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MÉTHODEPOUR ENSEIGNER AUX CATÉCHUMÈNES LES ÉLÉMENTS DU CHRISTIANISMEouTraité du Catéchisme.
Traduction de M. CITOLEUX.
Lauteur, à la prière dun diacre de Carthage, retrace les règles qui doivent guider le catéchiste. Après avoir exposé la manière denseigner les vérités chrétiennes non-seulement avec méthode mais avec grâce et facilité, il joint lexemple aux préceptes et propose deux discours comme modèles des instructions que lon doit donner aux catéchumènes.
IL FAUT EXAMINER AVEC SOIN LE MOTIF QUI DÉTERMINE LE CATÉCHUMÈNE A SE FAIRE CHRÉTIEN. PRÉMUNIR LE CATÉCHUMÈNE CONTRE LES SCANDALES. ENSEIGNEMENT DE LA MORALE. MÉTHODE POUR INSTRUIRE LES PERSONNES ÉCLAIRÉES. COMMENT INSTRUIRE LES GRAMMAIRIENS ET LES ORATEURS. DIEU NENTEND QUE LE LANGAGE DU COEUR. DE LENNUI ET DE SES CAUSES : PREMIER MOYEN D Y REMÉDIER. DEUXIÈME CAUSE DENNUI: MOYEN DY REMÉDIER. TROISIÈME CAUSE DENNUI : DES MOYENS DY REMÉDIER. CINQUIÈME ET SIXIÈME CAUSES DENNUI : DES MOYENS DY REMÉDIER. NÉCESSITÉ DAPPROPRIER SON LANGAGE AUX CIRCONSTANCES ET AUX PERSONNES. CHAPITRE XVIII. CAPTIVITÉ DE BABYLONE. LES JUIFS NONT JAMAIS DEPUIS RECOUVRÈ LEUR INDÉPENDANCE NATIONALE. DESCENTE DU SAINT-ESPRIT. CONVERSIONS OPÉRÉES CHEZ LES JUIFS ET CHEZ LES GENTILS. EXPLIQUER LA SIGNIFICATION DES SACREMENTS. MANIÈRE PLUS COURTS DINSTRUIRE UN CATÉCHUMÈNE.
CHAPITRE PREMIER.BUT DE CE TRAITÉ.
1. Tu mas prié, Déogratias mon frère, de tadresser des conseils sur la manière de remplir tes fonctions de catéchiste. Chargé à Carthage, en qualité de diacre, dinitier au christianisme un grand nombre de personnes confiées à tes soins, sur la réputation dont tu jouis de savoir réunir, dans ton enseignement, la solidité de la doctrine à la grâce de lélocution; tu hésites souvent, me dis-tu, sur la méthode à suivre pour enseigner avec facilité les vérités élémentaires quil faut croire pour obtenir le titre de chrétien. Tu me demandes où doit commencer, où doit finir cette exposition; sil est nécessaire dy ajouter quelques exhortations, ou sil suffit de formuler simplement les préceptes dont lobservation est essentielle à celui qui veut embrasser la foi chrétienne et y conformer sa vie. Si jen crois même tes aveux et tes plaintes, ta parole finit par devenir languissante et tinspire du dégoût, loin de charmer le catéchumène et lauditoire. Dans cette situation délicate, tu mas prié, au nom rie la charité que je te dois, de vouloir bien, au milieu de mes travaux, tadresser quelques conseils sur ce sujet. 2. Pour moi, je trouve dans la charité et dans le sentiment des devoirs qui mattachent, non-seulement à un ami en particulier, mais encore à lEglise en général, un motif impérieux de rendre sur-le-champ, avec un dévouement sans bornes, tous les services que me permettent doffrir les bienfaits dont Dieu ma comblés et quil mimpose envers ceux dont il a fait mes frères. Plus je désire voir se répandre au loin les trésors du Seigneur,plus je suis obligé dadoucir les peines quéprouvent ses serviteurs et mes collaborateurs à les faire valoir; plus je dois, dans la mesure de mes forces, leur faciliter la tâche quils brûlent de remplir.
CHAPITRE II.PAR QUEL SECRET LAUDITEUR GOÛTE-T-IL SOUVENT UN DISCOURS DONT LORATEUR EST MÉCONTENT? LE PRÉDICATEUR DOIT AVANT TOUT PRÉVENIR LENNUI ET ÉGAYER SON ÉLOCUTION.
3. Pour en venir à la question qui te préoccupe, je ne voudrais plus te voir songer avec tristesse au style plat et languissant que tu prétends remarquer dans tes instructions, Ces défauts échappent peut-être à ton auditeur, et tu te figures sans doute que ta parole ne mérite pas dêtre écoutée, parce quelle ne répond pas assez à ton idéal. Moi-même je suis presque toujours mécontent de mes discours. Je me forme un idéal qui me ravit en moi-même aussi longtemps que je ne cherche pas à le rendre par la parole. Ne puis-je lexprimer dans toute sa beauté? Je mafflige en voyant que ma langue ne peut répondre aux inspirations de mon coeur. Car je voudrais faire entrer dans lesprit des auditeurs ma pensée tout entière, et je sens que ma parole est incapable de produire cet effet. Lidée [61] pénètre dans mon esprit comme un rayon de lumière; mon langage se traîne, languit et la reflète à peine; pendant quil se débrouille, elle se perd damas ses mystérieuses profondeurs; toutefois, par une merveilleuse propriété, elle imprime dans la mémoire des traces qui subsistent avec les termes mêmes destinés à la fixer. Ces impressions donnent naissance aux signes phonétiques dont lensemble compose un idiome, le grec, le latin, lhébreu, ou toute autre langue; que lon pense seulement à ces signes ou quon les produise avec la voix, peu importe; les impressions de la pensée ne sont ni grecques, ni latines, ni hébraïques; elles ne sont particulières à aucun peuple, elles se forment dans lesprit comme les traits se dessinent sur le visage. La passion de la colère est désignée en grec, en latin, en hébreu et dans les divers idiomes par un terme différent. Lexpression de la colère sur la physionomie humaine nest point un langage spécial à la Grèce ou à litalie. Pour comprendre celui qui sécrie : Iratus sum (1), je suis en colère, il faut être initié à la langue latine; mais que le mouvement dune âme en courroux éclate sur le visage et se peigne dans tous les traits, il suffit de voir le jeu de la physionomie pour comprendre quelle exprime la colère. Or, il est impossible de retracer par la parole et de représenter aux oreilles de lauditeur, avec lévidence irrésistible de la physionomie, les traces que les idées laissent dans la mémoire ici tout est intérieur, là tout éclate au dehors. On peut ainsi mesurer lintervalle qui existe entre lapparition soudaine des idées et le langage, puisquil se forme plus lentement encore que les impressions dans la mémoire. Que faisons-nous donc? Ne songeant quaux intérêts de notre auditoire, nous voulons, malgré limpuissance qui trahit nos efforts, exprimer les pensées comme nous les concevons; notre insuccès nous désespère; la pensée que notre travail est superflu nous fait tomber dans le découragement et le dégoût. La tiédeur et la faiblesse de nos discours, principe de notre découragement, saccroissent par notre découragement même. 4. Lattrait quinspire ma parole aux auditeurs empressés de mentendre, me révèle quil y a dans mes discours moins de langueur que je ne limagine: au plaisir quils éprouvent, je reconnais tout le profit quils en tirent, et
