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LES RÉTRACTATIONSLA REVUE DES OUVRAGES DE SAINT AUGUSTIN PAR LUI-MÊME
DEUX LIVRES.
Lauteur de la traduction des deux livres des Rétractations est M. Henry de Riancey.
LA REVUE DES OUVRAGES DE SAINT AUGUSTIN PAR LUI-MÊME
RÉVISION DES LIVRES ÉCRITS AVANT LA PROMOTION A LÉPISCOPAT.
CONTRE LES ACADÉMICIENS. TROIS LIVRES.
DE LA VIE BIENHEUREUSE. UN LIVRE.
LES DEUX LIVRES DES SOLILOQUES.
DE LIMMORTALITÉ DE LÂME. UN LIVRE.
DES MOEURS DE LÉGLISE CATHOLIQUE ET DES MOEURS DES MANICHÉENS. DEUX LIVRES.
DU LIBRE ARBITRE. TROIS LIVRES.
DE LA GENÈSE CONTRE LES MANICHÉENS. DEUX LIVRES.
DE LA VRAIE RELIGION. UN LIVRE.
DE LUTILITÉ DE LA FOI. UN LIVRE A HONORAT.
DES DEUX ÂMES, CONTRE LES MANICHÉENS. UN LIVRE.
ACTES CONTRE FORTUNAT, MANICHÉEN. UN LIVRE.
DE LA FOI ET DU SYMBOLE. UN LIVRE.
COMMENTAIRE LITTÉRAL SUR LA GENÈSE. UN LIVRE INCOMPLET.
DU SERMON SUR LA MONTAGNE. DEUX LIVRES.
CANTIQUE CONTRE LE PARTI DE DONAT.
CONTRE LA LETTRE DE LHÉRÉTIQUE DONAT. UN LIVRE.
CONTRE ADIMANTE, DISCIPLE DE MANÈS. UN LIVRE.
EXPOSITION DE QUELQUES PROPOSITIONS TIRÉES DE LÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX ROMAINS.
EXPOSITION DE LÉPÎTRE AUX GALATES. UN LIVRE.
EXPOSITION COMMENCÉE DE LÉPÎTRE AUX ROMAINS. UN LIVRE.
DE QUATRE-VINGT-TROIS QUESTIONS DIVERSES. UN LIVRE.
REVISION DES OUVRAGES ÉCRITS PENDANT LÉPISCOPAT.
CONTRE LA LETTRE APPELÉE DU FONDEMENT. UN LIVRE.
DU COMBAT CHRÉTIEN. UN LIVRE.
DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE. QUATRE LIVRES.
CONTRE LE PARTI DONATISTE. DEUX LIVRES.
LES TREIZE LIVRES DES CONFESSIONS.
CONTRE FAUSTUS, MANICHÉEN. TRENTE-TROIS LIVRES.
CONTRE FÉLIX, MANICHÉEN. DEUX LIVRES.
DE LA NATURE DU BIEN. UN LIVRE.
CONTRE SECUNDINUS, MANICHÉEN. UN LIVRE.
QUESTIONS ÉVANGÉLIQUES. DEUX LIVRES.
ANNOTATIONS AU LIVRE DE JOB. UN LIVRE.
LE CATÉCHISME DES IGNORANTS UN LIVRE.
DE LA TRINITÉ. QUINZE LIVRES.
DE LA CONCORDE DES ÉVANGÉLISTES. QUATRE LIVRES.
CONTRE LA LETTRÉ DE PARMENIEN. TROIS LIVRES.
CONTRE LES ÉCRITS DONATISTES APPORTÉS PAR CENTURIUS. UN LIVRE.
SUR LES DEMANDES DE JANVIER. DEUX LIVRES.
DU TRAVAIL DES MOINES. UN LIVRE.
DE LA SAINTE VIRGINITÉ. UN LIVRE.
DE LA GENÈSE AU SENS LITTÉRAL. DOUZE LIVRES.
CONTRE LES LETTRES DE PÉTILIEN. TROIS LIVRES.
A CRESCONIUS, GRAMMAIRIEN, DU PARTI DE DONAT. QUATRE LIVRES.
PREUVES ET TÉMOIGNAGES CONTRE LES DONATISTES. UN LIVRE.
CONTRE UN DONATISTE INCONNU. UN LIVRE.
AVERTISSEMENT AUX DONATISTES, SUR LES MAXIMIANISTES. UN LIVRE.
DE LA DIVINATION DES DÉMONS. UN LIVRE.
EXPOSITION DE SIX QUESTIONS CONTRE LES PAÏENS.
EXPOSITION DE LÉPÎTRE DE SAINT JACQUES AUX DOUZE TRIBUS.
DUN SEUL BAPTÊME, A CONSTANTIN CONTRE PÉTILIEN. UN LIVRE.
DES MAXIMIANISTES CONTRE LES DONATISTES. UN LIVRE.
DE LA GRACE DU NOUVEAU TESTAMENT, A HONORAT. UN LIVRE.
DE LESPRIT ET DE LA LETTRE, A MARCELLIN. UN LIVRE.
DE LA FOI ET DES OEUVRES. UN LIVRE.
ABRÉGÉ DE LA CONFÉRENCE AVEC LES DONATISTES. TROIS LIVRES.
CONTRE LES DONATISTES, APRÈS LA CONFÉRENCE. UN LIVRE.
DE LA VUE DE DIEU. UN LIVRE.
DE LA NATURE ET DE LA GRACE. UN LIVRE.
DE LA CITÉ DE DIEU. VINGT-DEUX LIVRES.
A OROSE, CONTRE LES PRISCILLIANISTES ET LES ORIGÉNISTES. UN LIVRE.
DEUX LIVRES A JÉROME, PRÊTRE, LUN SUR LORIGINE DE LAME, LAUTRE SUR UN PASSAGE DE SAINT JACQUES.
A ÉMÉRITE, ÉVÊQUE DES DONATISTES, APRÈS NOTRE CONFÉRENCE. UN LIVRE.
DES ACTES DU PROCÈS DE PÉLAGE. UN LIVRE.
DU CHÂTIMENT DES DONATISTES. UN LIVRE.
DE LA PRÉSENCE DE DIEU, A DARDANUS. UN LIVRE.
ACTES DE LA CONFÉRENCE AVEC ÉMÉRITE, DONATISTE. UN LIVRE.
CONTRE LE DISCOURS DES ARIENS. UN LIVRE.
DU MARIAGE ET DE LA CONCUPISCENCE, AU COMTE VALÈRE. DEUX LIVRES.
DE LÂME ET DE SON ORIGINE.. QUATRE LIVRES.
A POLLENTIUS, SUR LES MARIAGES ADULTÈRES. DEUX LIVRES.
CONTRE UN ADVERSAIRE DE LA LOI ET DES PROPHÈTES. DEUX LIVRES.
CONTRE GAUDENCE, ÉVÉQUE DES DONATISTES. DEUX LIVRES.
CONTRE LE MENSONGE. UN LIVRE.
CONTRE DEUX LETTRES DES PÉLAGIENS. QUATRE LIVRES.
A LAURENTIUS, SUR LA FOI, LESPÉRANCE ET LA CHARITÉ. UN LIVRE.
A LÉVÊQUE PAULIN, DU SOIN A PRENDRE DES MORTS. UN LIVRE.
DES HUIT QUESTIONS DE DULCITIUS. UN LIVRE.
A VALENTIN ET A SES MOINES, SUR LA GRÂCE ET LE LIBRE ARBITRE. UN LIVRE.
AUX MÊMES, SUR LA RÉPRIMANDE ET LA GRÂCE. UN LIVRE.
PRÉFACE.
1. Jentreprends enfin, avec laide de Dieu, laccomplissement dun dessein auquel je songeais depuis longtemps et que je ne veux plus différer. Je vais faire la révision de tout ce que jai écrit, livres, lettres ou traités; je vais soumettre mes oeuvres à une critique sévère, et ce qui my déplaît, à des annotations qui vaudront une censure. Oserait-on avoir limprudence de me reprendre, parce que je reprends moi-même mes erreurs? Si lon me dit que je naurais pas dû écrire ce qui était de nature à me déplaire plus tard, on aura raison, et je suis de cet avis; ce quon reproche justement à mes oeuvres, je le leur reproche moi-même. Et je naurais rien à corriger si javais dit ce quil fallait dire. 2. Aussi bien, que chacun pense de mon entreprise ce quil voudra; pour moi il mimporte davoir pris en considération, même ici, cette maxime de lApôtre: « Si nous nous jugions nous-mêmes, le Seigneur ne nous jugerait point 1. » Dailleurs, il est dit : « A parler beaucoup on ne saurait éviter de pécher 2; » et cette parole mépouvante. Non pas parce que jai beaucoup écrit, ou parce que beaucoup de paroles que jai prononcées ont été conservées par écrit, bien que je ne les aie pas dictées (loin de moi cependant, de réputer paroles inutiles tout ce qui se dit de nécessaire, quels que soient le nombre et la longueur des discours) : mais ce qui me fait trembler devant cette sentence de 1Ecriture, cest que dans le grand nombre de mes dissertations on peut recueillir beaucoup de paroles qui, si elles ne sont pas erronées, peuvent cependant paraître inutiles ou même le sont réellement. Quel est donc le serviteur fidèle du Christ qui ne salarme pas quand il lentend déclarer : « Toute parole oiseuse que lhomme aura prononcée, il en rendra compte au jour du jugement 3? »Ce qui faisait dire à son apôtre saint Jacques:
1. I Cor. XI. 31. 2. Prov. X, 19. 3. Matth. XII, 36.
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« Que tout homme soit prompt à écouter, mais lent à parler 1. » Et ailleurs : « Naspirez pas à devenir plusieurs maîtres, mes frères, sachant que vous vous chargez dun jugement plus sévère. En effet nous commettons tous beaucoup de fautes. Si quelquun ne pèche pas en parole, cest un homme parfait 2. » Quant à moi, je ne marroge point cette perfection, aujourdhui que je suis un vieillard; encore moiras eussé-je pu y prétendre, quand jétais un jeune homme et que jai commencé à écrire ou à parler en public; dautant plus que, partout où je me trouvais et où il fallait sadresser au peuple, il métait très-rarement permis de me taire et découter les autres, et, par conséquent dêtre « prompt à écouter et lent à parler. » Il me reste donc à me juger moi-même en face du Maître unique dont je voudrais éviter le jugement sur mes offenses. Or, jestime quil y a plusieurs maîtres quand plusieurs ont entre eux des sentiments divers et même contraires. Mais quand ils disent tous la même chose et quils disent vrai, ils ne cessent pas davoir pour maître unique le seul et vrai Maître. Et sils pèchent, ce nest pas lors-
1. Jacq. I, 19. 2. Ibid. III, 1, 2.
quils parlent beaucoup daprès lui, mais lorsquils y ajoutent du leur. Car alors ils tombent du débordement de la parole dans le débordement de lerreur. 3. Jai tenu aussi à écrire ces observations, afin de les mettre dans les mains de ceux à qui je ne puis reprendre, pour les corriger, les copies de ce que jai publié. Je ne passe pas sous silence les livres que jai composés, nétant encore que catéchumène, mais ayant déjà abandonné mes espérances terrestres, quoique jeusse gardé encore la vanité des lettres humaines; car ils sont parvenus à la connaissance de ceux qui les lisent ou les copient; et on les consulte avec quelque utilité si on pardonne à leurs défauts, ou du moins si, ne leur pardonnant pas, on ne sattache pas à leurs erreurs. Ainsi donc, si on me lit, quon veuille bien ne pas mimiter dans mes fautes, mais dans mon désir de correction et de progrès. Ce progrès, on le remarquera peut-être dans mes opuscules, si lon consent à les parcourir dans lordre où ils ont été écrits. Je ferai, dans le présent ouvrage, tout ce qui dépendra de moi pour que cet ordre soit bien connu.
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LES RÉTRACTATIONS
LIVRE PREMIERRÉVISION DES LIVRES ÉCRITS AVANT LA PROMOTION A LÉPISCOPAT.
CHAPITRE PREMIER.CONTRE LES ACADÉMICIENS. TROIS LIVRES.
1. Lors donc que jeus abandonné tout ce que javais acquis ou tout ce que je souhaitais dacquérir des biens quon désire dans ce monde, et que je me fus entièrement voué aux libres loisirs de la vie chrétienne, bien que je ne fusse pas encore baptisé, jécrivis dabord contre ou sur les Académiciens. Leurs arguments inspirent à plusieurs le désespoir de la vérité; ils éloignent le sage de donner son adhésion à aucune réalité, et de considérer quoi que ce soit comme certain et manifeste; car daprès eux tout est incertitude et obscurité. Javais été ébranlé par ces arguments et je voulais les détruire en leur opposant des raisons aussi fortes que possible. Par la miséricorde et lassistance de Dieu, jy parvins. 2. Mais dans ces trois livres, je regrette davoir si souvent nommé la Fortune 1 ; non pas sans doute que jaie voulu par ce nom entendre quelque divinité, mais seulement le cours fortuit des événements se manifestant dans les biens et les maux, soit au dedans, soit au dehors de nous. De là en effet viennent ces mots : «par hasard, peut-être, accidentellement, daventure, fortuitement; » mots dont nulle religion ne défend de se servir, mais qui tous doivent se rapporter à la Providence divine. Je
1. Liv. I, C. I, n. 1 et 7.
ne men suis pas tu, du reste, puisque jai dit: « Peut-être ce que nous appelons vulgairement la fortune est-il le gouvernement dun ordre caché, et ce que nous nommons le hasard nest-il autre chose que leffet dune cause secrète et dune raison inconnue. » Je lai dit; et pourtant je me repens davoir employé là le mot de fortune, quand je vois des hommes assujettis à la fâcheuse habitude de dire au lieu de : « Dieu la voulu, » « la fortune la voulu. » En cet autre passage : « Il a été établi soit par nos mérites, soit par une nécessité de nature, quune âme de création divine, mais attachée aux choses mortelles, ne pourrait jamais arriver au port de la philosophie 1; » je devais ou ne rien dire de lune et de lautre de ces deux alternatives, parce que sans cela le sens pouvait être complet; ou bien me borner à dire: « par nos mérites, » ce qui est vrai de la misère quAdam nous a léguée; et il ne fallait pas ajouter : « soit par une nécessité de nature, » puisque cette dure nécessité de notre nature vient à bon droit de liniquité antérieure et originelle. De même aussi dans cette phrase : « Il ne faut rendre aucun culte, il faut au contraire renoncer absolument à tout ce qui se voit par les regards mortels, à tout ce qui satteint par les sens 2, » jaurais dû ajouter: « tout ce qui satteint par les sens de ce corps mortel; » car il y a aussi un sens intérieur et spirituel. Mais
1. Ibid. 2. Ibid. n. 3.
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je parlais alors à la manière de ceux qui nappliquent le mot sens quau corps et qui ne jugent sensibles que les choses corporelles. Aussi partout où je me suis exprimé ainsi, léquivoque na pas été assez évitée, excepté pour ceux qui sont habitués à cette locution. Ailleurs jai dit: « Ne pensez-vous pas que vivre heureusement, ce nest rien autre que de vivre selon ce quil y a de meilleur dans lhomme? » Et voulant expliquer ces paroles : « ce quil y à de meilleur dans lhomme, » jai ajouté un peu plus loin : « Qui pourrait douter quil ny a rien de meilleur dans lhomme que cette partie de son âme à la domination de laquelle il convient que tout ce qui est dans lhomme obéisse? Or, cette partie, afin que vous nen demandiez pas une autre définition, cest lesprit, la raison 1. » Cela est vrai, car de tout ce qui appartient à la nature humaine, rien nest meilleur en elle que la raison et lesprit. Mais quiconque veut vivre heureusement, ne doit pas vivre seulement selon la raison; car il vivrait selon lhomme, tandis que, pour pouvoir atteindre à la béatitude, cest selon Dieu quil doit vivre. Pour arriver à cette béatitude, notre âme ne se doit pas contenter delle-même, elle se doit soumettre à Dieu. Répondant ensuite à mon interlocuteur, je lui disais: « Vous ne vous trompez pas absolument ici; que ce soit dun heureux présage pour la suite, je vous le souhaite volontiers 2. » Quoique je me sois servi de ce terme, non pas sérieusement, mais en jouant, je ne voudrais pas en user. Car je ne sache pas avoir lu le mot de présage (omen) dans nos saintes Ecritures ni dans les oeuvres daucun auteur ecclésiastique; cependant cest de là que vient le mot dabomination qui se rencontre souvent dans les saintes Lettres. 3. Au second livre, cest une fable ridicule et extravagante que celle de la philocalie et de la philosophie qui sont soeurs et nées dun même père 4. En effet, ou ce quon nomme philocalie ne sentend que de pures bagatelles; elle nest, dès lors, en aucune façon soeur de la philosophie; ou bien si ce mot a quelque valeur parce quil signifie traduit en latin « lamour du beau, » et quil y a une vraie et
1. Liv. I, C. II, n. 5. 2. Ibid. C. IV, n. 11.
2. II y est cependant une fois au Livre III de, Rois, XX, 33. Mais saint Augustin ne lavait pas peut-être dans la version dont il se servait, ou bien, comme il est question des Païens, il pensait que lusage dun mot profane nétait pas digne dapprobation. Liv. II, C. III n. 7.
suprême beauté dans la sagesse, la philocalie et la philosophie ne sont dans la sphère incorporelle et supérieure quune seule et même chose; elles ne peuvent donc aucunement être deux soeurs. Ailleurs, en traitant de lâme, jai avancé « quelle doit retourner plus sûrement dans le ciel 1. » Plus sûrement aussi aurais-je dû dire quelle doit aller plutôt que retourner; et cela à cause de ceux qui pensent que les âmes humaines tombées on chassées du ciel par suite de leurs péchés, sont précipitées dans ces corps 2. Mais je nai pas hésité à dire au ciel, comme si jeusse dit à Dieu qui en est lauteur et le créateur; de même que saint Cyprien na pas balancé à écrire: « Notre corps étant de la terre et notre âme venant du ciel, nous sommes nous-mêmes terre et, ciel.» Aussi est-il écrit dans lEcclésiaste: « Lesprit retourne à Dieu qui la donné 4. » Ce qui se doit entendre sans déroger à la parole de lApôtre: « Ceux qui ne sont pas encore nés nont rien « fait de bien ni de mal 5. » Donc il ne peut y avoir de doute : Dieu lui-même est une certaine région originelle de la béatitude de lâme; Dieu qui la, non pas engendrée de lui-même, mais formée de rien comme il a formé le corps de terre. Quant à ce qui regarde lorigine de lâme et la manière dont elle se trouve dans le corps, vient-elle de celui qui le premier a été créé et fait âme vivante; en est-il créé une pour chaque homme? Je lignorais alors et je ne le sais point encore aujourdhui. 4. Dans le troisième livre jai dit : « Si vous me demandez mon sentiment, je crois que le souverain bien de lhomme est dans la raison 6.» Jaurais dit avec plus de vérité en Dieu. Cest de Dieu en effet que pour être heureuse la raison doit jouir comme de son souverain bien. Il me déplaît aussi davoir écrit: « On peut jurer par tout ce qui est divin 7. » De même quand jai dit des Académiciens quils « connaissaient la vérité et quils donnaient à ce qui lui ressemble le nom de vraisemblance, » et que jai taxé de fausse cette vraisemblance à laquelle ils croyaient, jai eu tort et pour deux motifs: dabord parce quil nest pas exact que ce qui a quelque
1. Liv. II, C. IX, n. 22. 2. ce sont les Platoniciens qui professaient cette doctrine, comme on le peut voir dans la Cité de Dieu, livre XCI, ch. 26. 3. S. Cyp. liv. de lOraison dominicale. 4. Eccl. XII, 7. 5. Ep. aux Rom. C. IX, 11. 6. Liv. III, C. XII, n. 27. 7. Ibid. C. XVI, n. 35.
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ressemblance avec le vrai soit faux, puisque cest une vérité dans son genre; ensuite parce que je leur attribuais de croire à ces faussetés quils nommaient vraisemblances, tandis quils ny croyaient pas et quils affirmaient au contraire que le sage ny peut adhérer. Mais comme ils appelaient ces mêmes vraisemblances probabilités, cest ce qui ma fait mexprimer de la sorte. Jai loué aussi Platon et les Platoniciens ou les philosophes de lAcadémie 1, et je les ai exaltés plus que ne doivent lêtre des impies; je men repens à bon droit; surtout, quand je songe que cest contre leurs profondes erreurs quil faut partout défendre la doctrine chrétienne. Quand également, en comparaison des arguments de Cicéron dans ses livres académiques, jai nommé bagatelles 2 ces raisonnements invincibles que jai opposés aux siens; quoique jaie dit cela en jouant et par manière dironie, jai eu tort, je ne le devais pas dire. Cet ouvrage commence par: « Plût à Dieu, Romanien, quun homme. »
CHAPITRE II.DE LA VIE BIENHEUREUSE. UN LIVRE.
Ce livre de la Vie Bienheureuse, je lai composé, non pas après, mais entre mes livres contre les Académiciens. Le jour de ma naissance en fut loccasion, et il fut achevé en trois jours de discussion, ainsi quil lindique lui-même. Il établit que nous tous, qui nous livrions à cette recherche, nous tombâmes daccord, que la vie bienheureuse ne peut consister que dans la parfaite connaissance de Dieu. Jai regret davoir accordé plus que je naurais dû, à Manlius Théodore, homme dailleurs savant et chrétien, à qui jai dédié ce livre 3. Je suis peiné aussi de mêtre souvent servi du mot de « Fortune; » comme également davoir dit que durant cette vie, la béatitude nhabite que dans la raison du sage 4, quel que fût létat de son corps ; tandis que la parfaite connaissance de Dieu, cest-à-dire la plus grande que puisse posséder lhomme, ne se peut espérer, au témoignage de lApôtre, que dans la vie future. Cest cette vie future qui seule doit être appelée bienheureuse, parce que le corps, devenu incorruptible et immortel, sera alors soumis à lâme sans aucune souffrance et sans aucune résistance. Jai trouvé dans mon manuscrit ce
1. Liv. III, C. XVII, n. 37. 2. Ibid. C. XX, n. 45. 3. Préf. n. 7 et suiv. 4. Trois. disc.
livre interrompu et fort écourté; il avait été ainsi transcrit par quelques-uns de nos frères, et depuis que jai entrepris la révision actuelle, je nai pu encore en recouvrer un texte intégral qui pût me servir à faire des corrections. Ce livre commence ainsi : « Si la volonté même vous conduisait au port de la philosophie. »
CHAPITRE III.DE LORDRE. DEUX LIVRES.
1. A cette même époque, et entre les livres sur les Académiciens, jen écrivis deux sur lOrdre, où je traite cette grande question Si lordre de la divine Providence contient tous les biens et les maux. Mais comme je remarquai que cette matière, si difficile à comprendre, ne pouvait, quavec assez de peine, parvenir par la discussion jusquà lintelligence de mes interlocuteurs, je préférai les entretenir de lordre à observer dans leurs études et au moyen duquel on peut sélever des choses corporelles aux incorporelles. 2. Mais il me déplaît dans ces livres davoir prononcé souvent encore le mot de « Fortune 1. » Je regrette aussi de navoir pas ajouté « du corps », quand jai nommé les sens 2 comme également davoir beaucoup attribué aux sciences libérales 3, quignorent beaucoup de saints et que plusieurs connaissent sans être des saints. Je suis fâché davoir parlé des Muses, même en plaisantant, comme de déesses 4; davoir appelé « ladmiration » un défaut 5, et davoir dit de philosophes sans piété véritable, quils avaient brillé de léclat de la vertu. De même jai, non pas sur la foi de Platon ou des Platoniciens, mais de moi-même, admis deux mondes, lun sensible, lautre intelligible, allant même jusquà supposer que Notre-Seigneur lavait voulu enseigner, parce quil na pas dit: « Mon royaume nest point du monde » mais «mon royaume nest point de ce monde 6. » Il y a bien cependant quelque locution qui peut sentendre ainsi; et si le Seigneur Jésus a eu en vue un autre monde, ce monde-là doit plus convenablement sentendre de celui où il y aura une « nouvelle terre » et « de nouveaux cieux » alors que cette prière sera accomplie: « Que votre règne arrive 7 » Aussi Platon ne
1. Liv. II, C. IX, n. 27. 2. Liv. I, C. I, II, et suiv. 3. Ibid. C. VIII et liv. II, C. XIV. Ibid. C. III, n. 6. 4. Ibid. n. 8. 5. Jean, XVIII, 36. 6. Matth. VI, 10.
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sest-il pas trompé en ce quil a dit quil y a un monde intelligible ; si toutefois nous avons soin de faire attention à la chose même et non à un mot qui, sur cette matière, nest pas dans les habitudes de lEglise. Il a appelé monde intelligible cette raison éternelle et immuable par laquelle Dieu a fait le monde. Si on niait cette raison, il faudrait admettre que Dieu a fait ce quil a fait sans raison, ou bien que, pendant quil le faisait ou avant quil le fit, il ne savait pas ce quil faisait; ce qui serait arrivé sil ny avait pas eu en lui la raison de le faire. Que si au contraire cette raison était en lui, ce dont on ne saurait douter, cest elle que Platon paraît avoir voulu désigner sous le nom de monde intelligible. Toutefois, si nous eussions été assez avancé déjà dans les sciences ecclésiastiques, nous ne nous fussions pas servi de ce terme. 3. Il me déplaît aussi quaprès avoir dit: « Le plus grand soin doit être apporté aux bonnes moeurs, » jaie ajouté bientôt après: « Car autrement notre Dieu ne pourrait nous exaucer: tandis que ceux qui vivent bien, il les exaucera très-facilement 1 » On pourrait inférer de ces paroles que Dieu nexauce pas les pécheurs. Quelquun a dit cela dans 1Evangile, mais il ne connaissait pas encore le Christ, qui déjà lui avait ouvert les yeux du corps 2. Je suis au regret davoir donné tant de louanges au philosophe Pythagore «. Celui qui les écouterait ou les lirait, pourrait penser que je crois quil ny a point derreurs dans la doctrine pythagoricienne, au lieu quil y en a de nombreuses et de capitales. Cet ouvrage commence ainsi : « Lordre des choses, mon cher Zénobe. »
CHAPITRE IV.LES DEUX LIVRES DES SOLILOQUES.
1. En même temps jécrivis, sous linspiration de mon zèle et de mon amour, deux livres pour chercher la vérité sur des choses que je désirais surtout connaître, minterrogeant et me répondant, comme si nous étions deux, la raison et moi, quoique je fusse seul. Cest pour cela que jai nommé ce traité Soliloques; mais il est resté imparfait; et cependant le premier livre recherche et montre ce que doit être celui qui veut posséder la sagesse, cette sagesse quon perçoit non pas par les sens, mais par
1. Liv. II, C. XX, n. 52. 2. Jean, IX, 30, 31. 3. Liv. II, C. XX, n. 53.
lintelligence: et à la fin de ce même livre il est établi par une certaine argumentation que ce qui est vrai est immortel. Dans le second, il est longtemps question de limmortalité de lâme, mais la discussion nest pas menée complètement à fin. 2. Dans ces livres, je napprouve pas ce que jai dit dans une prière: « Dieu qui navez voulu faire savoir la vérité quaux coeurs purs 2 ». Car on peut répondre que beaucoup de gens qui nont pas le coeur pur savent beaucoup de vérités; et je ne définis pas ici quel est le genre de vérité que les coeurs purs peuvent seuls connaître; je ne définis pas non plus ce que cest que savoir. De même pour ce passage : « Dieu, dont le royaume est tout le u monde quignorent les sens 2; » il fallait ajouter, sil est question de Dieu: « Vous quignorent les sens dun corps mortel.» Et sil est question du monde que les sens ignorent, cest-à-dire du monde futur formé dun ciel nouveau et dune terre nouvelle, il fallait y ajouter aussi : les sens dun corps mortel. Mais je me servais encore de cette manière de parler qui attache au mot de « sens » la signification de sens corporels. Aussi nai-je pas à revenir sans cesse sur les remarques que jai faites plus haut à ce sujet a; on voudra bien sy reporter chaque fois que pareille locution se présentera dans mes ouvrages. 3. Quand jai dit du Père et du Fils: « Celui qui engendre et celui quil engendre est un 4; »je devais dire sont un, comme la divine Vérité le dit elle-même : « Mon Père et moi nous sommes un 5. » Il me déplaît aussi davoir dit que dans cette vie lâme, en con naissant Dieu, est déjà bienheureuse, à moins que ce ne soit en espérance. De même, ce passage est mal sonnant : « Il ny a pas quune seule voie qui mène à la sagesse 6. » Car il ne peut y avoir dautre voie que le Christ qui a dit : «Je suis la voie 7. » Jaurais dû éviter doffenser ici les oreilles religieuses ; quoique pourtant autre soit cette voie universelle, autres les voies que chante le Psalmiste : «Faites-moi connaître vos voies, Seigneur, et enseignez-moi vos sentiers 8. » Ensuite lorsque jai écrit : «Il faut absolument fuir ces choses 9, » je devais prendre garde de paraître incliner vers la fausse maxime de Porphyre qui affirme
1. Liv. I, C. I, n. 2. 2. Ibid. C. I, n. 3. 3. Rétr. Liv. I, C. I et III. 4. Lib. I, c. I, n. 4. 5. Jean, X, 30. 6. Liv. I, C. XIII, n. 23. 7. Jean, XIV, 6. 8. Ps. XXIV, 4. 9. Liv. I, n. XXV, n. 24.
quil faut fuir tout ce qui est corps. Il est vrai, je nai pas dit « toutes les choses sensibles : jai dit « ces choses, » cest-à-dire les choses corruptibles. Mais il valait mieux dire: De telles choses sensibles nexisteront pas dans les nouveaux cieux et la nouvelle terre du siècle futur. 4. En un autre endroit jai dit encore: « Les savants formés aux connaissances libérales, les tirent certainement deux-mêmes par létude, comme si elles y étaient ensevelies dans loubli, et ils les en déterrent en quelque sorte 1. » Je blâme cette phrase; il est en effet plus croyable que si des esprits quon interroge bien font une réponse vraie sur certaines matières quils nont pas étudiées; cela vient de ce que la lumière de la raison éternelle dans laquelle ils voient ces vérités immuables, leur est présente autant quils peuvent la recevoir, et non pas de ce quils les avaient connues autrefois et quils les ont oubliées, comme le pensent Platon et quelques autres. Cest une opinion que jai combattue autant que loccasion men a été offerte dans le 12° livre de la Trinité 2. Cet écrit commence ainsi : « Je roulais en moi-même beaucoup de sujets différents. »
CHAPITRE V.DE LIMMORTALITÉ DE LÂME. UN LIVRE.
1. Après les livres des Soliloques, étant revenu de la campagne à Milan, jécrivis le livre de lImmortalité de lAme, dont javais voulu faire comme une sorte de mémorial pour terminer les Soliloques que javais laissés inachevés. Je ne sais de quelle manière il tomba malgré moi entre les mains du public et se trouva compris dans mes opuscules. Il est si obscur par la complication et la brièveté de ses raisonnements, quil fatigue à la lecture même mon attention et quà peine mest-il intelligible. 2. De plus, nayant en vue que les âmes des hommes, jai dit en un passage de ce livre « Il ne peut y avoir aucune connaissance dans celui qui na rien appris. » Jai ajouté ailleurs : « La science nembrasse que ce qui appartient à quelque connaissance 3. » Il ne mest pas venu à lesprit que Dieu nacquiert aucune connaissance, et quil a cependant la science de toutes choses, et dans cette science la
1. Liv. II, C. XX, n. 35. 2. Liv. XII, C. XV. 3. C. I, n. 1.
prescience de lavenir. De même en est-il pour ce qui est écrit: « Il ny a de vie avec la raison que la vie de lâme 1; » en effet, la vie en Dieu nest pas sans la raison, puisque en lui est la vie souveraine et la souveraine raison. Et aussi ce que jai avancé plus haut : « Ce qui se comprend est toujours de la même manière 2 ; » puisque lon comprend lâme et quelle nest pas toujours de la même manière. Mais ce que jai dit: « Lâme ne se peut séparer « de la raison éternelle, parce quelle ne lui est pas unie localement 3, » certes je ne laurais pas dit si jeusse été alors assez instruit dans les Lettres sacrées pour me rappeler quil est écrit : « Vos péchés font une séparation entre « Dieu et vous 4». Doù il est donné à comprendre que lon peut appliquer lidée de séparation à des choses qui nont pas été unies par les lieux, mais incorporellement. 3. Quai-je voulu signifier par ceci : « Lâme, si elle manque de corps, nest pas dans ce monde 5? » Je ne saurais me le rappeler. En effet, est-ce que les âmes des morts ne manquent pas de corps, ou ne sont pas dans ce monde? Comme si les enfers nétaient pas dans ce monde. Mais puisque jai regardé la privation du corps comme un bien, jai probablement voulu entendre sous le nom de corps les maux corporels. Que sil en est ainsi, je me suis servi dune expression trop inusitée. Cest aussi avec témérité que jai dit : « La souveraine essence donne au corps par le moyen de lâme une forme par laquelle il est, tout autant quil est. Donc le corps subsiste par lâme et il tient son être de cela même qui lanime , soit universellement comme le monde, soit particulièrement comme tout animal dans le monde 6. » Tout cela est très téméraire. Ce livre commence par ces mots : « Si la science existe quelque part. »
CHAPITRE VI.LIVRES DES ARTS LIBÉRAUX.
