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LETTRE CXVII. (Année 410.)
Un homme comme saint Augustin, et qui avait la réputation d'être si bon, devait recevoir parfois des lettres étranges. En . voici une d'un jeune Grec qui, au moment de partir d'Afrique pour s'en aller en Orient, demande très-sérieusement et sans beaucoup de façon à l'évêque d'Hippone de lui expliquer certains passages difficiles de Cicéron. Mais nous ne nous plaignons pas de la confiante témérité du jeune Dioscore, car elle nous a valu une des plus belles et des plus intéressantes lettres de saint Augustin.
Tout préambule avec vous est non-seulement inutile, mais encore importun ; vous ne voulez pas des paroles, mais la chose même. Ecoutez donc ceci tout simplement. J'avais prié le vénérable Alype et il m'avait souvent promis de répondre avec vous à de petites questions tirées des dialogues de Cicéron ; on me dit qu'il est encore aujourd'hui dans la Mauritanie. Je vous demande donc et vous supplie de toutes mes forces d'y répondre tout seul, ce que vous auriez fait sans doute quand même votre frère eût été là. Je ne vous demande ni argent ni or ; vous en donneriez certainement pour qui que ce fût si vous en aviez; ce que je cherche ne vous coûtera aucun effort. Je pourrais vous prier davantage et me faire appuyer auprès de vous par plusieurs de vos amis; mais je connais votre coeur, vous n'aimez pas qu'on vous prie, vous donnez à tous, pourvu qu'on ne vous demande rien qui ne convienne; et ici rien absolument d'inconvenant; mais quoi qu'il en soit, accordez-moi ce que je désire, car je suis sur le point de m'embarquer. Vous savez qu'il me serait extrêmement pénible d'être à charge, non-seulement à votre sincérité, mais à qui que ce soit. Dieu seul sait par quelle pressante nécessité j'ai été poussé à cette démarche. Car je vais partir en vous souhaitant la santé et en implorant la protection de Dieu. Vous connaissez les hommes, ils sont portés au blâme; si on est interrogé et qu'on réponde mal, on passe pour ignorant et borné. Je vous en conjure donc, répondez à tout sans retard; ne me laissez pas partir avec de tristes regrets. Ainsi puisse-je revoir mes parents! j'ai envoyé Cerdon uniquement pour cela et je n'attends plus que son retour. Mon frère Zénobe a été fait maître de mémoire (1); il nous a envoyé l'autorisation de prendre passage et des vivres. Si je ne suis pas digne que vous vous hâtiez de répondre à mes petites questions, craignez au moins qu'un retard ne compromette les provisions. Que le Dieu souverain vous conserve pour nous la santé pendant de longs jours ! Papas, salue avec respect Votre Révérence.
1. La charge de Maître de mémoire avait de l'importance à la cour impériale. Elle représentait, mais avec dès attributions plus étendues, ce que nous appellerions aujourd'hui l'emploi de secrétaire des commandements.
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