HOMÉLIE XLIV
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HOMÉLIE XLIV.

JÉSUS LEUR RÉPONDIT : EN VÉRITÉ, EN VÉRITÉ JE VOUS LE DIS, VOUS ME CHERCHEZ, NON A CAUSE DES MIRACLES QUE VOUS AVEZ VUS, MAIS PARCE QUE JE VOUS AI DONNÉ DU PAIN A MANGER, ET QUE VOUS AVEZ ÉTÉ RASSASIÉS. — TRAVAILLEZ « POUR AVOIR », NON LA NOURRITURE QUI PÉRIT, MAIS CELLE , QUI DEMEURE POUR LA VIE ÉTERNELLE. (VERS. 26, 27, JUSQU'AU VERS. 37.)

 

ANALYSE.

 

1. Ne pas s'inquiéter de la nourriture du corps, mais de celle de l'âme ; d'un autre côté, ne pas abuser de ce précepte pour justifier la paresse.

2. Demander à Dieu ce qui convient de lui demander. — Les plaisirs et les afflictions, les biens et les maux de ce monde n'ont rien de réel. — Il ne faut donc ni désirer les uns, ni craindre les autres. — Dans l'autre monde tout est éternel, les supplices et les récompenses. — Belle peinture des biens de la vie présente et de ceux de la vie future.

 

1. La douceur et la clémence ne sont pas toujours utiles : souvent un maître a besoin d'user de paroles fortes et menaçantes. Par exemple, lorsque son disciple est lent et paresseux, il doit se servir de l'aiguillon pour le réveiller de son engourdissement. Le Fils de Dieu le fait ici et souvent ailleurs. Le peuple, s'approchant de Jésus, le flatte et lui dit: « Maître, [312] quand êtes-vous venu ici? » Jésus-Christ, pour montrer qu'il méprise les hommages des hommes, et qu'il n'a en vue que leur salut, leur répond avec sévérité, non-seulement afin de les. corriger, mais aussi pour leur découvrir leur pensée et la produire en public. Et que leur dit-il? « En vérité, en vérité je vous le dis » , termes qu'à coutume d'employer celui qui veut insister fortement sur ce qu'il avance, « vous me cherchez non à cause des miracles que vous avez vus, mais parce que je vous ai donné du pain à manger, et que vous avez été rassasiés ». S'il les censure , s'il les réprimande, ce n’est pas avec rudesse, mais avec beaucoup de ménagement. Il ne leur dit pas : O gourmands ! hommes esclaves de vos estomacs, j'ai fait . cent miracles et vous ne m’avez pas suivi, et vous n'avez pas admiré les prodiges que j'ai opérés! Il leur dit avec beaucoup de douceur et de bonté : « Vous me cherchez, non à cause des miracles que: vous avez vus, mais parce que je vous ai donné du pain à manger; et que vous avez été rassasiés » ; parlant non-seulement des miracles passés, mais encore de celui qu'il venait de faire. C'est comme s'il disait : le miracle que j'ai fait ne vous a 'point touchés; vous venez parce que vous avez été rassasiés. En effet, ils firent bientôt voir eux-mêmes que Jésus-Christ ne leur disait pas cela par conjecture, puisqu'ils vinrent encore le chercher pour qu'il les rassasiât une seconde fois. C'est pour cette raison qu'ils disaient . «Nos pères ont mangé la manne dans le désert (31) » ; ils redemandent encore la nourriture charnelle , ce qui était certainement très-répréhensible. Mais Jésus-Christ ne s'arrête point à leur faire des réprimandes, il s'attache à les instruire, leur disant : « Travaillez » pour avoir, « non la nourriture qui périt, mais celle qui demeure pour la vie éternelle, et que le Fils de l'homme vous donne, parce que c'est en lui que Dieu le Père a imprimé son sceau et son caractère ». Ne vous inquiétez pas de cette sorte de nourriture, mais de la nourriture spirituelle.