Vers le même temps, lorsque jétais à Milan, me disposant à recevoir le baptême, je tentai aussi décrire les Livres des arts libéraux, interrogeant ceux qui étaient avec moi et qui néprouvaient pas déloignement pour des études de ce genre. Mon désir était de conduire ou de parvenir, comme à pas sûrs, aux
1. C. IV, n. 5. 2. C I, n. I. 3. C. VI, n. 11. 4. Isa. LIX, 2. 5. C. XIII, n. 22. 6.C. XV, n. 24.
choses incorporelles par les choses corporelles. Mais je ne pus achever que le livre de la Grammaire, qui fut ensuite perdu de ma bibliothèque, et six volumes sur la Musique, considérée dans ce qui a rapport avec ce quon nomme le Rhythme. Ces six livres, je les achevai après mon baptême, et étant en Afrique de retour dItalie; je navais fait que les commencer à Milan. Des cinq autres arts que javais également abordés, cest-à-dire la Dialectique, la Rhétorique, la Géométrie, lArithmétique et la Philosophie, javais seulement posé les principes et nous les avons également perdus; mais je pense quils sont entre les mains de quelquun.
CHAPITRE VII.DES MOEURS DE LÉGLISE CATHOLIQUE ET DES MOEURS DES MANICHÉENS. DEUX LIVRES.
1. Jétais baptisé, je me trouvais à Rome et je ne pouvais tolérer la jactance des Manichéens qui se vantent de la fausse et fallacieuse continence ou abstinence pour laquelle, afin de tromper les ignorants, ils se préfèrent aux vrais chrétiens, avec qui ils ne sont pas dignes dêtre comparés. Jécrivis donc deux livres, lun sur les Moeurs de lEglise catholique, lautre sur les Moeurs des Manichéens. 2. Dans celui qui traite des moeurs de lEglise catholique, jai apporté un témoignage où on lit: « A cause de vous, nous sommes « frappés tout le jour; on nous regarde comme es brebis de tuerie 1. » Jai été trompé par une faute de mon exemplaire, et je ne me souvenais pas assez des Ecritures, avec lesquelles je nétais pas encore familier. Les autres exemplaires ne portent pas: « à cause de vous, nous sommes frappés tout le jour; » mais « nous sommes frappés de mort » ou, comme disent dautres, « nous sommes mis à mort. » Ce sens est indiqué comme le plus vrai par les versions grecques, et cest de cette langue, daprès la traduction des Septante, que les anciennes Ecritures divines ont été transportées en latin. Cependant, je me suis beaucoup appuyé sur ce texte dans ma discussion 2, et je ne réprouve nullement comme faux ce que jai dit sur le fond des choses. Seulement, je nai pas démontré suffisamment par ces paroles la concordance que je désirais établir entre lAncien et le Nouveau Testament. Doù est venue mon
1. Ps. XLIII, 22; Rom. VIII, 36. 2. Liv. I, C. IX, n. 14, 15.
erreur, je lai dit; dailleurs, jai démontré cette concordance par beaucoup dautres témoignages 1. 3. Semblablement, et presquaussitôt après, jai invoqué un passage du livre de la Sagesse, daprès mon exemplaire, où on lisait : « La sagesse enseigne la sobriété, la justice et la vertu 2. » De cette citation jai déduit des choses très-vraies , mais à loccasion dune faute de copie 3. Quoi de plus vrai en effet que de soutenir que la sagesse enseigne la vérité de la contemplation, que je supposais signifiée par le nom de sobriété; et la probité des actes, que je croyais figurée par les deux autres mots justice et vertu? Or, les manuscrits les plus authentiques de la même version disent : « Elle enseigne la sobriété et la sagesse, la justice et la vertu. » Le traducteur latin a nommé ici les quatre vertus qui sont le plus souvent dans la bouche des philosophes; appelant sobriété la tempérance, donnant à la prudence le titre de sagesse, énonçant la force par le mot de vertu, et réservant à la justice seule son propre nom. Mais beaucoup plus tard nous avons trouvé dans les exemplaires grecs que ces quatre vertus portent, dans le livre de la Sagesse, les mêmes noms que leur donnent les Grecs. Ce que jai emprunté au livre de Salomon : « Vanité des vaniteux, dit lEcclésiaste 4, » je lai lu dans plusieurs textes, mais le grec ne la pas. Il dit: « Vanité des vanités. » Je ne lai vu quaprès. Je me suis assuré que le latin était plus exact, en disant des vanités plutôt que des vaniteux. Toutefois les déductions que jai tirées de ce texte fautif sont parfaitement légitimes, comme on peut sen assurer 5. 4. Quant à ce que jai dit : « Celui-là même que nous voulons connaître, cest-à-dire Dieu, commençons par laimer dun entier amour 6; » il aurait mieux valu employer le mot sincère, que le mot entier; car il ne faudrait pas que lon pût supposer que lamour de Dieu ne pourra pas être plus grand lorsque nous le verrons face à face. Que lon veuille donc bien accepter cette expression en ce sens que lentier amour soit le plus grand que nous puissions espérer, tant que nous marchons dans la foi; il sera en effet plus complet, il sera absolument complet, mais par la claire vue. De même en parlant de ceux qui
1. Ibid. C. XVI, n, 26-29. 2. Sap. VIII, 7. 3. Liv. I, C. XVI, n. 27. 4. Eccles. I, 2. 5. Liv. I, C. XXI, n. 39. 6. Liv. I, C. XXV, n. 47.
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secourent les pauvres, ce que jai écrit: « Ils sont appelés miséricordieux quand même ils seraient assez sages pour nêtre plus troublés par aucune souffrance desprit 1, » ne se doit point prendre comme si javais prétendu quil y a dans cette vie de tels sages; je nai pas dit: « parce quils sont » mais « quand même ils seraient. » 5. En un autre endroit, je me suis exprimé ainsi : « Mais lorsque cette charité fraternelle il aura nourri lâme attachée à votre sein et laura fortifiée jusquà la rendre capable de suivre Dieu; aussitôt que sa majesté aura commencé à se dévoiler à lhomme autant quil lui suffit pendant son séjour sur cette terre, lardeur de la charité sallume tellement, et cest un tel incendie damour divin, que tous les vices sont consumés, lhomme purifié et sanctifié, et que la divinité de cette parole sacrée : Je suis un feu dévorant 3, se manifeste avec éclat. » Les Pélagiens pourraient penser que jai affirmé la possibilité dune telle perfection dans la vie mortelle: quils ne se limaginent point. Cette ardeur damour capable de monter à la suite de Dieu, et de consumer tous les vices, peut naître et grandir en cette vie; mais quant à achever ce pourquoi elle naît, et délivrer lhomme de tout vice, elle ne le peut. Cependant une aussi grande merveille saccomplit par cette même ardeur damour, quand elle peut lêtre et là où elle le peut, ainsi : comme le baptême de la régénération purifie de la culpabilité de tous les péchés quentraîne la tache originelle ou qua contractée liniquité humaine; de la même manière cette perfection purifie de toute la souillure des penchants mauvais dont linfirmité humaine ne peut être exempte en cette vie. Cest dans ce sens, en effet, que doit être comprise cette parole de lApôtre: « Le Christ a aimé lEglise et sest livré lui-même pour elle; la purifiant dans le baptême de leau par la parole, afin quelle parût devant lui une Eglise glorieuse, sans tache, sans rides, sans quoi que ce fût de ce genre 4. » Car ici-bas est le baptême de leau par la parole, au moyen duquel lEglise est purifiée. Or, quand lEglise entière dit ici-bas : « Remettez-nous nos offenses 5, » elle nest pas sans tache, sans ride, sans défaut de ce genre; et cependant cest de ce quelle reçoit ici-bas
1. Liv. I, C. XXVII, n. 53. 2. Ibid. C. XXX, n. 64. 3. Deut. IV, 24; Héb. XII, 29. 4. Eph. V, 25-27. 6. Matth. VI, 12.
quelle sélève à la perfection, à cette gloire qui nest pas dici-bas. 6. Dans lautre livre qui a pour titre : Des Moeurs des Manichéens, ce que jai avancé en ces termes: « La bonté de Dieu dispose tellement toutes les défections quelles sont là où elles doivent être le plus convenablement, jusquà ce que par un mouvement ordonné elles reviennent au point doù elles sétaient éloignées 1, » ne doit pas être pris comme si toutes ces choses revenaient au point doù elles se sont écartées, ainsi que le croyait Origène; mais seulement les choses qui sont sujettes à retour. Ainsi ceux qui sont punis du feu éternel ne reviennent pas à Dieu, quils ont abandonné. Cest cependant la loi de toutes les défections de demeurer là où elles doivent être le plus convenablement; aussi ces damnés qui ne reviennent pas demeurent plus convenablement dans le supplice. Ailleurs jai dit : « Presque personne ne doute que les scarabées ne vivent de leurs excréments cachés et mis en boules 2;» mais beaucoup de gens en doutent, et il en est même qui nen ont jamais entendu parler. Cet ouvrage commence par ces mots : « Nous avons assez fait, je pense, dans nos autres livres.... »
CHAPITRE VIII.DE LA GRANDEUR DE LÂME.
1. Cest dans la même ville, à Rome, que jai écrit un dialogue où sont traitées diverses questions relatives à lâme, à savoir : doù elle est, ce quelle est, quelle est sa grandeur, pourquoi elle a été donnée au corps, ce quelle devient quand elle sunit au corps, et quand elle sen sépare. Mais ce que nous avons discuté avec le plus de soin et dapplication, cest sa grandeur; désirant démontrer, si nous le pouvions, quelle nest pas grande à la manière du corps, et que cependant elle est quelque chose de grand. Aussi cette étude a donné son nom à tout le livre qui a été appelé : De la Grandeur de lAme. 2. Lorsque jai dit dans ce livre : « Lâme me paraît avoir apporté avec elle tous les arts; et ce quon nomme apprendre ne me semble pas autre chose que se rappeler et se souvenir 3; » il ne faut pas induire, de cette parole, que je suppose que lâme ait vécu pendant un temps, soit ici-bas, dans un autre
1. Liv. II, C. VII, n. 9. 2. Ibid. C. XVII, n. 63. 3. C. XX, n. 34.
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corps, soit ailleurs, dans un corps ou sans corps, ni quelle ait appris antérieurement dans une autre vie les connaissances sur lesquelles elle répond quand on linterroge et sur lesquelles elle na pas encore été instruite ici-bas. Il se peut faire, en effet, comme nous lavons remarqué dans le présent ouvrage 1, quelle en soit capable parce quelle est une nature intellectuelle, en relation non-seulement avec les choses intellectuelles, mais avec les immuables, et ainsi ordonnée que, lorsquelle se tourne vers les objets avec lesquels elle est en rapport ou vers elle-même, elle puisse, autant quelle les voit, donner à leur sujet des réponses véritables. Sans doute elle na pas apporté avec elle et ne connaît pas tous les arts de cette manière; en effet, elle ne saurait, sans avoir été enseignée, parler des arts qui se rapportent aux sens corporels, comme presque toute la médecine, comme toute lastronomie. Mais sur ce que lintelligence seule suffit à comprendre, ainsi que je lai dit, elle peut. quand elle sinterroge ou quon linterroge bien et quand elle réfléchit, répondre justement. 3. Ailleurs : « Je voudrais, ai-je dit, faire ici bien des additions, et me contraindre, tandis que je vous enseigne, à ne rien faire autre chose que de me rendre à moi-même, à qui je me dois surtout. » Jaurais dû plutôt dire: « Me rendre à Dieu, à qui surtout je me dois. » Mais comme lhomme doit dabord se rendre à lui-même, afin que partant de soi comme dun degré il sélève jusquà Dieu, à lexemple de lenfant prodigue, qui commença à revenir à soi avant de dire: « Je me lèverai et jirai à mon père 2 » voilà pourquoi je me suis exprimé de la sorte. Peu après, du reste, jai ajouté : « Puissé-je devenir aussi lami et lesclave de Dieu 3 !» Ces mots: «à qui je me dois surtout, » je les entendais donc par rapport aux hommes; en effet, je me dois beaucoup plus à moi quaux autres hommes, quoique je me doive à Dieu plus quà moi-même. Ce livre commence ainsi: « Puisque je vous vois des loisirs surabondants. »
CHAPITRE IX.DU LIBRE ARBITRE. TROIS LIVRES.
1. Pendant que nous résidions encore à Rome, nous voulûmes discuter la question de
1. C. IV, n. 4. 2. Luc, XV, 18. 3. C.XXVIII, n. 55.
lorigine du mal. Nous désirions dans ces conférences, sil était possible et autant quil serait possible avec laide de Dieu, rendre à notre intelligence un compte exact et réfléchi de ce que nous en croyions déjà par notre soumission à lautorité divine. Et comme après avoir profondément débattu la question, il demeura constant pour nous que le mal ne provenait que du libre arbitre de la volonté, les trois livres qui furent le produit de ce débat sintitulèrent du Libre Arbitre. Cest en Afrique, et étant déjà ordonné prêtre à Hippone, que jai terminé le second et le troisième comme je lai pu alors. 2. Parmi les nombreux sujets que traitent ces livres, plusieurs questions incidentes, que je ne pouvais résoudre ou qui auraient demandé alors de plus longs développements, sont renvoyées : toutefois de chaque côté et sur tous les points de ces questions où lon ne découvrait pas ce qui était. le plus en harmonie avec la vérité, notre raisonnement concluait que, quelle que fût cette vérité, il fallait croire ou même il était démontré que Dieu doit en être béni. Le débat, en effet, fut entrepris à loccasion de ceux qui nient que lorigine du mal se trouve dans le libre arbitre et qui soutiennent que, sil en est ainsi, on doit accuser Dieu, le créateur de toutes les natures; ils veulent de cette manière, dans les aberrations de leur impiété (car ce sont les Manichéens), faire intervenir une sorte de nature du mal, coéternelle à Dieu et immuable comme Lui. Quant à la grâce par laquelle Dieu a prédestiné ses élus et prépare les volontés de ceux qui parmi eux jouissent déjà de leur libre arbitre, il nen a point été traité dans ces livres, la question nétant pas là précisément. Mais lorsquil y a eu lieu de faire mention de cette grâce, on la rappelée en passant et non pas comme sil sagissait de la défendre par une argumentation approfondie. Autre chose est, en effet, de rechercher doù vient le mal; autre chose, de rechercher par où lon retourne au bien primitif et par où lon arrive à un plus grand. 3. Ainsi donc, que les Pélagiens, ces nouveaux hérétiques qui affirment le libre arbitre au point de ne plus laisser place à la grâce de Dieu, puisquils prétendent que cette grâce est donnée selon nos mérites; que les Pélagiens ne sexaltent pas comme si javais soutenu leur cause, en disant du libre arbitre beaucoup de choses quexigeait la nature de cette (315) discussion. Ainsi, par exemple, dans le premier livre, jai dit que la justice de Dieu tirait vengeance des méfaits, et jai ajouté : « Ces méfaits ne seraient pas punis justement, sils nétaient pas loeuvre de la volonté 1.» Comme, de plus, je démontrais que la bonne volonté elle-même est un grand bien, et si grand, quil est à bon droit préférable à tous les biens corporels et extérieurs, jai dit : « Vous voyez déjà, je pense, quil dépend de notre volonté de jouir ou dêtre privés dun bien si vrai et si grand; quy a-t-il en effet qui soit autant dans la volonté que la volonté elle-même 2? » Et ailleurs: « Pourquoi donc, je le demande, songerions-nous à douter que, neussions-nous jamais été sages auparavant, cest par la volonté que nous méritons et que nous menons une vie louable et heureuse, comme cest par la volonté que nous méritons et que nous menons une vie honteuse et misérable 3? » Dans un autre endroit encore: « Il suit de là, je le répète, que quiconque veut vivre régulièrement et honnêtement, sil sattache à ce vouloir par préférence aux choses passagères, acquiert un si grand bien avec tant de facilité, quil ne lui faut, pour avoir ce quil a voulu, que le vouloir 4. » Ailleurs, jai dit aussi : « Cette loi éternelle, à la considération de laquelle il est temps de revenir, a établi avec une fermeté inébranlable que le mérite est dans la volonté, la récompense et le supplice dans la béatitude et la misère 5. » Et ailleurs: « Ce que chacun choisit de suivre et dembrasser, est positivement au pouvoir de la volonté 6 » Dans le second livre : « Lhomme lui-même, en tant quhomme, est quelque chose de bon, puisque, quand il veut bien vivre, il le peut 7. » Jai dit encore en un autre endroit: « Rien ne se peut faire de bien sans le libre arbitre de la volonté 8. » Dans le troisième livre : « Quest-il besoin de chercher doù vient ce mouvement qui éloigne la volonté du bien immuable et lentraîne au bien passager; puisque nous avouons quil ne saurait être quun mouvement de lâme, mouvement volontaire, et par suite mouvement coupable; et tout ce quon peut enseigner dutile là-dessus na pour effet que de nous faire condamner et comprimer ce mouvement pour diriger notre
1. Liv. I, C. I, n. 1. 2. Ibid. C. XII, n, 26. 3. Ibid. C. XIII, n. 28. 4. Ibid. n. 29. 5. Ibid. C. XIV, n. 30. 6. Ibid. C. XVI, n. 34. 7. Liv. II, C. I, n. 2. 8. Ibid. C. XVIII, n. 47.
volonté vers la jouissance du bien éternel en la relevant des chutes vers les choses temporelles 1? » Et ailleurs : « Votre réponse est le cri de la vérité même; autrement vous ne pourriez sentir quil ny a en notre puissance que ce que nous faisons quand nous le voulons. Aussi nest-il rien tant en notre pouvoir que la volonté même. Car aussitôt que nous voulons, elle est là sous la main et sans retard 2. » De même, en un autre endroit: « Si vous êtes loué de voir ce que vous devez faire, bien que vous ne le voyiez que dans Celui qui est limmuable vérité, combien plus louable est Celui qui a ordonné de vouloir, qui en a donné le pouvoir et qui ne permet point quon ne veuille pas impunément? » Et jai ajouté : « Si chacun doit ce quil a reçu et si lhomme est ainsi fait quil pèche par nécessité, pécher est un devoir pour lui. Donc quand il pèche, il fait ce quil doit. Mais cest un crime de parler de la sorte; personne nest donc par sa nature nécessité à pécher 3. » Et encore : « Quelle pourrait être avant la volonté, la cause de la volonté? En effet, ou cest la volonté même, et on ne se sépare pas de cette racine de la volonté; ou bien ce nest pas la volonté, et alors elle est sans péché. Donc, ou la volonté est la cause première du péché, ou la cause première du péché nest pas un péché, et on ne peut imputer le péché si ce nest au pécheur. On ne peut donc imputer le péché quà celui qui la voulu 4. » Et un peu plus loin: « Qui pèche en un acte dont on ne peut aucunement se garder? Or on pèche; donc on peut sen garder 5. » Voilà le témoignage que Pélage ma emprunté dans un de ses livres; jai répondu à ce livre et jai voulu que mon traité eût pour titre: De la Nature et de la Grâce. 4. Dans celles de mes paroles que je viens de citer et dans dautres semblables, comme il nest point fait mention de la grâce de Dieu, dont il ne sagissait pas alors, les Pélagiens estiment ou peuvent estimer que nous avons professé leurs sentiments : erreur. Cest par la volonté que lon pèche et que lon vit bien; nous lavons démontré dans ces passages. Donc si par la grâce de Dieu la volonté elle-même nest délivrée de la servitude qui 1a fait esclave du péché, et aidée à dompter les vices, les hommes ne peuvent vivre ni avec piété ni avec
1. Liv. III, C. I, n. 2. 2. Ibid. C. III, n. 7. 3. Ibid. C. XVI, n. 46. 4. Ibid. C. XVII, n. 49. 5. Ibid. C. XVIII, n. 50.
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justice. Et si ce bienfait divin qui la délivre ne la prévenait, il faudrait lattribuer à ses mérites; alors ce ne serait plus la grâce, car la grâce se donne gratuitement. Nous en avons traité suffisamment dans nos autres opuscules, en réfutant ces ennemis de la grâce, ces hérétiques nouveaux. Néanmoins dans ces livres du Libre Arbitre, qui étaient dirigés contre les Manichéens, et non pas contre eux, puisquils nexistaient point encore, nous navons pas entièrement gardé le silence sur cette grâce de Dieu, que leur criminelle impiété cherche à détruire. En effet nous avons dit dans le second livre que non-seulement les grands biens, mais les plus petits ne peuvent venir que de Celui doù viennent tous les biens, cest-à-dire de Dieu. Et un peu plus loin: « Les vertus qui font bien vivre sont les grands biens; les formes apparentes des différents corps, sans lesquelles on peut bien vivre, sont les moindres biens; les puissances de lâme sans lesquelles on ne peut bien vivre, sont les biens moyens. Personne nuse mal des vertus; les autres biens, les moyens et les moindres, on en peut user bien ou mal. Et la raison pour laquelle personne nuse mal de la vertu, cest que loeuvre de la vertu est le bon usage de ces biens dont nous pouvons aussi ne pas bien user; or, en usant bien, on nuse pas mal. Cest pourquoi dans la surabondance et la grandeur de sa bonté, Dieu nous a accordé non-seulement les grands biens, mais les moyens et les moindres. Cette bonté, il la faut louer plus dans les grands biens que dans les moyens, et plus dans les moyens que dans les plus petits; mais plus encore dans la totalité, que sil ne nous les avait pas accordés tous 1. » Et ailleurs : « Quant à vous, tenez pour certain et avec une inébranlable piété, quil ne vous arrive aucun bien, soit que vous le sentiez, soit que vous le compreniez, soit que vous y pensiez en quelque manière, que ce bien ne vienne de Dieu. » Jai dit encore ailleurs : « Comme lhomme qui est tombé de lui-même ne peut pas se relever de lui-même, saisissons avec une foi ferme la main de Dieu qui nous est tendue den-haut, cest-à-dire Notre-Seigneur Jésus-Christ 2. » 5. Dans le troisième livre, après ces paroles que Pélage a empruntées à mes opuscules, ainsi que je lai rapporté : « Qui pèche en un acte dont on ne peut aucunement se garder?
1. Liv.II, C. XIX, n. 50. 2. Ibid. C. XX, n. 54.
Or on pèche; donc on peut sen garder, » jai ajouté immédiatement : « Toutefois, il y a certains actes commis par ignorance, qui sont blâmés et quon juge dignes dêtre corrigés, comme nous le lisons dans les divines Ecritures. LApôtre dit en effet: Jai obtenu miséricorde parce que jai agi dans lignorance 1. Et le Prophète dit aussi: Ne vous souvenez pas des fautes de ma jeunesse et de mon ignorance 2 . Il y a aussi des actes de nécessité qui sont blâmables: quand par exemple lhomme veut faire bien et quil ne le peut. Car que signifient ces paroles : Le bien que je veux, je ne le fais pas, et le mal que je hais, je le fais; et encore : Le vouloir réside en moi, mais accomplir le bien, je ne ly trouve pas 3? Et ceci : La chair convoite contre lesprit et lesprit contre la chair; car ils sont opposés lun à lautre, de sorte que vous ne faites pas ce que vous voulez 4. Mais tout cela regarde les hommes qui naissent sous cet arrêt de mort. Car si cétait là la nature de lhomme et non son châtiment, il ny aurait pas là de péchés. En effet si on ne sécarte pas de létat où on a été formé naturellement, et quon ne puisse être mieux, quand on agit ainsi, on fait ce quon doit. Si lhomme était naturellement bon, il ferait autrement; mais maintenant, puisquil est ainsi, il nest pas bon et il nest pas en son pouvoir de lêtre, soit quil ne voie pas ce quil devrait être, soit quil le voie et quil ne puisse pas y arriver. Cest un châtiment: qui en doute? Or, tout châtiment, sil est juste, est la peine du péché et sappelle supplice. Que si la peine est injuste, comme personne ne doute que cen soit une, elle est imposée à lhomme par une domination injuste. Mais comme ce serait une folie de douter de la justice et de la toute-puissance de Dieu, cette peine est juste, et elle a été méritée par quelque péché. Car aucune domination injuste na pu, pour livrer lhomme aux tortures dun châtiment injuste, le soustraire à Dieu à son insu ou le lui arracher malgré lui et comme de force, par la terreur ou par la victoire. Il faut donc sarrêter à croire que ce juste châtiment vient de larrêt qui condamne lhomme 5. » Je dis aussi en un autre endroit: « Approuver le faux, le prendre pour le vrai, se tromper malgré soi, et devant les
1. Tim. I, 13. 2. Ps. XXIV, 7. 3. Rom. VII, 15-18. 4. Galat. V, 17. 5. Liv. III, C. XVIII, n. 50-51.
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résistances douloureuses des liens charnels, ne pouvoir saffranchir des oeuvres de la passion , ce nest pas la nature originelle de lhomme, cest la peine de sa condamnation. Mais lorsque nous parlons de la libre volonté de faire le bien, nous entendons parler de celle dans laquelle lhomme a été créé 1. » 6. Ainsi, bien avant que lhérésie pélagienne apparût, nous avons discuté comme si ceût été contre elle. Car, en disant que tous les biens, cest-à-dire les grands, les moyens et les petits, viennent de Dieu, on rencontre dans les moyens le libre arbitre de la volonté, parce que nous pouvons en faire un mauvais usage; il est tel cependant que sans lui nous ne pouvons bien vivre. Ce bon usage est une vertu, et elle se compte parmi les grands biens dont nul ne peut faire un mauvais usage. Et comme tous les biens, ainsi que je lai dit, les grands, les moyens et les petits, viennent de Dieu, il sensuit que le bon usage de la libre volonté, qui est une vertu et se compte parmi les grands biens, vient aussi de Dieu. Jai remarqué ensuite de quelle misère justement infligée aux pécheurs délivre la grâce de Dieu, puisque lhomme de lui-même et par son libre arbitre a bien pu tomber, mais na pu se relever. Cest à cette misère que se rapportent lignorance et limpuissance dont souffre tout homme dès le moment de sa naissance; et personne nest affranchi de ce mal que par là grâce de Dieu 2. Or, les Pélagiens ne veulent pas que cette misère provienne dune juste condamnation, car ils nient le péché originel. Quand même lignorance et limpuissance auraient été des attributs naturels et primitifs de lhomme, Dieu nen saurait encourir de reproche: il len faudrait louer au contraire, ainsi que nous lavons examiné dans ce même livre troisième 3. Cette controverse doit être à ladresse des Manichéens, qui nadmettent pas les saintes Ecriture de lAncien Testament, où est relaté le péché originel, et qui prétendent avec une impudence détestable que tous les passages des écrits apostoliques qui en sont tirés, ont été interpolés par des faussaires de lEcriture sainte, comme si les Apôtres nen avaient jamais parlé. Mais les Pélagiens faisant profession daccepter lAncien et le Nouveau Testament, cest contre eux quil faut défendre ce que nous enseignent lun et lautre. Louvrage
1.Liv. III, C. XVIII, n. 52. 2. Liv. II, C. XX; liv. III, C. XVIII. 3. Liv.III, C. XX et XXX.
317 commence ainsi: « Dites-moi, je vous prie, si Dieu nest pas lauteur du mal. »
CHAPITRE X.DE LA GENÈSE CONTRE LES MANICHÉENS. DEUX LIVRES.
1. Etabli en Afrique, jai écrit deux livres sur la Genèse contre les Manichéens. En montrant, par les dissertations de mes précédents ouvrages, que Dieu est le souverain bien, limmuable Créateur de toutes les natures muables, et quil ny a pas de nature ou de substance mauvaise en tant que nature et que substance, mon intention était en éveil contre les Manichéens; cependant jai voulu publier ostensiblement contre eux ces deux livres pour la défense de lancienne loi, parce quils lattaquent dans leur folie avec une ardeur véhémente. Le premier traite de cette parole: « Au commencement Dieu fit le ciel et la terre 1,» et suit loeuvre des sept jours jusquà celui où Dieu se repose. Le second explique depuis ces mots: «Ce livre est celui de la création du ciel et de la terre 2, » jusquà lexpulsion dAdam et dEve du paradis et la garde de larbre de vie confiée au chérubin. A la fin du livre, jai opposé la croyance de la vérité catholique à lerreur des Manichéens, résumant avec rapidité et clarté ce quils disent et ce que nous disons. 2. Quand jai dit: « Il ne repaît pas les regards des êtres sans raison, mais les coeurs purs de ceux qui croient en Dieu et qui sélèvent de lamour des choses visibles et temporelles, à laccomplissement de ses préceptes; ce que les hommes peuvent tous, pourvu quils le veuillent 3 ;» il ne faut pas que les Pélagiens, ces nouveaux hérétiques, simaginent que jai parlé dans leur sens. Il est absolument vrai, en effet, que tous les hommes ont ce pouvoir, pourvu quils le veuillent; mais la volonté est préparée par le Seigneur, et elle est tellement aidée par le don de la charité quelle peut y parvenir. Si je nai pas donné alors cette explication, cest quelle nétait point nécessaire à la question présente. Jai écrit que cette bénédiction de Dieu: « Croissez et multipliez 4, » sest appliquée, après le péché, à la fécondité charnelle ; mais je ne lapprouve nullement, si on ne peut lexpliquer que par la
1. Gen. I, 1. 2. Gen. II, 4. 3. Liv. I, C. III, n.6. 4. Gen. I, 28. 5. Liv. I, C. XXX, n. 30.
318
pensée que les hommes ne devaient pas avoir de fils à moins quils ne péchassent. Parce quil y a des quadrupèdes et des oiseaux quon voit se nourrir exclusivement de chair, il ne serait pas non plus logique de supposer quil ny a quune allégorie dans ce qui est dit que les plantes et les arbres à fruits sont donnés en nourriture, dans le livre de la Genèse, à toutes les espèces danimaux, doiseaux et de reptiles 1. Il pourrait en effet se faire que les animaux fussent aussi nourris par les hommes avec les fruits de la terre, si par lobéissance dont ces hommes eux-mêmes, dans létat dinnocence, auraient fait profession au service de Dieu, ils avaient mérité que tous les animaux et les oiseaux mêmes leur fussent absolument soumis. De même on peut sétonner que jaie dit du peuple dIsraël: « Par la circoncision corporelle et par les sacrifices, ce peuple, au milieu de locéan des nations, suivait la loi de Dieu 2» puisque le peuple dIsraël ne pouvait sacrifier au milieu des nations, et quil restait plutôt sans sacrifices comme nous le voyons encore aujourdhui; à moins toutefois quon ne considère comme un sacrifice lagneau qui simmole pour la pâque. 3. Dans le second livre, quand jai avancé que le nom de « nourriture» pouvait sexpliquer par la vie 3; comme les meilleures traductions portent non pas « nourriture », mais « foin », je nai pas été assez exact. On ne peut pas étendre la signification du mot « foin» à lidée de vie, comme on peut le faire pour «nourriture. » Il me semble aussi que 4 je nai pas eu raison de traiter de prophétiques ces paroles: « Que tenorgueillis-tu, terre et cendre 5? » Car elles ne sont pas dans le livre dun de ces écrivains que nous soyions sûrs de pouvoir appeler prophètes. Et ce mot de lApôtre, quand il cite le témoignage suivant de la Genèse: « Le premier homme, Adam, a été « fait âme vivante 6, » je ne lai pas compris comme le voulait lApôtre. Jexposais en effet ceci: « Dieu souffla sur sa face un souffle de « vie, et lhomme fut fait âme vive ou âme « vivante 7. » Or, lApôtre invoque cette citation pour prouver que le corps est animé, et moi jai voulu montrer que non pas le corps de lhomme seulement, mais tout lhomme avait été animé dès labord 8. Quand ensuite jai
1.Liv. I, C. XX, n. 31. 2. Ibid. C. XXIII, n. 40. 3. Liv. II, C. III, n. 4. 4. Ibid. C. V, n. 6. 5. Eccli. X, 9. 6. I Cor. XV, 45. 7. Gen. II, 7. 8. Lib. II, C. VIII, n. 10.
dit : « Les péchés ne nuisent quà la nature qui les commet 1; » je lai dit en ce sens que celui qui nuit au juste, ne lui nuit pas véritablement, puisquil augmente sa récompense dans le ciel; mais il se nuit à soi-même en péchant, parce que, à cause de sa volonté perverse, il recevra léquivalent du dommage quil a causé. Les Pélagiens, sans doute, peuvent abuser de cette pensée dans leur sens et dire que les péchés dautrui nont pas nui aux petits enfants, puisque selon moi : « Les péchés ne nuisent quà la nature qui les commet. » Mais ils ne considèrent pas que les petits enfants qui participent à la nature humaine, en subissent le péché originel, puisque la nature humaine a péché dans nos premiers parents et que, par suite, aucun péché ne nuit à la nature humaine excepté les siens. « Car le péché est entré dans le monde par un seul homme en qui tous ont péché 2.» Aussi ai-je dit: « Les péchés ne nuisent quà la nature, et « non pas à lhomme qui les commet. » Jai dit peu après: « Il ny a pas de mal naturel 3;» ces hérétiques pourraient aussi peut-être sen prévaloir frauduleusement; mais ce mot sapplique à la nature telle quelle a été primitivement constituée sans défaut; cest elle qui sappelle vraiment et proprement la nature de lhomme. En étendant le sens de cette expression, nous appelons aussi nature, celle que lhomme apporte en naissant; ainsi lApôtre a dit: « Car nous avons été par nature, enfants de colère comme les autres 4. » Cet ouvrage commence ainsi: « Si les Manichéens « choisissaient ceux quils veulent tromper. »
CHAPITRE XI.LES SIX LIVRES DE LA MUSIQUE.
