HOMÉLIE XXV
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HOMÉLIE XXV.

JÉSUS LUI RÉPONDIT : EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ JE VOUS DIS QUE SI UN HOMME NE RENAÎT DE L'EAU ET DE L’ESPRIT, IL NE PEUT ENTRER DANS LE ROYAUME DE DIEU. (VERSET 5.)

 

ANALYSE.

 

216

 

1. Saint Chrysostome prêchait deux fois la semaine. — Nicodème n'entend, pas les paroles du Sauveur parce qu'il vent raisonner humainement dans les choses spirituelles. —Si un homme ne naît pas de l'eau et de l'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume des cieux.

2. et 3. Croire ce qu'on ne voit point. — Dans la première création, le Créateur s'est servi de la terre pour créer l'homme. — Dans la seconde, le Saint-Esprit se sert de l'eau. — Le premier homme ,a été créé avec une âme vivante ; et le second est rem-, pli de l'Esprit vivifiant. — Le premier homme avait besoin d'un aide ; le second, recevant la grâce du Saint-Esprit, n'a pas besoin d'un autre aide. — Belle description de ce que Dieu a fait pour le premier homme, et de ce qu'il fait pour le second. Nous attendons une autre vie beaucoup meilleure. — Se soumettre à la parole de Dieu, elle est plus certaine que la vue. — C'est elle qui a tout produit, elle mérite que nous la croyions. — L'eau est nécessaire au baptême, pourquoi? — Cérémonies du baptême. — Les grands mystères que Jésus-Christ a opérés pour nous, et qu'il nous a confiés, doivent nous porter à mener une vie qui en soit digne. — Les catéchumènes sont hors du corps des fidèles. — Contre les catéchumènes qui diffèrent jusqu'à la mort de recevoir le baptême. — Prêter son argent à Jésus-Christ, pour obtenir la rémission de ses péchés. — Donner les petits biens qu'on a pour en acheter de très-grands.

 

1. Les petits enfants vont tous les jours à l'école trouver leur maître, recevoir la leçon et la réciter, et ne cessent jamais de faire le même exercice, ou plutôt souvent au jour ils joignent la 'nuit. Et vous les obligez de faire tout cela pour des biens fragiles et passagers; mais nous ne demandons pas de vous, qui êtes dans un âge plus fort et plus mûr, ce que vous exigez de vos enfants. Nous ne vous demandons pas de venir tous les jours au sermon, mais nous vous exhortons seulement d'y assister deux fois la semaine, et d'y être attentifs, et encore, afin d'adoucir votre peine et votre travail, ce n'est que pour une petite partie du jour. Voilà pourquoi nous prenons et nous expliquons peu à peu les paroles de l'Ecriture, afin que vous ayez plus de facilité à les comprendre, à les placer dans les réservoirs de votre mémoire, et à les retenir dans votre esprit, pour les rapporter aux autres avec beaucoup de soin et d'exactitude , si vous n'êtes pas. extrêmement négligents et plus paresseux que de petits enfants.

Reprenons donc la suite des paroles de notre évangile. Nicodème était tombé dans de basses idées, il avilissait ce qu'avait dit Jésus-Christ, l'entendant d'une naissance charnelle, et il disait qu'il est impossible qu'un homme qui est déjà vieux pût naître une seconde fois. Jésus-Christ explique plus clairement comment se doit faire cette renaissance, véritablement en des termes difficiles à comprendre pour celui qui l'avait interrogé avec un esprit charnel et tout terrestre, mais qui toutefois pouvaient le relever et le tirer des bas sentiments qu'il avait conçus. En effet, que dit le divin Sauveur? « Je vous dis en vérité que si un homme ne renaît de l'eau et de l'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu » ; c'est-à-dire : vous pensez que ce que je dis est impossible; et moi, je le dis tout à fait possible, et même si nécessaire que sans cela personne ne peut être sauvé; car les choses nécessaires, Dieu les a rendues tout à fait faciles. Et certes la naissance terrestre, qui est selon la chair, vient de la poussière ; c'est pourquoi les portes du ciel lui sont fermées : Qu'est-ce en effet qu'a de commun la terre avec le ciel? mais la naissance qu'opère le Saint-Esprit nous ouvre facilement les portes célestes.