1. Je suis en colère.
je nai garde de manquer au ministère dont je les vois recueillir tant de fruits. Fais comme moi. Puisquon te confie souvent linstruction des catéchumènes, tu dois en conclure que-tes discours ninspirent pas aux autres la même répugnance quà toi-même; surtout il ne faut pas croire quils sont inutiles, parce que lexpression ne rend pas ta pensée comme tu la conçois; car, ta pensée reste souvent elle-même au-dessous des choses. Quel homme ici-bas ne voit pas la vérité comme dans un miroir et à travers des énigmes (1)? Lamour lui-même nest pas assez fort pour percer les ténèbres dont la chair nous enveloppe, et pour pénétrer dans cette éternité resplendissante à laquelle empruntent un éclat tel quel les choses éphémères dici-bas. Mais une perfection de plus en plus haute rapproche sans cesse les justes de ce jour éternel, où lon ne connaît plus le mouvement périodique du ciel, ni le retour de la nuit, de cette merveille que loeil de lhomme na point vue, que son oreille na point entendue, que son coeur na jamais conçue (2); de là vient surtout le mécontentement où nous laissent nos instructions aux catéchumènes : nous aspirons à des pensées sublimes, la simplicité du langage ordinaire nous rebute. A dire vrai, la sympathie de lauditeur dépend de la sympathie quil trouve en nous; notre joie se mêle à toute la trame de notre discours; avec la joie naît la facilité et la grâce. La difficulté nest donc pas ici de montrer où doit commencer, où doit finir lexposition des vérités de la foi; dapprendre le secret dy jeter de la variété, tantôt en la développant, tantôt en labrégeant, sans être incomplet; enfin de déterminer les cas qui exigent de lampleur ou de la précision dans le style; le point essentiel, cest de donner des règles pour faire le catéchisme avec joie car, plus on sait plaire, plus lenseignement est efficace. La raison nen est pas difficile à trouver: Dieu aime celui qui donne avec joie (3), ce qui est plus vrai encore dans lordre spirituel que sil était question dun don pécuniaire. Mais, pour obtenir à propos cette joie attrayante, il faut la demander à Celui qui en a fait un précepte. Ainsi donc nous allons dabord parler des justes limites où doit se renfermer la narration, comme tu me le demandes, puis de la méthode la plus propre à instruire et à toucher,
1. Cor. XII, 12. 2. Id. II, 9. 3. II Cor. IX, 7.
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enfin des moyens de plaire, selon les lumières que Dieu nous communiquera.
CHAPITRE III.EN QUOI CONSISTE UNE NARRATION COMPLÈTE AU POINT DE VUE DU CATHÉCHISME? ELLE DOIT AVOIR POUR FIN LA CHARITÉ. LANCIEN TESTAMENT PRÉPARE LAVÈNEMENT DE JÉSUS-CHRIST, DESTINÉ A ÉTABLIR LA CHARITÉ.
5. Pour faire une narration complète, le catéchiste doit débuter par le premier verset de la Genèse: « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre (1)», et descendre jusquà lhistoire contemporaine de lEglise. Pour atteindre ce but, il nest pas nécessaire de réciter par coeur le Pentateuque, les livres des Juges , des Rois et dEsdras, ensuite tout lEvangile et les Actes des Apôtres, les eût-on appris mot pour mot, ou de développer en détail tous les événements historiques contenus dans ces ouvrages; un pareil récit serait déplacé et fort peu nécessaire. Il suffit de tout embrasser sous un coup doeil général, en faisant un choix des événements les plus merveilleux, les plus capables de captiver lesprit, et en les distribuant par époques. Loin de faire passer rapidement ce tableau sous les yeux, sans lever pour ainsi dire le rideau, il faut sarrêter pour lanalyser en quelque sorte et le mettre dans tout son jour, afin de le présenter avec toute sa grandeur à la vue et à ladmiration des auditeurs: sur tout le reste il faut passer légèrement et le faire rentrer dans lensemble. Grâce à cette méthode, les faits que nous voulons signaler sont mis en relief, lauditeur les aborde sans fatigue et sabandonne au mouvement de la narration; sa mémoire nest pas surchargée et il recueille aisément nos leçons. 6. Dans ces récits, il ne suffit pas davoir en vue la fin du précepte, cest-à-dire la charité qui sort dun coeur pur, dune bonne conscience et dune foi sincère (2), pour y rattacher toutes nos paroles : il faut encore fixer lesprit de notre auditeur sur ce principe et ly ramener sans cesse. Tout ce que nous lisons dans les saintes Ecritures, avant la venue de Notre-Seigneur, na été écrit que pour mettre en lumière son avènement et prédire lEglise, qui nest que le peuple de Dieu répandu parmi toutes les nations et formant le corps de
