HOMÉLIE LVII
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HOMÉLIE LVII.

JÉSUS, APRÈS LEUR AVOIR DIT CELA, CRACHA A TERRE, ET AYANT FAIT DE LA BOUE AVEC SA SALIVE, IL OIGNIT DE CETTE BOUE LES YEUX DE L'AVEUGLE ; – ET IL LUI DIT : ALLEZ VOUS LAVER DANS LA PISCINE DE SILOÉ. (VERS. 6, 7, JUSQU'AU VERS. 16.)

 

ANALYSE.

 

376

 

1. Foi de l'aveugle-né. — Bonté de Dieu pour tous les hommes sans distinction.

2. Nécessité de la foi partout. — Il y a une paix mauvaise et une guerre qui est bonne:

3. Fuir les méchants, s'attacher aux gens de bien. — Retrancher les membres gangrenés, se séparer des amis dangereux. — En s'en éloignant souvent on les gagne, on les fait rentrer en eux-mêmes. — La société des méchants plus pernicieuse que la peste. — On déshérite les méchants enfants, on doit à plus forte raison fuir les amis qui sont corrompus. — On n'examine pas notre vie, mais on juge de nous par ceux que nous fréquentons. — La compagnie des méchants, dangereuse pour soi, scandaleuse à l'égard des autres.

 

1. Ceux qui veulent tirer quelque fruit de nos lectures ne doivent pas laisser passer la moindre chose. La raison pour laquelle il nous est ordonné de lire avec soin les Ecritures, c'est que, la plupart du temps, ce qui paraît d'abord d'une facile intelligence renferme un sens caché, qui est d'une grande profondeur. Remarquez, en effet, ce que nous présente la lecture que nous venons de faire : « Après avoir dit cela, il cracha à terre ». Pourquoi Jésus crache-t-il ainsi ? Afin que la gloire de Dieu éclate, et parce qu'il faut qu'il fasse les oeuvres de celui qui l'a envoyé. En effet, ce n'est pas sans raison que l'évangéliste a rapporté ces choses et qu'il a marqué que Jésus avait craché ; mais c'est pour faire connaître qu'il confirmait sa parole par ses oeuvres. Et pourquoi le Sauveur ne s'est-il pas servi de l'eau pour faire la boue, mais de sa salive? Il devait envoyer l'aveugle à la piscine de Siloé : il a donc craché à terre, de peur qu'on n'attribuât une partie de la guérison à l'eau de cette fontaine, et aussi pour nous apprendre que la vertu qui a formé et ouvert les yeux de cet aveugle, était sortie de sa bouche. C'est dans cette vue que l'évangéliste a dit : « Et il a fait de la boue de sa salive ». Ensuite il ordonna à l'aveugle de se laver, afin qu'on ne crût pas que c'était la terre qui avait opéré la guérison.

Pourquoi donc Jésus-Christ ne l'a-t-il pas faite sur-le-champ et a-t-il envoyé l'aveugle à Siloé? C'est pour confondre l'opiniâtreté des Juifs et pour vous faire connaître la foi de l'aveugle. Car il est à croire qu'ils le virent tous aller à la fontaine, ayant les yeux oints de boue; une action si extraordinaire et si inouïe dut attirer sur lui les regards de tout le monde: tous, soit qu'ils le connussent ou non, devaient l'observer avec une attentive curiosité. Comme il n'était pas trop croyable qu'un aveugle-né recouvrât la vue, le Sauveur, en lui faisant faire un long voyage, réunit autour de lui beaucoup de témoins sûrs et irrécusables d'un prodige si nouveau, afin qu'y ayant donné toute leur attention, les Juifs ne pussent pas chanceler ensuite et dire: c'est lui, ce n'est pas lui. De plus, il leur fait voir qu'il n'est pas contraire à la loi, puisqu'il envoie cet homme à la piscine de Siloé. Et il n'était point à craindre qu'on. n'attribuât la gloire de cette guérison à la fontaine, plusieurs y ayant lavé leurs yeux, sans en retirer aucune utilité.