Ecoutez ceci, vous tous qui n'avez pas encore reçu le baptême: Soyez saisis de frayeur, [217] gémissez : la menace que vous venez d'entendre fait trembler, cette sentence est terrible. « Celui », dit Jésus-Christ, « qui n'est pas né de l'eau et de l'Esprit, ne peut entrer dans le royaume des cieux » , parce qu'il porte un vêtement de mort, c'est-à-dire de malédiction et de corruption : il n'a pas encore reçu le symbole du Seigneur (1). il est un étranger et un ennemi. Il n'a pas le signe royal : « Si un homme », dit-il, « ne naît de l'eau et de l'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume des cieux ».

Mais Nicodème ne l'a pas pris en, ce sens. Sur quoi je dis qu'il n'est rien de pire que de se livrer aux raisonnements humains dans les choses spirituelles ! Voilà ce qui a empêché cet homme de s'élever à quelque chose de grand et de sublime. Nous sommes appelés fidèles, afin que, méprisant la faiblesse des raisonnements humains, nous nous élevions à la sublimité de la foi, et que nous confiions notre trésor et nos biens à cette doctrine. Si Nicodème l'avait fait, cette régénération ne lui aurait pas paru impossible. Que dit donc Jésus-Christ ? Pour le tirer de ce sentiment bas et rampant, et pour montrer qu'il parle d'une autre génération, il dit: « Si un homme ne naît de l'eau et de l'Esprit, il ne peut entrer dans le royaume des cieux » . Or, il parle ainsi pour l'amener à la foi par cette menace, pour le convaincre qu'il ne doit pas croire que ce soit là une chose impossible, et pour le tirer de la pensée d'une génération charnelle. Je parle, dit-il, d'une autre naissance, ô Nicodème ! pourquoi, ce que je dis, l'abaissez-vous jusqu'à terre? Pourquoi, ce qui est au-dessus de la nature, le soumettez-vous aux lois de la nature? cette naissance surpasse la naissance ordinaire, elle n'a rien de commun avec nous. L'autre est également appelée naissance; mais ces deux naissances n'ont rien de commun entr'elles que le nom, elles diffèrent dans la chose. Eloignez de votre esprit l'idée des générations ordinaires : j'introduis dans le monde une autre sorte de naissance. Je veux que les hommes soient engendrés d'une autre manière; j'apporte un autre mode de création. J'ai formé l'homme de la terre et de l'eau, cette figure de terre et d'eau n'a rien produit de bon; le vase a pris une mauvaise forme. Je ne veux plus me servir de terre et d'eau, mais de l'eau et de l'Esprit.

 

1.  Le symbole du Seigneur, c'est-à-dire, la toi, la grâce.

 

Que si quelqu'un me fait cette question Comment de l'eau peut-il se faire quelque chose? Je lui en ferai une autre, et je lui dirai : comment de la terre s'est-il pu faire quelque chose? comment la génération a-t-elle pu être si multiple, les productions si diverses, quand la matière qui a été employée était d'une seule espèce? D'où se sont formés les os, les nerfs, les artères, les veines? D'où se sont formés les membranes, les vaisseaux organisés, les cartilages, les tuniques, le foie, la rate, le coeur ? D'où s'est formée la peau, le sang, la pituite, la bile? D'où viennent tant d'opérations? d'où se produisent tant de différentes couleurs ? car ces choses ne naissent pas de !a terre ou de la boue. Comment la terre ensemencée pousse-t-elle là semence au dehors, et la chair corrompt-elle ce qu'elle reçoit? comment la terre nourrit-elle ce qu'on jette dans son sein; et la chair au contraire est-elle nourrie de ce qu'elle reçoit, loin de le nourrir? Donnons un exemple : la terre ayant reçu de l'eau en a fait du vin, et la chair change en eau le vin qu'elle reçoit. D'où sait-on donc que c'est la terre qui produit ces choses, puisque dans ces productions, comme j'ai dit, la terre produit un effet tout contraire ? Je ne puis le concevoir par le raisonnement, je ne le conçois donc, et je ne le sais que par la foi seulement; or, si les choses mêmes qui se font tous les jours, qui se passent sous nos yeux, sous nos sens, et que nous touchons et manions de nos mains, ont besoin de la foi, à combien plus forte raison des choses mystérieuses et spirituelles en auront-elles besoin? car comme la terre, tout inanimée et immobile qu'elle est, a reçu de Dieu, par le commandement qu'il lui en fait, la vertu de produire des choses si admirables et si merveilleuses, de même de l'Esprit et de l'eau joints ensemble s'opèrent facilement tous ces prodiges et ces miracles, qui surpassent la raison.