1. Gen. I, 1. 2. I Tim, I, 5.
Jésus-Christ. Il faut en effet regarder comme membres de 1Eglise tous les saints qui ont vécu avant son avènement et qui ont cru quil viendrait sur la terre, avec la même foi que nous croyons quil y est venu. Jacob en naissant présenta dabord la main dont il tenait le pied de son frère, sorti le premier du sein maternel: la tête parut ensuite, entraînant après elle tout le corps i; or, la tête surpasse en dignité et en puissance et les membres quelle entraîne après elle et la main qui la précéda: lordre naturel était interverti par le mode dapparition. Cest une figure de Jésus-Christ. Avant de se manifester dans la chair et de sortir du sein de léternité, pour apparaître sous la figure humaine, comme le médiateur entre Dieu et les hommes et le Dieu suprême qui est béni dans les siècles des siècles, il présenta, dans la personne des saints patriarches et des prophètes, une partie de son corps sacré: cétait comme la main qui annonçait sa future naissance. Le peuple orgueilleux qui le précédait, fut enlacé dans les liens de la loi dont il létreignit comme avec les cinq doigts de la main. Car il ne cesse durant cinq époques distinctes de faire prédire et annoncer sa venue; par une analogie non moins frappante, le législateur des Hébreux écrit cinq livres. Ces esprits orgueilleux, abandonnés à leurs pensées charnelles et cherchant à établir leur propre justice, virent la main du Christ se fermer pour les étreindre et les arrêter, au lieu de souvrir pour leur prodiguer les bénédictions : « leurs pieds furent enchaînés, et ils tombèrent; nous nous sommes dressés au contraire et nous restons debout (3)». Ainsi donc, pour revenir à ma pensée, quoique le Seigneur Jésus ait fait paraître une partie de son corps dans la personne des saints qui omit précédé sa naissance, il nen forme pas moins la tête de lEglise qui est son corps (4); tous ces saints se sont rattachés au corps dont il est le Chef, par leur foi en Celui quils annonçaient. Loin de sen séparer en le devançant, ils sy sont réunis en le suivant. La main peut précéder la tête sans cesser den dépendre. Par conséquent, tout ce qui- a été écrit avant nous, a été écrit pour notre instruction (5) Cétait la figure de ce qui nous était réservé; « tous ces événements leur arrivaient en figure, et ils sont
1. Gen, XXXV, 25. 2. Ces cinq époques vont être déterminées plus bas, n. 39. 3. Psal. XIX, 9. 4. Coloss. I, 18. 5. Rom. XV, 4,
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écrits pour notre instruction, de nous qui «nous trouvons à la fin des temps (1) »
CHAPITRE IV.LA VENUE DE JÉSUS-CHRIST A EU POUR BUT ESSENTIEL DÉTABLIR LE RÈGNE DE LA CHARITÉ: CEST A LA CHARITÉ QUE DOIT TENDRE TOUTE NARRATION EMPRUNTÉE AUX ÉCRITURES SUR JÉSUS-CHRIST.
7. Quelle a été la cause principale de la venue de Jésus-Christ, sinon lamour que Dieu nous portait et quil voulait nous témoigner par une preuve éclatante, la mort de Jésus-Christ, dans le temps même que nous étions encore ses ennemis (2)? Il est venu pour nous montrer que le but du précepte et laccomplissement de la loi sont tout entiers dans la charité (3). Il a voulu nous apprendre à nous aimer les uns les autres et à donner notre vie pour nos frères, comme il a donné la sienne pour nous (4): il a voulu quen voyant Dieu nous aimer le premier (5), et livrer son Fils unique à la mort pour nous tous (6), sans lépargner, lhomme, jusqualors insensible, eût honte de ne pas rendre amour pour amour. Rien néveille lamour avec autant de force que de faire les premières avances : lâme la plus rebelle à ce sentiment ne saurait sans cruauté refuser dy répondre. Cest là une vérité que font éclater les attachements les plus bas et les plus criminels. Quand un amant veut faire partager sa passion, il songe à tous les moyens en son pouvoir de déclarer son amour et den découvrir les transports: il prend les dehors de la justice, afin davoir le droit de réclamer comme une dette la sympathie du coeur quil veut séduire; sa passion savive et senflamme, en voyant troublée du même feu la personne dont il convoite la possession; tant il est vrai que la sympathie fait sortir un coeur froid de son indifférence et redouble lamour en celui qui déjà en éprouvait les ardeurs! Il est donc bien évident que rien ne contribue davantage à faire naître ou à développer lamour que laveu de ce sentiment, lespoir quil sera partagé, les avances de celui qui léprouve le premier. Combien ce caractère de lamour empreint dans les liaisons les plus criminelles est-il plus sensible dans lamitié! Névitons-nous pas avant tout
1. I Cor. X, 11. 2. Rom. V, 6-9. 3. I Tim. I, 5; Rom. XIII, 10. 4. I Joan, III, 16. 5. Id. IV, 10. 6. Rom. VIII, 32.
de déplaire à un ami, dans la crainte de lui laisser croire que nous ne laimons pas ou que notre amitié est moins vive que la sienne? Sil le croyait, en effet, il mettrait plus de réserve et de froideur dans ces rapports intimes que lamitié crée entre les hommes; et, quand il ne pousserait pas la faiblesse jusquà laisser toute sa sympathie se refroidir à cause de cette offense, il se renfermerait dans une amitié où le calcul supprimerait les épanchements du coeur. Il est surtout à remarquer que, si les grands veulent être aimés des petits et quils sy attachent en proportion de leur dévouement et de leur affection, les petits répondent à la sympathie des grands par une ardente amitié. Lamitié, en effet, a dautant plus dattrait quelle est moins un transport inspiré par la nécessité, quun épanchement de la générosité; ici, elle vient de la charité, là, du besoin. Or, supposez un inférieur sans espoir dobtenir jamais lamitié de son supérieur : néprouverait-il pas un bonheur indicible, sil voyait celui dont il naurait jamais osé attendre un bienfait si précieux, prendre les devants et daigner lui déclarer son amour? Mais peut-il y avoir une disproportion plus étonnante quentre Dieu et lhomme, le juge et le coupable? Et quel coupable! il sétait livré à la domination des puissances de lorgueil, incapables de lui donner le bonheur, et cela, avec dautant plus daveuglement quil avait moins compté sur la Providence de lEtre infini, qui ne veut pas signaler son pouvoir par le mal, mais le faire sentir par le bien. 8. Si donc le but essentiel de la venue de Jésus-Christ a été dapprendre à lhomme la portée de lamour que Dieu avait pour lui, afin de lui montrer à rendre amour pour amour et à chérir son prochain, en suivant tout ensemble les préceptes et lexemple de Celui qui sest rapproché le plus étroitement de notre coeur quand il a embrassé dans son amour non-seulement le prochain, mais les hommes les plus éloignés; si les saints livres écrits avant son avènement nont eu dautre objet que de le prédire, et que tout ce qui a été écrit depuis sous le sceau de lautorité divine a raconté Jésus-Christ et fait une loi de lamour; il faut évidemment rattacher à la charité, non-seulement la loi et les prophètes contenus dans le double commandement [64] daimer Dieu et le prochain, où se résumait toute lEcriture au moment où parlait Notre-Seigneur, et lensemble des Ecritures postérieurement composées sous linspiration divine et confiées au souvenir des âges. LAncien Testament est le symbole mystérieux du Nouveau; le Nouveau, la révélation éclatante de lAncien. Les âmes charnelles qui comprennent matériellement ces symboles, sont aujourdhui, comme autrefois, esclaves dune crainte coupable. Dociles à la révélation, les âmes pures qui autrefois ont vu souvrir devant leurs pieuses investigations le sens caché des Ecritures ou qui aujourdhui le cherchent sans orgueil, de peur que le côté lumineux ne se change pour elles en ténèbres, ont compris selon lesprit et ont été affranchies parle don de la charité. Or, lenvie est lennemie mortelle de la charité, lorgueil, le principe de lenvie. Notre-Seigneur Jésus-Christ, lHomme-Dieu, est donc tout ensemble et la révélation de lamour de Dieu pour les hommes et le modèle de lhumilité ici-bas, afin de guérir notre orgueil démesuré par un remède plus puissant encore. Quelle misère profonde que lhomme orgueilleux! mais quelle miséricorde plus profonde encore quun Dieu humble ! Que la charité soit donc le principe auquel se rattachent tous tes discours; dans toutes tes instructions, fais en sorte que lauditeur croie ce quil écoute, espère ce quil croit, et aime ce quil espère.