Mais ici, c'est la vertu de Jésus-Christ qui opère tout. Voilà pourquoi saint Jean a marqué la signification de Siloé ; car ayant dit : Jésus [377] l'envoya à Siloé, il a ajouté : « qui signifie envoyé », pour vous faire entendre que c'est là que Jésus guérit l'aveugle; ainsi nous lisons chez saint Paul: « Car ils buvaient de l'eau de la pierre spirituelle qui les suivait, et Jésus-Christ était cette pierre ». (I Cor. X, 4.) Comme donc Jésus-Christ était la pierre spirituelle, il était aussi la Siloé spirituelle. Au reste, il me semble que cette eau, qui se présente ainsi tout à coup, signifie un grand et profond mystère. Quel est ce mystère ? L'avènement de Jésus-Christ au monde qui est arrivé contre toute espérance.

Considérons ensemble, mes frères, la docilité d'esprit de cet aveugle et son obéissance en tout. Il n'a point dit : si la boue ou la salive me doivent rendre la vue, quel besoin ai-je d'aller courir à Siloé? Mais si c'est Siloé qui me doit guérir, à quoi bon cette salive? Pourquoi a-t-il oint mes yeux ? pourquoi m'a-t-il ordonné d'aller me laver? Il n'a même pas eu la pensée d'aucune de ces objections, mais il n'a eu d'autre vue que d'obéir aux commandements de Jésus. Rien n'a été capable de l'arrêter, ni de le choquer.

Mais si quelqu'un nous fait cette question :  Comment cet aveugle, pour avoir retiré la boue qui était sur ses yeux, a-t-il recouvré la vue? Nous ne lui ferons que cette seule réponse, que nous n'en savons rien. Et qu'y a-t-il d'étonnant que nous l'ignorions, puisque ni l'évangéliste, ni celui qui a été guéri, ne l'ont pas su eux-mêmes? Véritablement, l'aveugle savait ce que Jésus avait fait, mais la manière dont il avait recouvré la vue, il n'a pu la comprendre, ni la découvrir. Quand on l'a interrogé, il a répondu : « Cet homme a mis de la boue sur mes yeux, et je me suis lavé, et je vois ». Mais comment cela s'est fait, c'est là ce qu'il ne peut expliquer. Quand on lui ferait là-dessus mille questions, il ne saurait rien répondre de plus.

« Ses voisins», dit l'évangéliste, « et ceux qui l'avaient vu auparavant demander l'aumône disaient (8) : N'est-ce pas là celui qui était assis et qui demandait l'aumône? Les uns ré« pondaient: C'est lui (9) ». La nouveauté du fait les jetait dans l'incrédulité, en dépit de toutes les précautions prises contre le doute. Les uns disaient : « N'est-ce pas là celui qui était assis et qui demandait l'aumône? » Ah! combien est grande l'humanité de Dieu ! Jusqu'où descend-elle? Elle guérit avec une infinie bonté de pauvres mendiants , et par là elle impose silence aux Juifs; elle n'honore pas seulement de ses soins et de sa providence les hommes illustres et les grands, mais ceux aussi qui sont de basse extraction et sans nom dans le monde. CAR DIEU EST VENU POUR LE SALUT DE TOUS LES HOMMES.

Au reste, le paralytique et l'aveugle-né eurent le même sort: ni l'un ni l'autre né connut celui qui venait de le guérir, parce qu'aussitôt après leur guérison Jésus-Christ s'était retiré; le Sauveur avait coutume d'en user de la sorte pour lever tout soupçon sur les miracles qu'il faisait. Comment, en effet, des gens qui ne connaissaient même pas qui était celui qui les avait guéris, se seraient-ils portés à déguiser le fait et altérer la vérité en sa faveur? De plus, cet aveugle n'était pas un inconnu, un vagabond, c'était un homme que tous les jours on voyait assis a, la porte du temple. Comme donc les Juifs étaient tous en doute si c'était lui, que répond-il? « -C'est moi-même ». Il ne rougit pas de son infirmité passée, il ne redoute point la fureur du peuple, et il ne craint pas de se faire connaître pour exalter la gloire de son bienfaiteur. « Ils lui demandent : Comment « est-ce que vos yeux ont été ouverts (10)? Il leur répondit : Cet homme qu'on appelle Jésus (11) ». Que dites-vous là? Un homme peut-il rendre la vue à un aveugle-né? C'est qu'il n'avait pas encore une juste idée de Jésus. « Cet homme qu'on appelle Jésus a fait de la boue et en a oint mes yeux ».