2. Ne refusez donc pas de croire ce que vous ne voyez pas. Vous ne voyez point l'âme, et néanmoins vous croyez qu'il y a une âme, et une âme distincte du corps. Mais Jésus-Christ n'emploie pas cet exemple pour instruire Nicodème, il se sert d'un autre. Il ne lui propose pas celui-ci, qui est incorporel et insensible, savoir : l'exemple de l'âme, parce que Nicodème était encore trop grossier. Il lui présente donc un autre exemple, emprunté à une chose qui certainement n'a pas la grossièreté des [218] corps, ni aussi la spiritualité des êtres incorporels, c'est-à-dire, l'impétuosité et l'agilité des vents. D'abord il commence par l'eau, qui est plus subtile et plus légère que la terre, et plus épaisse que le vent. Comme dans la création la terre servit de matière et que le Créateur fit tout le reste, maintenant de même, l'eau sert de matière, et la grâce du Saint-Esprit fait tout le reste : alors a l'homme reçut « l'âme et la vie » (Gen. II, 7); maintenant il est rempli de l'Esprit vivifiant ». (I Cor. XV, 45.) Mais il y a une grande différence entre l'une et l'autre chose; car l'âme ne donne pas la vie, mais l'Esprit, non-seulement vit par lui-même, mais encore il communique la vie aux autres. C'est ainsi que les apôtres ont rendu la vie aux morts. Autrefois l'homme ne fut formé qu'après la création du monde, maintenant, au contraire, le nouvel homme est créé avant la nouvelle création. Car il est régénéré le premier, et ensuite le monde est transformé. Et comme au commencement le Créateur a créé le premier homme tout entier, maintenant de même le Saint-Esprit crée le second homme tout entier. Alors Dieu dit : « Faisons-lui un aide semblable à lui » (Gen. II, 18) ; mais ici il ne dit rien de semblable. En effet, celui qui a reçu la grâce du Saint-Esprit, de quelle autre aide peut-il avoir besoin ? Celui qui demeure dans le corps de Jésus-Christ, de quel secours ensuite aura-t-il besoin? Alors Dieu fit l'homme à son image, maintenant il se l'est uni à lui-même. Alors il lui commanda de dominer sur tous les poissons et sur tous les animaux, maintenant il a élevé nos prémices au-dessus des cieux. Alors il nous, donna le paradis pour l'habiter, maintenant il nous a ouvert les portes du ciel. Alors l'homme fut formé le sixième jour, parce qu'auparavant il fallait finir la création du monde, maintenant il est formé le premier jour, et dès le commencement, et avec la lumière. Par où tout le monde voit que tout ce qui s'est, fait dans la seconde création regarde une meilleure vie et une vie qui ne finira jamais.

La première formation est donc terrestre, et c'est celle d'Adam; après vient celle de la femme, qui fut formée d'une des côtes d'Adam, et ensuite celle d'Abel, qui est né d'Adam. Et toutefois nous rie pouvons connaître aucune de ces générations, ni les expliquer par nos paroles, quoiqu'elles soient charnelles et terrestres. Comment donc pourrons-nous rendre

raison de la génération spirituelle qu'opère le baptême et qui est beaucoup plus excellente et plus sublime? Comment pouvons-nous espérer de concevoir une naissance si étonnante? Les anges s'y sont trouvés présents, mais personne ne pourra expliquer la manière dont se fait par le baptême cette admirable génération. Les anges y ont assisté sans y coopérer, sans y rien faire, seulement ils ont vu ce qui s'y est fait. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit fait tout.

Soumettons-nous donc à la parole de Dieu, qui est plus certaine que la vue même. Car souvent les yeux se trompent, tandis que la parole de Dieu est infaillible. Soumettons-nous donc à cette divine parole ; car la parole qui a créé ce qui n'était point, mérite bien qu'on la croie lorsqu'elle parle de la nature des choses qu'elle a produites. Que dit-elle donc? Qu'il se fait une régénération dans le baptême. Que si quelqu'un vous dit: Comment cela? Fermez-lui la bouche par la parole de Jésus-Christ qui est une sorte de preuve et une démonstration évidente; mais si quelqu'un demande pourquoi on prend de l'eau, demandons-lui nous-mêmes à notre tour pourquoi la terre a été premièrement créée pour la formation de l'homme. En effet, personne n'ignore que Dieu pouvait former l'homme sans prendre de la terre. C'est pourquoi ne cherchez pas avec trop de curiosité à en savoir davantage. Or que l'eau soit nécessaire, apprenez-le par cet exemple : Le Saint-Esprit étant un jour descendu avant l'eau du baptême, l'apôtre ne s'arrêta point à cela; mais pour montrer que l'eau était nécessaire et non pas superflue, voici ce qu'il dit, écoutez-le: « Peut-on refuser l'eau du baptême à ceux qui « ont déjà reçu le Saint-Esprit comme nous?» (Act. X, 44, 47.)

