ce à dire: « Je me suis tu? » Pour toi, jai différé ma vengeance, jai suspendu toute sévérité, jai prolongé ma patience, et longtemps jai attendu ton repentir. « Voilà tes oeuvres et je me suis tu ». Or, quand jattends patiemment ton repentir, toi, comme la dit lApôtre: « Par la dureté et limpénitence de ton coeur, tu tamasses un trésor de colère pour le jour de la colère, et de la manifestation du juste jugement de Dieu 2. Dans ton iniquité, tu mas cru semblable à toi ». Cest peu que le mal ait pour toi de lattrait, tu crois encore qu'il en a pour moi. Parce que Dieu ne fait pas éclater sa vengeance, tu en fais un complice, et comme à un juge corrompu, tu lui donnes part à tes rapines. « Dans ton iniquité, tu mas cru semblable à toi », parce que tu refusais dêtre semblable à moi. « Soyez parfaits », dit le Sauveur, « comme votre Père céleste, qui fait luire son soleil sur les bons et sur les méchants 3 ». Loin de prendre pour modèle celui qui fait du bien même aux méchants, tu veux tasseoir pour calomnier les bons. « Dans ta malice tu mas cru semblable à toi, je taccuserai ». Quand viendra le Seigneur notre Dieu, et quil ne gardera point le silence, alors «je taccuserai ». Que ferai-je pour te reprendre? Que te ferai-je? Tu ne te vois pas maintenant, je te forcerai à te voir. Si tu te voyais, tu te déplairais à toi-même et tu me plairais dès lors; mais parce que sans te voir tu as mis en toi tes complaisances, tu te déplairas un jour ainsi quà moi, à moi quand tu seras jugé, à toi quand tu brûleras dans les flammes. Que te ferai-je, dit le Seigneur? « Je te mettrai en présence de toi-même ». Pourquoi vouloir te dérober à tes yeux? Tu te rejettes en arrière pour ne point te voir, je te forcerai à te regarder; ce que tu as rejeté derrière loi, je lexposerai à tes regards, tu verras ta laideur, non pour leffacer, mais
1. Ps. XLIX, 21. 2. Rom, II, 5. 3. Matt. V, 45, 48.
pour en rougir. Et quand le Seigneur tient ce langage, mes frères, faut-il désespérer de celui quil menace de la sorte? Cette ville dont on publia jadis : « Dans trois jours Ninive sera détruite 1», nemploya-t-elle point ces trois jours à se convertir, à prier, à pleurer, à mériter son pardon au lieu dun châtiment imminent? Quils écoutent, ceux qui sont dans le même état, pendant quils peuvent écouter le Seigneur, même dans son silence. Il viendra et ne se taira point, et il taccusera, quand il ny aura pas moyen de tamender. « Je le mettrai », dit le Seigneur, « en face de lui-même ». Qui que tu sois, fais donc aujourdhui ce que le Seigneur menace de te faire. Ne rejette plus derrière toi ces fautes que tu dissimules, que tu ne veux point voir, mets-les sous tes regards. Assieds-toi sur le tribunal de ta conscience, deviens ton propre juge, cède à la crainte, que laveu séchappe de ton coeur, et dis à ton Dieu : « Je reconnais mon iniquité, et mon péché est toujours devant mes yeux 2 ». Mets devant toi ce que tu rejetais encore ; de peur que ton Dieu dans sa justice ne te mette sous tes propres regards, et que tu ne puisses te dérober à toi-même. 29. « Comprenez enfin tout cela, vous qui oubliez le Seigneur ». Vous le voyez, Dieu crie, il ne se tait point, il népargne personne. Tu avais oublié le Seigneur, tu ne pensais pas à ta vie désordonnée ; comprends donc que tu as oublié le Seigneur, « de peur quenfin il ne te saisisse comme un lion, et que nul ne puisse te délivrer ». Quest-ce à dire: « Comme un lion?» Avec une force, avec une puissance, à laquelle on ne peut résister. Tel est le sens quil donna au mot « lion ». Car cette expression se prend tantôt comme un blâme, tantôt comme un éloge. Le diable est appelé un lion dans lEcriture : « Votre adversaire est comme un lion rugissant », dit-elle, « qui rode autour de vous, cherchant à vous dévorer 3 ». Or, parce que le diable a été appelé lion à cause de son impitoyable fureur, le Christ ne peut-il être appelé lion à cause de sa force souveraine? Doù vient donc ce mot de lEcriture: « Il a vaincu le lion, de la tribu de Juda 4? » De grâce, mes frères, écoutez ce qui reste; je vous en conjure, oubliez votre fatigue, il vous soutiendra, celui qui vous a donné des forces jusquici. Tout à lheure, comme pour nous désigner le tribut de