CHAPITRE V.IL FAUT EXAMINER AVEC SOIN LE MOTIF QUI DÉTERMINE LE CATÉCHUMÈNE A SE FAIRE CHRÉTIEN.
9.La juste sévérité de Dieu, si propre à jeter dans les coeurs une impression salutaire de terreur, doit servir aussi de fondement à lédifice de la charité. Le bonheur de se voir aimé par Celui que lon craint doit inspirer la confiance de laimer à son tour, et tout ensemble la honte de blesser sa tendresse, fût-on assuré de limpunité. Il narrive guère, ou plutôt il narrive jamais, quon prenne la résolution de se faire chrétien sans avoir été touché de la crainte de Dieu. Veut-on embrasser le christianisme, comme lunique moyen de plaire à ceux dont on attend les faveurs, ou déviter la vengeance et les ressentiments de ses ennemis? On aspire moins à devenir chrétien quà le paraître. La foi nest pas un hommage tout extérieur; cest ladhésion dun esprit convaincu. Mais la miséricorde divine touche souvent les esprits par le ministère du catéchiste; elle fait naître, sous linfluence de sa parole, les sentiments dont ils avaient résolu daffecter les dehors : la droiture de leurs intentions doit marquer pour nous linstant où ils se présentent à nos instructions. Nous ignorons sans doute lheure où le catéchumène est présent de coeur comme il lest de corps; mais, cette intention ne fût-elle pas en lui, nous devons tâcher dy entraîner sa volonté : existât-elle en germe, nos efforts pour la développer ne seraient pas superflus, encore que nous ne sussions ni la circonstance ni linstant où elle a été conçue. Le moyen le plus simple, quand il est praticable, serait de séclairer, dans lentourage du catéchumène, de ses dispositions secrètes et des motifs qui le déterminent à embrasser la religion. Si cette source de renseignements nous est interdite, interrogeons-le lui-même, afin de prendre dans ses réponses le point de départ de nos instructions. Se présente-t-il dans le but tout hypocrite de servir ses intérêts ou de les sauvegarder ? Il mentira; or, cest de ce mensonge même quil nous faut partir, non pour le réfuter comme sil était évident, mais pour en prendre occasion dapprouver, sans songer à la sincérité ou à lhypocrisie de ses paroles, et de faire ressortir la beauté du motif quil nous présente, afin de lui inspirer le désir dêtre réellement ce quil veut paraître. Allègue-t-il un motif incompatible avec les sentiments dont doit être pénétré un esprit qui veut embrasser la foi chrétienne? Représente-lui doucement son erreur, comme si elle venait de lignorance et du défaut dinstruction; montre-lui quelle est la véritable foi du christianisme avec une précision énergique, afin déviter le danger danticiper sur une exposition complète ou de la faire à un esprit encore mal disposé : par là tu réussiras peut-être à lui inspirer la résolution que les préjugés ou lhypocrisie lempêchait de prendre.
CHAPITRE VI.LE CATÉCHISTE DOIT EMBRASSER DANS SES INSTRUCTIONS LHISTOIRE DE LÉGLISE DEPUIS LA CRÉATION JUSQUÀ NOS JOURS.
10. Sil répond quun avis du ciel, une terreur mystérieuse, lui a inspiré la résolution de [65] devenir chrétien, la sollicitude de la Providence pour les hommes nous fournira un début aussi naturel quattrayant. De ces miracles et de ces visions surnaturelles, il faut ramener sa pensée aux principes plus infaillibles, aux oracles plus sûrs des saints livres, en lui faisant sentir que cest par un effet de la miséricorde divine quil a reçu cet avis, avant davoir donné son adhésion à lEcriture. Il est essentiel de lui représenter que le Seigneur, en lavertissant lui-même, en lui inspirant le désir dembrasser le christianisme et de devenir membre de lEglise, en linstruisant enfin par des prodiges et des révélations, na voulu que lengager à suivre paisiblement la voie sûre que lui traçait davance lEcriture : là, il apprendra moins à chercher des miracles visibles quà espérer les merveilles qui échappent aux regards; ce ne sera plus pendant son sommeil, mais les yeux ouverts, quil sera instruit. Après ce début, il faut exposer lhistoire de lEglise, depuis la création, où tout était bien (1) en sortant des mains de Dieu, jusquà nos jours; chaque événement, chaque acte doit être rattaché à ses causes et par conséquent aboutir à cette fin de la charité, quon ne doit jamais perdre de vue dans ses actions, comme dans ses paroles. Si des grammairiens, dont la science égale la réputation, essaient dexpliquer les mythes imaginés par les poètes, sans autre dessein que damuser les esprits qui se repaissent de chimères, en leur assignant un but pratique aussi frivole, il est vrai, et aussi favorable à la curiosité mondaine que ces fictions elles-mêmes, quelles précautions ne devons-nous pas prendre pour éviter que les vérités saintes, apparaissant dans nos récits sans les principes qui les expliquent, ninspirent plus quune croyance fondée sur une jouissance de limagination ou sur une dangereuse curiosité? Toutefois, gardons-nous de sacrifier la suite du récit au développement de ces causes, en laissant notre enthousiasme et notre parole se perdre dans le dédale dune discussion trop abstraite : la vérité seule du raisonnement doit relier les faits comme un fil dor qui rassemble des pierres précieuses sans eu troubler lagencement par un éclat trop vif.
1. Gen. I.
CHAPITRE VII.PRÉMUNIR LE CATÉCHUMÈNE CONTRE LES SCANDALES. ENSEIGNEMENT DE LA MORALE.