1. Ainsi que je lai dit plus haut 5, jai écrit ensuite six livres sur la Musique; le sixième, surtout, a été le plus répandu, -parce quon y agite une question digne dêtre connue, à savoir comment, par les nombres corporels et spirituels, mais muables, on arrive aux nombres immuables, lesquels sont dans limmuable vérité elle-même, et comment ainsi on voit les perfections invisibles de Dieu par les choses quil a créées 6. Ceux qui ny peuvent parvenir, tout en vivant de la foi du Christ, en obtiennent la vue avec plus de félicité et de certitude après cette vie, Mais si ceux qui le peuvent, nont pas
1. Ibid. C. XXIX, n. 43. 2. Rom. V, 12. 3. Liv. II, C. XXIX, n. 43. 4. Eph. XI, 3. 5. Rétr. Liv. I, C. VI. 6. Rom. I, 20.
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la foi du Christ, du Christ, lunique médiateur entre Dieu et les hommes, ils périssent avec toute leur sagesse. 2. Lorsque jai dit, dans ce livre : « Les corps sont dautant meilleurs quils renferment plus de nombres pareils; mais lâme, en manquant de ceux quelle reçoit par le «corps, devient meilleure; puisquelle séloigne des sens charnels et quelle se réforme selon les nombres divins de la sagesse 1; »ces paroles ne doivent pas être prises comme sil ne devait pas y avoir de nombres corporels dans les corps incorruptibles et spirituels, puisquils doivent être beaucoup plus beaux et plus harmonieux : il ne faut pas non plus y voir la pensée que lâme ne doit pas y être sensible quand elle sera excellente, de même quelle devient meilleure ici-bas quand elle en est privée. Ici, en effet, lâme a besoin de séloigner des sens charnels pour comprendre les choses intellectuelles, parce quelle est faible et impropre à appliquer son attention aux uns et aux autres ensemble. Dans les objets corporels, elle doit fuir la séduction maintenant et aussi longtemps quelle peut être entraînée à de honteux plaisirs; mais alors elle sera si ferme et si parfaite que les nombres corporels ne pourront pas la détourner de la contemplation de la sagesse; elle y sera sensible sans en être séduite, et ne devra pas en être privée pour devenir meilleure; au contraire, elle sera si bonne et si droite que ces nombres corporels ne pourront la décevoir ni larrêter. 3. De même ces paroles: « La santé sera toute ferme et tout assurée, alors que notre «corps aura été rendu en son temps et selon u son ordre à sa stabilité première 2, » ne sont pas employées pour signifier quaprès la résurrection les corps ne seront pas meilleurs que ceux du premier couple dans le paradis, puisquils nauront pas à se nourrir des aliments corporels dont ceux-là se nourrissaient; mais la stabilité première doit être comprise en tant que ces corps ne souffriront plus aucune maladie, de même que ceux-là nen pouvaient souffrir avant le péché. 4. Ailleurs : « Lamour de ce monde est bien plus laborieux, ai-je dit. En effet, ce que lâme cherche en lui, à savoir la constance et léternité, elle ne ly trouve pas; car cette infime beauté du monde nexiste que par le mouvement des choses, et ce qui imite
1. Liv. VI, C. IV, n. 7. 2. Ibid, C. V, n. 13.
« en elle la constance lui vient de Dieu par lâme; par lâme qui ne changeant quavec le temps prime le monde qui change avec le temps et les lieux 1. » Si ces paroles peuvent être prises en ce sens quelles ne montrent linfime beauté que dans le corps des hommes et des animaux qui vivent avec le sentiment de leurs corps, elles sont manifestement fondées en raison. En effet, ce qui dans cette beauté imite la constance, cest la cohésion qui conserve ces corps dans leur identité tout le temps quils existent : et cela leur vient de Dieu par lâme. Car lâme est le lien de cette cohésion qui empêche la dissolution et la dispersion que nous voyons arriver dans les corps des animaux quand lâme les quitte. Mais si on entend cette infime beauté de tous les corps, une telle pensée contraint de croire que le monde aussi est animé. Dans ce cas, en effet, ce qui en lui imite la constance lui viendrait de Dieu par lâme. Or, cette pensée dun monde animé qua eue Platon et quont soutenue plusieurs autres philosophes, je nai pu ni la justifier par la raison, ni la démontrer par lautorité des divines Ecritures. Cest pourquoi si on a pu interpréter en ce sens quelquune de mes paroles, je lai notée déjà comme téméraire dans le livre de lImmortalité de lAme 2; non pas que jaffirme quil soit faux que le monde soit animé, mais parce que je ne comprends pas que ce soit vrai. Ce que je tiens comme inébranlablement assuré, cest que ce monde nest pas un Dieu pour nous, quil ait une âme ou nen ait point. Sil en a une, celui qui la faite est notre Dieu; sil nen a pas, ce monde ne peut être le Dieu de rien, encore moins peut-il être le nôtre. Cependant lors même que le monde naurait pas dâme, on croit avec beaucoup de raison quil y a en lui une vertu vitale et spirituelle; cette vertu dans les saints Anges sert à orner et à gouverner le monde pour la gloire de Dieu et lavantage de ceux mêmes qui ne la comprennent pas. Jappelle maintenant du nom de saints Anges toute sainte créature spirituelle consacrée au service secret et caché de Dieu; mais les divines Ecritures nont pas coutume de donner le nom dâmes aux esprits angéliques. Ainsi donc, dans ce que jai écrit vers la fin de ce livre : « Les nombres raisonnables et intellectuels des âmes bienheureuses et saintes reçoivent, sans aucune nature intermédiaire,
1. Ibid. C. XIV, n. 43. 2. Rétr. Liv. I, C. V, n. 3.
320 la loi de Dieu, de ce Dieu sans la volonté de qui une feuille ne tombe pas, de ce Dieu qui a compté tous les cheveux de notre tête; et ils transmettent cette loi jusquaux domaines de la terre et des enfers 1; » je ne trouve pas que ce mot dâmes puisse être usité daprès la sainte Ecriture, puisque je nai voulu parler ici que des saints Anges, et que je ne me souviens pas davoir jamais lu dans les livres canoniques quils aient des âmes. Ce livre commence ainsi : « Assez longtemps déjà. »
CHAPITRE XII.DU MAÎTRE. UN LIVRE.
Dans le même temps jai écrit un livre intitulé : du Maître. On y examine, on y recherche et on y trouve cette vérité quil ny a, pour enseigner la science à lhomme, dautre maître que Dieu, selon ce qui est écrit dans lEvangile : « Votre unique Maître est le Christ 2. » Ce livre commence ainsi: « Que vous semble-t-il que nous voulions réaliser quand nous parlons? »
CHAPITRE XIII.DE LA VRAIE RELIGION. UN LIVRE.
1. Cest aussi en ce moment que jécrivis le livre de la Vraie Religion. On y expose à fond et avec étendue que le seul vrai Dieu, cest-à-dire la Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, doit être lobjet du culte de la vraie religion; par quelle grande miséricorde ce Dieu a accordé aux hommes dans léconomie des temps la religion chrétienne, qui est la vraie religion, et combien lhomme doit sassujettir à ce culte divin par un genre de vie déterminé. Mais cest surtout contre les deux natures des Manichéens que ce livre sélève. 2. Je dis en un endroit: « Tenez pour manifeste et pour acquis quil naurait jamais pu y avoir derreur dans la religion, si lâme ne rendait les honneurs divins à lâme, au corps, ou à ses fantastiques imaginations 3. » Jai employé ici le mot dâme pour signifier toute créature incorporelle; en cela je nai pas suivi lusage des Ecritures. Quand elles se servent du mot âme sans métaphore, jignore si elles veulent quon comprenne seulement celle qui anime les animaux mortels, parmi lesquels sont les hommes eux-mêmes en tant que
1. Liv. VI, C. XVII, n; 28. 2. Matth. XXIII, 10. 3. C. X, II. 18.
mortels. Peu après, jai mieux et plus brièvement exprimé le même sens en disant: « Ne servons donc point la créature de préférence au Créateur, et ne nous perdons pas dans la vanité de nos pensées : voilà la religion parfaite 1. » En employant ici le seul mot de créature, jai désigné à la fois la créature spirituelle et la créature corporelle. Et au lieu des « fantastiques imaginations, » jai dit: « Et ne nous perdons pas dans la vanité de nos pensées.» 3. Quand jai ajouté: « Cest de notre temps la religion chrétienne dont la connaissance et la pratique fait la certitude et la sécurité du salut ; » jai eu égard au nom et non à la chose quil exprime. Car ce qui se nomme aujourdhui religion chrétienne, existait dans lantiquité et dès lorigine du genre humain jusquà ce que le Christ sincarnât, et cest de lui que la vraie religion qui existait déjà, commença à sappeler chrétienne. En effet lorsque, après sa résurrection et son ascension, les Apôtres se mirent à le prêcher et que beaucoup croyaient déjà, ses disciples commencèrent à être appelés chrétiens à Antioche dabord, comme il est écrit 2. Cest pourquoi jai dit : « Cest de notre temps la religion chrétienne, » non pas quelle nait point existé dans les temps antérieurs, mais parce quelle a reçu ce nom dans les temps postérieurs. 4. Ailleurs jai dit: « Appliquez-vous donc à ce qui suit, avec piété et avec soin, autant que vous le pourrez; car Dieu aide ceux qui sont tels 3. » Il ne faudrait pas comprendre ce mot tels dans le sens que Dieu naide que ceux qui sont tels, puisquil aide ceux-là mêmes qui ne le sont point pour les rendre tels, cest-à-dire quil les aide pour quils cherchent avec piété et avec diligence; tandis que ceux qui sont tels, il les aide pour quils trouvent. Plus loin : « Il sera ensuite équitable quaprès la mort corporelle, que nous devons au péché originel, ce corps soit rendu, à son temps et dans son ordre, à sa stabilité primitive 4. »Cette phrase doit se prendre dans le sens que la stabilité primitive du corps que nous avons perdue par le péché, comportait tant de félicité, quil ne devait pas éprouver le déclin de la vieillesse. Cette stabilité primitive lui sera restituée à la résurrection des morts. Il aura davantage encore; car il naura pas besoin
1. Ibid. XIX. 2. Act. XI, 26. 3. C. X, n. 18-20. 4. C. XII, n. 25.
dêtre entretenu par les aliments corporels. Mais il sera suffisamment animé par lesprit seul lorsquil ressuscitera pour sunir à un esprit vivifiant et que par là il sera devenu un corps spirituel; tandis que dans lorigine, bien quil ne dût pas mourir si lhomme neût pas péché, comme il était formé pour une âme vivante il était simplement un corps animal. 5. Ailleurs encore : «Le péché est un mal si volontaire, quil ny a pas de péché là où il ny a pas de volonté 1. » Cette définition peut paraître fausse; mais en la discutant avec soin, on trouve quelle est parfaitement vraie. En effet, il faut nommer péché ce qui est seulement péché, et non pas ce qui est aussi la peine du péché, comme je lai montré ci-dessus à propos dun passage du livre troisième du traité du Libre Arbitre 1. Néanmoins, même des actes quà bon droit on appelle des péchés involontaires, parce quils sont commis ou sans quon le sache, ou sous la contrainte, ne peuvent pas être commis absolument sans volonté. Car, celui qui pèche par ignorance, agit cependant volontairement, pensant accomplir un acte licite quand cet acte ne lest pas; et celui qui, dans la concupiscence de la chair contre lesprit, ne fait pas ce quil veut, éprouve à la vérité des désirs malgré lui; et, en cela, il fait ce quil ne veut pas; mais sil est vaincu, il consent volontairement à la concupiscence; et en cela il ne fait que ce quil veut: libre à légard de la justice, esclave à légard du péché. Quant au péché que dans les enfants on nomme péché originel, lorsquils nont pas encore lusage de leur libre arbitre, on na pas tort non plus de lappeler volontaire, puisque, contracté à lorigine par la volonté dépravée de lhomme, il est devenu en quelque façon héréditaire. Je nai donc pas été en faute quand jai dit: « Le péché est un mal si volontaire, quil ny a pas de péché sil ny a pas de volonté. »Cest pourquoi la grâce de Dieu enlève non-seulement les fautes antérieures chez tous ceux qui sont baptisés en Jésus-Christ, ce qui arrive par lesprit de régénération ; mais même dans les adultes, le Seigneur assainit la volonté et la prépare, ce qui arrive par lesprit de foi et de charité. 6. Dans un autre endroit, quand jai dit de Notre-Seigneur Jésus-Christ : « Il na rien fait par force, mais tout par conseil et par persuasion 3; » je navais pas présent à lesprit
1. C. XIV, n. 27. 2. Ci-dess., C. IX, n. 5. 3. C. XVI, n. 31
324
quil avait chassé à coups de fouet les vendeurs et les acheteurs du temple. Mais quest-ce que cela? Quelle en est limportance? Il est vrai aussi que, quand il chassait malgré eux les démons qui possédaient les hommes, il employait non le langage de la persuasion, mais la force de la puissance. Ailleurs aussi jai dit : « Il faut dabord suivre ceux qui enseignent quil ny a quun seul Dieu suprême, quun seul vrai Dieu, et quil faut ladorer seul; si la vérité ne brille pas en eux, il faudra alors quitter la place. » On pourrait croire que je parais en cela douter en quelque sorte de la vérité de cette religion. Jai écrit ces paroles dans le sens qui convenait à celui à qui je madressais; car lorsque jai dit: « Si la vérité ne brille pas en eux,» je nai jamais douté quelle ny brillât. Absolument comme parle lApôtre: «Si le Christ nest pas ressuscité 1; » et certes, il ne doute pas de sa résurrection. 7. Jai écrit en un autre passage : «La continuation de ces miracles jusquà notre temps na pas été permise, de peur que lâme ne cherchât toujours que des choses visibles, et de peur que le genre humain ne se refroidît par lhabitude à légard des merveilles dont « la nouveauté lavait enflammé 2. » Cela est très-vrai; maintenant, en effet, limposition des mains quon donne à ceux quon baptise, ne leur confère pas le Saint-Esprit, de façon quils parlent toutes les langues; les prédicateurs du Christ, quand ils passent, ne vont pas jusquà guérir les infirmes par leur ombre; les grands faits dalors ont cessé, cela est manifeste. Mais il ne faudrait pas prendre mes paroles dans ce sens, quil ny a point à croire quaucun miracle ne se fasse plus au nom du Christ. Moi-même, quand jai écrit ce livre, je savais quun aveugle avait été guéri à Milan près des corps des saints martyrs de cette ville 3. Il y a beaucoup dautres faits de ce genre qui arrivent de notre temps, tellement que nous ne pouvons les connaître tous, ni même énumérer tous ceux que nous connaissons. 8. Je me suis servi ailleurs de cette citation: « Tout ordre vient de Dieu, comme dit lApôtre. » Ce ne sont pas les propres paroles de lApôtre, quoique ce paraisse être sa pensée. Il dit : « Ce qui est, est ordonné de Dieu 4. »Ailleurs jai dit : « Que personne ne nous
1. I Cor. XV, n. 14. 2. C. XXV, n. 46, 47. 3. Saint Gervais et saint Protais. Conf. liv. IX, C. VII, n. 16. 4. Rom.. XIII, 1.
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trompe; tout ce qui est blâmé à bon droit « est rejeté en comparaison de ce qui est meilleur 1. » Cela sapplique aux substances et aux natures; car cest delles quon discutait et non des bonnes actions et des mauvaises. De même aussi ai-je dit : « Un homme ne doit pas être chéri dun autre homme comme sont chéris les frères, les fils, les époux, les parents, selon la chair; non plus que les voisins et les concitoyens; car cest là un amour temporel. Nous naurions pas, en effet, de telles affections qui dépendent de la naissance et de la mort, si notre nature, «persévérant dans laccomplissement des préceptes et dans la ressemblance de Dieu, nétait pas réduite à cette vie corruptible 2». Je désapprouve complètement cette pensée, que jai déjà blâmée au premier livre sur la Genèse contre les Manichéens 3. Elle conduit en effet à croire que les premiers époux nauraient pas engendré de postérité, sils navaient pas péché; comme sil axait été nécessaire que les hommes fussent destinés à la mort, pour être Produits par lunion de lhomme et de la femme. Je ne voyais pas encore comment il se pouvait que des êtres non destinés à la mort naquissent dautres êtres non destinés à la mort, si ce péché dorigine navait pas changé en pire la nature humaine; je ne voyais pas non plus que, si par suite la fécondité et la félicité avaient demeuré le partage des parents comme des enfants, il naîtrait, jusquà ce que fût atteint un nombre fixe de saints prédestinés de Dieu, des hommes qui devaient régner avec leurs pères vivants et non succéder â leurs parents défunts. Ces parentés et ces alliances existeraient donc, même si personne neût péché et que personne ne mourût. 9. De même, jai écrit en un autre endroit «Tendons vers le même Dieu, et reliant nos âmes à lui seul, ce qui est, à ce que lon croit, létymologie du mot religion, abstenons-nous de tout culte superstitieux 4. » Je préfère létymologie que je cite. Pourtant je nignore pas que des auteurs latins donnent au mot de religion une autre origine, le faisant venir non de religare, mais de religere, mot composé de legere, pour eligere, élire, choisir, doù religo, je choisis. Ce livre commence ainsi : « Comme toute voie de vie bonne et heureuse. »
1. C. XLI , n. 77-78. 2. C. XLVI, II. 88. 3. Rétr. Liv. C. X, n. 2. 4. C. LV, n. 111.
CHAPITRE XIV.DE LUTILITÉ DE LA FOI. UN LIVRE A HONORAT.
1. Jétais prêtre à Hippone lorsque jai composé le livre de lUtilité de la Foi que jai adressé à un de mes amis, séduit par les Manichéens. Je savais quil était encore engagé dans cette erreur, et quen se moquant il reprochait à la discipline catholique dobliger les hommes à croire, sans leur enseigner la vérité par des raisons absolument certaines. Jai dit dans ce livre 1: « Dans les préceptes et les ordonnances de la Loi quil nest pas aujourdhui permis à un chrétien dobserver, tels que le sabbat, la «circoncision, les sacrifices, et autres semblables, il y a de tels mystères, que toute âme pieuse comprendra que rien nest plus « périlleux que de les prendre au mot et à la lettre; rien de plus salutaire que de les en-« tendre dans lesprit. Aussi est-il écrit : La lettre tue et lesprit vivifie 2. » Dans le livre intitulé De lEsprit et de la Lettre, jai expliqué autrement ces paroles de lapôtre saint Paul, et, si je men crois, ou plutôt si jen crois à lévidence même des choses, avec beaucoup plus de convenance et de vérité. Cependant ce sens nest pas à rejeter. 2. Jai dit aussi : « Il y a deux ordres de personnes dignes de louanges dans la religion. Le premier se compose de celles qui lont déjà trouvée, et celles-là doivent être jugées bienheureuses. Le second se compose de celles qui la recherchent avec zèle et avec droiture. Les premières sont en possession, les autres sont sur le chemin; muais par ce « chemin, on est sûr darriver au but. » Si les bienheureux qui ont déjà trouvé, et qui sont en possession, ne sont plus en cette vie, mais en celle que nous espérons et où nous tendons par la foi, il ny a pas derreur dans mes paroles; car on doit affirmer que ceux-là ont trouvé ce quil faut chercher, puisquils sont arrivés là où en cherchant et en croyant, cest-à-dire en suivant la vie de la foi, nous espérons parvenir. Si au contraire on croyait quils sont, ou ont été bienheureux dès cette vie, cela ne serait pas exact; non pas quil ne puisse sy découvrir aucune vérité qui soit vue de lintelligence sans être crue par la foi; mais parce que tout ce qui est ici-bas ne va pas jusquà produire la béatitude. En effet, ce dont lApôtre dit:
1. C. III, 9 2. II Cor, III. 6.
323
«Nous voyons maintenant à travers un miroir en énigme, » et : « Maintenant je connais imparfaitement, » est vu par lesprit, vu pleinement, et cependant ne produit pas encore la béatitude. Ce qui la produit, lApôtre le dit: « Mais alors nous verrons face à face; » et « Alors je connaîtrai aussi bien que je suis connu 1. » Ceux qui ont trouvé cela sont, on peut le dire, établis dans la possession de la béatitude, à laquelle conduit le chemin de la foi que nous suivons, et à laquelle nous souhaitons darriver par la foi. Mais quels sont ces bienheureux qui sont déjà en possession du but où conduit cette route? cest. une grande question.. Que les saints anges y soient, il ny a pas de doute. Mais les hommes saints, déjà morts , peut-on dire quils soient réellement dans cette possession? Cest une question à examiner. Ils sont, il est vrai, délivrés, de ce corps de corruption qui est à charge à lâme; mais ils attendent encore eux-mêmes la rédemption de leurs corps; leur chair se repose dans Lespoir, mais elle ne brille pas encore de léclat de lincorruptibilité future. Du reste ce nest pas ici le lieu de rechercher sils nont pas moins la jouissance de la contemplation de la vérité par les yeux du coeur, et, comme il est écrit : « face à face. » Jai dit également: «Savoir ce qui est grand, ce qui est honnête, et même ce qui est divin, voilà la béatitude ; » il faut rapporter ces mots à la béatitude dont je viens de parler. Car, tout ce quon sait de cela dans la vie dici-bas, nest pas encore la béatitude; et ce quon en ignore .est incomparablement supérieur à ce quon cri sait. 3. Et ce que jai dit: « Il y a une grande différence entre ce que nous tenons par la ferme raison de notre intelligence, ce que nous appelons savoir, et ce que la renommée ou lhistoire recommandent à la croyance de la postérité; » et peu après: « Ce que nous savons, nous le devons à la raison; ce que nous croyons, à lautorité 2; » il ne faut pas le prendre en ce sens que dans le langage usuel nous craignions. de dire que nous savons ce que des témoins, dignes de foi nous engagent à croire. Quand nous parlons rigoureusement, nous ne disons savoir que ce que nous comprenons par la ferme raison de notre intelligence. Quand nous parlons selon des termes plus habituels, comme parle elle-même
1. I Cor. XIII, 12. 2. C. XI, n. 25.
la divine Ecriture, nhésitons pas à dire que nous savons, et ce que nous percevons par les sens de notre corps, et ce que nous croyons sur des témoignages dignes de foi. Il suffit que nous comprenions la distance quil y a entre lun et lautre. 4. Quand jai dit : « Personne ne saurait «douter que tous les hommes sont ou des fous ou des sages 1; » cette parole peut paraître contraire à ce que jai dit dans le troisième livre du Libre Arbitre: « Comme si la nature « humaine navait pas une sorte de milieu entre «la folle et la sagesse 2 ! » Mais dans le premier passage il sagissait dexaminer si le premier homme a été créé sage ou insensé, ou ni lun ni lautre. On ne pouvait pas appeler insensé celui qui avait été créé sans défaut, puisque la folie est un grand défaut; dun autre côté, comment appeler sage celui qui a pu être séduit? Jai donc dit en manière de résumé «Comme si la nature humaine navait pas une « sorte de milieu entre la sagesse et la folie. » Javais aussi en vue les petits enfants que nous reconnaissons entachés du péché originel mais que nous ne pouvons, proprement appeler ni sages ni fous, puisquils nusent encore de leur libre arbitre ni en bien ni en mal. Et quand jai dit ici que tous les hommes sont sages ou fous, jai voulu parler de ceux qui usent de leur raison, laquelle les distingue des animaux et fait quils sont hommes. Cest dans le même sens que nous disons que tous les hommes veulent être heureux. En effet, en émettant cette pensée si vraie et si évidente, est-ce que nous craignons quon ny comprenne les enfants qui ne peuvent pas avoir encore une volonté pareille? 5. Ailleurs, rappelant ce que le Seigneur Jésus a fait lorsquil était en ce monde, jai ajouté: « Pourquoi ces merveilles ne sopèrent-elles plus aujourdhui ? » Et jai répondu : « Parce quelles nauraient pas la puissance démouvoir si elles nétaient pas des merveilles, et elles ne seraient plus merveilles si elles étaient habituelles 3. » Jai voulu dire quil ne sen opère plus daussi grandes et daussi nombreuses, et non pas quil ne sen opère plus du tout. 6. A la fin du livre on lit : «Mais comme notre discours sest prolongé beaucoup plus que je ne pensais, arrêtons-le ici; je souhaite que vous vous souveniez que je nai pas
1. C. XII, n. 27. 2. C. XXIV, n. 71. 3. C. XVI, n. 34.
324 encore commencé de réfuter les Manichéens, que je nai pas abordé leurs niaiseries et que je ne vous ai rien découvert des grandeurs de lEglise catholique. Jai voulu seulement détruire en vous, si je le pouvais, la fausse opinion qui nous avait été suggérée avec malice et maladresse, à propos des vrais chrétiens, et vous engager à vomis livrer aux grandes et divines études. Que ce volume reste donc ce quil est; ayant calmé votre esprit, je serai peut-être mieux disposé et plus habile sur le reste 1.» Je nai pas entendu dire par là que je neusse encore rien écrit contre les Manichéens, ou que je neusse en rien traité de la doctrine catholique, puisque tant de volumes antérieurs prouvent que je nai gardé le silence ni sur lun ni sur lautre de ces sujets; mais cest que dans ce livre, adressé à Honorat, je navais pas encore commencé à réfuter le manichéisme, ni abordé ses niaiseries, ni rien dévoilé des grandeurs de la Religion catholique; jespérais en effet, après ce commencement, pouvoir lui écrire ce que je navais pas écrit ici. Ce livre commence ainsi: « Sil semblait que ce fût pour moi, Honorat, une seule et même chose. »
CHAPITRE XV.DES DEUX ÂMES, CONTRE LES MANICHÉENS. UN LIVRE.