Quelques-uns, pour vivre mollement dans l'oisiveté, abusent de ces paroles, comme si Jésus-Christ avait interdit le travail des mains l'occasion est bonne pour leur répondre , car ils discréditent pour ainsi dire tout le christianisme, et sont cause qu'on le tourne en ridicule comme encourageant la paresse. Mais écoutons auparavant ce que dit saint Paul. Quoi ? « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir ». (Act. XX, 35.) Or, celui qui n'a rien, comment donnera-t-il? Pourquoi donc Jésus dit-il à Marthe : « Vous vous empressez et vous vous troublez dans le soin de beaucoup de choses : cependant une seule chose est nécessaire : Marie a choisi la meilleure part qui ne lui sera point ôtée». (Luc, X, 41, 42.) Et encore : « Ne soyez point en inquiétude pour le lendemain ». (Matt. VI, 34.) C'est à quoi, dis-je, il faut absolument répondre , non-seulement pour exciter les paresseux, si toutefois ils veulent bien nous écouter, mais encore de peur que les divines Ecritures ne paraissent se contredire. En effet, l'apôtre dit ailleurs : « Mais je vous exhorte de vous avancer et de vous rendre parfaits, de vous étudier, à vivre en repos, de vous appliquer chacun à ce que vous avez à faire; de travailler de vos propres mains, afin que vous vous conduisiez honnêtement envers ceux qui sont hors de l'Eglise ». — (I Thess. IV, 10, 11, 12.) Et derechef: « Que celui qui dérobait ne dérobe plus, mais qu'il s'occupe, en travaillant des mains, à quelque ouvragé bon et utile, pour avoir de quoi donner à ceux qui sont dans l'indigence ». (Ephés. IV, 28.) Ici saint Paul n'ordonne pas de travailler simplement pour s'occuper, mais de si bien travailler qu'on puisse gagner de quoi donner à ceux qui sont dans l'indigence. Le même apôtre dit encore ailleurs : « Ces mains que vous voyez ont fourni à tout ce qui m'était nécessaire et à ceux qui étaient avec moi ». (Act. XX, 34.) Et aux Corinthiens : « En quoi trouverai je donc un sujet de récompense : en prêchant de telle sorte l'Evangile que je le prêche gratuitement ? » (I Cor. IX , 18.) Et : « Etant arrivé dans cette ville , il demeura chez Aquila et Priscille, et il y travaillait        parce que leur « métier était de faire des tentes ». (Act. XVIII, 2, 3:) Ce sont ces dernières paroles du saint apôtre qui paraissent le plus combattre les premières, si l'on s'en tient à la lettre. Il est donc nécessaire de résoudre cette difficulté.

Que répondrons-nous donc? Ne point s'inquiéter ne veut -pas dire qu'il faut cesser de travailler, mais qu'il ne faut point s'attacher aux choses de ce monde, c'est-à-dire n'être point en inquiétude pour le repos du [313] lendemain et regarder ce soin comme superflu ; car celui qui travaille peut fort bien n'amasser pas pour le lendemain , celui qui travaille peut n'être point inquiet. En effet, l'inquiétude et le travail ne sont pas une même chose; Jésus-Christ et l'apôtre parlent ainsi , afin que celui qui travaille ne mette pas sa confiance dans son travail, mais songe seulement à gagner de quoi faire l'aumône. Au surplus, ce que le divin Sauveur dit à Marthe ne regarde pas le travail en lui-même, mais seulement le temps qu'il faut y consacrer. Il veut qu'on y ait égard et qu'on n'emploie pas celui du sermon à des oeuvres terrestres et charnelles. II ne lui dit donc pas cela pour la jeter dans la paresse, mais pour la porter à l'entendre. Je suis venu chez vous, dit-il, pour vous enseigner les choses nécessaires au salut, et vous. vous empressez pour nous donner à manger? Voulez-vous me bien recevoir et me servir un grand festin? Préparez d'autres mets, soyez attentive à ma parole, imitez l'amour et le zèle de votre soeur. Jésus-Christ ne défend donc pas l'hospitalité, Dieu nous garde de le dire; mais il nous apprend qu'à l'heure du sermon il ne faut point se livrer à d'autres occupations. Enfin quand il dit: « Travaillez pour avoir non la nourriture qui périt », il ne veut pas dire qu'il faut vivre dans l'oisiveté; car c'est là principalement la nourriture qui périt. En effet, « c'est l'oisiveté qui enseigne tous les maux ». (Ecc. XXXIII, 29.) Mais il déclare qu'il faut travailler et donner à ceux qui sont dans l'indigence : voilà sûrement la nourriture qui ne périt point. Mais celui qui, menant une vie oisive, se livre à la bonne chère et à toute sorte de plaisirs, est véritablement un homme qui travaille pour la nourriture qui périt, et au contraire celui, qui, de,son propre travail, habille Jésus-Christ, lui donne à manger et à boire, personne, s'il n'a perdu l'esprit, ne dira que celui-là travaille pour la nourriture qui périt, lui à qui le royaume est promis, ainsi que les biens qui ne périssent point : voilà la nourriture qui demeure éternellement.