1. Jonas, III, 4-10. 2. Ps. L, 5. 3. I Pierre, V, 8, 4. Apoc, V, 5.
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louanges quil exige de nous, le Seigneur, comme vous lavez entendu, nous disait: « Offre à Dieu un sacrifice de louanges, et rends au Très-Haut tes hommages ». Mais ensuite le Seigneur dit au pécheur : « Est-ce à toi de publier mes jugements, et ta bouche souvrira-t-elle pour annoncer mon alliance ? » Comme sil lui disait : Tes louanges ne te servent de rien : je nai demandé le sacrifice de louanges quà ceux dont la vie est sainte ; cest à eux que la louange est profitable : mais pour toi, il ne te sert de rien de me louer. Est-ce à toi de le faire? « La louange ne sied pas dans la bouche du pécheur 2 ». Il résume ensuite ces deux pensées dans une même conclusion, qui est un reproche pour les méchants trop oublieux de Dieu. « Comprenez donc enfin, vous qui oubliez le Seigneur, de peur quil ne vous enlève comme un lion, et que nul ne puisse vous délivrer ». 30. « Le sacrifice de louanges est le culte qui mhonore 3». Comment le sacrifice de louanges doit-il mhonorer? Il est certain que cette louange ne sert de rien aux pécheurs, dont la bouche souvre pour publier votre alliance, ô mon Dieu, et dont les actions condamnables sont en horreur à vos yeux. Et néanmoins, répond le Seigneur, je ne laisse pas de leur dire : « Cest le sacrifice de louanges qui doit mhonorer». Tu croyais que la louange était inutile pour toi; eh bien ! loue-moi, elle te deviendra utile. Vivre mal et bien dire, ce nest pas encore me louer; de même que commencer à vivre saintement et sen attribuer le mérite, ce nest point me louer encore. Je ne veux point que tu ressembles à ce scélérat qui insultait au crucifié 4, mais je ne veux pas non plus faire de toi cet hypocrite qui vantait ses mérites dans le temple, et cachait ses plaies 5. Si tu es pécheur et obstiné dans tes vices, je ne puis te dire seulement : Ta louange est inutile, mais bien : Ta louange sexiste même point, et je ne la regarde point comme une louange: si tu crois être juste, et nul nest juste sil nest humble et pieux, si tu tenorgueillis de ta justice, au point de te comparer aux autres et de les mépriser, si tu lélèves et te glorifies de tes mérites, ce nest point là me louer. Quiconque est pécheur ne me loue point, non plus que le juste qui