1. Après cet ouvrage, et étant encore prêtre, jai écrit contre les Manichéens un traite sur ces deux âmes dont ils prétendent que lune est une partie émanée de Dieu, tandis que lautre est de la race des ténèbres que Dieu na pas constituée, et qui lui est coéternelle. Ils ont la folie de dire que le même homme a ces deux âmes, lune bonne, lautre mauvaise; la mauvaise, propre à la chair, quils estiment elle-même être de la race des ténèbres ; la bonne, issue dune partie émanée de Dieu, partie qui aurait lutté avec la race des ténèbres et qui aurait produit le mélange de lune et de lautre. Ils attribuent tous les biens de lhomme à cette âme bonne et tous ses maux à la mauvaise. Or, quand, dans ce livre, jai dit: « Il ny a pas de vie quelconque qui, par cela même quelle est la vie et en tant quelle « lest, nappartienne au principe souverain « et à la source de la vie 2; » je lai dit dans ce sens que la créature appartient au Créateur
1. C. XVII, n. 36. 2. C. I, n. 1.
et non pas quelle est une partie de lui-même. 2. De même ce que jai dit que « nulle part il ny a de péché sinon dans la volonté, » les Pélagiens peuvent sen prévaloir, au sujet des enfants qui, selon eux, nauraient pas de péché à remettre par le baptême, parce quils nont pas lusage de leur libre arbitre. Mais est-ce que le péché quils ont contracté originellement, cest-à-dire en étant impliqués dans la faute et par conséquent soumis à la peine de cette faute, a pu être ailleurs que dans la volonté, volonté qui la commis au moment où a eu lieu la transgression du précepte divin? On pourrait aussi trouver fausse cette maxime : «Nulle part il ny a de péché que dans la volonté,» en la rapprochant des paroles de lApôtre : «Si je fais ce que je ne veux pas, ce nest pas moi qui opère, mais le péché qui habite en moi. » En effet ce péché est si peu dans la volonté que lApôtre dit: « Ce que je ne veux pas, je le fais. » Comment donc alors dire que le péché ne saurait être ailleurs que dans la volonté? Le voici : ce péché dont parle lApôtre est nommé péché parce quil est la suite du péché et la peine du péché. En effet, il sagit ici de la concupiscence de la chair, comme il le montre par la suite lorsquil dit : « Je sais que le bien nhabite pas en moi, cest-à-dire dans ma chair; car le vouloir réside en moi, mais accomplir le bien, je ne ly trouve pas 1. » La perfection du bien, en effet, cest que la concupiscence elle-même ne soit pas dans lhomme; je parle de cette concupiscence à laquelle, quand on vit bien, la volonté ne consent pas. Mais lhomme naccomplit pas le bien parce quil y a en lui la concupiscence à laquelle répugne la volonté. Le baptême enlève la culpabilité de cette concupiscence, mais linfirmité demeure; et tout fidèle qui avance bien, lutte contre cette infirmité avec le plus grand soin jusquà ce quelle soit guérie. Quant au péché qui nest jamais ailleurs que dans la volonté, cest particulièrement celui qua suivi une juste condamnation. Cest celui-là qui est entré dans le monde par un seul homme. Toutefois le péché par lequel on consent à la concupiscence du péché ne se commet jamais sans la volonté. Aussi ai-je dit ailleurs: « On ne « pèche que par la volonté 2. » 3. En un autre endroit, jai défini la volonté elle-même ainsi: « La volonté est un mouvement
1. Rom. VII, 16-18. 2. C, IX, n. 12.
de lâme, exempt de toute coaction, et qui se porte à acquérir une chose ou à ne la pas perdre 1. » Cette définition a été adoptée afin de discerner qui veut et qui ne veut pas; et ainsi la pensée se reporte à ceux qui, dans le Paradis, furent les premiers la source du mal pour le genre humain, et qui ont péché, personne ne les y forçant, mais de leur libre volonté, agissant contre le précepte et le sachant, le tentateur les y engageant mais ne les forçant point. Celui, en effet, qui pèche sans le savoir, on peut dire avec raison quil pèche sans le vouloir, quoiquil ait fait volontairement ce quil a fait par ignorance; aussi, même chez lui, il ny a pas eu de péché sans volonté. Cette volonté, ainsi quelle a été définie, a été en lui un mouvement de lâme, exempt de toute coaction, et se portant à acquérir une chose ou à ne pas la perdre. Ce quil naurait pas fait sil navait pas voulu, il nétait pas forcé à le faire. Il la donc fait parce quil a voulu; mais il na pas péché parce quil a voulu, puisquil ne savait pas que ce quil a fait fût un péché. Aussi un tel péché na pas pu être sans volonté; mais il ny a eu que volonté de fait et non volonté de péché, quoique le fait fût péché; car on a fait ce qui ne devait pas être fait. Quiconque pèche sciemment, sil peut résister sans péché à celui qui le force à pécher, et sil ne le fait pas, pèche volontairement; car qui peut résister, nest pas forcé de céder. Mais celui qui ne peut pas résister dune volonté ferme à la coaction de la cupidité, agit ainsi contre les préceptes de la justice; et cest là un péché qui est aussi la peine du péché. Cest pourquoi il est de la plus profonde vérité quil ny a pas de péché sans la volonté. 4. De même la définition que jai donnée du péché: « Le péché est une volonté de retenir ou dacquérir ce que défend la justice u et ce dont on est libre de sabstenir 2, » est vraie; parce quelle ne sapplique quau péché et non à ce qui est aussi la peine du péché. En effet, quand le péché est de telle nature quil est aussi la peine du péché, que peut la volonté sous la pression dominante de la cupidité, sinon, lorsquelle est pieuse, de prier et dimplorer secours? Elle nest libre quen tant quelle a été délivrée; et cest en cela seulement quelle sappelle volonté. Autrement il la faudrait appeler plutôt cupidité que volonté; et cette cupidité nest pas, comme le disent
1. C. IX, n. 14. 2. C. XI,n.15 :
faussement les Manichéens, une addition dune nature étrangère, mais un vice de notre nature qui ne se peut guérir que par la grâce du Sauveur. Que si lon veut dire que la cupidité elle-même nest rien autre que la volonté, mais pervertie et asservie au péché, il ny a pas à contredire; et pourvu que la chose soit constante, il ny a point à disputer sur les mots. Et ainsi se trouve encore démontré que, sans volonté, il ny a pas de péché ni originel ni actuel. 5. De nouveau jai dit: « Javais commencé à chercher si cette mauvaise espèce dâmes avait eu quelque volonté avant dêtre mêlée à la bonne espèce. Si elle nen avait pas, elle était innocente et sans péché; et en conséquence elle nétait pas mauvaise 1.» Pourquoi donc alors, me répond-on, parlez-vous de péché chez les enfants dont vous ne tenez pas la volonté pour coupable? Je réplique : Les enfants sont coupables non par leur volonté propre, mais par leur origine. Tout homme vivant sur cette terre, de qui tire-t-il son origine, sinon dAdam? Or, Adam avait certes bien sa volonté; et quand il eut péché par cette volonté, le péché est entré par lui dans le monde. 6. De même, pour ces paroles : «Les âmes ne peuvent nullement être mauvaises par nature; » si on me demande comment je les accorde avec celles de lApôtre : « Nous étions par nature enfants de colère comme les autres 2, » je répondrai quen me servant du mot nature, jai voulu le prendre dans son acception propre, à savoir la nature dans laquelle nous avons été créés et qui est sans défaut. Lautre acception se prend de la nature entendue en vue de notre origine, origine souillée, ce qui est contre la nature. Ainsi encore, à propos de cette phrase : «Tenir quelquun pour coupable de péché parce quil na pas fait ce quil na pu faire, cest le comble de liniquité et de la folie; » eh bien! me dit-on, pourquoi tenez-vous les enfants pour coupables? Parce quils le sont dorigine en celui qui na pas fait ce quil pouvait faire, à savoir, garder le précepte divin. Dailleurs, ce que jai dit: « Si tout ce que font ces âmes, elles le font naturellement et non volontairement, cest-à-dire si elles manquent du libre mouvement pour faire ou ne pas faire; ou si elles nont pas la puissance de sabstenir de leurs actes, elles ne peuvent pas être arguées de péché; » cela, dis-je, nest en rien affecté
1. C. XVI, n. 17. 2. Ephés. II, 3.
326
par la question des enfants; car ils sont tenus pour coupables à cause de lorigine quils tirent de celui qui a péché volontairement, puisquil avait le libre mouvement pour faire ou ne pas faire et possédait la plus grande puissance pour sabstenir du mal. Ce que les Manichéens ne disent point de cette race de ténèbres quils ont fabuleusement inventée et à laquelle ils attribuent une nature qui a été toujours mauvaise et jamais bonne. 7. On peut demander pourquoi jai dit : «Quand même il y aurait des âmes, ce qui est incertain, livrées non par le péché mais par nature, aux fonctions corporelles, et quand même elles nous toucheraient, quoiquinférieures à nous, par une sorte de voisinage intime, il ne faudrait pas cependant les tenir pour mauvaises, parce que nous, en les suivant et en aimant les choses corporelles, nous serions mauvais; » on pourrait, dis-je, demander pourquoi jai parlé ainsi de ces âmes dont auparavant javais dit: «Concédât-on aux Manichéens que nous sommes entraînés aux choses honteuses par une espèce inférieure dâmes, ils nen peuvent pas conclure que ces âmes soient mauvaises par nature, ni que les autres soient le souverain bien 1. » Jai conduit lexamen et létude de ce point jusquà ce passage : « Quand même il y aurait des âmes, ce qui est incertain, etc. » On peut donc demander pourquoi jai dit: « Ce qui est incertain, » lorsque je naurais pas dû mettre en doute quil ny a pas dâmes pareilles. Mais voici pourquoi je une suis exprimé ainsi : cest que jai rencontré des personnes qui prétendaient que le démon et ses anges sont bons dans leur genre et dans la nature où Dieu les a créés, tels quils sont et par un dessein particulier; que le mal, cest de nous laisser charmer et séduire par eux; le bien et la gloire, de nous en défier et de les vaincre. Et ceux qui parlent de la sorte se figurent prouver leur assertion par des témoignages tirés de lEcriture: ainsi, dans le livre de Job 2, quand le démon est défini : « Cest le chef-doeuvre du Seigneur, qui la fait pour sen jouer par ses anges, » ou ce verset du psaume : « Cest le dragon que vous avez créé pour vous jouer de lui 3. » Cette question, qui ne regarde pas les Manichéens, lesquels nont pas dopinion semblable, mais qui regarde ceux qui partagent cette manière de voir, je nai pas voulu
1. C. XIII, n. 20. 2. Job. XL, 14. 3. Ps. CIII, 26.
la traiter en ce moment et la résoudre, car elle aurait augmenté mon livre plus que je ne le désirais. Je voyais dailleurs que même en concédant ce point, les Manichéens pouvaient et devaient être convaincus dintroduire une erreur insensée, à savoir la nature du mal coéternelle au bien éternel. Aussi ai-je dit: « Ce qui est encore incertain; » non pas que jen doutasse moi-même, mais parce que la question navait pas encore été résolue entre moi et les adversaires que javais en vile. Je lai résolue du reste, dans mes livres écrits longtemps après sur la Genèse prise à la lettre, daprès les saintes Ecritures et avec autant de clarté que jai pu. 8. Ailleurs je dis : « Nous péchons en aimant les choses corporelles, parce que la justice nous ordonne daimer les choses spirituelles, que la nature nous en donne la possibilité et qualors, dans notre espèce, nous sommes très-bons et très-heureux 1.» On pourrait me demander pourquoi jai dit: « La nature, » et non pas « la grâce » nous en donne la possibilité. Mais le débat sur la nature était alors contre les Manichéens. Et ce que fait la grâce, cest de guérir la nature afin quelle puisse, étant guérie, ce quelle ne peut pas étant viciée, et quelle le puisse par Celui qui est venu chercher et sauver ce qui périssait. Cette grâce, même alors, je lai implorée pour unes plus tendres amis qui étaient encore livrés à cette mortelle erreur et jai dit: «Dieu grand, Dieu tout-puissant, Dieu souverainement bon, vous quil est permis de croire et de comprendre inviolable et immuable, Unité et Trinité tout ensemble, vous quadore lEglise catholique, je. vous en supplie et vous en conjure, moi qui ai éprouvé votre miséricorde, ne permettez pas que des hommes avec qui jai, depuis mon enfance, vécu toujours dans la plus affectueuse concorde, soient en désaccord avec moi sur le culte qui vous est dû 2! » En priant de la sorte, je gardais la foi non-seulement que Dieu seul par sa grâce aide les convertis, afin quils progressent et se perfectionnent, sur quoi lon peut dire aussi que cette grâce est accordée au mérite de leur conversion; mais encore que cest à la grâce de Dieu quil appartient dopérer la conversion même. Car jai prié pour ceux qui étaient bien éloignés de Dieu, et jai demandé quils revinssent à lui.
1. C. XIII, n 20 2. C. XV, n 24.
327
Ce livre commence ainsi : « Avec laide de la miséricorde divine. »
CHAPITRE XVI.ACTES CONTRE FORTUNAT, MANICHÉEN. UN LIVRE.
1. Dans le même temps, durant ma prêtrise, jai discuté contre un certain Fortunat, prêtre manichéen, qui avait vécu longtemps à Hippone et y avait séduit tant de personnes, que ce séjour lui était devenu très-agréable à cause de ses adeptes. Cette discussion fut recueillie au moment même par des sténographes, comme sil sagissait de faits mémorables; car la relation porte la date du jour et lindication du Consulat. Cest cette discussion que nous avons pris soin de réunir en un livre. On y traite la question de lorigine du mal. Jaffirmais que le mal vient pour lhomme du libre arbitre de sa volonté; et lui, sefforçait détablir lue la nature du mal est coéternelle à Dieu. Le jour suivant il finit par avouer quil ne trouvait plus rien à nous répondre. Toutefois il ne se fit pas catholique, mais du moins il quitta Hippone. 2. Ce que jai dit en ce livre: que «lâme est faite par Dieu, comme toutes les autres choses qui ont été faites par lui; et quentre tout ce que le Dieu tout-puissant a fait, elle occupe le rang principal 1; » ne se doit prendre que dans le sens général qui sapplique à toute créature raisonnable, bien quil soit difficile, ainsi que je lai dit, de trouver dans les saintes Ecritures le nom dâme appliqué aux Anges. De même ailleurs: «Je dis quil ny a pas de péché si on ne pèche pas jar sa propre volonté 2. » Jai voulu entendre ici le péché qui nest pas en même temps la peine du péché; car jai expliqué dans celte discussion même ce quil faut dire de cette peine 3. Jai dit encore: « Afin que cette même chair, qui nous a torturés de ses peines quand nous demeurions dans le péché, nous soit soumise dans la résurrection, et quelle ne nous tourmente daucune souffrance pour nous empêcher de garder la loi et les préceptes divins 4. » Il ne faudrait pas comprendre ces paroles en ce sens que dans le royaume de Dieu, où nous posséderons nos corps incorruptibles et immortels, nous ayons à emprunter aux divines Ecritures la loi et les préceptes; mais dans ce sens que
1. Disc. I, n. 13. 2. Disc. II, n. 21. 3. Disc. I, n. 15. 4. Disc. II, n.22.
la loi éternelle sera là, parfaitement observée, et que nous trouverons les deux préceptes de lamour de Dieu et du prochain non dans la lecture, mais dans la charité parfaite et éternelle. Cet ouvrage commence ainsi: « Le cinq des calendes de septembre, les très-illustres Arcadius, Auguste pour la deuxième fois, et Rufin étant consuls. »
CHAPITRE XVII.DE LA FOI ET DU SYMBOLE. UN LIVRE.
Vers la même époque, par lordre et en présence des évêques qui célébraient à Hippone un concile plénier de toute lAfrique, je fis, étant prêtre, une conférence sur la foi et sur le symbole. Cest cette conférence dont jai formé un livre, sur les instances pressantes de quelques-uns de nos plus chers et intimes amis. Jy disserte sur ces grands sujets, en mattachant plus aux choses elles-mêmes quà larrangement des mots que lon donne à retenir à ceux qui demandent le baptême. Parlant dans ce livre de la résurrection de la chair, je dis : « Selon la foi chrétienne, qui est infaillible, le corps ressuscitera. Cette vérité paraît incroyable à qui ne fait attention quà la chair en son état actuel, et ne considère pas ce quelle doit être dans son état futur : dans ce temps dangélique changement, il ny aura plus de chair et de sang, il ny aura plus quun corps 1. » Ajoutez tout ce que jai enseigné sur la commutation des corps terrestres en corps célestes , selon ce que dit lApôtre : «La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu. » Si lon comprenait mes paroles en ce sens que le corps terrestre tel que nous lavons sera changé par la résurrection en un corps céleste, de telle façon quil nait ni ses membres ni la substance de sa chair actuelle, ce serait une erreur, et il la faudrait corriger. Car nous savons que le corps de Notre-Seigneur, après sa résurrection, a été non-seulement montré aux regards avec les mêmes membres, mais sest livré au toucher, et que lui-même confirmait la réalité de sa chair par ces paroles : « Voyez et touchez : un esprit na pas de chair et dos comme vous «voyez que jen ai 2. » Doù il suit que lApôtre na pas nié que la substance de la chair ne se retrouvât au royaume de Dieu; il a voulu seulement, par ce nom de chair et de
1.C. X, n. 23. 2. Luc, XXIV, 39. -
328
sang, désigner ou les hommes qui vivent selon la chair, ou bien la corruption de la chair, qui nexistera plus alors. Lorsquen effet il dit: « La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu, » on comprend bien quil explique lui-même ce quil a dit en ajoutant aussitôt: « Et la corruption ne possédera pas lincorruptibilité 1. » Sur ce point difficile à persuader aux infidèles, on trouvera une dissertation aussi complète que jai pu la faire dans mon dernier livre de la Cité de Dieu. Ce livre commence ainsi : « Puisquil est écrit. »
CHAPITRE XVIII.COMMENTAIRE LITTÉRAL SUR LA GENÈSE. UN LIVRE INCOMPLET.
Javais composé les deux livres sur la Genèse contre les Manichéens; ayant commenté les paroles de la sainte Ecriture au sens allégorique, et nayant pas osé alors expliquer les secrets des choses de la nature selon le sens littéral, cest-à-dire selon la propriété historique qui doit être attribuée aux récits du livre saint, jai voulu essayer mes forces sur cette entreprise si difficile et si laborieuse; mais mon inexpérience dans lexposition des Ecritures a succombé sous un si lourd fardeau. Javais à peine achevé un premier livre que je dus renoncer à ce travail, trop considérable pour moi. En me livrant à la révision de mes écrits, ce livre me tomba sous la main, tout imparfait quil est. Je ne lui avais pas laissé voir le jour et javais résolu de lanéantir, ayant écrit depuis douze livres de commentaire littéral sur la Genèse. Bien quil y ait dans ces livres beaucoup plus de questions posées que résolues, mon premier traité ne saurait leur être comparé. Toutefois après lavoir revu, jai voulu le conserver comme une preuve, non sans intérêt, à ce que je crois, de mes premiers essais pour étudier et élucider les Ecritures sacrées, et je lui ai donné pour titre : De la Genèse, commentaire littéral inachevé. Je lai trouvé dicté jusquà ces mots : « Le Père est seulement Père, et le Fils nest pas autre que Fils; aussi quand on appelle le Fils ressemblance de son Père, bien quon ne montre aucune dissemblance avec le Père, le Père nest cependant pas seul, sil a une ressemblance 2 ; » puis jai reproduit
1. I Cor. XV, 50. 2. C. XVI, n. 60
les paroles de la sainte Ecriture que javais à examiner de nouveau: « Et Dieu dit : Faisons lhomme à notre image et à notre ressemblance 1. » Javais laissé là le livre inachevé. Jai pensé en le revisant, quil y fallait ajouter ce qui suit; et cependant je ne lai pas achevé complètement, car cette addition ne le termine pas. Si je leusse terminé en effet, jaurais au moins étudié les oeuvres et les paroles divines qui appartiennent au sixième jour. Il ma paru inutile de relever dans ce livre ce qui peut me déplaire et de défendre ce qui peut ne pas être bien compris. Je me borne à avertir brièvement quil vaut mieux lire les douze livres que, longtemps après et étant évêque, jai écrits sur ce sujet; cest daprès eux quil en faut juger. Il commence donc ainsi: « Il sagit de traiter, non en manière daffirmation, mais à titre de recherches, des secrets de ces choses naturelles que nous savons produites de Dieu, le souverain artisan. »
CHAPITRE XIX.DU SERMON SUR LA MONTAGNE. DEUX LIVRES.
1. Cest vers le même temps que jécrivis deux volumes du sermon sur la montagne selon saint Matthieu. Quant à ce quon lit au premier de ces livres : « Bienheureux les pacifiques, parce quils seront appelés enfants de Dieu 2; » « la sagesse, dis-je, appartient aux pacifiques, dans lesquels tout est déjà en ordre, chez lesquels il ny a pas de mouvement rebelle à la raison, mais où tout obéit à lesprit de lhomme, qui lui-même obéit à Dieu 3; » il faut que je mexplique. Il ne peut en effet arriver à personne en cette vie, de navoir point dans ses membres une loi qui répugne à la loi de lesprit. Quand même lesprit de lhomme résisterait à cette loi, au point que jamais sa volonté ne faillit, cependant la répugnance et la lutte y seraient. Cette parole: « Il ny a pas de mouvement rebelle à la raison, » ne se peut donc prendre que dans ce sens que les pacifiques domptent les concupiscences de la chair pour arriver un jour à la paix pleine et entière. 2. Aussi, lorsquensuite, répétant cette sentence de lEvangile : « Bienheureux les pacifiques, parce quils seront appelés enfants de Dieu 4, » jai ajouté: « On y peut arriver
1. Gen. X, 26. 2. Matth. V, 9. 3. Liv. I, C. IV, n. 11. 4. Matth. V, 9.
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même en cette vie, comme nous croyons que les Apôtres y sont parvenus 1; » cela ne se doit pas entendre dans le sens que les Apôtres, durant leur vie, néprouvaient aucun mouvement de la chair contraire à lesprit; mais que lon peut arriver jusquoù nous croyons que les Apôtres sont parvenus, cest-à-dire, dans la mesure de la perfection humaine aussi complète quelle peut être dans cette vie. Je nai pas dit: « On peut y arriver dans cette vie, car nous croyons que les Apôtres y sont arrivés, »mais « comme nous croyons que les Apôtres y sont arrivés; » en sorte quon y arrive comme ils y sont parvenus, cest-à-dire dans la perfection quils, ont atteinte et qui est celle dont la vie présente est capable, non pas celle que nous espérons un jour posséder dans la paix parfaite quand nous dirons: « O Mort, où est ton aiguillon 2? » 3. Ailleurs 3, en citant ce témoignage: « Dieu ne donne pas lesprit en le mesurant 4, » je navais pas compris que ce passage ne sappliquait avec vérité quà Jésus-Christ. En effet, si Dieu ne donnait pas son esprit aux autres hommes en le mesurant, Elisée nen aurait pas demandé le double de ce quavait reçu Elie. En exposant cette parole: « Il ne sera pas enlevé un iota, pas un accent à la loi avant que toutes ces choses arrivent 5, » jai dit quon ne pourrait la comprendre que comme lexpression véhémente de la perfection 6. Alors naturellement on peut me demander. si cette perfection peut sentendre en ce sens quil soit vrai que personne, usant de son libre arbitre, ne puisse vivre ici-bas sans péché. Par qui en effet la loi peut-elle être accomplie jusquà un accent, sinon par celui qui observe tous les préceptes divins? Or, dans ces préceptes il y en a un qui nous ordonne de dire: « Pardonnez-nous nos péchés comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés 7, » et cette prière, lEglise tout entière la dit et la redira jusquà la fin des siècles. Donc tous les préceptes sont regardés comme accomplis, quand tout ce qui ne se fait pas est pardonné. 4. Assurément ce que dit le Seigneur: « Quiconque violera un seul de ces moindres commandements, et enseignera ainsi, » et le reste, jusquà ces mots : « Si votre justice nest pas plus abondante que celle des scribes et des
1. Liv. I, C. IV, n. 12. 2. I Cor; XV,55. 3. Liv. I, C. VI, n. 17. 4. Jean, III, 34. 5. Matth. V, 18. 6. Liv. I, C. VIII, n. 20. 7. Matth. VI, 12.
pharisiens, vous nentrerez pas dans le royaume des cieux 1;» je lai beaucoup mieux exposé dans mes discours postérieurs; mais il serait trop long de le répéter en ce moment. Le sens donné ici à ces paroles 2, cest que ceux qui disent et qui font, ont une justice plus grande que celle des scribes et des pharisiens. Car Notre-Seigneur dit des pharisiens et des scribes : « Ils disent et ils ne font pas 3.» Nous avons aussi beaucoup mieux compris dans la suite la parole: « Celui qui se met en colère contre son frère 4. » Les manuscrits grecs ne portent pas: « sans cause, » comme je lai mis, quoique le sens soit le même. En effet jai dit quil fallait considérer ce que cest que de se mettre en colère contre son frère; or, ce nest pas se mettre en colère contre son frère que de sirriter du péché de son frère; celui-là donc qui sirrite non contre le péché, mais contre son frère, se met en colère sans cause. 5. De même lorsque jai écrit : « Cest du père et de la mère, et des autres liens du sang quil faut comprendre cette parole , pour haïr en eux ce que le genre humain tire de la naissance et de la mort 5; » il semble que jai voulu dire que ces liens naturels ne dussent pas exister au cas où lhomme nayant pas péché, personne neût été soumis à la mort; ce sens-là, je lai réprouvé plus haut. Il y aurait eu, en effet, des parentés et des alliances, même si le péché originel neût pas été commis, et que le genre humain eût crû et se fût multiplié sans mourir. Cest ce qui doit servir à résoudre autrement cette question : pourquoi Dieu nous a ordonné daimer nos ennemis 6 tandis quailleurs il nous a ordonné de haïr nos parents et nos enfants 7 ? Elle ne doit pas en effet être résolue comme nous lavons fait ici, mais comme nous lavons souvent fait postérieurement, à savoir: nous devons aimer nos ennemis pour les gagner au royaume de Dieu, et haïr nos parents, sil nous en éloignent. 6. Semblablement, le précepte qui interdit à un mari de répudier sa femme, si ce nest pour cause de fornication, je lai discuté ici avec le soin le plus scrupuleux 7. Mais quelle est la fornication pour laquelle le Seigneur permet la répudiation? Est-ce celle qui se compte parmi les crimes honteux, ou celle
1. Ibid. V, 18-20. 2. Liv. I, C. XX, n. 21. 3. Matth. XXIII. 4. Ibid. V, 22. 5. Liv. I, C. XV, n. 4l. 6.Matth. V, 44. 7. Luc, XIV,26. 8. Liv. I, C. XCI.
330
de laquelle il est écrit: «Vous avez perdu quiconque commet une fornication contre vous 1,» et dont la première fait aussi partie; car il nest pas sans commettre la fornication contre Je Seigneur celui qui corrompt les membres du Christ et les transforme en membres dune courtisane? Voilà ce quil faut examiner, rechercher et méditer à fond. En une matière si importante et si difficile, je ne voudrais pas que le lecteur pût penser que ma discussion suffise; quil veuille bien, au contraire, lire dautres écrits, soit ceux que jai composés depuis, soit ceux qui ont été mieux rédigés et médités par dautres. Que lui-même, sil le peut, débatte dans son intelligence avec plus de sagacité et de prudence les raisons qui peuvent à bon droit être invoquées ici. En effet tout péché nest pas une fornication; Dieu ne perd pas tous les pécheurs, lui qui chaque jour exauce les saints qui lui disent: « Pardonnez-nous nos péchés 2; » et cependant il condamne, il perd quiconque commet une fornication contre lui. Quelle est donc cette fornication? Comment lentendre et comment la limiter? Est-il aussi permis pour elle de répudier une épouse? La question est des plus obscures. Quant à la permission de répudier basée sur la fornication en tant que crime honteux, cela rie fait pas de doute. Seulement, quand jai dit que cette répudiation était permise mais non ordonnée, je navais pas fait attention à cette autre parole de lEcriture « Celui qui garde une adultère est un fou et un impie 3. » Il est bien entendu que je nappellerai pas non plus adultère la femme de qui le Seigneur a dit: « Moi je ne vous condamnerai pas, allez et ne péchez plus 4, » pourvu quelle lui ait obéi. 7. En un autre endroit jai défini le péché mortel contre un frère, duquel saint Jean dit « Je ne dis pas que personne prie pour lui 5;» je lai défini, dis-je, en ces mots: « Le péché mortel contre un frère est, je pense, celui que lon commet quand, après que lon a connu Dieu par la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lon porte atteinte à la fraternité et que lon est poussé, par les flammes de lenvie, contre cette grâce par laquelle on a été réconcilié avec Dieu 6 ». Je nai pas prouvé mon dire, parce que je lai énoncé comme étant seulement ma pensée. Mais il fallait ajouter:
1. Ps. LXVII, 27. 2. Matth. VI, 12. 3. Prov. XVIII, 22. 4. Jean, VIII, 11. 5. I Jean, V, 16. 6. Liv. I, C. XXII, n. 73.
si toutefois on achève sa vie dans cette atroce perversité; car il ne faut jamais désespérer ici-bas même des plus méchants; et on a raison de prier toujours pour celui de qui on ne désespère pas. 8. Dans le second livre je dis: « Il ne sera permis à personne dignorer le royaume de Dieu, lorsque le Fils unique de Dieu sera venu du ciel non-seulement dune façon intelligible, mais dune façon visible comme homme du Seigneur, pour juger les vivants et les morts 1. » Je ne pense pas que lon puisse se servir à bon droit de cette expression, homme du Seigneur, pour le Médiateur entre Dieu et les hommes, pour Jésus-Christ homme, puisquil est le Seigneur. Quel est en effet lhomme de qui on ne puisse pas dire dans sa sainte famille quil est lhomme du Seigneur? Si je me suis servi de ce terme, cest que je lai lu dans quelques écrivains catholiques, interprètes des saintes Ecritures. Je voudrais ne pas lavoir employé partout où je men suis servi. En effet jai vu plus tard quil nétait pas absolument propre, quoiquil puisse se défendre par quelques bonnes raisons. De même jai dit «La conscience de personne, ou à peu près, ne peut détester Dieu 2. » Je naurais pas dû parler ainsi; car il y a beaucoup de personnes de qui il est écrit : « Lorgueil de ceux qui vous détestent, Seigneur 3.» 9. Ailleurs jai écrit: « Quand le Seigneur a dit : A chaque jour suffit son mal 4, il a voulu nommer mal la nécessité où nous sommes de prendre chaque jour de la nourriture , parce que cette nécessité est une peine; elle appartient à cette fragilité que le péché nous a méritée 5.» Mais je nai pas fait attention que dans le paradis des aliments avaient été donnés à nos premiers parents, avant que le péché ne leur attirât cette peine de mort. Ils étaient alors immortels et revêtus dun corps, non pas spirituel, mais animal, et dans cet état dimmortalité, ils devaient cependant user de nourriture. Lorsque jai dit aussi 6 : « Cette Eglise que Dieu sest choisie, glorieuse et nayant ni tache ni ride 7; » je nai pas entendu que lEglise fût actuellement absolument telle et dans toutes ses parties. On ne peut douter quelle ait été choisie pour être telle quand le Christ, sa vie, apparaîtra; elle,
1. Liv. II, C. VI, n. 20. 2. Liv. n, C. XIV, n. 48. . 3. Ps. LXXIII, 23. 4. Matt. VI, 34. 5. Liv. II, C. XVII, n. 56. 6. Ibid. C. XIX, n. 66. 7. Ephés. V, 27.
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alors, apparaîtra également dans la gloire; et voilà pourquoi elle est appelée glorieuse. De même quand le Seigneur dit: « Demandez et vous recevrez; cherchez et vous trouverez; frappez et il vous sera ouvert, » jai laborieusement essayé dexposer en quoi diffèrent ces trois choses 1. Il vaut bien mieux les rapporter toutes à une très-instante prière. Cest ce que démontre la conclusion de ce passage, où Notre-Seigneur dit: « A combien plus forte raison votre Père qui est dans les cieux donnera-t-il les biens à ceux qui les lui demanderont 2 ! » Il na pas dit en effet à ceux qui demanderont, qui chercheront, qui frapperont. Cet ouvrage commence ainsi : « Le discours qua prononcé le Seigneur. »
CHAPITRE XX.CANTIQUE CONTRE LE PARTI DE DONAT.
Dans le désir de porter à la connaissance du vulgaire et des hommes illettrés et ignorants laffaire des Donatistes, et pour en graver la mémoire dans la multitude, jai composé suivant lordre des lettres latines un cantique quils pussent chanter. Je ne lai fait que jusquà la lettre V. On appelle ces chants alphabétiques. Jai laissé de côté les trois dernières lettres; mais je les ai remplacées par un épilogue où lEglise sadresse à eux comme une bonne mère. Le refrain quon devait reprendre, et lexposé de laffaire, qui se chante, ne suivent pas lordre dis lettres; cet ordre ne commence quaprès le prologue. Je nai pas voulu employer de forme métrique absolue, de peur que la nécessité du vers ne me forçât de recourir à des termes moins connus du vulgaire. Ce cantique commence ainsi : « Vous tous qui jouissez de la paix, jugez la vérité. » Cest le refrain.
CHAPITRE XXI.CONTRE LA LETTRE DE LHÉRÉTIQUE DONAT. UN LIVRE.
( Nexiste plus.)
1. Pendant que jétais prêtre; jécrivis encore un livre contre une lettre de Donat, qui fut à Carthage le second évêque du parti donatiste après Majorinus. Dans cette lettre, il prétendait que si on nétait pas de sa communion on nétait pas baptisé en Jésus-Christ. Mon livre
1. Liv. II, C. XXI. 2. Matt, VII, 7,11,
le combat. En un passage jai dit de lapôtre saint Pierre que lEglise a été fondée sur lui comme sur la pierre; cest le sens que célèbre lhymne très-répandue du bienheureux Ambroise dans ces vers sur le chant du coq: « A ce chant, la pierre de lEglise efface sa faute.» Mais je sais que très-souvent, dans la suite, jai expliqué cette parole du Seigneur: « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise,» en ce sens que cette pierre est Celui que Pierre a confessé en disant: « Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant 1 ; » de la sorte, Pierre tirant son nom de cette pierre, figurait la personne de lEglise, qui est élevée sur elle et qui a reçu les clefs du royaume des cieux. Il ne lui a pas été dit en effet: « Tu es la pierre (petra), » mais : « Tu es Pierre (Petrus). » Car la pierre était le Christ; et Simon, layant confessé comme toute 1Eglise le confesse, a été nommé Pierre. Que le lecteur choisisse de ces deux interprétations celle qui lui semblera la plus probable. 2. Jai dit ailleurs : « Dieu ne cherche la mort de personne, » ce qui se doit entendre que lhomme sest procuré la mort en séloignant de Dieu, et que celui qui ne recourt pas à Dieu, se la procure selon quil est écrit: « Ce nest pas Dieu qui a fait la mort 2 ». Mais cette autre parole nen est pas moins vraie . « La vie et la mort viennent du Seigneur Dieu 3; » la vie venant de lui comme un don, la mort comme un châtiment. 3. Jai dit également que Donat, dont je réfutais la lettre, avait demandé à lEmpereur de lui donner pour juges entre Cécilien et lui des évêques dau delà de la mer; il est probable que ce nest pas lui-même qui a été lauteur de cette demande, mais lautre Donat, qui appartenait au même schisme que lui. Ce dernier nétait pas évêque des Donatistes de Carthage, mais des Cases-Noires; et cest lui cependant qui le premier a consommé le schisme fatal, à Carthage. Ce nest pas non plus Donat de Carthage qui a établi que les chrétiens fussent rebaptisés; je lavais cru à tort quand je répondais à sa lettre. Ce nest pas lui non plus qui a enlevé dune citation du livre de lEcclésiastique des paroles essentielles. « A celui qui sest « purifié après avoir touché min mort, et qui le touche de nouveau, que sert de sêtre purifié 4?» dit le livre saint; et lui les a citées ainsi : « A
1. Matt. XVI, 18, 16. 2. Sag. I, 13. 3. Eccli. XI, 14. 4. Ibid. XXXIV, 30.
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celui qui sest purifié après avoir touché un mort, que sert de sêtre purifié ? » Nous aussi, mais plus tard, et avant que le parti des Donatistes eût paru, nous avons appris quil y avait plusieurs manuscrits, africains, il est vrai, qui ne portaient pas la phrase incidente : « et qui le touche de nouveau. » Si je leusse su plus tôt, je ne laurais pas si sévèrement traité de corrupteur et de larron de la divine Ecriture. Ce livre commence ainsi: « Je vous avais entendu dire à vous-même quand vous étiez présent. »
CHAPITRE XXII.CONTRE ADIMANTE, DISCIPLE DE MANÈS. UN LIVRE.