Pourquoi donc l'eau est-elle nécessaire au baptême ? Je vais vous l'expliquer pour vous découvrir un mystère caché, car il y a plusieurs autres mystères cachés dans ce sacrement. Aujourd'hui, parmi ce grand nombre; je vous en découvrirai un. Quel est-il? Dans le baptême, on célèbre des symboles divins, on représente la sépulture, la passion, la résurrection, la vie de Jésus-Christ, et ces choses se font toutes à la fois. Notre tête étant plongée dans l'eau comme dans un

 

1. « Le Père, le Fils , et le Saint-Esprit » FAIT TOUT, pour « font tout » . Saint Chrysostome , comme l'observe Savillus, dit : FAIT TOUT, pour marquer, et mieux exprimer l'unité de substance des trois personnes.

 

 

219

 

tombeau, le vieil homme est enseveli et entièrement noyé; quand nous sortons ensuite de cette eau, le nouvel homme ressuscite (1). Comme il nous est facile de nous plonger dans cette eau et d'en sortir ensuite, il est de même facile à Dieu d'ensevelir le vieil homme et d'en former un nouveau. Cette immersion se fait par trois fois, pour nous apprendre que- c'est la vertu du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, qui opère toutes ces choses. Mais pour vous persuader que ce n'est pas par conjecture que nous disons ceci, écoutez ce que dit saint Paul « Nous avons été ensevelis avec lui », avec Jésus-Christ, « par le baptême, pour mourir » au péché (Rom. VI, 4) ; et ensuite : « Notre vieil homme a été crucifié avec lui » (Rom. VI, 6) ; et encore : «Nous sommes entrés avec lui, par la ressemblance de sa mort ». (Rom. VI, 5.) Or, non-seulement le baptême est appelé une croix, mais la: croix aussi est appelée un baptême : « Vous serez baptisés »:, dit Jésus-Christ, « du baptême dont je dois être baptisé » (Marc, X, 39) ; et ailleurs : « Je dois être baptisé d'un baptême que vous ne connaissez pas (2) ». Car comme il nous est facile d'être baptisés et de sortir de l'eau, de même, Jésus-Christ étant mort, est ressuscité lorsqu'il l'a voulu, ou plutôt beaucoup plus facilement encore que nous ne sortons de l'eau, quoique par une sage et mystérieuse dispensation, il soit demeuré trois jours dans le tombeau.

3. Ayant donc reçu la grâce de participer à de si grands mystères, menons une vie qui soit digne d'un don si singulier; que toute notre conduite soit parfaitement bien réglée; mais vous, qui n'en avez pas encore été jugés dignes, faites tous vos efforts pour le devenir, afin que nous ne soyons tous qu'un seul corps, afin que nous soyons tous frères. Tant que nous sommes ainsi séparés, celui qui est séparé, fût-il notre père, ou notre fils, ou notre frère, quel qu'il soit enfin , il n'est point encore véritablement notre parent, puisqu'il n'a point de part à l'alliance qui vient d'en-haut. En effet, quelle utilité peut-il revenir d'une union de boue, si l'on n'est point spirituellement unis ? Quel gain retirera-t-on d'une parenté terrestre , étant étrangers à l'égard du ciel ?

 

1. Le saint Docteur fait allusion à la manière de baptiser de son temps par trois immersions. On plongeait l'homme entièrement dans l'eau, et cette action représentait assez bien un pomme qui descend dans le tombeau, et qui disparaît aux yeux des hommes, etc.