2. Remarquez, mon cher auditeur, combien cet homme est véridique : il ne dit point de quoi Jésus a fait la boue, car il ne dit pas ce qu'il ignore. En effet, il n'avait pas vu que Jésus avait craché à terre, mais par l'attouchement et la sensation il s'était aperçu qu'il l'avait oint. Et il m'a dit : « Allez vous laver à la piscine de Siloé ». Il assurait cela pour l'avoir ouï. Et d'où connaissait-il la voix de Jésus-Christ? Par son entretien avec ses disciples. Toutes ces choses, il les raconte sur le témoignage des oeuvres, rapportant ce qui s'est fait; la manière, il ne la peut dire. Que si dans les choses qu'on aperçoit par les sens et par l'attouchement, la foi est nécessaire, elle l'est beaucoup plus encore dans celles qu'on ne peut voir. « Ils lui dirent : Où est-il? Il leur répondit : Je ne sais (12) ». S'ils demandaient : « Où est-il ? » c'était déjà dans le dessein de le faire mourir.

 

378

 

Ici, mes frères, considérez combien Jésus-Christ est éloigné de toute ostentation et de toute vanité, comment il s'absente et se cache après avoir opéré une guérison, comment il ne cherchait point la gloire ni les applaudissements du peuple. Observez avec quelle vérité l'aveugle répond à toutes les questions qu'on lui fait. Les Juifs cherchaient donc Jésus-Christ pour l'amener aux prêtres, et, ne le trouvant point, ils conduisirent l'aveugle aux pharisiens , afin qu'ils l'interrogeassent plus rigoureusement. L'évangéliste marque que c'était le jour du sabbat; pour faire connaître leur méchant esprit, et qu'ils saisissaient l'occasion et le vain prétexte de le calomnier, parce qu'il semblait avoir transgressé la loi. Cela résulte de ce qu'au moment où ils virent l'aveugle, ils ne lui firent que cette seule question : « Comment a-t-il ouvert vos yeux ? » Et remarquez qu'ils ne dirent point : comment avez-vous recouvré la vue, mais : « Comment a-t-il ouvert vos yeux? » afin de lui donner occasion de calomnier Jésus, pour l'oeuvre qu'il venait de faire. Mais l'aveugle leur répond en peu de mots, comme à des gens qui n'ignoraient pas ce qui s'était passé : il ne nomme point Jésus, il ne dit pas : il m'a dit

« Allez vous laver »; mais sans biaiser, il répond sur-le-champ : « Il a oint de boue mes yeux, et je me suis lavé, et je vois (15)». Les pharisiens savaient parfaitement ce qui s'était passé, puisqu'ils l'avaient déjà vivement accusé , et qu'ils avaient dit : Voyez quelles oeuvres fait Jésus le jour du sabbat, il oint avec de la boue. Mais pour vous, mon cher auditeur, observez que l'aveugle ne se trouble point; qu'à la première interrogation il ait confessé la vérité, alors qu'il n'avait rien à craindre, cela se conçoit plus aisément , mais ce qui est admirable, ce qui est étonnant, c'est que les pharisiens l'ayant intimidé, lui ayant donné lieu de tout craindre, il persiste à soutenir cette vérité, et qu'il ne se dédit pas de ce qu'il a d'abord avancé. Que firent donc les pharisiens, ou même les autres aussi qui se trouvèrent là? Ils l'amenèrent avec eux, espérant lui faire rétracter ce qu'il avait dit; mais vainement ils s'en étaient flattés, il en fut tout autrement. Ils apprirent encore d'une manière plus exacte comme la chose s'était passée, et c'est ce qui leur est toujours arrivé dans les miracles. Nous le ferons plus clairement voir par la suite.