1. Ps. XLIX, 14, 16. 2.Eccli. XV, 9. 3. P. XLIX, 23 4. Luc, XXIII, 39. 5. Id. XVIII, 11.
sattribue sa justice. Mais le pharisien sattribuait-il sa justice, quand il disait: « Seigneur, je vous rends grâces de ce que je ne suis point comme les autres hommes? » Il remerciait Dieu du bien qui était en lui. Quelle que soit donc ta vertu, quoique tu comprennes que tu as reçu de Dieu tout le bien qui est en toi, si néanmoins tu télèves au-dessus de celui qui en a moins, tu nes quun envieux, tu ne sais me louer. Commence donc à corriger tes désordres et à vivre saintement comprends surtout que cest par la grâce de Dieu que tu te corriges : « Cest en effet le Seigneur qui redresse les démarches de lhomme 1 ». Après avoir compris tout cela, aide les autres à devenir ce que tu es; car tu étais toi-même ce quils sont. Aide-les de tout ton pouvoir, et sans te désespérer, car Dieu na pas borné à toi seul les trésors de ses grâces. Donc on ne peut louer Dieu, et loffenser par une vie désordonnée; on ne le loue point quand on commence une vie régulière dont on sattribue le mérite et non à la grâce de Dieu; on ne le loue point, quand on reconnaît quon le doit à la grâce de Dieu, et quon ne veut cette grâce que pour soi-même. Dès lors1 celui qui disait: « Seigneur, je vous rends grâces de ce que je ne suis point comme les autres hommes, qui sont injustes, voleurs, adultères, ni même comme ce publicain 2 », ne pouvait-il pas ajouter: Faites à ce publicain les mêmes grâces quà moi, achevez de me donner ce qui me manque encore? Mais il parlait, comme plein de lui-même ; il ne disait point: « Pour moi je suis pauvre et indigent 3 », comme le faisait le publicain en disant: « Seigneur, soyez-moi propice, car je suis un pécheur 4 ». Aussi le publicain sen retourna-t-il justifié, beaucoup plus que le pharisien. Ecoutez donc ceci, vous qui vivez saintement ; écoutez encore, vous qui vivez dans le désordre : « Cest le sacrifice de louange qui doit mhonorer ». Nul nest méchant quand il moffre ce sacrifice. Je ne dis point : Que nul méchant ne moffre ce sacrifice, mais bien : Nul nest méchant dès quil me loffre. Celui qui me loue est bon, car sil me loue, ce nest pas seulement en paroles, mais en mettant ses paroles en harmonie avec ses oeuvres. 31. « Cest le sacrifice de louanges qui doit
1. Ps. LXIII, 23. 2. Luc, XVII, 11. 3. Ps. LXIX, 6. 4. Luc, XVIII, 13.
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mhonorer : cest la voie par laquelle je manifesterai le salut de Dieu 1 », Cest donc dans le sacrifice de louanges quest « cette voie par laquelle je manifesterai le salut de Dieu ». Quest-ce que le salut de Dieu? Cest Jésus-Christ; et comment le Christ nous est-il montré dans le sacrifice de louanges? Cest que le Christ vient en nous avec la grâce. Voici ce que dit lApôtre : « Je vis, non plus moi, mais le Christ vit en moi : et si je vis maintenant dans un corps charnel, je vis dans la foi du Fils de Dieu, qui ma aimé, et qui sest livré pour moi 2 ». Que les pécheurs reconnaissent donc quils nauraient pas besoin du médecin, sils jouissaient de la santé 3. Car le Christ est mort pour les impies 4. Pour eux donc, reconnaître leurs impiétés, puis imiter le publicain qui disait: « Seigneur, soyez-moi propice, car je suis un pécheur 5 », cest découvrir leurs blessures au médecin, et implorer son assistance. Comme ils ne se louent pas eux-mêmes, comme ils saccusent au contraire, de sorte que si quelquun deux se glorifie, il ne se glorifie pas en lui-même, mais dans le Seigneur 6, ils proclament la cause de lavènement du Christ qui est venu pour sauver les pécheurs. « Jésus-Christ est
1. Ps. XLIX, 23. 2. Gal. II, 20. 3. Matt. IX, 22. 4. Rom. V, 6. 5. Luc, XVII, 13. I Cor. I, 31.
venu dans ce monde », nous dit saint Paul, pour sauver les pécheurs, entre lesquels-je suis le premier 1 ». Aussi, quand les Juifs se glorifient de leurs oeuvres, le même Apôtre réprime leur orgueil, jusquà dire quils nappartiennent pas à la grâce, eux qui comptent sur leurs mérites et sur leurs oeuvres pour obtenir une récompense 2. Quiconque sait en effet quil appartient à la grâce, qui est le Christ et qui vient du Christ, comprend quil a besoin de la grâce. Ce qui est appelé grâce, est donné gratuitement; et dès lors nul mérite en toi na pu précéder et provoquer ce qui est un don gratuit. Si tes mérites avaient précédé, la récompense ne serait plus regardée comme une grâce, mais comme lacquit dune dette 3. Si donc tu prétends que tes mérites ont précédé, cest toi et non le Seigneur que tu veux louer; et dès lors tu ne reconnais plus le Christ qui est venu avec la grâce. Ainsi, abaisse un regard sur tes oeuvres, comprends quelle en était la malice, en sorte quelles appelaient sur toi le châtiment et non la récompense. Et quand tu auras compris ce qui était dû à tes mérites, tu comprendras aussi ce que tu reçois par la grâce, et tu glorifieras Dieu par le sacrifice de louanges. Telle est la voie qui te montrera dans le Christ le salut de Dieu.
1. I Tim I, 15. 2. Gal. V, 4. 3. Rom. IV, 4.
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