1. Vers le même temps, il me tomba entre les mains certaines dissertations dAdimante, qui avait été disciple de Manès; elles étaient dirigées contre la Loi et les Prophètes, quil prétendait mettre en opposition avec les Evangiles et les Ecrits apostoliques. Je lui ai répondu, citant ses paroles et ajoutant mes répliques. Jai renfermé ces réponses en un volume, et dans ce volume jai résolu plusieurs questions non une seule fois, mais une seconde, parce que mes premières réponses avaient été perdues et elles nont été retrouvées que quand javais déjà répondu de nouveau. Quelques-unes de ces questions, il est vrai, ont été traitées par moi à léglise dans des discours aux fidèles; il en est certaines même que je nai pas abordées; dautres enfin ont été délaissées, dabord parce que des affaires plus urgentes mont occupé, et ensuite parce que je les ai mises en oubli. 2. Dans ce livre je dis: « Avant la venue du Seigneur, le peuple qui avait reçu lAncien Testament était assurément environné de certaines ombres et de certaines figures de la réalité, selon ladmirable et très-sage distribution des temps; cependant il y a dans lAncien Testament une telle préparation et une telle prédication du Nouveau que, malgré la hauteur et la divinité des préceptes et des promesses, rien ne se trouve dans la doctrine des Evangélistes et des Apôtres qui manque à ces livres 1. » Il fallait ajouter « à peu près, » et il fallait dire : «Malgré la hauteur et la divinité des préceptes et des promesses, rien à peu près ne se trouve
1. C. III, n. 4.
dans la doctrine des Evangélistes et des Apôtres, qui manque aux livres de lAncien Testament. » Le Seigneur, en effet, aurait-il dit dans le sermon sur la montagne: « Vous avez entendu « que cela a été dit à vos pères : moi voici ce que je vous dis 1, » sil navait rien enseigné de plus que ce qui est ordonné dans lAncien Testament? Nous ne voyons pas que le royaume des cieux ait été promis au peuple parmi les promesses que contenait la loi donnée à Moïse sur le Sinaï 2, laquelle se nomme proprement lAncien Testament; et lApôtre nous apprend que cet Ancien Testament est figuré par la servante de Sara et par son fils, tandis que le Nouveau est figuré par Sara même et par son fils 3. Que si ensuite on examine les figures, on trouve prophétisé tout ce qui a été réalisé ou tout ce dont on attend la réalisation par le Christ. Cependant, à cause de certains préceptes non figurés, mais directs, qui ne sont pas dans lAncien Testament et qui sont dans le Nouveau, il est plus sûr et plus sage de dire: « A peu près, » que de dire: « Rien, » sans correctif; bien que réellement on trouve dans lAncienne Loi les deux préceptes de lamour de Dieu et de lamour du prochain, auxquels se rapportent ensemble la Loi, les Prophètes, les Evangiles et les Apôtres. 3. Semblablement, quand jai dit: « Dans lEcriture, le nom de Fils se trouve pris de trois manières 4, » jai parlé un peu inconsidérément; car jen ai oublié plusieurs. Ainsi on trouve Fils de la géhenne 5, Fils dadoption 6; acceptions qui ne sont ni selon la nature, ni selon la doctrine, ni selon limitation. Des trois modes ci-dessus, jai donné des exemples de filiation comme sil ny en avait pas dautres : selon la nature, comme quand on dit que les Juifs sont fils dAbraham 7; selon la doctrine, comme lorsque lApôtre appelle ses fils, ceux à qui il a enseigné lEvangile 8; selon limitation, quand nous sommes nommés fils dAbraham, parce que nous imitons sa foi 9. Quand jai dit 10: « Lorsque lhomme aura revêtu limmortalité et lincorruptibilité, alors il ny aura plus ni chair ni sang 11,» jai voulu exprimer quil ny aura plus de chair en tant que corruption charnelle et non en tant que substance; car en tant que substance le corps
1. Matth. V, 21. 2. Exod. XIX, 3-6. 3. Galat. IV, 22-31. 4. C. V, n. 1. 5. Matth. XXIII, 15 6. Rom. VIII, 14, 15. 7. Jean, VIII, 37. 8. I Cor. IV, 14. 9. Galat. IV, 28. 10. C. XII, n. 5. 11. I Cor. XV, 54.
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du Seigneur est appelé chair, même après sa résurrection 1. 4. Ailleurs 2: « Si lon ne change pas sa volonté, ai-je dit, on ne peut pas opérer le bien ce que lEvangile nous enseigne être en notre « pouvoir dans ces paroles : Faites larbre « bon, et son fruit sera bon; faites larbre mauvais, et le fruit sera mauvais 3. » Et cela nest pas contraire à la doctrine de la grâce que nous prêchons. Il est en effet dans la puissance de lhomme de changer en mieux sa volonté; mais cette puissance ne saurait exister que si elle est donnée de Dieu, de qui il est écrit: « Il leur a donné puissance dêtre faits enfants de Dieu 4. » En effet, comme ce que nous faisons quand nous le voulons, est dans notre puissance, rien nest plus en notre puissance que la volonté même; mais la volonté est préparée de Dieu. De cette manière, cest lui qui donne la puissance. Cest en ce sens aussi quil faut entendre ce que jai dit plus loin: « Il est dans notre puissance de mériter dêtre tentés par sa bonté, ou dêtre abattus par sa sévérité; » car il ny a dans notre puissance que ce qui résulte de notre volonté; et quand elle est préparée de Dieu forte et puissante, loeuvre de piété devient facile lors même quelle était difficile ou impossible. Ce livre commence ainsi : « Sur cette parole de lEcriture : Au commencement Dieu a fait le ciel et la terre. »
CHAPITRE XXIII.EXPOSITION DE QUELQUES PROPOSITIONS TIRÉES DE LÉPÎTRE DE SAINT PAUL AUX ROMAINS.
1. Etant encore prêtre, il marriva avec ceux de nos frères qui étaient à Carthage, de lire lEpître de saint Paul aux Romains; ils madressaient des questions sur divers points, et comme je leur répondais autant que je le pouvais, ils désirèrent ne pas laisser perdre ce que je disais et le recueillir par écrit. Jy consentis, et il en résulta un livre qui sajouta à mes autres opuscules. Dans ce livre, quand je mexprime ainsi : « Ce que dit lApôtre : Nous savons que la loi est spirituelle et moi je suis charnel, prouve assez quon ne peut accomplir la loi sans être spirituel, ce qui est un don de la grâce de Dieu; » je nai certainement 1. Luc, XXIV, 39. 2. C. XXVI. 3. Matth. XII, 33. 4. Jean, I, 12.
pas voulu quon lappliquât à la personne de lApôtre, qui était déjà spirituel; mais à lhomme soumis à la loi et non à la grâce. Cest ainsi que je comprenais ces paroles. Plus tard, ayant lu plusieurs écrivains qui traitent de la divine Ecriture, et dont lautorité était dun grand prix à mes yeux, jai examiné de plus près et jai vu que ces mots: « Nous savons que la loi est spirituelle et moi je suis un « homme charnel, » pouvaient sentendre de lApôtre lui-même. Cest ce que jai montré aussi bien que je lai pu dans les livres que jai récemment composés contre les Pélagiens. Ce que jai dit encore dans ce livre sur ces mots «Moi je suis un homme charnel, » etc., jusquà : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort? La grâce de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ 1»je lai entendu appliquer à lhomme soumis encore à la loi et non encore à la grâce, voulant bien faire mais faisant mal, vaincu par la concupiscence de la chair 2. Cette domination de la concupiscence, rien nen délivre, si ce nest la grâce de Dieu, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, vrai don du Saint-Esprit, par lequel la charité, répandue dans nos coeurs, triomphe des concupiscences de la chair de telle sorte que nous ny consentions pas pour faire le mal, mais- que nous opérions le bien. Par là se trouve renversée lhérésie de Pélage qui voudrait que la charité, qui nous fait vivre dans le bien et dans la piété, vienne de nous et non pas de Dieu. Mais dans les livres que jai publiés contre les Pélagiens, jai montré que ces paroles sappliquaient mieux encore à lhomme spirituel et déjà constitué dans la grâce; et cela tant à cause de ce corps de chair, qui, nétant pas spirituel ici-bas, le sera à la résurrection; quà cause de la concupiscence de la chair, avec laquelle les saints combattent, sans lui obéir pour le mal, mais en résistant à ses mouvements, dont ils ne sont pas exemptés pendant cette vie et dont ils ne seront délivrés que dans lautre, où la mort sera absorbée par la victoire. Cette concupiscence et ses mouvements, auxquels on résiste sans quils cessent dêtre, permettent que toute personne sainte, constituée en grâce, puisse employer ces termes que jai dit être propres à un homme soumis encore à la loi et non à la grâce. Il serait long de lexpliquer et jai indiqué où se trouve cette explication à 3.
1. Rom. VII, 14-25. 2. Prop. 41-46. 3. C. VI.
354
2. De même, examinant ce qua choisi Dieu dans lenfant qui nétait pas encore né, et à qui il a dit que son allié serait son serviteur; examinant aussi ce que Dieu a repoussé dans cet enfant qui nétait pas encore né et qui devait être laîné, je remarque que cest à eux que sapplique la parole prophétique, bien que proférée longtemps après : « Jai aimé Jacob et jai haï Esaü 1,» et je poursuis ainsi mon raisonnement : « Dieu ne choisit donc pas les oeuvres de chacun par sa prescience des oeuvres quil donnera à chacun dopérer; mais il choisit la foi par sa prescience, en choisissant pour lui donner lEsprit Saint, celui quil sait devoir croire en lui, afin quil obtienne la vie éternelle en faisant le bien 2. » Je navais pas alors recherché avec assez de soin, ni trouvé exactement ce quest lélection de la grâce. LApôtre dit à ce sujet: « Ceux qui étaient de reste ont été sauvés par lélection de la grâce 3. » Elle ne serait pas grâce sil y avait des mérites qui la précédassent; sans quoi ce qui serait donné, serait moins donné comme une grâce que rendu aux mérites comme une dette. Doù il suit que ce que jai dit aussitôt après : « LApôtre remarque en effet que cest le même Dieu qui opère tout en tous 4 ; mais il nest dit nulle part : « Dieu croit tout en tous; » et ce que jai ajouté : « Si nous croyons, cest notre oeuvre, mais ce que nous faisons de bon vient de Celui qui donne lEsprit-Saint aux croyants 5;» je ne leusse pas dit, si javais su que la foi elle-même est comptée au nombre des dons de Dieu, lesquels sont faits par le même Esprit. Lun et lautre nous appartient à cause du libre arbitre de notre volonté; et cependant lun et lautre nous est donné par lEsprit de foi et de charité. La charité en effet nest pas seule, mais, comme il est écrit : « La charité avec la foi vient de Dieu le Père, et de Notre-Seigneur Jésus-Christ 6 » 3. Quand jai dit peu après : « Il nous appartient de croire et de vouloir; il appartient à Dieu de donner à ceux qui croient et qui veulent, la faculté de faire le bien par le Saint-Esprit, par lequel la charité est répandue dans nos coeurs 7; » jai eu raison; mais par la même règle lun et lautre appartient à Celui qui lui-même prépare la volonté, comme lun et lautre appartient à nous, puisque rien ne se
1.Rom. IX, 13. 2. Prop. 60. 3. Rom. XI, 5. 4. I Cor. XI, 6. 5. Prop. 61. 6. Ephes. VI, 23. 7. Prop. 61.
fait sans notre volonté. Lorsque jai dit ensuite: «Nous ne pouvons vouloir sans que nous soyons appelés ; et quand nous avons voulu, en suite de cet appel, notre volonté et notre course ne suffisent pas, à moins que Dieu ne fournisse des forces à ceux qui courent et les conduise là où il les appelle; » et aussi quand jai ajouté : «Il est donc manifeste que le bien que nous faisons nest pas loeuvre de notre volonté et de notre mouvement, mais de la miséricorde de Dieu 1,» jai été absolument dans le vrai. Mais je nai que très-peu parlé de la vocation elle-même qui a lieu selon le dessein de Dieu; elle nest pas telle chez tous les appelés, mais seulement chez les élus. Cest pourquoi mes paroles ajoutées peu après : « De même que les élus de Dieu commencent par la foi, non par les oeuvres, à mériter le don de Dieu pour faire le bien; ainsi les damnés commencent par linfidélité et limpiété à mériter la peine, cette peine qui est elle-même le principe de leurs mauvaises actions; » ces paroles sont très justes: mais que le mérite de la foi est lui-même un don de Dieu, je ne lai pas dit, je nai pas pensé non plus quil le fallait rechercher. 4. Ailleurs jai dit : « Celui dont il a pitié, Dieu le fait bien agir; celui quil endurcit 2, il le laisse mal agir. Mais cette miséricorde est accordée au mérite précédent de la foi; et cet endurcissement est dû à limpiété précédente 3. » Cela est vrai; mais il fallait, de plus, rechercher si le mérite de la foi vient de la miséricorde de Dieu, cest-à-dire, si cette miséricorde se rencontre dans lhomme seulement parce qu'il est fidèle, ou si elle sy est rencontrée afin quil le soit. Nous avons lu en effet ce que dit lApôtre : « Jai obtenu miséricorde pour être fidèle 4; » il ne dit pas: parce que jétais fidèle. Au fidèle est donc accordée la miséricorde, mais elle lui fut aussi accordée pour être fidèle; aussi ai-je eu parfaitement le droit décrire en un autre endroit du même livre « Si nous sommes appelés à croire, non par nos oeuvres, mais par la miséricorde de Dieu; et si par cette même miséricorde il est accordé aux croyants de bien faire, cette miséricorde ne doit pas être refusée aux Gentils 5; » cependant je nai pas assez soigneusement traité de cette vocation qui a lieu par le dessein de Dieu. Ce livre
1. Rom. IX, 16. 2. Ibid. 18. 3. Prop. 62. 4. I Cor. VII, 25. 5. Prop. 64.
335
commence ainsi: « Dans lEpître de saint Paul aux Romains, voici les sens. »
CHAPITRE XXIV.EXPOSITION DE LÉPÎTRE AUX GALATES. UN LIVRE.
1. Après ce livre, jai composé une exposition de lépître du même apôtre saint Paul aux Galates; non pas par fragments et en prenant des passages par intervalles, mais de suite et sans rien omettre. Cette exposition comprend un volume. Lorsque je dis dans ce volume « Les premiers Apôtres étaient des témoins véridiques envoyés non par les hommes, mais de Dieu par un homme, cest-à-dire par Jésus-Christ, encore mortel : alors il est aussi n véridique le dernier des Apôtres qui a été envoyé par Jésus-Christ déjà tout Dieu, après sa résurrection; » ces mots : Déjà tout Dieu, je les ai employés à cause de limmortalité quil a prise après sa résurrection. Je ne les ai pas employés à cause de la divinité; car la divinité toujours immortelle na pas un instant quitté Jésus-Christ, et il était tout Dieu en elle, même lorsquil allait mourir. Ce sens ressort manifestement de ce qui suit, car jai ajouté « Les premiers, ce sont les autres Apôtres, envoyés par Jésus-Christ, qui, en partie, était homme, cest-à-dire mortel; le dernier, cest Paul, qui la été par Jésus-Christ déjà tout Dieu, cest-à-dire immortel dans toutes ses parties 1.» Je me suis exprimé ainsi, en exposant ce que dit lApôtre : «Non des hommes ni par lhomme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père; » comme si J.-C. nétait plus homme. Il dit en effet aussitôt : « Qui la ressuscité des morts 2.» afin que lon comprît bien pourquoi il disait : « Ni par lhomme. » En effet, au point de vue de limmortalité, J.-C. Dieu nest plus homme actuellement; mais au point de vue de la substance de la nature humaine, avec laquelle il est monté au ciel, J.-C. homme est encore maintenant médiateur entre Dieu et les hommes 3, puisquil viendra dans le même état où lont vu ceux qui lont vu monter au ciel 4. 2. De même, ce que jai dit : « La grâce de Dieu est celle qui nous fait pardonner nos péchés afin que nous soyons réconciliés avec Dieu; la paix est ce qui nous réconcilie avec Dieu 5, » doit être pris en ce sens que lune
1. N. 2. 2. Gal. I, 1. 3. I Tim. II, 5. 4. Act. I, 11. 5. N. 3.
et lautre appartiennent à la grâce de Dieu en général; de la même manière que lorsquon parle du peuple de Dieu, on dit dune façon spéciale, autre est Juda, autre est Israël, et cependant, dune manière générale, Israël peut signifier lun et lautre. De même, quand jexpliquais ces mots: « Quoi donc ? La loi a été établie à cause des transgressions 1, » jai pensé quil fallait faire une distinction et considérer : « Quoi donc ? » comme linterrogation, et: « La loi a été établie à cause des transgressions,» comme la réponse 2. Ce système nest pas absolument erroné; mais je préfère cette lecture : « Quest ce que la loi ? » à titre dinterrogation, et: « Elle a été établie à cause des transgressions, » à titre de réponse. Quand ensuite jai écrit : « Cest avec la plus grande raison que lApôtre ajoute: Si vous êtes conduits par lesprit, vous nêtes plus sous la loi, afin que nous comprenions que ceux-là sont sous la loi, dont lesprit a des désirs contraires à ceux de la chair, de telle sorte quils ne fassent pas ce quils veulent; cest-à-dire quils ne se tiennent pas invaincus dans lamour de la justice, mais quils soient vaincus par la chair qui con»voile contre eux 3; » cela se doit prendre dans le sens que jattribuais à ces paroles « La chair a des désirs contraires à ceux de lesprit; et lesprit en a de contraires à ceux de la chair; ils luttent lun contre lautre et vous empêchent de faire ce que vous voulez 4;» croyant quelles regardaient ceux qui sont sous la loi et ne sont pas encore sous la grâce. Je navais pas encore compris que ces paroles conviennent aussi à ceux qui sont sous la grâce et non sous la loi, parce que eux aussi, bien quils ny consentent pas éprouvent cependant les concupiscences de la chair auxquelles sont opposés les désirs de leurs esprits, et voudraient ne les pas éprouver sils le pouvaient. Cest pourquoi ils ne font pas tout ce quils veulent, parce quils veulent se soustraire à ces concupiscences et ne le peuvent. Ils cesseront de les éprouver, quand ils nauront plus cette chair corruptible. Ce livre commence ainsi : « La cause pour laquelle lApôtre écrit. »
1. Galat. III, 19. 2. N. 24. 3. N. 47. 4. Gal. V, 17. 18.
336
CHAPITRE XXV.EXPOSITION COMMENCÉE DE LÉPÎTRE AUX ROMAINS. UN LIVRE.
Javais aussi entrepris dexpliquer lEpître aux Romains comme lEpître aux Galates. Cette oeuvre, pour être complète, demandait plusieurs livres ; jen ai fait un de la seule discussion sur la salutation, cest-à-dire depuis le commencement de cette lettre jusquà lendroit où lApôtre dit : « La grâce et la paix soient avec vous de la part de Dieu notre Père et de N.-S.-J.-C. » Il nous arriva de nous arrêter à vouloir résoudre une question incidente des plus difficiles, celle du péché contre le Saint-Esprit, lequel nest remis ni en ce monde ni en lautre. Mais je cessai dajouter dautres volumes pour expliquer lEpître entière, effrayé par la grandeur et la fatigue dune telle entreprise, et je me livrai à dautres plus faciles. Il en résulta que je laissai seul le livre qui devait être le premier, et je lui donnai pour titre : Exposition commencée de lEpître aux Romains. Jy ai dit que « la grâce est dans la rémission des péchés, et la paix dans la réconciliation avec Dieu. » Partout où je me suis exprimé ainsi, je nai pas voulu dire que la paix et la réconciliation elles-mêmes nappartiennent pas à la grâce en général, mais que lApôtre a désigné spécialement par le nom de grâce, la rémission des péchés. De la même manière que nous disons dans un sens spécial, la Loi, selon cette parole: « La Loi et les Prophètes 1,» et dans un sens général, la Loi, comprenant aussi les Prophètes sous ce mot. Ce livre commence ainsi: « Dans lEpître que lapôtre saint Paul a écrite aux Romains, »
CHAPITRE XXVI.DE QUATRE-VINGT-TROIS QUESTIONS DIVERSES. UN LIVRE.
Il y a parmi nos oeuvres un écrit très-étendu qui cependant nest compté que comme un seul livre et qui est intitulé : De quatre-vingt-trois questions diverses. Ces matières avaient été disséminées sur un grand nombre de petits feuillets. Car, dans les premiers temps de ma conversion, après mon arrivée en Afrique, comme mes frères minterrogeaient sur divers
1. Matth. XXII, 40.
points quand ils me voyaient quelques loisirs, je dictais des réponses sans observer aucun ordre. Devenu évêque, je fis recueillir ces réponses, je les réunis en un volume et jy mis des numéros pour la commodité du lecteur. La première de ces questions est celle-ci : Lâme est-elle par elle-même? La seconde traite du Libre arbitre. La troisième est celle-ci : Dieu est-il lauteur du mal dans lhomme? La quatrième : Quelle est la cause de la méchanceté de lhomme? La cinquième : Un animal sans raison peut-il arriver à la béatitude? La sixième: Du mal. La septième: Ce quest proprement lâme dans un animal. La huitième: Si lâme se meut par elle-même? La neuvième: Si la vérité peut être perçue par les sens corporels? Dans cette question, jai dit : « Tout ce quatteignent les sens corporels, tout ce que lon appelle sensible change sans aucune interruption : » cela nest pas vrai assurément des corps devenus incorruptibles après la résurrection; mais, dans la vie présente, aucun de nos sens corporels ny atteint, si ce nest peut-être par une révélation divine. La dixième: Le corps vient-il de Dieu? La onzième : Pourquoi le Christ est né dune femme. La douzième, en ce qui est intitulé : Sentence dun sage, nest pas de moi; mais comme cest moi qui lai fait connaître à quelques-uns de mes frères qui réunissaient avec soin nos travaux dalors, et comme celui-là leur a plu, ils ont voulu linsérer dans mes oeuvres Cette question a été traitée par un certain Fonteius de Carthage; elle montre quil faut purifier lâme pour voir Dieu. Fonteius la écrite étant encore païen; mais il est mort chrétien baptisé. La treizième donne les preuves de la supériorité de lhomme sur les bêtes. La quatorzième établit que le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ nétait pas un fantôme. La quinzième traite de lIntellect. La seizième : Du Fils de Dieu. La dix-septième : De la science de Dieu. La dix-huitième : De la Trinité. La dix-neuvième: De Dieu et de la créature. La vingtième : Du lieu de Dieu. La vingt-unième: Si Dieu nest pas lauteur du mal. Il faut avoir soin de ne pas interpréter en mal ce que jy ai dit: « Il nest pas lauteur du mal, puisquil est lauteur de tout ce qui est; car autant les choses sont, autant sont-elles bonnes; » et il faut aussi avoir soin de ne pas penser daprès cela que ce nest pas de lui que vient la peine du. mal, laquelle est assurément un mal pour (337) ceux qui sont punis. Jai parlé ainsi dans le sens de ce qui est écrit : « Ce nest pas Dieu qui a fait la mort 1 ,» tandis quil est dit ailleurs : « La mort et la vie sont du Seigneur Dieu 2. » Donc la peine du mal, laquelle vient de Dieu, est, à la vérité, un mal pour les méchants; mais elle est parmi les bonnes oeuvres de Dieu, puisquil est juste que les méchants soient punis, et que tout ce qui est juste est bon. La vingt-deuxième question traite de ceci : Dieu ne subit pas la nécessité. La vingt-troisième soccupe du Père et du Fils. Jy ai dit que le Père a engendré la sagesse par laquelle il est appelé Sage : mais jai mieux approfondi cette question dans le livre de la Trinité qui est postérieur. La vingt-quatrième est : Le péché et lacte vertueux sont-ils dans le libre arbitre de la volonté? Cela est vrai de tout point; mais, pour être libre de faire le bien, il est affranchi par la grâce de Dieu. La vingt-cinquième traite de la Croix du Christ. La vingt-sixième : De la différence des péchés. La vingt-septième: De la Providence. La vingt-huitième : Pourquoi Dieu a voulu faire le monde. La vingt-neuvième: Sil y a quelque chose dans lunivers au-dessus ou au-dessous. La trentième: Si toutes choses ont été créées pour lutilité de lhomme. La trente et unième ne mappartient pas; elle est de Cicéron 3; mais comme cest par moi quelle a été connue de nos frères, ils lont transcrite dans mes ouvrages en les réunissant, parce quils désiraient savoir comment les vertus de lâme ont été divisées et définies par lui. La trente-deuxième: Si une personne comprend mieux quune autre un sujet quelconque et si, par conséquent, la même chose peut être comprise jusquà linfini. La trente-troisième : De la crainte. La trente-quatrième : Sil ne faut pas aimer autre chose que dêtre sans crainte. La trente-cinquième: Que faut-il aimer? Jai dit à cette occasion: « Il faut aimer ce quon possède en le connaissant; » je désapprouve cette parole. Ils nétaient pas sans posséder Dieu, en effet, ceux à qui il a été dit: « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et que lEsprit de Dieu habite en vous 4? » et cependant ils ne le connaissaient pas, ou ne le connaissaient pas tel quil doit être connu. De même quand jai dit : « Personne ne connaît donc la vie bienheureuse et est
1. Sag. I, 13. Eccli. XI, 14. 3. Cic. Des Devoirs, liv, I. 4. I Cor. III, 16.
malheureux, » jai voulu dire « ne la connaît comme elle doit être connue. » Qui donc en effet lignore entièrement, de ceux du moins qui ont lusage de la raison , puisquils savent quils veulent être bienheureux? La trente-sixième : Comment nourrir la charité? Jai dit en cet endroit : « Dieu donc et la coeur qui laime est proprement appelé charité épurée et consommée, quand on naime rien autre chose. » Si cela est vrai, comment lApôtre a-t-il dit : « Personne ne hait sa propre chair 1? » Et il part de là pour exhorter les maris à aimer leurs femmes. Aussi jai dit : « Est proprement appelé dilection,» parce que si lon aime la chair, ce nest pas pour elle-même, mais pour lâme à qui elle est soumise et quelle sert. Bien quelle paraisse être aimée pour elle-même, quand nous ne voulons pas quelle soit difforme, nous devons reporter sa beauté à une autre cause, à Celui de qui vient toute beauté. La trente-septième : De celui qui est né toujours. La trente-huitième: De la Conformation de lâme. La trente-neuvième : Des aliments. La quarantième : La nature des âmes étant une, doù vient que les volontés des hommes sont diverses? La quarante et unième : Puisque Dieu a fait toutes choses, comment ne les a-t-il pas faites toutes égales? La quarante-deuxième Comment Notre-Seigneur Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, a été à la fois au ciel et dans le sein de sa mère. La quarante-troisième: Pourquoi le Fils de Dieu a paru en homme et le Saint-Esprit en colombe 2. La quarante-quatrième: Pourquoi Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu si tard. En rappelant les âges du genre humain et en les indiquant comme ceux dun seul homme, jai dit : « Il fallait que le Maître divin, à limitation de qui devaient se former les bonnes moeurs, descendit den-haut, au temps de la jeunesse. » jai ajouté en preuve la parole de lApôtre, qui dit que les hommes étaient placés sous la garde de la Loi comme de petits enfants sous celle de leur instituteur 3. On pourrait demander pourquoi nous avons avancé ailleurs: Que le Christ est venu comme dans la vieillesse du monde, dans le sixième âge du genre humain 4. Ce que jai appelé la jeunesse du monde doit se rapporter à la vigueur et à la ferveur de la foi qui agit par amour; ce que jai appelé la
1. Ephés. V, 29. 2. Matth. III, 16. 3. Galat. III, 23. 4. Liv. I, de la Genèse contre les Manichéens, C. XXXIII, n. 40.
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vieillesse fait allusion au calcul des temps. Lune et lautre acception peuvent en effet convenir à luniversalité des hommes et non pas à lâge de chacun ; de même que dans le corps il ne peut y avoir ensemble jeunesse et vieillesse , tandis que les deux se peuvent rencontrer dans lâme, jeunesse eu égard à sa vigueur, vieillesse eu égard à sa gravité. La quarante-cinquième : Contre les mathématiciens. La quarante-sixième : Sur les idées. La quarante-septième: Si nous pouvons quelquefois voir nos pensées. Jy ai dit: « Les corps angéliques, tels que nous espérons un jour en posséder, seront, il le faut croire, éthérés et lumineux; » si on entendait par là que nous naurons pas les mêmes membres que nous possédons, ni la substance de notre chair, quoique devenue incorruptible, on se tromperait. Du reste, cette question: De la vue de nos pensées, a été bien mieux traitée dans notre ouvrage de la Cité de Dieu 1. La quarante-huitième : Des choses croyables. La quarante-neuvième : Pourquoi les enfants dIsraël sacrifiaient sensiblement des animaux comme victimes. La cinquantième : De légalité du Fils. La cinquante et unième : De lhomme fait à limage et à la ressemblance de Dieu. Cest là que jai dit: «On nappelle pas à bon droit homme, lhomme sans vie; » on appelle cependant homme le cadavre dun homme. Jaurais dû dire on appelle « improprement, » et non pas on nappelle point « à bon droit. » De même aussi: « On distingue à bon escient, ai-je dit, quautre chose est limage et la ressemblance de Dieu, autre chose est dêtre fait à limage et à la ressemblance de Dieu, ainsi que nous savons quil en a été pour lhomme. » Il ne faudrait pas comprendre par là que lhomme ne doit pas être appelé « image de Dieu, » puisque lApôtre dit : « Lhomme ne doit pas se couvrir la tête puisquil est limage et la gloire de Dieu » Mais on le nomme fait à limage de Dieu pour ne pas le confondre avec le Fils unique qui seul est limage et non fait à limage de Dieu. La cinquante-deuxième traite de cette parole : « Je me repens davoir fait lhomme 3 .» La cinquante-troisième: De lor et de largent que les Israélites reçurent des Egyptiens 4. La cinquante-quatrième, de cette parole : « Il mest bon de mattacher à Dieu 5. » Jai dit à ce sujet : « LEtre qui est
1. Liv. XXII, C. XXIX. 2. I Cor. XI, 7. 3. Gen. VI, 6, 7. 4. Exod. III, 22et XII, 35. 5. Ps. LXXII, 28.
meilleur que toute âme, nous lappelons Dieu; » jaurais dû dire plutôt : « LEtre qui est meilleur que tout esprit créé. » La cinquante-cinquième traite de cette parole « Il y a soixante reines, quatre-vingts concubines et des jeunes filles sans nombre 1. » La cinquante-sixième : Des quarante-six années de la construction du temple. La cinquante-septième : Des cent cinquante-trois poissons. La cinquante-huitième : De saint Jean-Baptiste. La cinquante-neuvième : Des dix Vierges. La soixantième: « Mais pour ce jour et cette heure, personne ne les sait, ni les Anges du ciel, ni le Fils de lhomme; il ny a que le Père 2. » La soixante et unième : De ce passage de lEvangile où il est rapporté que le Seigneur rassasia la multitude avec cinq pains sur la montagne 3. Jy ai dit « que les deux poissons signifiaient ces deux personnes, la personne royale et la personne sacerdotale auxquelles il appartient de recevoir lonction sainte: » jaurais dû dire plutôt auxquelles il appartient « surtout, » car nous lisons que les Prophètes aussi ont reçu quelquefois cette onction, Là aussi jai écrit: « Saint Luc, qui fait remonter en quelque sorte Notre-Seigneur, le prêtre véritable, après labolition des péchés, sélève par Nathan jusquà David 4, parce que Nathan le prophète avait été envoyé vers David, et que sous sa correction David, ayant fait pénitence, obtint labolition de son péché; » il ne faudrait pas simaginer par mes paroles que Nathan le prophète a été le même que Nathan fils de David. Il nest pas dit ici, en effet, parce que ce prophète avait été envoyé; il est dit : « parce que Nathan le prophète avait été envoyé, » afin que lon comprît que le mystère nest pas dans le même homme, mais dans le même nom. La soixante-deuxième question traite de ce qui est écrit dans lEvangile : « Que Jésus baptisait plus de personnes que Jean; quoique ce ne fût pas lui-même qui baptisât, mais bien ses disciples 5. » Jy ai écrit : «Le voleur à qui il est dit: En vérité, je te le déclare, aujourdhui tu seras avec moi en paradis 6 navait pas reçu le baptême lui-même ; » jai trouvé cette opinion professée avant moi par dautres docteurs de la sainte Eglise 7; mais sur quels documents sappuie-t-on pour montrer que ce
1. Cant. VI, 7. 2. Matth. XXIV, 36. 3. Ibid. XIV, 15-21. 4. Luc. III, 31. 5. Jean. IV, I, 2. 6. Luc. XIII, 43. 7. Entre autres, saint Cyprien, épit. 73 à. Jubaïanus.