Que dirent donc les pharisiens ? « Quelques-uns », non tous, mais les plus insolents, dirent : « Cet homme n'est point » envoyé « de Dieu, puisqu'il ne garde point le sabbat ; d'autres disaient : Comment un méchant homme pourrait-il faire de tels prodiges (16) ? » Remarquez-vous que ces Juifs étaient attirés et gagnés par les miracles? Faites attention à ce que répondent maintenant ceux qui avaient envoyé chercher l'aveugle, du moins quelques-uns d'eux; en tant que sénateurs, le désir de la gloire avait fait tomber les autres dans l'incrédulité. Néanmoins la plupart des sénateurs mêmes crurent en lui, mais ils n'osaient le reconnaître publiquement. (Jean, XII, 42.) Le peuple était dans le mépris pour lui, parce qu'il ne contribuait pas beaucoup à la gloire de la synagogue. Les sénateurs, qui étaient plus en vue, avaient plus de peine à se déclarer ouvertement; retenus, les uns, par l'amour de l'autorité, les autres, par la crainte de l'opinion générale. C'est pourquoi Jésus-Christ leur disait: « Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire des hommes? » (Jean, V, 44.)

Eux qui cherchaient injustement à faire mourir Jésus-Christ, ils se vantaient d'agir pour la gloire de Dieu; et ils disaient que celui qui guérissait les aveugles ne pouvait pas être envoyé de Dieu, parce qu'il ne gardait pas le sabbat : à quoi d'autres opposaient qu'un méchant homme n'aurait pas su faire de tels prodiges. Ceux-là, cachant perfidement le miracle, publiaient ce qu'ils appelaient une transgression de la loi. Ils ne disaient pas : Il guérit le jour du sabbat; mais il ne garde pas le sabbat. Ceux-ci montrent encore une grande faiblesse d'esprit; lorsqu'il fallait montrer que le sabbat n'était nullement violé, ils n'objectent que les miracles, et cela se conçoit, car ils le prenaient encore pour un homme, autrement ils auraient pu le défendre d'une autre manière, et répondre que celui qui a fait le sabbat est maître du sabbat (Marc, II, 28); mais ils n'avaient pas encore cette juste opinion de lui. D'ailleurs aucun d'eux n'osait ouvertement déclarer sa pensée ; mais ils s'exprimaient tous sous forme de doute, les uns étant arrêtés par la crainte, les autres par l'amour des dignités. « Il y avait donc de la division entre eux » : et cette division, qui s'était premièrement élevée parmi le peuple, se répandit ensuite parmi les sénateurs. « Les [379] uns disaient : c'est un homme de bien; les «autres disaient : non, mais il séduit le peuple », (Jean, VII , 12.) Remarquez-vous que les sénateurs, dont la division suivit celle du peuple, montrèrent plus de déraison que lui? Mais, ce qu'il y a d'étonnant, c'est, qu'après s'être ainsi partagés, ils ne firent paraître ni fermeté, ni courage, en présence de l'acharnement des pharisiens. Si leur division avait été parfaite, ils auraient aussitôt connu la vérité : car il y a une division juste et salutaire. C'est pourquoi Jésus-Christ disait: « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre, mais l'épée ». (Matth. X, 34.) En effet, il y a une paix mauvaise et une guerre qui est bonne et avantageuse. Par exemple, les enfants d'Adam qui bâtissaient une tour, s'étaient unis ensemble pour leur perte, et ils furent divisés, quoique malgré eux, pour leur bien et leur avantage. (Gen. XI.) Coré et sa troupe s'étaient unis pour le mal : leur division fut donc heureuse. (Exod. XIII.) Judas aussi fit très-mal de s'accorder avec les Juifs. (Matth. XXVI.) Il peut donc y avoir une guerre bonne et une paix mauvaise. Voilà pourquoi Jésus-Christ dit : « Si votre oeil vous scandalise, arrachez-le; et si votre pied vous est un sujet de scandale, coupez-le ». (Matth. V, 29 ; et XVIII, 9.) S'il faut retrancher les membres funestes au corps dont ils font partie, à plus forte raison faut-il se séparer des amis dont la société peut perdre l'âme? La paix n'est donc pas toujours bonne; de même que la guerre n'est pas toujours mauvaise.