2. Je n'ai point trouvé ce passage. C'est toujours me juste allusion aux paroles de Jésus-Christ.

 

Le catéchumène est un étranger à l'égard d'un fidèle: il n'a ni le même chef, ni le même père, ni la même cité, ni la même nourriture, ni le même vêtement, ni la même table; mais tout est séparé. Tout ce que possède celui-là est sur la terre: tout ce que possède celui-ci est dans le ciel; Jésus-Christ est le roi de celui-ci, l'autre a pour rois le péché et le diable; Jésus-Christ fait les délices de l'un ; la corruption, de l'autre. L'ouvrage des vers est le vêtement de celui-là; le vêtement de celui-ci, c'est le Seigneur des anges. Le ciel est la cité de l'un , la terre l'est de l'autre. Puis donc qu'il n'y a rien de commun entre nous, en quoi, je vous prie, communiquerons-nous? Mais, direz-vous, nous avons tous une même naissance, nous sortons tous du sein d'une même terre? Je vous répondrai: mais cela ne suffit pas pour faire une véritable et légitime alliance. Travaillons donc à devenir citoyens de la cité du ciel. Jusques à quand demeurerons-nous dans notre exil, nous qui devrions faire tous nos efforts pour rentrer dans notre ancienne patrie? La perte que nous risquons de faire n'est ni légère , ni de vil prix. Le Seigneur veuille bien nous en préserver ! mais si une mort imprévue venait à nous enlever de ce monde , avant d'avoir reçu le baptême, fussions-nous chargés de mille biens, de toute sorte de bonnes oeuvres, nous n'aurions pour partage que l'enfer, et un ver venimeux; qu'un feu qui ne s'éteint point, et des liens indissolubles.

Mais, à Dieu ne plaise qu'aucun de mes auditeurs tombe dans ce lieu de supplices ! Nous l'éviterons si, après avoir été initiés aux saints mystères, nous mettons au fondement de l'édifice du salut notre or, notre argent et nos pierres précieuses. C'est ainsi qu'en l'autre monde nous pourrons nous trouver riches, si nous n'avons pas laissé ici notre argent , et si nous l'avons envoyé là-haut, par les mains des pauvres, au trésor inviolable, si nous l'avons prêté à Jésus-Christ. Nous avons contracté de grandes dettes envers ce trésor, non en argent, mais par nos péchés. Prêtons donc notre argent à Jésus-Christ, afin d'obtenir la rémission de nos péchés; c'est lui qui est notre juge. Ne le méprisons pas ici lorsqu'il a faim, afin que là il nous nourrisse: ici habillons-le, afin que là il ne nous laisse pas nus, en nous privatif de sa protection. Si nous lui donnons à boire ici, nous ne dirons pas avec le riche: «Envoyez  Lazare, afin qu'il trempe le bout de son doigt [220] dans l'eau pour me rafraîchir la langue qui est toute en feu ». (Luc, XVI, 24.) Si ici nous le recevons chez nous, là il nous préparera plusieurs demeures. Si nous allons le visiter, lorsqu'il est en prison, il nous délivrera, lui aussi, des liens. Si nous exerçons l'hospitalité envers lui, il ne souffrira pas que nous restions étrangers au royaume des cieux; mais il nous fera citoyens de la cité d'en-haut. Si nous allons le voir quand il est malade, il nous guérira sur-le-champ de nos infirmités. Ainsi donc, puisqu'il suffit de donner peu pour recevoir beaucoup, donnons quoi que ce soit, afin d'être amplement rémunérés; pendant que nous en avons encore le temps, semons pour moissonner un jour. Lorsque l'hiver sera arrivé, lorsque la mer ne sera plus navigable, il ne sera plus alors en notre pouvoir de commercer.

Et quand aurons-nous l'hiver? lorsque le grand jour, le jour plein de lumière sera arrivé. Alors nous ne naviguerons plus sur cette grande et vaste mer de la vie présente. Maintenant c'est le temps de semer, alors ce sera le temps de faire la moisson et d'amasser. Si l'on ne sème pas pendant les semailles, et si, au temps de la moisson, on sème, outre qu'on ne récolte rien, on se rend ridicule. Si c'est le temps de semer, il ne faut donc pas chercher maintenant à recueillir, mais il faut semer. En conséquence, répandons pour amasser ensuite ; ne nous attachons pas maintenant à recueillir, de peur que noirs ne perdions notre moisson: le temps présent, comme j'ai dit, nous appelle à semer et à répandre, et non lias à amasser ni à faire des provisions. C'est pourquoi ne perdons pas l'occasion , mais jetons copieusement la semence, et n'épargnons rien de ce qui est chez nous , afin de recouvrer tout avec usure, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soit la gloire, au Père et au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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