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voleur na pas été baptisé? je lignore. Au reste, jai discuté ce point avec plus de soin dans dautres de mes ouvrages, spécialement dans celui que jai adressé à Vincentius Victor sur lorigine de lâme 1. La soixante-troisième question traite du Verbe. La soixante-quatrième : De la Samaritaine. La soixante-cinquième : De la résurrection de Lazare. La soixante-sixième, de ce passage : « Ignorez-vous, mes frères (car je parle à ceux qui connaissent la loi), que la loi ne domine lhomme que tout le temps quil vit? » jusquà ces mots : «Il vivifiera vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous 2. » Voulant exposer cette parole de lApôtre : « Nous «savons que la loi est spirituelle, mais moi je suis charnel, » jai dit : « Cela signifie : je cède à la chair, nétant pas encore affranchi par la grâce spirituelle; » il ne faut pas prendre cela dans le sens que lhomme spirituel établi déjà dans la grâce, ne peut pas dire de lui-même ces paroles et les autres jusquà: « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera du corps de cette mort 3? » Je ne lai appris que plus tard comme jen suis déjà convenu. De plus exposant ce que dit lApôtre: Le corps est mort à cause du péché 4, «lApôtre, ai-je dit, appelle le corps mort, tant quil est tel que par le besoin des choses temporelles il tourmente lâme. » Mais il ma semblé ultérieurement beaucoup préférable de penser que le corps est appelé mort, parce quil subit à présent la nécessité de mourir, à laquelle il nétait pas soumis avant le péché. La soixante-septième question traite de cette parole : « Jestime que les souffrances de ce temps ne sont pas dignes de la gloire future qui sera découverte en nous, » jusquà: « En effet, cest par lespérance que nous avons été sauvés 5» Comme jexpliquais ce passage : « Et la créature elle-même sera délivrée de la servitude de la mort, » je disais : « La créature elle-même, cest-à-dire lhomme, qui, après avoir perdu par le péché le cachet de limage de Dieu, est simplement demeuré une créature. » Que lon ne prenne pas cela comme si lhomme avait perdu tout ce quil avait de limage de Dieu. Car sil nen avait rien perdu on naurait pas pu dire : « Réformez-vous par le renouvellement de votre esprit 6; » et : « nous sommes transformés en
1. De lOrigine de lÂme, liv. III, C. IX, 43. 2. Rom. VII-VIII, 11. 3. Ibid. VII, 14-24. 4. Ibid. VIII, 10. 5. Ibid. 18-24. 6. Rom. XII, 2.
cette même image 1 » Sil leût perdu totalement, on ne pourrait pas davantage dire « Bien que lhomme marche à limage de Dieu, cependant il se trouble en vain 2.» De même ce que jai dit: « Les anges supérieurs vivent dune vie spirituelle, les inférieurs dune vie animale;» est à légard des anges inférieurs dune audace qui ne se peut justifier ni par les Ecritures, ni par le fait: ou si elle le pouvait, ce serait très-difficilement. La soixante-huitième question traite de cette parole : « O homme, qui es-tu pour répondre à Dieu 3? » J ai dit: « Quiconque, pour des fautes légères, ou même pour des fautes graves et nombreuses, sest rendu digne de la miséricorde de Dieu par ses grands gémissements et par une profonde douleur de pénitence, nobtient pas cependant cela de lui-même, car il périrait sil était abandonné; mais il lobtient de la miséricorde de Dieu qui a exaucé ses prières et ses douleurs. Cest peu de vouloir, si Dieu ne fait pas miséricorde; mais Dieu ne fait pas miséricorde, lui qui appelle à la paix, si la volonté ne cherche pas dabord la paix.» Cela doit sentendre après la pénitence. Car il y a une miséricorde de Dieu qui prévient la volonté elle-même, et si elle nexistait pas, la volonté ne serait pas préparée par le Seigneur. Cest aussi à cette miséricorde quappartient la vocation qui prévient même la foi. Comme jen traitais peu après, je disais: « Cette vocation qui, soit dans chaque homme, soit dans les peuples et même dans le genre humain, opère selon lopportunité des temps, est dun ordre élevé et profond. Cest à elle que se rapportent ces paroles : Je vous ai sanctifié dès les entrailles de votre mère 4;» et celles-ci: « Lorsque vous étiez dans les reins « de votre père, je vous ai vu; » celles-ci également : « Jai aimé Jacob et jai haï Esaü 5, etc. » Quant à ce passage: « Lorsque vous étiez encore dans les reins de votre père, je vous ai vu,» je ne sais comment il sest présenté à moi, et doù il ma paru tiré. La soixante-neuvième question traite de ce passage : « Alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses 6.» La soixante-dixième, de ces mots de lApôtre « La mort a été absorbée dans sa victoire; ô mort! où est mon effort? ô mort! où est ton aiguillon? Or, laiguillon de la mort, cest le
1. II Cor, III, 18. 2. Ps. XXXVIII, 7. 3. Rom. IX, 20. 4. Jérém. I, 5. 5. Rom, IX, 13; Malach. I, 2, 3. 6. I Cor. XV, 28.
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« péché; et la force du péché, la loi 1, » La soixante et onzième traite de cette parole: « Portez les fardeaux les uns des autres et ainsi vous accomplirez la loi du Christ 2. » La soixante-douzième traite des temps éternels. La soixante-treizième : De cette parole : « Et par les dehors il a été reconnu pour un homme 3. »La soixante-quatorzième, de ce passage de lEpître de saint Paul aux Colossiens : « En qui nous avons la rédemption et la rémission des péchés; qui est limage du Dieu invisible 4. »La soixante-quinzième traite de lhéritage de Dieu. La soixante-seizième, de cette parole de lapôtre saint Jacques : « Veux-tu savoir, ô homme vain, que la foi sans les oeuvres est inutile 5? » La soixante-dix-septième : De la crainte, est-elle un péché? La soixante-dix-huitième : De la beauté des simulacres. La soixante-dix-neuvième: Pourquoi les mages de Pharaon firent quelques miracles comme Moïse, serviteur de Dieu 6 . La quatre-vingtième est dirigée contre les Apollinaristes. La quatre-vingt et unième traite du Carême et de la Quinquagésime. La quatre-vingt-deuxième, de cette parole : « Le Seigneur châtie celui quil aime; et « il frappe de verges tout fils quil reçoit 7. » La quatre-vingt-troisième : Du mariage, au sujet de cette parole du Seigneur: « Si quelquun renvoie son épouse, si ce nest pour cause
1. I Cor. XV, 54-56. 2. Gal. VI, 2. 3. Phil. II, 7. 4. Colos,. I, 14, 5. 5. Jacq. II, 20. 6. Exod. VII, 22, 7. Héb. XII, 6.
dadultère 1.» Cet ouvrage commence ainsi: « Lâme existe-t-elle delle-même? »
CHAPITRE XXVII.SUR LE MENSONGE. UN LIVRE.
Jai aussi écrit un livre sur le Mensonge; bien quil exige quelques efforts pour être compris, il peut servir dutile exercice à lesprit et à lintelligence, et plus encore être avantageux aux moeurs en faisant aimer la sincérité dans le langage. Javais également résolu de retirer ce livre de mes oeuvres, parce quil est obscur et plein danfractuosités; il me semblait tout à fait insupportable, aussi je ne lavais pas publié. Plus tard, quand jen eus écrit un autre intitulé : « Contre le Mensonge,» javais bien plus sévèrement encore résolu et ordonné de le détruire. Cela ne fut pas exécuté. Je lai retrouvé sain et sauf dans la révision de mes oeuvres; et après lavoir revu jai décidé quil resterait; il y a en effet des choses fort nécessaires qui ne sont pas dans lautre. Le titre de ce dernier est : Contre le Mensonge; le titre de lautre est : Sur le Mensonge. Celui-là est tout entier une agression ouverte contre le mensonge, celui-ci est en grande partie une recherche et une discussion. Le but néanmoins des deux est le même. Louvrage commence ainsi : « Cest une grande question que celle « du mensonge. »
1. Matth. XIX, 9.
LIVRE SECONDREVISION DES OUVRAGES ÉCRITS PENDANT LÉPISCOPAT.
CHAPITRE PREMIER.LES DEUX LIVRES A SIMPLICIEN.
1. Des livres que jai composés étant évêque, les deux premiers sont adressés à Simplicien, évêque de Milan, successeur du bienheureux Ambroise; ils traitent de diverses questions, dont deux, tirées de lEpître de saint Paul aux Romains, occupent le premier livre. La première sest soulevée à propos de cette parole « Que dirons-nous donc? La loi est-elle péché? Point du tout, » jusquà celle-ci: « Qui me délivrera du corps de cette mort? La grâce de Dieu par Notre-Seigneur Jésus-Christ 1. » Dans cette partie, les mots de lApôtre: « La loi est spirituelle, et moi, je suis charnel, etc.,» mots par lesquels il expose le conflit de la chair et de lesprit, je les ai expliqués comme ne sappliquant quà lhomme encore placé sous la loi et non encore sous la grâce. Bien longtemps après, jai compris que ces mots peuvent sappliquer, et cela avec plus de probabilité, à lhomme spirituel. La seconde question de ce livre comprend depuis cette parole : « Non-seulement elle, mais aussi Rebecca qui conçut en même temps deux fils dIsaac notre père, » jusquà celle-ci : « Si le Seigneur des armées ne nous avait réservé un rejeton, nous fussions devenus comme Sodome et semblables à Gomorrhe 2. » Nous avons travaillé dans cette discussion pour le libre arbitre de la volonté humaine. Mais la grâce de Dieu a vaincu et nous navons pu arriver à rien autre quà reconnaître que lApôtre avait dit avec la plus éclatante vérité : « Car qui te discerne? Quas.
1. Rom, VII, 7-25. 2. Ibid. IX, 10-29.
tu que tu naies reçu? Or, si tu las reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne lavais pas reçu 1? » Cest ce que le martyr Cyprien voulait aussi démontrer et ce quil a exprimé entièrement dans ce titre de chapitre : « Il ne faut nous glorifier de rien, car nous navons rien 2. » 2. Dans le second livre sont traitées et résolues, selon nos faibles facultés, les autres questions qui toutes ont pour objet la partie de lEcriture quon nomme les Rois. La première est agitée au sujet de ces paroles: « Lesprit du Seigneur sélança sur Saül 3; » et de ces autres « Lesprit mauvais du Seigneur était sur Saül 4.» En les expliquant je disais: « Quoique chacun soit le maître de ce quil veut, chacun nest pas le maître de ce quil peut 5. » Je voulais montrer par là que nous ne disons en notre puissance que ce qui arrive quand nous voulons; il en est ainsi avant tout et surtout du vouloir. En effet, sitôt que nous voulons, notre volonté est là, à notre disposition, sans nul retard; mais ce pouvoir même de bien vivre, nous le recevons den-haut, lorsque notre volonté est disposée par le Seigneur. La seconde question est sur ce texte : « Je me repens davoir établi Saül Roi 6 .» La troisième examine si lesprit immonde qui était dans la pythonisse a pu faire que Samuel fût vu par Saül et lui parlât 7. La quatrième traite de ces mots: « Le roi David entra et sassit devant le Seigneur 8 » La cinquième de ce que dit Elie: « O Seigneur, témoin pour cette veuve avec laquelle jhabite dans sa maison, vous avez fait tristement périr son fils 9. » Ce Livre
1. I Cor. IV, 7. 2. Liv. III, témoign. 4. 3. I Rois, X, 10, 5. Ibid. XVI, 14. 6. Liv. II, quest. 1. 7. I Rois, XV, 11. 8. Ibid. XXVIII, 7-20. 9. II Rois, VII, 18. 10. III Rois. XVII, 20.
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commence ainsi: « Cest une chose assurément très-agréable. »
CHAPITRE II.CONTRE LA LETTRE APPELÉE DU FONDEMENT. UN LIVRE.
Le Livre contre la lettre de Manichée, lettre appelée du Fondement, réfute seulement les commencements de cette lettre. Quant à ses autres parties, jy ai mis où je lai jugé à propos des notes qui suffisent du reste à lanéantir en-son entier, et qui me serviraient de repère si jamais javais à écrire une réfutation complète. Ce Livre commence ainsi : « Un seul vrai Dieu. »
CHAPITRE III.DU COMBAT CHRÉTIEN. UN LIVRE.
Le Livre du Combat chrétien a été écrit dans le plus simple langage, pour exposer à nos frères peu habiles dans la langue latine la règle de la foi et les préceptes de la vie. Jy ai dit: « Nécoutons pas non plus ceux qui nient que la résurrection de la chair doive se faire et rappellent ce qua dit lapôtre Paul : La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu, car ils ne comprennent pas ce qua dit le même apôtre : Il faut que ce corps corruptible revête lincorruptibilité; il faut que ce corps mortel revête limmortalité 1. En effet, quand cela sera arrivé, il ny aura plus de chair et de sang, mais un corps céleste 2. »Il ne faut pas prendre ces paroles dans le sens quil ny aura plus de substance de chair; lApôtre a voulu, sous le nom de la chair et du sang, désigner la corruption de la chair et du sang; laquelle ne se trouvera pas en effet dans le royaume des cieux, où la chair sera incorruptible. On pourrait toutefois comprendre ces paroles autrement et penser que lApôtre a voulu, en nommant la chair et le sang, parler des oeuvres de la chair et du sang, et dire que ceux-là ne posséderont pas le royaume de Dieu, qui auront persévéré dans lamour de ces oeuvres. Ce livre commence ainsi: « La couronne de la victoire. »
1. I Cor. XV, 50, 53. 2. C. XXXII, n. 34.
CHAPITRE IV.DE LA DOCTRINE CHRÉTIENNE. QUATRE LIVRES.
1. Ayant vu que les livres de la Doctrine chrétienne étaient incomplets, jai préféré les achever plutôt que de les laisser ainsi pour passer à la révision des autres. Jai donc complété le troisième qui avait été écrit jusquà ce passage 1 où est rappelé le trait de lEvangile relatif à cette femme qui enferma le levain dans trois mesures de farine jusquà ce que toute la pâte fut levée 2. Jai de plus ajouté un livre nouveau, ce qui porte le total à quatre. Les trois premiers aident à lintelligence des Ecritures, et le quatrième indique comment nous devons exposer ce que nous comprenons. 2. Dans le second livre, nommant lauteur du livre que plusieurs appellent la Sagesse de Salomon, je dis que ce livre a été écrit, comme lEcclésiastique, par Jésus Sirach; jai appris plus tard que ce que jai affirmé nest pas constant, et que lauteur, très-probablement, nest pas celui que jai nommé 3. Quand ensuite jai dit: « Cest en ces quarante-quatre livres quest renfermée lautorité de lAncien Testament; » jai pris ce mot dAncien Testament selon lusage employé par lEglise. Mais lApôtre semble réserver le nom dAncien Testament à la loi donnée sur le Sinaï 4. En ce que jai dit: «Saint Ambroise a résolu la question de lhistoire des temps 5, » à propos de la contemporanéité de Platon et de Jérémie ma mémoire ma trompé. Ce que cet évêque a écrit sur ce sujet se lit dans son livre sur les sacrements ou sur la philosophie. Cet ouvrage commence ainsi: « Il y a des préceptes. »
CHAPITRE V.CONTRE LE PARTI DONATISTE. DEUX LIVRES.
(Nexistent plus.)
Il y a deux livres de moi intitulés: Contre le parti de Donat. Dans le premier jai dit quil me déplaisait de voir une puissance temporelle quelconque réduire violemment les schismatiques à lunité. Et en effet, cela me déplaisait alors, parce que je navais pas encore éprouvé ou bien à quel degré daudace limpunité les entraînait, ou bien à quel degré de
1. C. XXV, n. 36. 2. Luc, XIII, 21. 3. C. VIII, n. 13. 4. Galat. IV, 24. 5. C. XXVIII, n. 43.
conversion et damélioration une discipline vigilante pouvait les amener. Cet ouvrage commence ainsi: « Puisque les Donatistes. »
CHAPITRE VI.LES TREIZE LIVRES DES CONFESSIONS.
Les treize livres de mes Confessions célèbrent dans mes bonnes et dans mes mauvaises actions la justice et la bonté de Dieu, et excitent lâme humaine à le connaître et à laimer. Cest du moins leffet quelles ont produit sur moi quand je les ai écrites, et quelles produisent encore quand je les lis. Ce que les autres en pensent, cest leur affaire; je sais toutefois que cet ouvrage a beaucoup plu et plaît encore à beaucoup de mes frères. Du premier au dixième livre, il traite de moi; dans les trois autres, des saintes Ecritures, depuis la parole: « Dans le principe, Dieu fit le ciel et la terre, » jusquau repos du sabbat 1. 2. Dans le quatrième livre, en confessant les misères de mon âme à loccasion de la mort de mon ami, jai dit que nos deux âmes semblaient nen faire quune seule, et jai ajouté : « pour cette raison peut-être craignais-je de mourir, de peur que celui que javais tant aimé ne mourût tout entier 2. » Cette parole me semble plutôt une déclamation légère quune grave confession, quoique jen ai atténué la sottise par lexpression peut-être. De même quand jai dit au - treizième livre : « Le firmament a été établi entre les eaux spirituelles supérieures et les eaux corporelles inférieures 3; » je nai pas parlé avec assez de discernement; la chose en effet est grandement obscure. Cet ouvrage commence ainsi: « Vous êtes grand, Seigneur.»
CHAPITRE VII.CONTRE FAUSTUS, MANICHÉEN. TRENTE-TROIS LIVRES.
1. Faustus, manichéen., blasphémait contre la Loi et les Prophètes, contre leur Dieu, contre lincarnation du Christ; et il déclarait falsifiées les Ecritures du Nouveau Testament qui le convainquaient derreur. Jai écrit contre lui un grand ouvrage où je réfute successivement toutes ses propositions. Il y a trente-trois thèses; pourquoi ne les appellerais-je pas livres? Car ce sont bien des livres, quoique quelques-uns
1. Gen, I, 1; II, 2. 2. C. VI. C. XXXII.
soient très-courts. En revanche, il y en a un, celui où nous défendons la vie des Patriarches contre les accusations de ce manichéen, qui est presque plus étendu quaucun de tous mues autres livres. 2. Dans le troisième livre, répondant à la question comment Joseph avait pu avoir deux pères, je disais : « il est né de lun et a été adopté par lautre 1. » Jaurais dû ajouter quel était le genre de cette adoption; car nies paroles semblent dire que de son vivant un autre père lavait adopté. Or la loi admettait ladoption des fils par des morts, puisquelle prescrivait que le frère épousât la femme de son frère mort sans enfants, et donnât de cette femme une postérité au défunt 2. Cest ce qui rend une meilleure et plus complète raison de la double filiation acquise à un seul homme. Or, Héli était frère utérin de Jacob, qui épousa sa veuve, et que saint Matthieu donne pour père à Joseph. Mais ce fut pour son frère utérin Héli que Jacob engendra Joseph. Cest pourquoi saint Luc nomme Joseph fils dHéli : il était son fils, non pas selon la nature, mais selon ladoption consacrée par la loi. Ces renseignements se trouvent dans les lettres des personnes qui, avec un souvenir récent, écrivirent sur ce fait après lascension du Seigneur. En effet Africanus rapporte même le nom de la femme qui eut Jacob, père de Joseph, de son premier mari Mathan, père de Jacob, et aïeul de Joseph, selon saint Matthieu; et cette femme est la même que celle qui de son second mari Melchi eut Héli, dont Joseph était le fils adoptif. Je navais pas encore lu cela quand je répondais à Faustus; mais je ne pouvais pas douter que par adoption un homme pût avoir deux pères. 3. Au douzième et au treizième livres, nous avons raisonné sur le second fils de Noé, Cham, comme si la malédiction de son père était, daprès lEcriture, tombée sur lui-même et non sur son fils Chanaan 3. Dans le quatorzième nous avons parlé du soleil et de la lune comme sils avaient du sentiment et pour cela toléraient leurs vains adorateurs 4. Cependant ces mots peuvent être considérés, quant à leur signification, comme transportés de lêtre animé à lêtre inanimé, forme de locution qui sappelle métaphore en grec, et quemploie lEcriture en disant de la mer, que « voulant savancer, elle frémit dans le sein maternel qui la
1. C. III. 2. Deut. XXV, 5, 6. 3. Liv. XII, C. XXIII; liv. XIII, c. X. 4. C.XII.
344
porte 1; » quoique la mer nait aucune volonté. Dans le vingt-neuvième : « A Dieu ne plaise quil y ait la moindre laideur dans les membres des Saints, même dans les organes de la génération. Car on ne les appelle bonteux que parce quils nont pas la même apparence de beauté, que ceux qui ont été placés en vue 2. » Jai donné dans dautres écrits postérieurs, une raison meilleure et plus probable pourquoi ce terme honteux leur est appliqué par lApôtre même 3: cest à cause de la loi qui répugne dans les membres à la loi de lesprit 4, loi qui a son principe dans le péché, et non dans linstitution première de notre nature. Cet ouvrage commence ainsi : « Il y a eu un certain Faustus. »
CHAPITRE VIII.CONTRE FÉLIX, MANICHÉEN. DEUX LIVRES.
Jai discuté, deux jours durant, dans léglise, en présence du peuple, contre un certain Félix, manichéen. Il était venu à Hippone, pour y répandre son erreur; car il était un docteur de la secte, quoique fort ignorant dans les lettres, mais beaucoup plus habile et rusé que Fortunat. Ce sont des actes de mon Eglise, mais on les compte parmi mes ouvrages. Ils forment deux livres, et le second traite du libre arbitre de la volonté, soit pour opérer le mal, soit pour opérer le bien. Toutefois, nous navons en aucune nécessité, ayant à traiter avec un tel contradicteur, de discuter plus soigneusement la question de la grâce par laquelle deviennent vraiment libres les hommes de qui il est écrit: « Si le Fils vous délivre, alors vous serez vraiment libres 5. » Cet ouvrage commence ainsi: « Le sept des Ides de décembre, sous le sixième consulat dHonorius Auguste. »
CHAPITRE IX.DE LA NATURE DU BIEN. UN LIVRE.
Le livre de la Nature du bien est dirigé contre les Manichéens; il montre que la nature de Dieu est immuable, quil est le souverain bien; que toutes les antres natures soit spirituelles, soit corporelles, viennent de lui et en tant que natures sont bonnes; il établit ce quest le mal et doù il vient; combien de maux les Manichéens mettent dans la nature du bien,
1. Job. XXXVII 8, selon les Septante. 2. C. IV. 3. I Cor, XII, 23. 4. Rom. VII, 23. 5. Jean. VIII, 36,
combien de biens dans la nature du mal. Bien et mal dans leur erreur sont des natures. Ce livre commence ainsi: « Le souverain bien au-dessus duquel il ny en a point, cest Dieu. »
CHAPITRE X.CONTRE SECUNDINUS, MANICHÉEN. UN LIVRE.
Un certain Secundinus, non pas de ceux que les Manichéens nomment les élus, mais de ceux quils appellent les auditeurs, et que je ne connaissais pas même de vue, mécrivit en ami, me reprenant avec respect de ce que dans mes écrits je mattaquais à cette hérésie: il me priait de ne pas continuer ma controverse et bien plutôt de mattacher à la secte, sefforçant de la défendre et de combattre la foi catholique. Je lui ai répondu; mais comme je nai pas mis de suscription à ma réponse, cette réponse prend place dans mes livres et non dans mes lettres. Jai rapporté sa lettre à la tête de ma réponse. Le titre de cet écrit est : Contre Secundinus, Manichéen. A mon sens, cest celui que je préfère à tous ceux que jai composés contre cette détestable secte. Il commence ainsi : « Votre bienveillance à mon égard. »
CHAPITRE XI.CONTRE HILAIRE. UN LIVRE.(Nexiste plus.)
Sur ces entrefaites, Hilaire, ancien tribun, catholique laïc, irrité je ne sais pourquoi contre les ministres de Dieu, comme il arrive souvent, se déchaînait hautement partout où il le pouvait, contre la coutume qui commençait à sétablir à Carthage de réciter à lautel, soit avant loblation, soit pendant la distribution des offrandes au peuple, des hymnes tirées des psaumes; il prétendait que cette coutume était illicite. Je lui ai répondu sur lordre de mes frères, et ce livre est intitulé: Contre Hilaire. Il commence ainsi: « Ceux qui disent que la mention de lAncien Testament. »
CHAPITRE XIIQUESTIONS ÉVANGÉLIQUES. DEUX LIVRES.
Ce sont des expositions de certains passages de IEvangile selon saint Matthieu, et de lEvangile selon saint Luc; elles sont réparties dans deux livres. Le titre de louvrage est : Questions Evangéliques. Mais pourquoi nai-je expliqué de ces deux Evangiles que les passages contenus dans ces deux livres, et quels sont-ils : mon prologue lindique suffisamment, et énumère les questions de façon à ce quon puisse trouver aisément ce que lon veut lire en se reportant aux numéros. Dans le premier livre 1, quand jai affirmé « que le Seigneur avait annoncé en particulier sa passion à« deux disciples 2 : » jai été trompé par une faute de manuscrit; il y a « douze et non pas deux.» Dans le second livre, voulant expliquer comment Joseph, dont la vierge Marie a été appelée lépouse, a pu avoir deux pères; jai dit que la raison quon apporte en disant que le frère avait épousé la veuve de son frère pour que son frère eût une postérité 3 « était une raison faible, et cela parce que celui qui naissait devait daprès la loi prendre le nom du défunt 4; » ce nest pas vrai. Prendre le nom du défunt sentend, daprès la loi, être appelé son fils et non pas sappeler comme lui 5. Cet ouvrage commence ainsi: « Ce livre na pas été écrit comme. »
CHAPITRE XIII.ANNOTATIONS AU LIVRE DE JOB. UN LIVRE.
Le livre intitulé: Annotations au livre de Job, doit-il passer pour mien, ou nest-il pas plutôt de ceux qui, selon leurs moyens ou leur volonté, lont rédigé sur les notes marginales de mon exemplaire? Je ne le déciderais pas aisément. Ces notes ne peuvent plaire quà un très-petit nombre desprits intelligents; encore se rebuteront-ils nécessairement du grand nombre de passages quils ne comprendront pas; dans beaucoup dendroits, en effet, les textes mêmes qui sont expliqués ne sont pas reproduits de façon à ce que lon vît clairement le sujet de lexplication. Ensuite la brièveté des observations engendre une obscurité telle que le lecteur la peut à peine supporter; car il lui faut passer beaucoup de choses sans sen rendre compte. Enfin, dans nos livres mêmes, jai trouvé cet ouvrage tellement rempli de fautes que je ne pourrais le corriger et que je ne voudrais passer pour lavoir publié, si je ne savais quil est entre les mains de mes frères, à laffection desquels il avait été impossible de le refuser.
1. Quest. 27. 2. Matth. XX, 17. 3. Deut. XXV, 5. 4. Quest. 5 : Voir ce que dit saint Augustin sur ce sujet Questions sur le Deutér, liv. V, quest. 46.
Ce livre commence ainsi: « Il avait de grandes oeuvres sur la terre. »
CHAPITRE XIV.LE CATÉCHISME DES IGNORANTS UN LIVRE.
Je suis également lauteur du livre intitulé: Le Catéchisme des ignorants. Jai dit dans ce livre: «Lange qui, avec dautres intelligences, ses satellites, a dans un accès dorgueil abandonné le service de Dieu, et est devenu le démon, na porté aucun dommage à Dieu; il ne sest nui quà lui-même; car Dieu sait ordonner les âmes qui labandonnent; » il valait mieux dire les esprits que les âmes, puisquil sagit des Anges. Ce livre commence ainsi: «Vous mavez demandé, mon frère Deogratias.»
CHAPITRE XV.DE LA TRINITÉ. QUINZE LIVRES.
1. Jai composé, en plusieurs années, quinze livres sur la Trinité, qui est Dieu. Mais comme je nen avais pas encore achevé douze, et que je les retenais trop longtemps au gré de ceux qui désiraient vivement les avoir, ils me furent soustraits, étant beaucoup moins corrigés quils ne devaient et pouvaient lêtre quand je les aurais voulu éditer. Lorsque je lai su, et que jai appris que dautres exemplaires étaient restés parmi nous, javais résolu de ne pas les publier moi-même, mais de les garder tels et davertir dans quelquun de mes autres ouvrages, de ce quils étaient devenus. Cependant mes frères mont tellement pressé que je nai pu résister; jai corrigé autant que je lai cru nécessaire; jai complété et jai ajouté en tête une lettre que jai écrite au vénérable Aurélien, évêque de lEglise de Carthage; sorte de prologue où je raconte ce qui est arrivé, quelle était mon intention et à quelle affectueuse contrainte jai cédé. 2. Au livre onze, parlant du corps visible, jai dit : « En conséquence, aimer ce corps, cest être fou 1. » Ici il sagit de cet amour par lequel on aime de façon à se croire heureux dans la jouissance de ce quon aime. Ce nest pas être fou daimer, à la gloire du Créateur, la forme corporelle de façon à ce que. jouissant du Créateur, on soit parfaitement heureux. De même, dans ce livre: « Je ne me souviens pas dun oiseau quadrupède, car je
1. C. V, n. 9.
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nen ai pas vu; mais je considère aisément une telle image quand, à une forme doiseau telle que je lai vue, jadjoins deux autres pieds tels que jen ai vus aussi 1. » En mexprimant ainsi, je nai pas eu en pensée les quadrupèdes ailés dont parle lEcriture 2. Elle ne compte pas en effet comme pieds les deux jambes postérieures avec lesquelles sélancent les sauterelles, quelle appelle pures; aussi elle les distingue des insectes ailés et impurs, qui ne sautent pas sur leurs jambes, comme les scarabées. Tous ces animaux ailés sont nommés des quadrupèdes dans la Loi. 3. Dans le douzième 3, ce que jai dit en manière dexplication des paroles de lApôtre « Tout péché que fait lhomme est hors de son corps , » ne me satisfait pas. Je ne pense pas non plus quil faille interpréter la parole: «Celui qui commet la fornication pèche contre son propre corps 4» en lappliquant à celui qui agit pour obtenir ce qui procure des sensations au corps et y placer son bonheur. En effet, cette pensée sétend à un bien plus grand nombre de péchés que la fornication, qui sexécute par un commerce illicite et que, ce semble, lApôtre avait en vue. Cet ouvrage, en exceptant la lettre qui a été ensuite ajoutée à son début, commence ainsi : « Celui qui lira ce traité sur la Trinité. »
CHAPITRE XVI.DE LA CONCORDE DES ÉVANGÉLISTES. QUATRE LIVRES.
Durant les mêmes années où je dictais peu à peu les livres sur la Trinité, jen ai écrit -dautres tout dun trait, les intercalant entre les premiers. De ce nombre sont quatre livres de la Concorde des Evangélistes, composés contre ceux qui en soutiennent calomnieusement la discordance. Le premier livre est dirigé contre ceux qui honorent ou prétendent quils honorent le Christ comme un sage, et qui ne veulent pas croire à lEvangile, sous prétexte que lEvangile na pas été écrit par lui, mais par ses disciples, lesquels, selon eux, lui auraient attribué, par erreur, la divinité. Jai dit, dans ce livre: « que la race des Hébreux avait commencé a Abraham 4 » On pourrait croire en effet que ce nom dHébreux est une contraction de Abraheux; il est plus vrai de dire quils
1. C. X, n. 17. 2. Lévit. XI, 20. 3. C.X, n. 15. 4. I Cor. VI, 18. 5. C. XIV, n, 21, - : .
ont été appelés ainsi de Héber, comme je lai exposé au long dans le sixième livre de la Cité de Dieu 1. Au second livre, traitant des deux pères de Joseph, jai dit quil avait été engendré par lun, adopté par lautre 2. Il fallait dire : adopté pour lautre. Il avait été, ce qui est du moins plus probable, adopté daprès la loi pour le défunt, puisque celui qui la engendré avait épousé la femme de son frère mort. De même, quand jai dit: « Saint Luc monte à David par Nathan le prophète, par lequel Dieu fit expier à David son péché 3; » jaurais dû dire par Nathan, nommé comme le prophète, afin quon ne pût pas croire que ce fut le même homme, tandis que ce fut un autre, mais du même nom. Cet ouvrage commence ainsi: « Entre toutes les « autorités divines. »
CHAPITRE XVII.CONTRE LA LETTRÉ DE PARMENIEN. TROIS LIVRES.