3. Je dis ces choses, mon cher auditeur, afin que vous fuyiez les méchants et que vous vous attachiez aux gens de bien. Si nous coupons les membres gangrenés qui sont incurables , de peur qu'ils ne gâtent le reste du corps, si nous retranchons quelques-uns de nos membres, non par mépris, mais dans l'intérêt des autres, à combien plus forte raison devons-nous en user de même à l'égard de ceux dont la société nous est nuisible ? Que si nous les pouvons corriger sans courir aucun risque, nous devons faire tous nos efforts pour cela. Mais s'ils sont incorrigibles , et s'ils nous sont une occasion de chute , il faut les retrancher et les jeter loin de nous. Souvent ce sera tout profit. C'est pour cette raison que saint Paul donne cet avis aux Corinthiens : « Otez le mal du milieu de vous » . (1 Cor. V, 13.) Et encore : «Pour faire retrancher du milieu de vous celui qui a commis une action si honteuse ». (Ibid. 2.) Car la compagnie des méchants est dangereuse et fatale. La peste ne fait pas de si grands ravages, et la gale ne corrompt pas si promptement ceux qui en sont infectés, que l'iniquité des méchants ne devient promptement funeste à leurs amis : en effet, « les mauvais entretiens gâtent les bonnes moeurs ». (I Cor. XV, 33.) Un prophète dit encore : « Fuyez du milieu d'eux et éloignez-vous-en ». (Jérém. LI, 6.) Que personne donc ne se fasse un ami de celui qui est méchant. Si, lorsque nos enfants sont méchants, nous les déshéritons, sans avoir alors égard ni à la nature, ni à ses lois, ni au lien qu'elle forme; nous devons bien, à plus forte raison, fuir nos connaissances et nos amis, s'ils sont vicieux; car, quand même ils ne nous feraient aucun préjudice , néanmoins nous ne pourrons éviter qu'ils ne nous donnent une mauvaise réputation , parce que les étrangers n'examinent pas notre vie , mais jugent de nous par ceux que nous fréquentons.

J'y invite également et les femmes et les filles, et je vous dis à tous avec l'apôtre : « Ayez soin de faire le bien , non-seulement devant Dieu, mais aussi devant les hommes ». (Rom. XII,17.) Faisons donc tout notre possible pour n'être pas un sujet de scandale et de chute à notre prochain. Quelque pure et sainte que soit notre vie, si nous scandalisons les autres, tout est perdu pour nous. Et comment, en vivant saintement, pouvons-nous être une occasion de scandale? C'est lorsque la fréquentation des méchants nous donne une mauvaise réputation. En effet, si l'on nous voit sûrs de nous, au point de ne pas craindre leur commerce, encore qu'il ne nous en arrive à nous nul dommage, nous sommes alors aux autres une pierre d'achoppement. Mon discours vous regarde tous , hommes, femmes et filles, et je laisse à votre conscience à examiner combien de maux naissent de ces sociétés. Pour aloi, à la vérité, je ne soupçonne aucun mal, peut-être aussi les personne, tes plus éclairées : mais votre perfection même peut blesser la conscience de votre frère qui est plus simple et plus faible, et vous êtes obligés d'avoir égard à sa faiblesse. Et quand il n'en serait point blessé , ce gentil qui vous voit s'en scandalisera (1). Or, saint Paul

 

1. Voyez de chap. VIII de saint Paul, de la première aux Corinthiens, il est aisé d'en faire l'application.

 

380

 

ordonne « de ne donner occasion de scandale ni aux Juifs, ni aux gentils, ni à l'Eglise de Dieu ». (I Cor. X, 32.) Pour moi, encore une fois, je ne soupçonne aucun mai d'une vierge, car j'aime la virginité, et la charité n'a point de mauvais soupçons (1 Cor. XIII, 5). J'aime fort cet état, et je n'en puis rien penser de mauvais. Mais ces mêmes sentiments, comment les persuaderons-nous aux étrangers? car il faut aussi avoir égard à eux.

Réglons donc si bien notre conduite, que l'infidèle ne trouve rien en nous qu'il puisse nous reprocher. Comme ceux qui vivent bien glorifient Dieu, de même ceux qui vivent mal sont cause qu'on blasphème contre lui. Mais, à Dieu ne plaise qu'il y ait de telles gens parmi vous! que plutôt. nos oeuvres brillent de manière que notre Père qui est dans les cieux, soit glorifié (Matth. V, 16), et que nous jouissions de sa gloire, que je vous souhaite, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par lequel et avec lequel gloire soit au Père et au Saint-Esprit, dans tous les siècles. Ainsi soit-il,

 

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