C'est donc avec raison que la nourriture dont ce peuplé se montrait si avide, Jésus-Christ l'appelle une viande qui périt, parce que ces hommes ne se mettaient point en peine d'être instruits des vérités de la foi, parce qu'ils ne s'appliquaient point à connaître qui était celui qui avait opéré le miracle des pains, ni par quelle puissance il l'avait fait, mais qu'ils ne se souciaient que d'une seule chose; de remplir, de rassasier leur ventre sans avoir rien à faire. J'ai nourri vos corps, dit le Sauveur, pour vous engager par là à rechercher une autre viande, une viande solide, qui demeure et qui nourrisse vos âmes ; mais vous courez encore après moi pour avoir la nourriture charnelle. Ainsi, vous ne comprenez point que ce n'est pas pour vous nourrir de cette viande imparfaite que je vous mène avec moi, mais pour vous en donner une qui n'est ni charnelle, ni temporelle, qui vous procurera la vie éternelle, qui ne nourrira pas vos corps, mais vos âmes. Après quoi, comme il avait dit de grandes choses de soi; en promettant de donner cette viande qui ne périt point, de peur que ses auditeurs ne se scandalisent encore de ces paroles, et pour les engager à le croire, il rapporte ce don au Père, car ayant dit : « Que le Fils de l'homme vous donnera », il a ajouté : «Parce que c'est en lui que Dieu le Père a imprimé son sceau et son caractère », c'est-à-dire le Père vous l'a envoyé pour cela, pour vous apporter cette viande; on peut expliquer encore cette phrase d'une autre façon, car Jésus-Christ dit aussi ailleurs : « Le Père a attesté que celui dont vous écoutez les paroles est Dieu véritable » (Jean, III, 33), c'est-à-dire il a manifestement fait connaître, et c'est là ce que ces paroles me paraissent insinuer, car ces mots : « Le Père a attesté », ne veulent dire autre chose, sinon, il a montré, il a révélé par son témoignage. Car Jésus-Christ s'est fait connaître, il s'est manifesté lui-même, mais comme il parlait aux Juifs, il a produit le témoignage du Père.

2. C'est pourquoi, apprenons, mes très-chers frères, à demander à Dieu ce qu'il convient de lui demander. De quelque manière que tournent les choses temporelles, elles ne nous portent aucun préjudice. Si nous nous enrichissons, ce n'est qu'ici-bas que nous jouirons du plaisir que procurent les richesses. Si nous tombons dans la pauvreté, nous n'en souffrirons rien de fâcheux. Soit qu'il nous arrive du bien, soit qu’il nous arrive du mal , cela n'est nullement digne de nous causer de la joie ou de là tristesse. Ce sont là des choses qui ne méritent que le mépris et qui passent très-promptement. Et comme elles passent et n'ont qu'une existence éphémère, c'est justement qu'elles sont appelées une voie, un passage.

Mais les peines et les récompenses futures [314] sont également éternelles. C'est à quoi nous (levons donner tous nos soins et toute notre attention, afin d'éviter les unes et d'acquérir les autres. Des biens terrestres, quelle utilité peut-il nous en revenir? Ils sont aujourd'hui, demain ils s'envoleront; aujourd'hui c'est une belle fleur, demain une poussière que le Vent disperse; aujourd'hui un feu allumé, demain une cendre éteinte. Mais les biens spirituels ne sont pas de même nature. Toujours ils sont beaux, toujours ils sont fleuris, et chaque jour ils deviennent plus brillants. Jamais ces richesses ne périssent, jamais elles ne nous sont enlevées, jamais elles ne tarissent, elles ne nous causent point d'inquiétude, elles ne nous attirent jamais l'envie et la calomnie, elles ne ruinent point le corps, elles ne corrompent point l'âme, elles n'excitent point la jalousie ou l'envie : maux qui sont attachés aux richesses temporelles. La gloire spirituelle n'inspire ni orgueil, ni insolence, elle n'enfle point le coeur, jamais elle ne cesse, jamais fille ne s'obscurcit. La paix et les délices du ciel sont éternelles : toujours constantes , toujours immortelles, elles n'ont ni bornés ni fin. Je vous en conjure , mes chers frères, aspirons à cette vie; si nous la désirons, notes ne ferons aucun cas des choses présentes; au contraire ; nous les mépriserons , nous en rirons. Si quelqu'un nous appelle à fa cour, ce qu'on regarde comme un grand bonheur , soutenus et animés de l'espérance des biens éternels; nous refuserons d'y aller : car ce prétendu bonheur paraît vil et méprisable à une âme prévenue de l'amour des choses célestes. En effet, tout ce qui doit finir n'est point tant à désirer. Ce qui a une fin, ce qui est aujourd'hui et ne sera plus demain, quelque grand qu'il paraisse, est au fond très-petit et très-méprisable. Ne recherchons donc pas les biens qui périssent et s'évanouissent, mais ceux qui demeurent éternellement, afin que nous puissions les obtenir, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui gloire soit au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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