11. Le récit achevé, il faut inculquer la foi au dogme de la résurrection. Sans cesser de consulter la portée dintelligence du catéchumène, non moins que le temps si court dont nous disposons, il est essentiel de combattre les vains sarcasmes des incrédules et détablir le principe de la résurrection des corps, du jugement dernier, favorable aux bons, terrible aux méchants, équitable pour tous; puis, après avoir indiqué avec horreur et tremblement les supplices réservés aux impies, célébrer en soupirant le royaume préparé aux justes et aux fidèles, la cité céleste et son éternelle béatitude. Il faut alors prémunir et fortifier la faiblesse humaine contre les tentations et les scandales qui se produisent soit au dehors, soit au dedans de lEglise; je veux dire contre le paganisme, le judaïsme, lhérésie, au dehors; contre la paille qui couvre laire du Seigneur, au dedans. Sans doute il serait déplacé de réfuter les erreurs de toutes sortes et dopposer une proposition contradictoire à chaque hérésie; mais il faut montrer, autant que la circonstance le permet, que ces scandales ont été prédits, que ces tentations servent à lédification des fidèles, et quon en trouve le remède dans la patience même dont Dieu nous donne lexemple en permettant à ces erreurs de se perpétuer jusquà la fin des siècles. Quand le catéchumène est suffisamment armé contre les méchants dont la foule impie ne remplit que matériellement les églises, il convient de lui exposer délicatement et en raccourci les principes dune vie pure et chrétienne. Lavarice, livrognerie, les jeux frauduleux, ladultère, la fornication, le goût des spectacles, les opérations de la magie, les enchantements, lastrologie, les secrets superstitieux autant que chimériques de la divination, pourraient le séduire et lentraîner par lespoir de limpunité, quand il verrait de prétendus chrétiens aimer, pratiquer, justifier ces égarements et y engager les autres par leurs conseils. Il faut donc lui montrer la fin réservée aux malheureux qui persévèrent dans ces péchés, la raison qui les fait tolérer dans lEglise, dont ils seront un jour retranchés, et cela, daprès le témoignage même des saints [66] livres. Il faut aussi lavertir quil trouvera dans lEglise une foule de chrétiens éprouvés, véritables citoyens de la Jérusalem céleste, du moment quil marchera sur leurs traces. En dernier lieu, il faut lui recommander avec force de ne jamais fonder son espoir sur un homme; car un homme ne peut guère découvrir les caractères de la sainteté dans un autre homme; et, quand on le pourrait, on doit imiter les saints, en sachant bien que notre sanctification ne vient pas deux, mais de celui-là même qui a sanctifié nos propres modèles. Ce principe produira une conséquence à laquelle on ne saurait attacher trop de prix. Celui qui nous écoute, ou plutôt qui écoute Dieu par notre organe, ne sera point tenté, quand il deviendra plus vertueux et plus instruit, et quil marchera avec ferveur dans les voies de Jésus-Christ, dattribuer ses progrès à notre influence ou à lui-même; il saura saimer, ainsi que nous et les personnes qui lui sont chères, en Celui et par Celui qui a répondu à sa haine par la tendresse, et a gagné son amour en le justifiant. Tu nas pas besoin sans doute de leçons pour apprendre à resserrer ou à étendre tes développements, selon le temps plus ou moins long dont lauditoire et toi pouvez disposer; cest un précepte que la nécessité seule enseigne mieux que tous les maîtres.
CHAPITRE VIII.MÉTHODE POUR INSTRUIRE LES PERSONNES ÉCLAIRÉES.
12. Voici un point essentiel Quand une personne dun esprit cultivé se présente à toi pour se faire instruire, si elle est déterminée à embrasser le christianisme et prêle à recevoir le baptême, elle a déjà, selon toute vraisemblance, acquis une connaissance assez étendue de nos saintes lettres, et elle na dautre intention que de participer aux sacrements de IEglise. Ces personnes, en effet, nattendent pas le moment dembrasser la foi pour sinstruire; elles pèsent auparavant leurs motifs, et, chaque fois quelles trouvent un confident, elles lui découvrent leurs pensées et leurs sentiments. Dans cette circonstance, il faut être court; et, loin de sappesantir sur les vérités quelles connaissent, on doit les effleurer avec tact, en leur disant que nos dogmes sont telle et telle vérité qui leur est sans doute familière. On expose ainsi, dans une énumération rapide, tous les principes quil faudrait inculquer aux simples et aux ignorants. Grâce à celle méthode, un homme éclairé ne se voit point enseigner, comme à lécole dun maître, ce quil sait déjà; et, en revanche, sil ignore quelque chose, il lapprend par la revue même que nous avons lair de faire de ses connaissances. Il ne sera point inutile de lui demander quels motifs lont déterminé à se faire chrétien; si tu taperçois quil a puisé ses convictions dans la lecture de livres canoniques ou dexcellents traités, débute par léloge de ces ouvrages , en admirant, à des degrés divers, lautorité infaillible de lEcriture, et lexactitude jointe à lélégance de ses interprètes; attache-toi à faire ressortir dans lEcriture lexpression féconde, par sa simplicité même, des vérités les plus sublimes, et dans les traités quelle inspire, selon le mérite de chaque auteur, une éloquence dun tour plus pompeux et plus orné, appropriée à lorgueil et par là même à la faiblesse des esprits. Il est important de lui faire dire quels ont été ses auteurs favoris, les ouvrages quil a médités de préférence et qui lont déterminé à embrasser le christianisme. Cet aveu obtenu , si nous avons lu ces ouvrages ou que nous ayons appris, par la renommée dont ils jouissent dans lEglise, quils ont pour auteur un représentant illustre de la foi catholique, empressons-nous de les approuver. Au contraire, est-il tombé sur les ouvrages dun hérétique, et, dans son ignorance des erreurs opposées à la religion, sy est-il arrêté comme à lexpression de la foi catholique, il faut lui démontrer avec force la prééminence que mérite lautorité de lEglise universelle unie à celle des génies supérieurs qui, dans le domaine des vérités quelle enseigne, ont brillé par leurs controverses et leurs écrits. Reconnaissons cependant que les auteurs mêmes qui sont morts dans la foi catholique, après avoir légué à la postérité des ouvrages écrits sous linspiration chrétienne, soit quils aient été mal compris, soit quils naient pas eu la vigueur desprit nécessaire pour remonter aux principes les plus élevés, et pour sattacher à la vérité sans être dupes de la vraisemblance, ont laissé dans certains passages des germes dhérésie que des esprits aventureux et téméraires ont développés. Il ny a pas lieu de sen étonner; lEcriture [67] même, lexpression la plus pure de la vérité nest pas à labri de ce péril. Que de gens, non contents de mal interpréter la pensée de lécrivain sacré ou doffenser le dogme, fautes quon pardonne aisément à la faiblesse humaine quand on la voit disposée à les reconnaître, sacharnent, sacharnent avec une opiniâtreté et un orgueil invincibles à justifier leurs méprises et leurs erreurs, et, en rompant avec lunité catholique, donnent naissance aux opinion les plus dangereuses ! Voilà les principes quil faut développer, dans une conférence sans prétention, aux esprits qui sélèvent au-dessus du vulgaire par leur érudition et leurs lumières, quand ils aspirent à entrer dans la société chrétienne ; on doit prendre le ton dogmatique, pour les préserver des erreurs où entraîne la présomption, mais il ne faut le prendre que dans la mesure même de lhumilité dont ils sont capables. Quant aux vérités qui constituent la saine et pure doctrine, soit quon raconte, soit quon raisonne, il faut toucher brièvement les points relatifs à la foi, à la morale, aux tentations, en observant la méthode supérieure dont je viens de tracer les règles.