Les trois livres dirigés contre la lettre de Parmenien, évêque, des Donatistes de Carthage et successeur de Donat, agitent et résolvent une grande question, une question qui intéresse lEglise , répandue dans tout lunivers, davec laquelle les schismatiques se sont séparés en la calomniant; il sagissait de savoir si dans lunité et la communion des mêmes sacrements, les mauvais souillent les bons, et on établit comment ils ne les souillent point. Dans le troisième de ces livres, examinant comment il faut interpréter ce mot de lApôtre: « Otez le méchant du milieu de vous-mêmes 4; » ce que jai dit: «Chacun doit extirper le mal du milieu de soi 5, » ne se doit pas entendre ainsi, mais de lobligation denlever lhomme mauvais du milieu des bons, ce quaccomplit la discipline ecclésiastique; cest ce que montre le texte grec où il est écrit sans nulle ambiguïté: «le mauvais » et non pas « le mal.» Et cependant jai répondu selon ce sens à Parmenien. Cet ouvrage commence ainsi : « Jai écrit ailleurs bien dautres choses contre les Donatistes. »
CHAPITRE XVIII.DU BAPTÊME. SEPT LIVRES.
Les Donatistes essayant de se couvrir de lautorité du bienheureux évêque et martyr
1. C. XI. 2. C. III, n. 5. 3. C. IV, n. 12. 4. I Cor. V, 13. 5. C. I, n. 2.
347
Cyprien, jai écrit contre eux sept livres sur le Baptême. Jy ai enseigné quil ny avait rien de tel pour réfuter les Donatistes, pour leur fermer la bouche et pour les empêcher dopposer leur secte au catholicisme, que les lettres et la conduite de Cyprien. Partout où, dans ces livres, jai rappelé 1que lEglise est sans tache et sans ride 2; il ne faut pas entendre quelle est ainsi actuellement, mais quelle se prépare à être ainsi quand elle apparaîtra dans sa gloire. Actuellement, en effet, les ignorances et les imperfections de ses membres lui donnent matière à dire chaque jour: « Pardonnez-nous nos offenses 3.» Dans le quatrième livre, quand jai dit: « Le martyre peut remplacer le baptême 4, »je nai pas donné un exemple assez convaincant en prenant celui du larron, duquel on ignore sil a été baptisé. Dans le livre septième, à propos des vases dor et dargent placés dans la grande maison 5, jai suivi linterprétation de Cyprien qui les a pris pour les bons, tandis quil estimait que les vases de bois et dargile signifiaient les mauvais 6, et jai rapporté aux premiers cette parole : « Les uns sont des vases dhonneur, » et aux seconds celle-ci: « mais les autres dignominie 7. » Mais je trouve meilleure lexplication que plus tard jai rencontrée ou saisie dans Tychonius, et par laquelle il faut entendre que dans les uns et dans les autres il y en a qui méritent lhonneur, et ce ne sont pas seulement les vases dor et dargent: comme aussi parmi les uns et les autres il y en a qui sont dignes dopprobre, et ce ne sont pas seulement les vases de bois et dargile. Cet ouvrage commence ainsi : « Dans les livres que jai écrits contre la lettre de Parmenien. ».
CHAPITRE XIX.CONTRE LES ÉCRITS DONATISTES APPORTÉS PAR CENTURIUS. UN LIVRE.
(Nexiste plus.)
Pendant que nous discutions avec ardeur contre le parti donatiste, un laïque apporta à lEglise quelques paroles dictées ou écrites contre nous et appuyées sur un petit nombre de citations que la secte invoque à son aide.
1. Liv. I, C. XVII; liv. III, C. XVIII; liv. IV, C. III, IV. 2. Eph. V, 27. 3. Matth., VI, 12. 4. C. XXII, n. 29. 5. C. Li, n. 99. 6. Cyp. épit. 51 à Maxime, etc. 7. II Tim, II, 20.
Jy ai très-brièvement répondu. Le titre de ce petit livre est : Contre les écrits donatistes apportés par Centurius; et il commence ainsi: « Vous dites que cette parole de Salomon : Abstenez-vous de leau dautrui. »
CHAPITRE XX.SUR LES DEMANDES DE JANVIER. DEUX LIVRES.
Les deux livres intitulés: Sur les Demandes de Janvier, contiennent diverses discussions sur les sacrements et sur les usages, soit généraux, soit particuliers, que lEglise observe inégalement en divers lieux. Tout na pas pu être mentionné; mais on a suffisamment répondu aux demandes. Le premier de ces livres est une lettre; elle porte en tête le nom de celui qui la écrite et de celui à qui elle a été adressée. On la néanmoins comprise dans le catalogue des livres; parce que le second qui ne porte pas nos noms, est beaucoup plus étendu et traite un bien plus grand nombre de sujets. Ce que jai dit dans le premier livre sur la manne « quelle avait pour chacun la saveur « propre quil voulait1,» je ne sais trop comment je pourrais le prouver, si ce nest par le livre de la Sagesse 2 dont les Juifs ne reconnaissent pas lautorité canonique. Cette faveur a pu être accordée aux Israélites fidèles, mais non à ceux qui murmuraient contre Dieu et qui certainement nauraient pas désiré dautre nourriture, si la manne avait eu tous les goûts quils voulaient. Ce livre commence ainsi : « Aux questions que vous me faites. »
CHAPITRE XXI.DU TRAVAIL DES MOINES. UN LIVRE.
Ce qui ma forcé à écrire sur le Travail des moines, cest que des monastères ayant commencé à sétablir à Carthage, certains se nourrissaient du travail de leurs mains, selon le précepte de lApôtre; dautres voulaient vivre des offrandes des personnes pieuses, et ne travaillant ni pour acquérir ni pour compléter le nécessaire, simaginaient et se vantaient de mieux accomplir ce précepte de lEvangile : « Regardez les oiseaux du ciel et les lis des champs 3. » Il en était résulté entre les laïques dune vie commune, mais dun zèle fervent, des contestations tumultueuses qui troublaient
1. C. III, n. 4. 2. Sag. XVI, 20. 3. Matth. VI, 26.
348
lEglise, les uns prenant parti pour ceux-ci, les antres pour ceux-là. Ajoutez que plusieurs de ceux qui prétendaient que les moines ne doivent pas travailler, navaient pas la tête rasée. De là les contestations, soit de reproche, soit de défense, saggravaient encore par la passion des partis. Cest pourquoi le vénérable vieillard Aurélien, évêque de IEglise de cette cité, mordonna décrire sur ce sujet, et je le fis. Ce livre commence ainsi : « Jobéis à votre ordre, saint frère Aurélien. »
CHAPITRE XXII.DU BIEN CONJUGAL. UN LIVRE
1. Lhérésie de Jovinien, qui prétend égaler an mérite des vierges la pudeur conjugale, Lut tant de Succès à Rome que plusieurs religieuses, dont auparavant la vertu navait été lobjet daucun soupçon, déclinaient, disait-on, vers le mariage, séduites et pressées surtout par cet argument: Etes-vous donc meilleure que Sara, que Suzanne, quAnne? On y ajoutait lexemple de toutes les saintes femmes que loue lEcriture, et dont elles neussent pas pu sestimer ni les égales ni les Supérieures. De cette manière on arrivait aussi à déprécier le pieux célibat des hommes consacrés, en rappelant le souvenir des patriarches mariés et en les comparant à eux. La sainte Eglise qui est en ce lieu résista avec la plus grande énergie et la plus grande fidélité à cette monstruosité de doctrine. Toutefois il était resté de ces contestations quelques rumeurs que nul nosait publiquement enseigner, mais qui se murmuraient tout bas. Le venin se glissant et gagnant en secret, il fallut y remédier par les moyens que le Seigneur accordait; surtout parce quon affectait de dire que jamais on navait pu répondre à Jovinien, en louant le mariage et sans le blâmer. Cest pour cela que jai écrit le livre intitulé : du Bien conjugal. Jy laisse de côté la grande question de la propagation du genre humain avant que nos premiers parents eussent mérité la mort parle péché; car le mariage paraît une affaire de corps mortels; mais je lai expliquée suffisamment, à ce que je crois, dans mes écrits postérieurs. 2. Jai dit aussi en un certain endroit : « Ce quest la nourriture pour la conservation de lhomme, le mariage lest pour la conservation du genre humain; lun et lautre ne sont (348) pas sans plaisir charnel, lequel étant réglé et maintenu dans son usage naturel par le frein de la tempérance, ne peut être une passion 1.» Cette parole a été dite en ce sens que le juste et bon usage de la passion nest pas une passion. En effet sil est mal de mal user de ce qui est bon, il est bon de bien user de ce qui est mauvais. Du reste, jai discuté plus à fond cette matière, surtout contre les nouveaux hérétiques Pélagiens. Ce que jai dit dAbraham : « Par cette obéissance le patriarche Abraham, qui ne vécut pas sans épouse, fut prêt à être sans fils unique, après avoir sacrifié ce fils 2, » je ne lapprouve pas. Il vaut mieux en effet croire quAbraham était persuadé que son fils, sil limmolait, lui serait rendu par une prompte résurrection; selon ce qui se lit dans 1Epître aux Hébreux 3. Cet ouvrage commence ainsi: « Puisque tout homme est une partie du genre humain. »
CHAPITRE XXIII.DE LA SAINTE VIRGINITÉ. UN LIVRE.
Après avoir écrit le traité du Bien conjugal, on sattendait à ce que jécrivisse sur la Sainte Virginité; je le fis sans retard et je montrai, autant quil était en moi, dans un seul volume, que cest un don de Dieu, un grand don, et avec quelle humilité il le faut garder. Ce livre commence ainsi : « Nous avons récemment publié un ouvrage sur le Bien conjugal. »
CHAPITRE XXIV.DE LA GENÈSE AU SENS LITTÉRAL. DOUZE LIVRES.
1. Vers le même temps jai écrit douze livres sur la Genèse, depuis le commencement jusquà lexpulsion dAdam du paradis, lorsque laccès de larbre de vie fut défendu par une épée flamboyante.. Lorsque onze livres y eurent été employés, jen ajoutai un douzième, où je dissertai avec plus de soin sur le paradis. Le titre de cet ouvrage est de la Genèse au sens littéral: cest-à-dire non pas selon linterprétation allégorique, mais selon la réalité des événements. Dans cet ouvrage, il y a plus de recherches que de découvertes; et parmi les découvertes, peu sont prouvées et confirmées: les autres sont exposées comme devant être lobjet
1. C. XVI, n. 18. 2. C. XXIII, n. 31. 3. Héb .X, 19.
349
de nouvelles études. Jai commencé ces trois livres plus tard que le traité de la Trinité et je les ai terminés plus tôt : aussi je les revois maintenant dans lordre où je les ai écrits. 2. Dans le cinquième livre 1, et partout ailleurs où jai écrit, de la race à qui la promesse a été faite : « Quelle a été ordonnée par les saints Anges, et par le ministère dun médiateur 2; » je me suis trompé : lApôtre na pas ainsi parlé, du moins daprès les textes les plus authentiques, surtout en grec. Ces mots sappliquent à la loi, au lieu que beaucoup dexemplaires latins, par une faute de traduction, les appliquent à la race. Dans le sixième livre, ce que jai dit: « Adam a perdu par le péché limage de Dieu à la ressemblance de qui il avait été créé 3,» ne se doit pas prendre dans le sens quil ne resta plus en lui aucune image de Dieu, mais quelle y fut si déformée, quelle avait besoin dêtre réparée. Dans le douzième 4, je crois que jaurais dû enseigner que lenfer est sous la terre, plutôt que de donner les raisons pour lesquelles on croit ou on dit quil y est, comme sil nen était rien. Cet ouvrage commence ainsi : « Toute la divine Ecriture est divisée en deux parties.»
CHAPITRE XXV.CONTRE LES LETTRES DE PÉTILIEN. TROIS LIVRES.
Avant dachever les livres sur la Trinité et les livres du Commentaire littéral sur la Genèse, il me fallut durgence répondre aux lettres de Pétilien le donatiste, qui attaquait lEglise catholique: je ny mis pas de retard et jécrivis trois volumes. Dans le premier je répondis avec autant de promptitude et de vérité quil me fut possible, à la première partie de la lettre quil avait adressée à ses partisans et qui nétait pas encore parvenue tout entière entre nos mains : cette première partie est très-courte. La réponse est aussi une lettre adressée à nos coreligionnaires, mais elle a trouvé place parmi nos livres, parce que les deux autres parties de la même discussion sont des livres. En effet, quand dans la suite nous avons eu la lettre tout entière, jy ai répondu avec autant de diligence et dexactitude quà Faustus le manichéen; cest-à-dire que jai inséré sous son nom ses paroles, article par article, et que jy ai adapté dans le
1. C. XIX, n. 38. 2. Gal. III, 19. 3. C. XXVII, n. 28. 4. C. XXXIII, 62.
même ordre mes propres réponses. Ma réfutation, avant que jeusse trouvé toute sa lettre, parvint à Pétilien; il en fut fort irrité, et, sefforçant de répliquer, il dit contre moi tout ce qui lui plut, mais il naborda aucunement le fond du débat; on pouvait très-aisément sen convaincre en rapprochant nos deux écrits; cependant jai eu soin de le démontrer moi-même pour les esprits moins avancés. Et cest ainsi que mon troisième livre a été ajouté à loeuvre. Le premier livre de cet ouvrage commence ainsi: «Vous savez que nous avons souvent voulu; » le second: « Dans la première partie de la lettre de Pétilien; » et le troisième : «Jai lu votre lettre, Pétilien. »
CHAPITRE XXVI.A CRESCONIUS, GRAMMAIRIEN, DU PARTI DE DONAT. QUATRE LIVRES.
Un certain Cresconius, grammairien, qui était donatiste, ayant trouvé ma lettre en réponse à ce que je connaissais alors de la lettre de Pétilien, pensa quil me fallait répliquer, et madressa une épître. Je répliquai à mon tour à son ouvrage par quatre livres, et dans les trois premiers je nomis rien de ce quil fallait pour une réfutation générale. Mais les Donatistes ayant condamné les Maximianistes, leurs partisans, et rétabli dans leurs dignités quelques-uns dentre eux, sans renouveler le baptême conféré en dehors de leur communion; jai vu que dans cette seule affaire il y avait de quoi répondre à tout ce que Cresconius avait écrit. Alors jai ajouté un quatrième volume, dans lequel jai montré, avec autant de soin et dévidence que jai pu, tout ce qui en est. Quand jai écrit ces quatre livres, lempereur Honorius avait déjà rendu ses lois contre les Donatistes. Louvrage commence ainsi : « Ne sachant pas, Cresconius, quand mes écrits pourront vous parvenir.»
CHAPITRE XXVII.PREUVES ET TÉMOIGNAGES CONTRE LES DONATISTES. UN LIVRE.(Nexiste plus.)
Après cela, jai pris soin de faire parvenir aux Donatistes des documents prouvant à lencontre de leurs erreurs la vérité de la foi catholique; ces documents, je les ai empruntés
350
soit aux actes publics, soit aux actes ecclésiastiques, soif aux Ecritures canoniques. Je leur ai dabord adressé mes promesses afin queux-mêmes, sil était possible, en fissent la demande. Quand ces promesses eurent été dans les mains de quelques-uns dentre eux, il se rencontra un homme que je ne connais pas, qui, sans dire son nom, entreprit de me combattre, se déclarant donatiste comme sil se nommait ainsi. Pour lui répondre jai écrit un autre livre, jai joint les documents que javais promis au livre où javais fait cette promesse, et des deux je nen ai fait quun seul. Je lai publié en en faisant lire lannonce sur les murailles de la basilique qui avait appartenu aux Donatistes; il avait pour titre : Preuves et témoignages contre les Donatistes. Dans ce livre jai rapporté labsolution de Félix dAptonge, qui avait ordonné Cécilien, dans un ordre qui nest pas celui qui depuis ma été démontré daprès un plus exact examen des consulats; javais représenté ce fait comme postérieur à labsolution de Cécilien quand il était antérieur. Quand jai rapporté le témoignage de lapôtre saint Jude, où il dit: « Ce sont des gens qui se séparent eux-mêmes, hommes de vie animale, nayant pas lEsprit 1; » jai ajouté: « Cest deux que saint Paul dit: Lhomme animal ne perçoit pas ce qui est de lEsprit de Dieu 2. » Mais je naurais pas dû mettre sur le même pied dégalité les seconds avec les premiers, qui sont entièrement séparés de lEglise par le schisme. En effet saint Paul nomme les seconds de petits enfants en Jésus-Christ, encore incapables de prendre des aliments solides et quil nourrit du lait de sa doctrine 3; quant aux autres, il ne faut pas les compter parmi les enfants, mais parmi les morts et les perdus, tellement que si lun deux revient au giron de lEglise, on peut à bon droit dire de lui: « Il était mort, et il revit; il était perdu et il est retrouvé 4. » Ce livre commence ainsi: « Vous qui craignez de penser comme lEglise catholique.»
1. Jud. 39. 2. I Cor. II, 14. 3. Ibid. III, I, 2. 4. Luc. XV, 32.
CHAPITRE XXVIII.CONTRE UN DONATISTE INCONNU. UN LIVRE.
(Nexiste plus.)
Jai voulu donner à lautre livre que ja rappelé plus haut, ce titre: Contre un Donatiste inconnu: la même erreur de temps pour labsolution de lordonnateur de Cécilien sy reproduit. Ce que jai dit « pour la multitude de livraie, qui représente toutes les hérésies, » »manque dune conjonction nécessaire: il fallait dire : qui représente aussi toutes les hérésies, ou qui représente encore toutes les hérésies. Je parlais en effet comme si livraie était seulement hors de lEglise et nétait pas en même temps dans lEglise. LEglise, cependant, est ce royaume du Christ, duquel les Anges, au temps de la moisson, doivent arracher tous les scandales 1. Ce qui fait dire au martyr saint Cyprien : « Bien quil paraisse y avoir de livraie dans lEglise, cependant notre foi et notre charité ne doivent pas en être troublées, de telle sorte que nous nous éloignions de lEglise parce que nous y voyons de livraie 2. » Nous avons défendu ce sens ailleurs et surtout dans nos conférences contre les mêmes Donatistes. Cet ouvrage commence ainsi: « Nous avons promis de donner en un court écrit des preuves sur les points nécessaires. »
CHAPITRE XXIX.AVERTISSEMENT AUX DONATISTES, SUR LES MAXIMIANISTES. UN LIVRE.
(Nexiste plus)
Comme je voyais que beaucoup de personnes étaient empêchées, par la fatigue dune longue lecture, dapprendre combien le parti de Donat est dépourvu de raison et de vérité, jai composé un petit livre extrêmement court, dans lequel jai eu lintention de leur faire connaître les seuls Maximianistes; la facilité de copier cet opuscule devait le faire parvenir aux mains du grand nombre, et sa brièveté le graver aisément dans la mémoire. Je lui ai donné pour titre : Avertissement aux Donatistes sur les Maximianistes. Il commence ainsi : « Vous tous qui êtes touchés des calomnies et des accusations des hommes. »
1. Matth. XIII, 36, 42. 2. Cyp. épit. 51, 1 Maxim. etc.
351
CHAPITRE XXX.DE LA DIVINATION DES DÉMONS. UN LIVRE.
Vers le même temps, une discussion me mit dans la nécessité décrire sur la divination des démons, et je donnai ce titre à cet opuscule. En un certain endroit jai dit: « Les démons connaissent parfois avec une parfaite facilité les dispositions des hommes, non-seulement proférées par la parole, mais conçues dans la « pensée, lorsque quelques signes de lâme sexpriment par le corps 1 » Jai écrit là avec plus dassurance que je naurais dû sur une question très-obscure. Plusieurs expériences établissent bien que les démons parviennent à cette connaissance; mais il est très-difficile ou plutôt il est impossible aux hommes de découvrir si le corps de ceux qui pensent, donnent des signes qui soient sensibles pour eux mais cachés pour nous; ou sils connaissent nos dispositions par quelquautre faculté spirituelle. Ce livre commence ainsi : « Un des saints jours de lOctave. »
CHAPITRE XXXI.EXPOSITION DE SIX QUESTIONS CONTRE LES PAÏENS.
Sur ces entrefaites, on menvoya de Carthage six questions que me proposait un ami que je désirais voir devenir chrétien; il me demandait de les résoudre contre les païens, notamment parce que plusieurs avaient été proposées, disait-il, par le philosophe Porphyre. Ce Porphyre nest pas, je pense, celui de Sicile, dont la réputation est très-célèbre. Jai réuni lexamen de ces questions en un livre peu étendu, dont le titre est : Exposition de six questions contre les païens. La première traite de la résurrection; la seconde de lépoque où a paru la religion chrétienne; la troisième de la distinction des sacrifices; la quatrième de cette parole : « On se servira pour vous de la même mesure dont vous vous serez servis 2; » la cinquième, du Fils de Dieu selon Salomon; la sixième, du prophète Jonas. Dans la seconde, jai dit : « Le salut donné par cette religion, la seule vraie, et la seule qui promette véritablement le véritable salut, na jamais manqué a personne, qui en fût digne; celui à qui il a manqué, cest quil nen était pas digne. » Je nai pas
1. C. V, n. 9. 2. Matt. VII, 2.
voulu faire entendre que chacun est digne du salut par ses oeuvres; mais comme sexprime lApôtre : « Que cest à cause de la volonté de celui qui appelle, et non à cause de leurs oeuvres, quil fut dit: Laîné servira sous le plus jeune 1; » vocation quil assure appartenir au décret de la volonté divine. Aussi ajoute-t-il : « Ce nest pas selon nos oeuvres, mais selon son décret et sa grâce 2. » De même également dit-il : « Nous savons que tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu, pour ceux qui, selon son décret, sont appelés à être saints 3. » Il dit encore de cette vocation : « Quil vous rende dignes de sa sainte vocation 4.» Ce livre, à la tête duquel jai placé une lettre ajoutée après coup (lettre 102 à Deogratias), commence ainsi: « Quelques-uns sont émus et demandent. »
CHAPITRE XXXII.EXPOSITION DE LÉPÎTRE DE SAINT JACQUES AUX DOUZE TRIBUS.
(Nexiste plus.)
Jai retrouvé parmi mes opuscules une exposition de lEpître de saint Jacques, et en la révisant jai remarqué que cétaient plutôt. les annotations de passages expliqués, réunies en un livre par les soins de nos frères, quils navaient pas voulu laisser sur les marges du manuscrit. Elles ne sont pas sans utilité, sauf que la version elle-même de lEpître traduite du grec, sur laquelle nous travaillions quand jai dicté cet ouvrage, nétait pas très-exacte. Ce livre commence ainsi : « Salut aux douze tribus qui sont dispersées. »
CHAPITRE XXXIII.DES PEINES ET DE LA RÉMISSION DES PÉCHÉS, AINSI QUE DU BAPTEME DES PETITS ENFANTS. TROIS LIVRES A MARCELLIN.
Je me suis aussi trouvé dans la nécessité décrire contre la nouvelle hérésie pélagienne; jusque-là nous lavions combattue quand il le fallait, non pas par nos écrits, mais par nos discours et nos conférences, et autant que chacun de nous le pouvait ou le devait. On mavait envoyé de Carthage des questions soulevées par la secte, et que javais à résoudre en
1. Rom. IX, 12, 13. 2. II Tim I, 9. 3. Rom. VI, 28. 4. II Thess. I, 11.
352
répondant; jécrivis dabord trois livres intitulés : Des peines et de la rémission des péchés; jy discute principalement sur le baptême à donner aux petits enfants, à cause du péché originel, et sur la grâce de Dieu par laquelle nous sommes justifiés, cest-à-dire rendus justes, bien que dans cette vie personne ne garde assez les commandements de la justice pour navoir pas besoin de dire dans sa prière: « Pardonnez-nous nos offenses 1. » Cest contre toute cette doctrine quils ont fondé une nouvelle hérésie. Je pensais que dans ces livres je devais encore taire leurs noms, espérant quils pourraient plus aisément se corriger; et même, dans le troisième livre, qui est une lettre, mais que jai jugé devoir joindre aux deux autres livres, je nai prononcé le nom de Pélage quen lui accordant quelque louange 2, parce que sa vie était lobjet des éloges de beaucoup de gens; jai réfuté les arguments quil a mis dans ses écrits, non en son propre nom, mais en exposant ce que dautres disaient: et cependant plus tard étant déjà hérétique, il a soutenu les mêmes sentiments avec une obstination pleine danimosité. Coelestius, son disciple, avait déjà, pour de pareilles erreurs, mérité dêtre frappé dexcommunication, à Carthage, par un jugement épiscopal auquel je nai pas assisté. Dans le second livre, en un certain endroit, jai dit: « A la fin il sera accordé à quelques-uns de ne pas sentir la « mort dans un passage subit 3, » en réservant ce point à un examen plus approfondi. En effet, ou bien ils ne mourront pas, ou bien ils ne sentiront pas la mort, dans le très-rapide passage qui, comme en un clin doeil, les transportera de cette vie à la mort et de la mort à la vie éternelle. Cet ouvrage commence ainsi : « Quoique dans le tourbillon des plus graves sollicitudes. »
CHAPITRE XXXIV.DUN SEUL BAPTÊME, A CONSTANTIN CONTRE PÉTILIEN. UN LIVRE.
En ce temps, un de mes amis reçut de je ne sais quel prêtre donatiste, qui le disait écrit par Pétilien, évêque donatiste de Constantine, un livre intitulé : Dun seul Baptême. Il me lapporta et me pria instamment dy répondre: je le fis. Je voulus que mon livre eût le même titre que celui à qui il répondait, cest-à-dire
1. Matth. VI,12. 2. C. III, n. 5. 3. C. XXXI, n. 50.
Dun seul Baptême. Dans ce livre jai dit: « Lempereur Constantin na pas refusé de recevoir laccusation des Donatistes incriminant Félix dAptonge, ordonnateur de Cécilien, quoiquil eût eu la preuve que leurs accusations contre Cécilien étaient fausses et calomnieuses 1. » En considérant lordre du temps, jai trouvé que je métais trompé. Lempereur avait auparavant fait entendre la cause de Félix par un proconsul, et nous lisons quil fut absous; cest ensuite que lui-même, après avoir écouté Cécilien et ses accusateurs, reconnut son innocence et eut la preuve quil avait été de leur part lobjet daccusations calomnieuses. Cet ordre des temps indiqué par les consulats, convainc bien plus manifestement les Donatistes de calomnie en cette affaire et détruit totalement leurs accusations; cest ce que nous avons montré ailleurs. Cet ouvrage commence ainsi: «Nous sommes très-souvent obligés de répondre à ceux qui ont des sentiments opposés. »
CHAPITRE XXXV.DES MAXIMIANISTES CONTRE LES DONATISTES. UN LIVRE.
(Nexiste plus.)
Sur ces entrefaites, jai écrit un autre livre contre les Donatistes, non pas abrégé comme le premier, mais étendu et composé avec beaucoup plus de soin. On y voit comment la seule affaire des Maximianistes qui fit schisme dans le parti de Donat lui-même, renverse de fond en comble lerreur impie et arrogante de leur secte contre lEglise catholique. Ce livre commence ainsi: « Nous avons déjà beaucoup parlé, nous avons déjà beaucoup écrit.»
CHAPITRE XXXVI.DE LA GRACE DU NOUVEAU TESTAMENT, A HONORAT. UN LIVRE.
Dans le temps même où nous luttions avec véhémence contre les Donatistes et où nous commençons à être en discussion avec les Pélagiens, un de mes amis menvoya de Carthage cinq questions, me priant de les lui expliquer par écrit. Les voici : Que signifie cette parole du Seigneur: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi mavez-vous abandonné 2? » Et que
1. C. XVI, 28. 2. Ps. XXI, 1; Matth. XXVII, 46.
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veut exprimer lApôtre quand il dit : « Afin quenracinés et fondés dans la charité, vous puissiez comprendre, avec tous les saints, quelle est la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur 1? » Qui sont les cinq vierges sages et les cinq vierges folles 2? Que sont les ténèbres extérieures 3 ? Comment il faut comprendre : « Le Verbe a été fait chair 4? » Pour moi, considérant que la nouvelle hérésie dont je parle est ennemie de la grâce de Dieu, jajoutai une sixième question, sur la Grâce du Nouveau Testament. En lexaminant, et en y intercalant une exposition du psaume 21, au commencement duquel est écrite lexclamation que proféra Notre-Seigneur sur la croix, ce qui était la première question posée par mon ami, je les résolus toutes les cinq 5, non pas dans lordre où elles avaient été proposées, mais comme elles se présentèrent à moi selon les convenances de ma discussion sur la grâce du Nouveau Testament. Ce livre commence ainsi : « Vous mavez proposé cinq questions à traiter. »
CHAPITRE XXXVII.DE LESPRIT ET DE LA LETTRE, A MARCELLIN. UN LIVRE.
La même personne à laquelle javais écrit les trois livres intitulés : Des peines et de la rémission des péchés, où je traitai aussi avec soin du baptême des petits enfants, mécrivit de nouveau quelle avait été émue de ce que javais avancé, quil se pouvait faire que lhomme fût sans péché, si sa volonté, aidée par le secours de Dieu, ne faisait pas défaillance; bien que toutefois personne neût été, ne fût et ne puisse être doué dune telle perfection dans cette vie. Elle me demanda comment javais indiqué comme possible ce dont il ny avait pas dexemple. En réponse à cette demande, je lui adressai un livre dont le titre est : De lesprit et de la lettre, développement de cette maxime de lApôtre : « La lettre tue, mais lesprit vivifie 6. » Dans ce livre, autant que Dieu a bien voulu my aider, jai ardemment lutté contre les ennemis de la grâce divine par laquelle limpie est justifié. Or, comme je traitais des observances des Juifs, qui sabstiennent de certaines viandes, selon
1. Eph. III, 17, 18. 2. Matth. XXV, 1-12. 3. Ibid. XXXI, 13. 4. Jean, I,14. 5. Lettre 140 à Honorat. 6. II Cor. III, 6.
les prescriptions de lancienne loi, jai dit : « Les cérémonies de quelques viandes 1. » Ce mot nest pas usité dans les saintes Lettres; cependant, il me parut approprié alors à mon sujet, puisque le mot de cerimoniae se présentait à ma mémoire comme équivalent à carimoni, de carere, manquer, et que ceux qui gardent ces observances manquent des choses dont ils sabstiennent. Sil y a pour ce mot une autre étymologie qui combatte la vraie religion, je ne lai pas voulu prendre, je men suis voulu tenir à celle que je viens dindiquer. Ce livre commence ainsi: « Ayant lu, mon très-cher fils Marcellin, les opuscules que jai récemment composés pour vous. »
CHAPITRE XXXVIII.DE LA FOI ET DES OEUVRES. UN LIVRE.
A la même époque on menvoya, de la part de quelques frères laïcs, il est vrai, mais appliqués à létude des divines Ecritures, quelques écrits qui distinguaient la foi chrétienne des bonnes oeuvres, au point de soutenir quon ne pouvait parvenir à la vie éternelle sans la première, et quon le pouvait sans les secondes. Jy ai répondu dans un livre dont le titre est: De la Foi et des OEuvres. Jy montre non-seulement comment doivent vivre ceux qui ont été régénérés par la grâce de Jésus-Christ, mais encore quel on doit être pour être admis au baptême de la régénération. Ce livre commence ainsi: « Il semble à quelques personnes. »
CHAPITRE XXXIX.ABRÉGÉ DE LA CONFÉRENCE AVEC LES DONATISTES. TROIS LIVRES.