CHAPITRE IX.COMMENT INSTRUIRE LES GRAMMAIRIENS ET LES ORATEURS. DIEU NENTEND QUE LE LANGAGE DU COEUR.
13. Il sort aussi des écoles si fréquentées du grammairien et du rhéteur des catéchumènes, qui tiennent comme le milieu entre les ignorants et les philosophes livrés aux spéculations les plus hautes de lesprit humain. Quand ces hommes, qui semblent avoir sur les autres la supériorité de léloquence, se présentent pour recevoir le titre de chrétien, nous leur devons un avis moins nécessaire aux gens sans éducation, celui de revêtir lhumilité chrétienne et dapprendre à ne plus regarder avec mépris ceux qui aiment mieux éviter les fautes dans la conduite que dans le langage, et den venir à ne plus comparer à la pureté du coeur la soup1esse dune langue déliée, qui leur semblait un don bien supérieur. Il faut surtout leur apprendre à goûter lÉcriture, de peur que ce langage solide, sans emphase, ne les rebute; ils pourraient dailleurs simaginer que les actions ou les paroles prêtées aux hommes dans ces livres sacrés, ne cachent pas, sous une enveloppe sensible et sous un voile épais, un sens profond quil faut dégager ; ils pourraient croire quil suffit dentendre le son des flots pour comprendre. Il faut aussi leur faire sentir que le sens caché, doù vient le mot mystère, et lobscurité même des symboles, doublent lattrait de la vérité et dissipent le dégoût quinspirent les choses faciles, en leur montrant par quelques exemples, quune vérité évidente qui laisse froid, charme quand on la dégage dune allégorie où elle était renfermée. Le premier besoin de ces esprits est de savoir que la pensée lemporte autant sur la parole, que lesprit sur le corps ; par conséquent quils doivent préférer dans les discours la vérité à léclat, comme ils doivent préférer dans un ami le bon sens à la grâce des traits. Quils sachent aussi que le langage du cur est le seul qui frappe loreille de Dieu . dès lors ils pourront sapercevoir, sans trouver matière à raillerie, que parfois les évêques et les ministres de lÉglise adressent à Dieu des prières entremêlées de barbarisme, de solécisme, et même quils ne comprennent pas ou comprennent vaguement les termes dont ils se servent. Il convient sans doute de faire disparaître ces fautes, ne fût-ce que pour permettre au peuple de répondre Amen avec intelligence ; toutefois les esprits cultivés doivent avoir ici de lindulgence, car les désirs sont dans 1Eglise ce quest léloquence au barreau; et, quelque bon que puisse être le langage du barreau, il ne se confondra jamais avec les bénédictions de lEglise. Quant au sacrement quils sollicitent, quelques mots suffisent pour leur en montrer la signification, sils sont éclairés; mais, sils ont lesprit un peu lourd, il faut recourir à lamplification, aux comparaisons, de peur quils ne méprisent un mystère dont ils ne verraient que la forme.
CHAPITRE X.DE LENNUI ET DE SES CAUSES : PREMIER MOYEN D Y REMÉDIER.
14. Tu attends peut-être ici un discours qui puisse te servir de modèle et où japplique les règles que je viens de te retracer. Avant de te satisfaire, dans la mesure des forces que Dieu me donnera, je dois tenseigner, selon ma promesse, lart difficile de charmer. Je métais engagé à formuler les règles nécessaires pour instruire le catéchumène qui vient solliciter [68] le titre de chrétien; jai rempli, je crois, mon engagement. Tu ne dois pas exiger de moi comme une dette, que je joigne dans ce traité lexemple à la théorie; si je le fais, ce sera un surcroît; mais, puis-je donner le surcroît avant davoir payé ma dette intégralement? Tu tes plaint à moi dun défaut délévation et de chaleur qui, à tentendre, gâtait toutes tes instructions aux catéchumènes. Je suis convaincu que ce défaut ne tient ni au manque didées sur des sujets dont tu possèdes à fond toutes les ressources, ni à la disette dexpressions; il vient dun secret ennui, provoqué par différentes causes. Dabord nous trouvons plus de charme et de beauté dans les muettes conceptions de notre esprit, et, comme je lai déjà remarqué, nous avons de la répugnance à faire passer notre idéal dans des sons qui ne le peignent quimparfaitement; puis, lors même que nos expressions ne nous déplairaient pas, nous aimons mieux écouter ou lire des discours qui sont plus beaux que les nôtres et ne nous coûtent ni effort ni inquiétude, que dimproviser en appropriant notre langage au goût dautrui, sans savoir si nous réussirons à voir les paroles couler à souhait ou produire sur les esprits une heureuse impression; dailleurs, comme les notions quil faut inculquer aux esprits novices nous sont très-familières et ne peuvent guère contribuer à notre avancement, nous nous voyons avec peine obligés dy revenir sans cesse : notre esprit, fier de ses petites forces, ne trouve plus de charme à sarrêter sur des vérités élémentaires et qui semblent réservées à lenfance. Lorateur est encore refroidi par lair glacé dun auditeur qui reste immobile, soit parce quil ne ressent aucune émotion, soit parce quil ne laisse pas voir dans son attitude que lorateur léclaire ou le touche. Sans être passionnés pour la gloire humaine, nous songeons que la parole, dont nous sommes les ministres, est celle de Dieu ; plus nous aimons notre auditeur, plus nous désirons le voir captivé par les vérités que nous lui présentons pour le sauver; notre insuccès nous afflige, et, dans le cours même de notre entretien, nous sentons notre ardeur saffaiblir et séteindre, comme si elle sépuisait en efforts superflus. Il arrive encore quon nous arrache à un devoir plus attrayant ou même plus impérieux que nous aurions aimé à accomplir: la recommandation dune personne à qui nous ne voulons pas déplaire, une prière aussi pressante quimpossible à décliner nous oblige à instruire un catéchumène; nous entreprenons avec dépit une tâche qui exige le plus grand sang-froid, en déplorant la nécessité où nous sommes dinterrompre la suite de nos occupations et de ne pouvoir suffire à tout;ce malaise se communique à notre discours, qui, sortant dun fond aride de tristesse, ne peut jaillir avec abondance. Enfin, cest quelquefois au moment même quun scandale nous afflige et nous consterne, que lon vient nous dire: Voici une personne qui veut embrasser le christianisme, viens lentretenir. Quand on nous parle ainsi, on ne connaît pas le chagrin intérieur qui nous dévore, et, si nous sommes réduits à ne pas découvrir notre peine, nous entreprenons à contre-coeur de satisfaire au désir exprimé; en passant par les replis dun coeur sur lequel la tristesse répand ses feux et ses vapeurs, la parole perd son éclat et sa grâce. Voilà les causes de découragement qui troublent la sérénité de notre esprit : avec laide de Dieu, nous devons chercher les moyens de les combattre, afin de voir notre coeur sépanouir, notre âme séchauffer, et de mettre notre bonheur à remplir en paix un devoir sacré: « Car Dieu aime celui qui donne avec joie (1)». 15. Sommes-nous abattus, en songeant que lauditeur est incapable de sélever jusquà nos conceptions, et que nous sommes réduits à quitter les crimes de la pensée, pour nous appesantir sur les lentes expressions qui nen sont quun lointain reflet; à tirer de nos lèvres, sous la forme de périodes longues et compliquées, une idée que lintelligence saisit et dévore par une intuition rapide? En voyant dans le langage une image si infidèle de la pensée, aimerions-nous mieux nous taire que de parler ?Réfléchissons alors à lexemple que nous a laissé Celui dont nous devons suivre les traces (2): car, quel que soit lintervalle qui sépare le langage de lintuition, il y a une différence plus profonde encore entre la chair périssable et celui qui est égal à Dieu. Or, « quoique étant dans la forme substantielle de Dieu, il sest anéanti lui-même, en prenant la figure dun esclave ; il sest rendu obéissant jusquà la mort de la croix (3) ». Pourquoi donc « sest-il rendu faible avec les faibles, sinon pour gagner les faibles(4) ? »