Après notre conférence avec les Donatistes, jai résumé brièvement ce qui y avait été fait et jai composé trois écrits correspondant aux trois jours de cette conférence. Cet ouvrage ma paru utile : il peut dabord, si on le consulte, avertir sans peine chacun de ce qui avait été traité; en outre, il aidera à trouver, en se rapportant aux numéros que jai eu soin daffecter à chaque objet, les questions quon voudrait rechercher dans les actes mêmes de la conférence. Car ils fatiguent le lecteur, par leur excessive prolixité. Cet ouvrage commence ainsi : « Lorsque
1. C. XXX, n. 36.
354
les évêques catholiques et ceux du parti de « Donat. »
CHAPITRE XL.CONTRE LES DONATISTES, APRÈS LA CONFÉRENCE. UN LIVRE.
Jai adressé aussi aux Donatistes eux-mêmes, après notre conférence avec leurs évêques, un livre étendu, et je crois assez soigné, afin quils ne se laissassent plus séduire ultérieurement par ces évêques. Jy ai répondu aussi à plusieurs de leurs vaines réclamations qui ont pu parvenir jusquà nous, et quils répétaient après leur défaite partout où ils pouvaient et comme ils le pouvaient. De plus, jy avais ajouté la notice dont jai parlé, des actes de la conférence, afin que ces actes fussent rapidement connus. Jai refait cela ensuite beaucoup plus brièvement dans une lettre que je leur ai de nouveau adressée. Cette lettre ne figure pas dans le recueil des miennes 1, parce que ce fut dans le Concile de Numidie, que nous tous, qui y étions présents, décidâmes quelle serait faite. Car elle commence ainsi : « Sylvain le Vieux, Valentin, Innocent, Maximin, Optat, Augustin, Donat, et les autres évêques du Concile de Zesta, aux Donatistes. » Louvrage même commence par ces mots : « Comment pouvez-vous encore vous laisser ainsi séduire, Donatistes? »
CHAPITRE XLI.DE LA VUE DE DIEU. UN LIVRE.
Jai écrit un livre de la Vue de Dieu 2, où, au sujet du corps spirituel, qui sera celui des saints après la résurrection, jai remis à un autre temps lexamen plus attentif de cette question : si et comment Dieu, qui est esprit, pourra être vu par un tel corps. Plus tard, jai traité la même matière qui est très-difficile, dans le dernier livre, savoir le 22°, de la Cité de Dieu 3, et jen ai donné une explication suffisante, je le pense du moins. Jai trouvé enfin dans un de nos manuscrits qui contient ce livre, un avertissement adressé par moi sur le même sujet à Fortunatien, évêque de Sicca; dans le catalogue de mes ouvrages il nest indiqué ni parmi les livres ni parmi les lettres 4.
1. On ly trouve maintenant, cest la 141e. 2. Lettre 147 à Pauline. 3. C. XXIX, n. I et suiv. 4. Il a été classé parmi les lettres; cest la 248e .
Le livre commence ainsi: « Me souvenant de la dette; » et lavertissement: « Comme je vous en ai prié de vive voix. »
CHAPITRE XLII.DE LA NATURE ET DE LA GRACE. UN LIVRE.
Il me tomba alors entré les mains un livre de Pélage, où il défend par tous les raisonnements quil peut trouver, la nature humaine contre la grâce de Dieu, laquelle justifie les impies et nous fait chrétiens. Aussi le livre dans lequel je lui ai répondu, en défendant la grâce, non comme contraire à la nature, mais comme délivrant et gouvernant cette nature, je lai intitulé : De la Nature et de la Grâce. Dans ce livre jai défendu comme si elles appartenaient réellement à saint Sixte, évêque de Rome et martyr, des paroles que Pélage lui attribue; je les croyais de lui; jai appris plus tard quelles étaient non de Sixte le chrétien, mais de Sextus le philosophe. Ce livre commence ainsi: « Le livre que vous mavez envoyé.»
CHAPITRE XLIII.DE LA CITÉ DE DIEU. VINGT-DEUX LIVRES.
1. En ce temps, Rome fut envahie par les Goths, sous le commandement du roi Alaric; et elle fut presque détruite par le désastre de cette mémorable défaite. Ce désastre, les adorateurs de la multitude des faux dieux que nous nommons en langage ordinaire les Païens, sefforcèrent de lattribuer à la religion chrétienne, et commencèrent à blasphémer avec plus damertume et plus dardeur que jamais contre le vrai Dieu. Enflammé du zèle de la maison du Seigneur, jentrepris décrire, contre leurs erreurs ou leurs blasphèmes, les livres de la Cité de Dieu. Cet ouvrage moccupa plusieurs années, parce que jétais interrompu par beaucoup daffaires qui ne pouvaient se différer et dont la solution passait auparavant. Ce grand ouvrage de la Cité de Dieu fut enfin achevé en vingt-deux livres. Les cinq premiers réfutent ceux qui veulent que les destinées des choses humaines tiennent au maintien du culte que les païens ont voué aux faux dieux et qui prétendent que tous les maux arrivent et abondent, parce que ce culte est prohibé. Les cinq suivants sont dirigés contre ceux qui avouent que ces maux nont (355) jamais été et ne seront jamais épargnés aux mortels, et que grands ou moindres, ils varient selon les lieux, les temps et les personnes; mais qui soutiennent en même temps que le culte des faux dieux avec ses sacrifices, est utile à la vie qui doit suivre la mort. Ces dix livres mettent à néant ces deux Opinions erronées et opposées à la religion chrétienne. 2. Mais, pour ne pas être exposé au reproche de nous être borné à réfuter les doctrines de nos adversaires et de navoir pas établi les nôtres, la seconde partie de louvrage, qui contient douze livres, soccupe de cette matière. Toutefois, quand il en était besoin, nous navons pas manqué, dans les dix premiers livres, daffirmer nos doctrines, ni dans les douze derniers de réfuter nos adversaires. De ces douze derniers, les quatre premiers contiennent lorigine des deux cités, dont lune est la cité de Dieu, lautre la cité de ce monde. Les quatre seconds, leurs progrès et leurs développements. Les quatre troisièmes, qui sont les derniers, les fins qui leur sont dues. De plus, quoique les vingt-deux livres traitent des deux cités, ils nempruntent leur titre quà la meilleure, la cité de Dieu. Dans le dixième livre, je naurais pas dû présenter comme un miracle la flamme descendue du ciel qui, au sacrifice dAbraham, courait entre les victimes divisées 1, parce que ce fait lui a été montré en songe. Dans le dix-septième, ce qui est dit de Samuël: « il nétait pas des fils dAaron 2, » doit être remplacé plus avantageusement par: « il nétait pas fils de prêtre. » En effet, les fils des prêtres devaient, selon une coutume plus légitime, succéder aux prêtres morts. On trouve le père de Samuel parmi les fils dAaron 5; mais il nétait pas prêtre ni du nombre des enfants, en ce sens quAaron lui-même laurait engendré, mais de la même manière que tous les hommes de ce peuple sont nommés enfants dIsraël. Ce livre commence ainsi: «Jai entrepris de « défendre la très-glorieuse cité de Dieu. »
1. Chap. VIII. 2. Chap. V, n. 2. 3. Saint Augustin se trompe ici Samuel était un descendant de Coré, rival dAaron (I Paral. VI.)
CHAPITRE XLIV.A OROSE, CONTRE LES PRISCILLIANISTES ET LES ORIGÉNISTES. UN LIVRE.
Je répondis en même temps avec autant de brièveté et de netteté que je pus à une consultation que mavait adressée un prêtre dEspagne, nommé Orose, sur les Priscillianistes et sur quelques opinions dOrigène, que réprouve la foi catholique; le titre de cet opuscule est A Orose, contre les Priscillianistes et les Origénistes. La consultation elle-même a été placée en tête de ma réponse. Ce livre commence ainsi : « Je ne dois pas répondre comme vous le demandez, mon cher fils Orose. »
CHAPITRE XLV.DEUX LIVRES A JÉROME, PRÊTRE, LUN SUR LORIGINE DE LAME, LAUTRE SUR UN PASSAGE DE SAINT JACQUES.
Jai écrit aussi deux livres 1 à Jérôme, prêtre, qui résidait à Bethléem: lun sur lorigine de lâme humaine; lautre, sur ce passage de saint Jacques: « Quiconque a gardé toute la loi et la « violée en un seul point, devient coupable de « tous 2. » Je le consultais sur ces deux sujets. Je nai pas résolu moi-même la question que je lui posais dans le premier de ces livres; pour le second, je ne me suis pas tu sur la solution qui me paraissait devoir être adoptée, mais je le consultai pour savoir sil approuvait cette solution. Il mécrivit pour louer ma consultation; mais il me déclara quil navait pas le loisir dy répondre .Tant quil a vécu, je nai pas voulu publier ces deux livres, dans lespoir quil me répondrait un jour; jaurais alors publié sa réponse avec mes livres. Après sa mort je publiai le premier, afin que le lecteur fût averti ou de ne point rechercher comment lâme est donnée aux enfants qui naissent, ou de ne pas admettre sur cette question très-obscure, une solution qui soit contraire aux choses très-manifestes que la foi catholique reconnaît à propos du péché originel dans les petits enfants, lesquels seront certainement damnés à moins quils ne soient régénérés en Jésus-Christ. Quant au second, je lai publié également, afin que lon sût quelle est la solution qui nous a semblé devoir être adoptée sur la question qui y est traitée. Cet ouvrage
Lettres 166, 167. 2. Jacq. II, 10.
356
commence ainsi : « Jai prié notre Dieu qui nous a appelés. »
CHAPITRE XLVI.A ÉMÉRITE, ÉVÊQUE DES DONATISTES, APRÈS NOTRE CONFÉRENCE. UN LIVRE.
(Nexiste plus.)
Peu de temps après la conférence que nous avions eue avec les Donatistes, jécrivis à Emérite, lun de leurs évêques, qui, dans cette conférence, paraissait être leur principal défenseur, un livre assez utile, parce quil contient dans une brièveté commode, les raisons qui les confondent et qui établissent leur défaite. Ce livre commence ainsi: « Si même maintenant, mon frère Emérite. »
CHAPITRE XLVII.DES ACTES DU PROCÈS DE PÉLAGE. UN LIVRE.
Pendant le même temps, en Orient, cest-à-dire en Syrie ou en Palestine, Pélage, conduit au tribunal des évêques par quelques frères catholiques, fut, en labsence de ceux qui avaient dressé laccusation contre lui et qui navaient pu se trouver au jour du synode, entendu par quatorze évêques; et là, comme il condamnait les doctrines hostiles à la grâce de Jésus-Christ, que formulait lacte daccusation dressé contre lui, il fut reconnu pour catholique. Mais les actes de cette procédure étant venus entre nos mains, jai écrit un livre sur ces actes, de peur que la sentence dabsolution quil avait reçue, naccréditât lopinion que ses juges approuvaient les doctrines qui, certes, auraient motivé sa condamnation, sil ne les avait réprouvées lui-même. Ce livre commence ainsi: « Après que furent tombés en nos mains. »
CHAPITRE XLVIII.DU CHÂTIMENT DES DONATISTES. UN LIVRE.
Dans le même temps, jai écrit aussi un livre sur le châtiment des Donatistes 1, à cause de ceux qui ne voulaient pas quon les châtiât selon les lois de lEmpire. Ce livre commence ainsi : « Je vous loue, je vous félicite et je suis dans ladmiration. »
1. Lettre 185 à Boniface,
CHAPITRE XLIX.DE LA PRÉSENCE DE DIEU, A DARDANUS. UN LIVRE.
Jai écrit, sur la présence de Dieu, un livre où notre sollicitude est particulièrement éveillée contre lhérésie de Pélage, bien que je ne la nomme pas expressément. Il y est aussi traité avec soin et application de la présence de la nature que nous appelons le Dieu souverain et véritable, et de son temple. Ce livre commence ainsi : « Javoue, mon bien-aimé frère Dardanus.»
CHAPITRE L.CONTRE PÉLAGE ET CÉLESTE, SUR LA GRÂCE DII JÉSUS-CHRIST ET SUR LE PÉCHÉ ORIGINEL, À ALBINA, PINIANUS ET MÉLANIE. DEUX LIVRES.
Après que lhérésie pélagienne, ainsi que ses auteurs, eut été dévoilée et condamnée par les évêques de lEglise romaine, Innocent dabord, puis Zozime, sur les lettres des conciles dAfrique, jécrivis deux livres contre les Pélagiens, lun sur la grâce de Jésus-Christ, lautre sur le péché originel. Cet ouvrage commence ainsi: «Autant nous nous réjouissons de votre santé corporelle et surtout de votre salut spirituel.»
CHAPITRE LI.ACTES DE LA CONFÉRENCE AVEC ÉMÉRITE, DONATISTE. UN LIVRE.
Peu de temps après la conférence que nous eûmes avec les hérétiques donatistes, nous fûmes obligés de nous rendre dans la Mauritanie Césarienne. Nous y rencontrâmes, à Césarée même, Emérite, évêque des Donatistes, lun des sept quils avaient délégués pour la défense de leur cause, et celui qui y avait le plus travaillé. La discussion que jeus avec lui en présence des évêques de la province et du peuple de lEglise de la ville de Césarée, dont il était citoyen en même temps quévêque de ces hérétiques, est relatée dans les actes ecclésiastiques placés parmi mes ouvrages. Ne trouvant rien à me répondre, il entendit tout mon discours, que je fis rouler sur la seule affaire des Maximianistes et que je développai devant lui et devant toutes les personnes présentes, et il resta muet. Ce livre ou ces actes commencent ainsi : « Les très-glorieux (356) empereurs Honorius, consul pour la treizième fois, et Théodose pour la huitième. »
CHAPITRE LII.CONTRE LE DISCOURS DES ARIENS. UN LIVRE.
En ce temps, il me vint entre les mains un discours des Ariens, sans nom dauteur. A la demande instante de celui qui me lavait envoyé, jy répondis avec autant de promptitude et de brièveté que je pus. Je joignis ce discours en tête de ma réponse et jy plaçai des numéros, dont linspection seule renvoie aisément aux endroits auxquels jai répondu. Ce livre, après le discours qui le précède, commence ainsi : « Je réponds dans cette discussion à la discussion précédente. »
CHAPITRE LIII.DU MARIAGE ET DE LA CONCUPISCENCE, AU COMTE VALÈRE. DEUX LIVRES.
Jai écrit deux livres au comte Valère, homme illustre, parce que javais appris que les Pélagiens nous avaient dénoncé à lui comme condamnant le mariage, en affirmant lexistence du péché originel. Le titre de ces livres est: Du Mariage et de la Concupiscence. Nous y défendions, en effet, la bonté du mariage, afin quon ne pût pas penser quil est vicié par la concupiscence charnelle et la loi du corps combattant contre la loi de lesprit; car la pudeur conjugale use bien pour la procréation des enfants de ce mal qui est dans la passion. Voici maintenant comment il y a deux livres: le premier vint aux mains de Julien le pélagien, qui écrivit contre lui quatre volumes, dont quelquun détacha quelques pages et les envoya au comte Valère, lequel me les adressa. Les ayant reçus, jy répondis par mon second livre. Le premier commence ainsi: « Des hérétiques nouveaux, mon cher fils Valère; » et le second: « Au milieu des soins de votre état militaire. »
CHAPITRE LIV.SEPT LIVRES DE LOCUTIONS.
Jai composé sept livres sur sept livres des divines Ecritures: cinq de Moïse, un de Jésus, fils de Navé, et un des Juges, en notant les locutions de chacun de ces livres qui sont les moins usitées dans notre langue; quand on ny fait pas assez attention en les lisant, on en cherche le sens, tandis que ce nest quune façon de parler, et on en tire des explications qui sans doute ne sont pas toujours en opposition avec la vérité; ces explications toutefois ne saccordent pas avec le sens que lauteur a voulu leur donner, et on voit bien que cest de sa part une simple sorte de locution. Il y a, il est vrai, dans lEcriture sainte, bien des obscurités qui séclairent quand on connaît le genre de la locution employée. Il faut donc connaître les passages dont le sens est clair et où lon rencontre les mêmes genres de locutions, afin que là même où le sens est caché, cette connaissance vienne eu aide et le montre clairement à lintelligence du lecteur. Le titre de louvrage est: Locutions de la Genèse, et ainsi des autres. Quand jai dit, dans le premier livre 1, quil est écrit : « Et Noé accomplit toutes les paroles que le Seigneur lui avait ordonnées, ainsi les accomplit-il 2, » et quand jai ajouté que cette locution était semblable à celle qui avait été employée dans la création, où il est écrit dabord : « Et il fut fait ainsi; » et où il est dit ensuite: « Et Dieu fit;» cela ne me semble pas revenir tout à fait au même. Enfin, le sens même est caché dans le premier texte, et dans le second ce nest quune façon de parler. Louvrage commence ainsi: « Les locutions des « Ecritures. »
CHAPITRE LV.SEPT LIVRES DE QUESTIONS.
1. Dans le même temps, jai écrit sept livres sur des questions tirées des mêmes Livres sacrés, et jai voulu les appeler ainsi, parce que les points discutés sont plutôt des questions posées que des questions résolues. Toutefois, la plupart sont traitées de manière à pouvoir être à bon droit jugées comme expliquées et résolues. Nous avions déjà commencé à examiner de cette manière les livres des Rois; mais nous navons pas poursuivi bien loin, parce que nous avons été absorbé par dautres affaires plus urgentes. Dans le premier livre, lorsquil sagit des baguettes de diverses couleurs que Jacob mettait dans leau, afin que les brebis qui les voyaient en buvant, enfantassent des petits de nuances variées 3; nous navons pas bien exposé la
1. N. 18. 2. Gen. VI, 22. 3. Quest. 93.
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cause pour laquelle il ne leur mettait pas sous les yeux ces baguettes pour la seconde conception, mais seulement pour la première. En effet, lexposition dune autre question, dans laquelle nous demandons pourquoi Jacob a dit à son beau-père : « Vous mavez « fraudé dans mon salaire, de dix agneaux 2, »et dont lexplication est assez juste, démontre que la première na pas été résolue comme elle le devait être. 2. Dans le troisième livre, également, quand il sagit du grand prêtre et quon demande comment il pouvait avoir des fils, étant obligé dentrer deux fois le jour dans le Saint des saints où était lautel de lencens, pour offrir lencens matin et soir 3, ne pouvant, comme le dit la loi, y entrer étant impur, et limpureté résultant, dit cette même loi, des rapports conjugaux, et demeurant jusquau soir, malgré les ablutions deau prescrites et accomplies 4, jai dit : « Il faut en conséquence, ou quil demeurât dans la continence, ou que, à certains jours, loffrande de lencens fût interrompue 5 ; » je nai pas vu que la conséquence nétait pas rigoureuse. En effet, on peut comprendre la parole : « Il restera impur jusquau soir, » en ce sens quil nétait pas impur pendant ce soir même, mais jusquà ce soir, afin que, le soir venu, il pût, étant pur, offrir lencens, et quaprès le sacrifice du matin il pût sunir à son épouse pour avoir des enfants. De même, quand on demande comment il pouvait être défendu au grand prêtre dassister aux funérailles de son père 6, puisquil ne pouvait devenir grand prêtre (cette fonction étant unique) quaprès la mort de son père, jai dit : « Daprès cela, il aurait été nécessaire que le fils, qui devait succéder à son père, eût été institué avant que le père neût été enseveli et aussitôt après sa mort; il leût fallu aussi à cause de la nécessité de ne pas laisser interrompre loffrande de lencens, qui devait avoir lieu deux fois le jour 7; » et cest ce prêtre à qui il est interdit dentrer près du corps de son père mort et non encore inhumé. Mais je nai pas assez remarqué que cette prescription avait pu être faite pour ceux qui devaient être grands prêtres, ne succédant pas à leurs pères grands prêtres aussi, mais étant des fils, cest-à-dire des descendants dAaron : ce qui arriverait
1. Quest. 95. 2. Gen. XXXI, 41. 3. Exod. XXX, 7, 8. 4. Lév. XV, 16. 5. Quest. 82. 6. Lév. XXI, 11. 7. Quest. 83.
si par hasard, ou le grand prêtre navait pas de fils, ou en avait de si indignes quaucun deux ne pût succéder à son père. Aussi advint-il que Samuel succéda au grand prêtre Héli 1, nétant pas lui-même fils de prêtre, mais étant des fils, cest-à-dire des descendants dAaron. 3. Jai presque affirmé comme certain que le larron, à qui il a été dit: « Aujourdhui vous serez avec moi dans le paradis 2, » navait pas été baptisé visiblement 3; tandis que cela est incertain et quon doit plutôt croire quil a été baptisé, ainsi que je lai établi ailleurs moi-même. De même, ce que jai dit dans le cinquième livre, que là où sont mentionnées les mères, dans les généalogies évangéliques, elles ne le sont quavec les pères 5, cela est vrai, mais na pas de rapport avec la question que je traitais. Il sagissait de ceux qui épousaient les femmes de leurs frères ou de leurs parents, lesquels étaient morts sans enfants, et cette observation était faite au sujet des deux pères de Joseph, dont saint Matthieu nomme lun et saint Luc lautre. Jai discuté à fond cette question dans la révision de mon ouvrage contre Faustus le manichéen. Cet ouvrage commence ainsi: « Lorsque nous parcourons les saintes Ecritures, que nous nommons Canoniques. »
CHAPITRE LVI.DE LÂME ET DE SON ORIGINE.. QUATRE LIVRES.
Dans le même temps, un certain Vincentius Victor trouva dans la Mauritanie Césarienne, chez un prêtre espagnol nommé Pierre, un opuscule de moi où javouais, à propos de lorigine de lâme de tous les hommes, que jignorais si ces âmes proviennent de celle du premier homme et ensuite de celles de nos parents, ou si elles sont données à chaque homme, sans aucune propagation, comme à Adam; je déclarais savoir seulement que lâme nest pas un corps, mais un esprit. Ce Vincentius Victor adressa à ce même Pierre deux livres contre mon opinion, et le moine René me les envoya de Césarée. Après les avoir lus, je donnai ma réponse en quatre livres, lun adressé au moine René, lautre au prêtre Pierre, les deux derniers à Victor lui-même. Ce que jai écrit à Pierre est une lettre, quoique par son étendue cette lettre soit plutôt un
1. I Rois. I. 2. Luc. XXIII, 43. 3. Quest. 84. Quest. 46, n. 2.
livre; mais je nai pas voulu la séparer des autres. Dans tous ces livres, qui traitent de matières très-graves, jai défendu mes doutes sur lorigine des âmes qui sont données à chaque homme et jai montré les nombreuses erreurs et les faussetés de la présomption de mon adversaire. Toutefois, comme cétait un jeune homme quil ne fallait pas pousser trop vite, mais quil fallait instruire encore, je lai traité avec le plus de douceur que jai pu, et jai reçu de lui une rétractation. Le livre à René commence par ces mots: « Nous avions la preuve de votre sincérité à notre égard. »Celui qui sadresse à Pierre, par ceux-ci : « A mon très-cher frère et seigneur, et confrère en prêtrise, Pierre. » Des deux derniers adressés à Vincent Victor, le premier commence ainsi : « Ce que jai pensé devoir vous écrire. »
CHAPITRE LVII.A POLLENTIUS, SUR LES MARIAGES ADULTÈRES. DEUX LIVRES.
Jai écrit deux livres sur les mariages adultères, en suivant autant que je lai pu les Ecritures et désirant élucider une question très-difficile. Je ne sais si jy suis parvenu; mais je sais que je suis resté loin de la perfection, bien que jaie ouvert plusieurs aspects de la question, ce dont tout lecteur intelligent pourra juger. Le premier livre de cet ouvrage commence ainsi : « La première question, mon cher frère Pollentius; » le second : « A ce que vous maviez écrit. »
CHAPITRE LVIII.CONTRE UN ADVERSAIRE DE LA LOI ET DES PROPHÈTES. DEUX LIVRES.
Sur ces entrefaites, un livre dun certain hérétique, soit marcionite, soit de quelque autre secte dont lerreur consiste à nier que Dieu ait fait le monde et à dire que le Dieu de la loi donnée par Moïse, le Dieu des prophètes de lAncien Testament, nest pas le vrai Dieu, mais le plus mauvais des démons, était lu à Carthage, sur la place voisine de la mer, en présence dun grand nombre dauditeurs très-attentifs; quelques-uns de nos frères, chrétiens zélés, se le procurèrent et me lenvoyèrent sans aucun retard pour le réfuter, me priant instamment dy répondre aussi durgence. Je le réfutai en deux livres que jai intitulés: Contre un adversaire de la Loi et des Prophètes, le manuscrit qui mavait été envoyé nayant pas de nom dauteur. Cet ouvrage commence ainsi: « Au livre de je ne sais quel hérétique que vous mavez envoyé, mes très-chers frères.
CHAPITRE LIX.CONTRE GAUDENCE, ÉVÉQUE DES DONATISTES. DEUX LIVRES.
Vers le même temps, Dulcitius, tribun et notaire, était en Afrique lexécuteur des ordres impériaux contre les Donatistes. Il avait adressé des lettres à Gaudence, évêque des Donatistes de Tanuégadès, un des sept quils avaient choisis pour les défendre dans notre conférence, lexhortant de rentrer dans lunité catholique et de ne pas allumer lincendie où il menaçait de se consumer, lui et les siens avec léglise où il était; ajoutant ensuite que, sils croyaient leur cause juste, ils prissent la fuite, selon le précepte de N.-S. J. -C., plutôt que de se faire périr dans les flammes. Gaudence lui répondit deux lettres, lune très-courte, attendu, disait-il, que le porteur était très-pressé; lautre plus longue, par laquelle il essayait de répondre plus complètement et avec plus de soin. Le tribun Dulcitius jugea convenable de me les envoyer afin que je les réfutasse; je le fis pour toutes les deux en un seul livre. Ma réponse tomba entre les mains de Gaudence, et il me répliqua ce qui lui plut, ne donnant aucune raison, mais faisant plutôt voir quil navait pu ni se taire, ni me répondre. Bien que tout lecteur intelligent pût sen apercevoir sans peine, et que la comparaison de nos deux écrits fût suffisante pour cela, je ne voulus pas cependant laisser sans réponse cet écrit quel quil fût. Cest ce qui fait que mes livres contre lui sont au nombre de deux. Cet ouvrage commence ainsi: « Gaudence, évêque des Donatistes de Tanuégadès. »
CHAPITRE LX.CONTRE LE MENSONGE. UN LIVRE.
Jécrivis aussi alors un livre Contre le Mensonge; ce qui my détermina, cest que plusieurs catholiques crurent devoir feindre dêtre Priscillianistes, afin de découvrir le mystère dans lequel senveloppaient ces hérétiques qui, pour cacher leur hérésie, croient quil leur est (360) permis non-seulement de la nier et de mentir, mais même de se parjurer. Jai composé ce livre pour condamner cette conduite. Il commence ainsi: « Vous mavez « envoyé beaucoup à lire. »
CHAPITRE LXI.CONTRE DEUX LETTRES DES PÉLAGIENS. QUATRE LIVRES.
Suivent quatre livres que jai écrits, contre deux lettres des Pélagiens à lévêque de lEglise romaine, Boniface; quand il avait eu ces lettres, il me les avait envoyées lui-même, y trouvant mon nom calomnieusement inséré. Cet ouvrage commence ainsi: « Je vous connaissais, grâce à léclat de votre renommée. »
CHAPITRE LXII.SIX LIVRES CONTRE JULIEN.
Je vins alors à posséder les quatre livres de Julien, pélagien, dont jai parlé plus haut. Jy trouvai que les passages qui en avaient été détachés par celui qui les avait adressés au comte Valère, navaient pas été envoyés à ce comte comme Julien les avait écrits, mais quil y avait eu quelques changements. Jécrivis donc six livres contre les quatre de Julien: mais les deux premiers réfutent, par les témoignages des saints qui après les apôtres ont défendu la foi catholique, limpudence de Julien qui croyait pouvoir nous reprocher, comme une opinion manichéenne, davoir dit que nous tirons dAdam le péché originel, qui est effacé par le baptême de régénération, non-seulement chez les adultes, mais même chez les petits enfants. En revanche, je montre, dans la dernière partie de mon livre premier, combien Julien lui-même professe des opinions favorables aux Manichéens. Mes quatre autres livres réfutent les siens, un par un. Dans le cinquième volume de cette oeuvre si considérable et si profondément élaborée, lorsque jai rappelé le mari difforme, qui dans laction du mariage avait lhabitude de présenter à sa femme une belle peinture, afin quelle neût pas des enfants difformes 1,jai indiqué le nom de lhomme qui avait cette habitude, comme si jen étais certain, tandis quon nen est pas sûr; ma mémoire ma trompé. Cette habitude appartenait à un roi de Chypre, au rapport de Soranus, auteur dun livre de médecine; mais Soranus ne donne pas le nom de ce roi.
1. C. XIV, n. 51.
Cet ouvrage commence ainsi: « Vos outrages et vos malédictions, Julien. »
CHAPITRE LXIII.A LAURENTIUS, SUR LA FOI, LESPÉRANCE ET LA CHARITÉ. UN LIVRE.
Jai composé aussi un livre sur la Foi, lEspérance et la Charité, pour répondre à la demande de celui à qui je lai adressé, et qui avait sollicité de moi un petit opuscule qui ne devait pas sortir de ses mains; cest ce que les Grecs appellent Enchiridion, cest-à-dire Manuel. Il me semble que jy ai assez exactement exposé quel culte doit être rendu à Dieu, ce qui constitue certainement la vraie sagesse de lhomme, selon la sainte Ecriture. Ce livre commence ainsi: « Je ne saurais dire, mon cher fils Laurentius, combien je suis charmé de votre érudition. »
CHAPITRE LXIV.A LÉVÊQUE PAULIN, DU SOIN A PRENDRE DES MORTS. UN LIVRE.
Jai écrit un livre du Soin à prendre des morts, en réponse à des lettres qui me demandaient sil était utile à quelquun, après sa mort, davoir son corps enseveli près de lautel de quelque saint. Il commence ainsi: « Jai été longtemps à répondre à votre sainteté, Paulin, mon vénérable confrère dans lépiscopat. »
CHAPITRE LXV.DES HUIT QUESTIONS DE DULCITIUS. UN LIVRE.
Le livre que jai intitulé: Des huit questions de Dulcitius, ne devrait pas être indiqué dans cet ouvrage parmi mes livres, puisquil est composé avec des fragments de ceux que javais écrits antérieurement; mais on y trouve quelques additions, et la réponse à une de ces questions ne se rencontre pas dans mes autres ouvrages : je lai donnée telle quelle a pu se présenter alors. Ce livre commence ainsi : « Autant quil me semble, Dulcitius, mon cher fils. »
CHAPITRE LXVI.A VALENTIN ET A SES MOINES, SUR LA GRÂCE ET LE LIBRE ARBITRE. UN LIVRE.
Afin de répondre à ceux qui, lorsquon défend la grâce de Dieu, simaginent quon nie le libre arbitre, et défendent eux-mêmes le (361) libre arbitre en niant la grâce de Dieu, et en affirmant que cette grâce nous est donnée selon nos propres mérites, jai écrit un livre intitulé : De la Grâce et du Libre Arbitre. Je lai adressé à ces moines dAdrumet, dans le monastère desquels avait commencé cette controverse qui avait forcé plusieurs dentre eux à me consulter. Ce livre commence ainsi: « Pour répondre à ceux qui exaltent et défendent le libre arbitre de lhomme. »
CHAPITRE LXVII.AUX MÊMES, SUR LA RÉPRIMANDE ET LA GRÂCE. UN LIVRE.
Jai écrit aussi aux mêmes personnes un autre livre, que jai intitulé: De la Réprimande et de la Grâce. On mavait annoncé que, dans ce monastère, quelquun avait dit quil ne fallait pas reprendre ceux qui naccomplissent pas les préceptes du Seigneur, mais quil suffit de prier pour eux, afin quils arrivent à les accomplir. Ce livre commence ainsi: « Ayant lu votre lettre, Valentin, mon frère bien-aimé. » Tels sont les quatre-vingt-treize ouvrages, formant deux cent trente-deux livres, que jai reconnu avoir écrits en les révisant, ne sachant pas si jen dicterais encore dautres. Quant à ceux-là, la révision en est faite en deux livres : je lai publiée sur les instances de mes frères, avant que jeusse commencé à réviser les lettres et les sermons au peuple, qui ont été soit prononcés, soit dictés par moi.
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