1. II Cor. IX, 7. 2. I Pet. II, 21. 3. Phil. II, 6, 8. 4. I Cor. IX, 22.
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Ecoute son imitateur sécrier ailleurs: « Soit que nous paraissions passer les bornes en nous louant, cest pour Dieu; soit que nous parlions de nous avec modération, cest pour vous. Car lamour de Jésus-Christ nous presse, considérant quun seul est mort pour tous (1)». Et comment aurait-il été prêt à se sacrifier pour les âmes, sil avait eu de la répugnance à se pencher vers leur oreille? Il sest donc rendu petit parmi nous, comme une nourrice pleine de tendresse pour ses enfants (2). Trouverait-on du plaisir à tronquer, à mutiler les mots, si un pareil jargon nétait inspiré par la tendresse? Cependant on est heureux de rencontrer un petit enfant pour babiller avec lui. Une mère aime mieux triturer des aliments et les faire passer de sa bouche dans celle de son enfant, que de se rassasier elle-même de mets plus substantiels. Ayons donc toujours devant les yeux cette poule de lEvangile, qui cache ses petits sous ses plumes tremblantes et, dune voix fatiguée, rappelle sa bégayante couvée: malheur au poussin orgueilleux qui fuit ses tendres ailes ! il devient la pâture des oiseaux de proie (3). Lélévation de la pensée pure a sans doute un vif attrait: mais ny a-t-il pas aussi un grand charme à songer que, plus la charité sait sabaisser avec complaisance, plus elle a de force pour se répandre dans le coeur où la ramène le témoignage quon se rend intérieurement, de naspirer quau salut éternel des âmes vers qui lon sabaisse?
CHAPITRE XI.DEUXIÈME CAUSE DENNUI: MOYEN DY REMÉDIER.
16. Aimerions-nous mieux lire ou entendre des discours travaillés avec soin, plus éloquents que les nôtres, et par suite, ne pouvons-nous sans une certaine répugnance courir les hasards de limprovisation? Si notre langage, conforme au fond à la vérité, offre à lauditeur quelques mots qui le blessent, nous avons une ressource commode: cest de lui apprendre à dédaigner un défaut de netteté ou délégance dans les termes, quand ils sont assez clairs pour rendre la pensée. Si au contraire la faiblesse humaine nous égare loin de la vérité, quoiquon ne soit guère exposé à ce péril sur le sentier battu quil faut suivre pour instruire les catéchumènes; ne manquons pas
1. II Cor. V, 13, 14. 2. I Thess. II, 7. 3. Matt. XXIII, 37.
de prévenir limpression fâcheuse que pourrait en concevoir lauditeur; nattribuons notre méprise quà la volonté de Dieu, qui nous a mis à lépreuve pour voir si nous saurions reconnaître notre erreur avec calme, et pour nous empêcher dêtre entraînés dans une erreur plus dangereuse, en faisant notre apologie. Si notre méprise na point été relevée, si elle a échappé à lauditeur et à nous-mêmes, il faut y être insensible à condition de léviter à lavenir. Il arrive assez souvent que, quand notre souvenir se reporte sur nos discours, nous y découvrons quelque erreur, sans pouvoir nous dire quelle impression elle a faite sur les esprits; la douleur est encore plus vive pour un coeur embrasé par la charité, quand il sent quune pensée fausse a été accueillie avec plaisir. Dans ce cas, cherchons loccasion favorable de dissiper peu à peu chez les autres lerreur que nous nous sommes secrètement reprochée à nous-mêmes: cest notre parole, et non celle de Dieu, qui a égaré leur esprit. Si quelques méchants, aveuglés par une jalousie insensée, « semeurs de discordes, détracteurs, ennemis de Dieu», triomphent de nos méprises, voyons dans leur joie une occasion dexercer notre patience et notre charité, « parce que la bonté divine veut aussi les conduire à la pénitence » : car quy a-t-il de plus affreux, « de plus capable damasser sur nous un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu (1)», que de triompher, à lexemple pernicieux de Satan, du mal dautrui ? Parfois encore nôs discours, quoique dune justesse irréprochable, présentent certaines vérités qui, faute dêtre comprises, on parce quelles combattent des opinions et des préjugés invétérés, ont un caractère de nouveauté qui déconcerte et choque lauditeur. Sil nous laisse voir son impression et quil consente à se laisser guérir, prodiguons pour léclairer les témoignages et les raisonnements; sil cache son déplaisir et son impression, Dieu lui ouvrira peut-être les yeux: mais sil regimbe, et quil méprise nos avis, cherchons notre consolation dans lexemple du Seigneur qui, voyant les hommes trouver ses paroles choquantes et étranges, sadressa aux disciples fidèles et leur dit : « Et vous, ne voulez-vous point aussi me quitter (2) ? » Nous devons nous attacher à ce principe solide, indestructible,
1. Rom. I, 30; II, 4, 5. 2. Jean, VI, 68.
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quà la fin des siècles la Jérusalem captive sera affranchie du joug de la Babylone terrestre, et quaucun de ses enfants ne périra ; et en effet, tous ceux qui périront ne seront pas ses enfants : car « le fondement que Dieu a posé demeure ferme, tant cette parole pour sceau : Dieu connaît ceux qui lui appartiennent, et tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur doivent séloigner de liniquité (1) ». Convaincus de ces vérités, invoquant sans cesse au fond de notre coeur le nom de Jésus-Christ, nous cesserons de calculer avec crainte leffet que nos discours peuvent produire sur des esprits ondoyants et divers; que dis-je? nous supporterons avec joie les désagréments attachés à ce ministre de charité, si nous le remplissons sans avoir la gloire humaine en vue: car le caractère des oeuvres véritablement bonnes, cest de sortir de la charité et dy rentrer comme dans leur principe et leur foyer. Quant aux lectures qui nous ravissent, aux discours éloquents que nous voudrions entendre et dont linimitable perfection, par les efforts mêmes que nous faisons pour la reproduire, communique à nos paroles une froide monotonie, nous y trouverons un délassement à nos travaux, et notre joie intérieure en doublera le prix nous prierons Dieu avec une confiance nouvelle de nous faire entendre le langage que nous rêvons, en consentant aveu joie à servir, selon nos forces, dorgane à sa parole; cest ainsi que « tout sert au bien de ceux qui aiment Dieu (2)».
CHAPITRE XII.TROISIÈME CAUSE DENNUI : DES MOYENS DY REMÉDIER.
17. Si notre ennui a pour cause lobligation de revenir sans cesse sur des vérités communes et à la portée des plus jeunes enfants, prenons pour le catéchumène un coeur de frère, de père, de mère : la sympathie nous fera voir le lieu commun sous un jour nouveau. Telle est en effet la puissance de la sympathie, quelle établit entre les disciples et le maître une communauté de sentiments qui confond Leurs coeurs en un seul: le disciple semble sexprimer par la bouche du maître, et le maître sinitier avec ses disciples aux vérités mêmes quil enseigne. Nest-ce pas ce
1. II Tim. II, 19. 2. Rom. VIII, 28.
qui arrive, quand nous montrons les monuments dune ville, les sites dune campagne, à un ami qui ne les avait pas encore visités? La vivacité de son admiration ne rajeunit-elle pas la nôtre pour des beautés à côté desquelles nous passions avec indifférence ? Notre plaisir est dautant plus vif que nous laimons davantage: plus la sympathie est profonde, plus ces merveilles surannées reprennent à nos yeux un air de nouveauté. Si donc nous consacrons nos lumières et notre goût à empêcher nos amis de rester insensibles ou froids en face dun chef-doeuvre du génie de lhomme; si nous sommes enchantés de leur expliquer le plan de lartiste, et délever ainsi leur esprit jusquà la beauté et à la grandeur des oeuvres du Créateur, fin suprême et féconde de lamour; notre enthousiasme ne doit-il pas redoubler, quand on vient apprendre à notre école Celui qui est le but de toute notre science ? Un nouvel auditoire ne doit-il pas raviver nos sentiments et nous communiquer une inspiration originale qui ranime notre parole? Nous trouverions un nouveau motif dallégresse, en songeant à quelle erreur de mort lhomme doit sarracher pour arriver à la vie de la foi; La politesse nous fait traverser avec plaisir les rues les plus fréquentées pour indiquer le chemin à une personne égarée ; quel transport de joie ne devons-nous pas éprouver à parcourir dans la science du salut les points mêmes que notre intérêt ne nous oblige pas à revoir, quand nous avons à guider une âme infortunée, lasse des erreurs du monde, dans les sentiers de la paix, et quil nous faut répondre a lordre de Celui qui nous les a ouverts?
CHAPITRE XIII.QUATRIÈME CAUSE DENNUI : MOYENS DY REMÉDIER. DE LUSAGE, ADOPTÉ DANS CERTAINES ÉGLISES, DÉCOUTER ASSIS LA PAROLE DIVINE.
18. Cest une rude tâche, je lavoue, que daller jusquà la fin de son discours, quand on a sous les yeux un auditeur immobile, impassible. Est-ce scrupule religieux ou respect humain qui lempêchent de manifester son approbation de la voix ou du geste? Est-ce défaut -dintelligence ou dédain? Comme nous ne pouvons lire dans son coeur, il faut recourir à tous les moyens pour laimer, et percer en quelque sorte la nuit où il senveloppe [71]. Refoule-t-il ses pensées en 1ui-même par excès de timidité? Il faut le rassurer par des paroles affectueuses, encourager sa modestie en lui montrant une sympathie toute fraternelle, linterroger pour savoir sil comprend, et lui donner assez de confiance pour exposer franchement ses objections. Ne manquons pas non plus de lui demander si ces vérités frappent pour la première fois son oreille, si elles ont perdu à ses yeux lintérêt de la nouveauté. Sa réponse nous guidera : tantôt il faudra mettre plus de simplicité et de précision dans notre langage, tantôt réfuter les opinions contraires; tantôt nous résumerons ce quil sait, loin de nous livrer à dinutiles développements, et nous choisirons des paraboles, des événements symboliques, dont linterprétation communiquera à notre entretien une grâce attrayante. Sil manque dimagination, sil est incapable de comprendre et de goûter ces beautés exquises, il ne reste plus quà le souffrir avec patience; après avoir récapitulé brièvement nos dogmes, il faut insister sur les points essentiels, lunité catholique, les tentations, la nécessité de se conduire en vue du jugement à venir, en le faisant trembler. Enfin, consacrons plus de temps à parler à Dieu pour lui quà lui parler de Dieu. 19. Il nest pas rare de voir un auditeur, qui semblait charmé au début, se lasser dêtre attentif ou de se tenir debout; il napprouve plus, que dis-je? il se met à bailler et témoigne involontairement lenvie quil a de se retirer. Dès quon saperçoit de sa fatigue, on doit le récréer, soit en lui tenant quelques propos dun enjouement de bon ton, sans sortir du sujet, soit en lui faisant un récit qui frappe son imagination ou touche sa sensibilité. Quon lui parle surtout de lui-même, afin que lintérêt personnel le tienne en éveil, sans toutefois le blesser par quelque allusion offensante, ni quitter laccent de tendresse qui peut seul gagner son coeur. On pourrait encore soulager son attention en lui offrant un siége, ou plutôt, il vaudrait mieux quil fût assis dès le commencement, autant que la circonstance le permet. Je trouve fort sensé lusage adopté dans certaines églises doutre-mer, où lon voit assis lévêque qui parle et le peuple qui lécoute : de la sorte, les personnes trop délicates ne sont pas condamnées à relâcher leur attention et à en perdre les fruits, même à se retirer. Cest déjà un inconvénient quun chrétien, quoique incorporé à lEglise, soit contraint de quitter une assemblée nombreuse pour reprendre ses forces; mais nest-il pas cent fois plus fâcheux quun catéchumène, qui doit être initié aux mystères, soit réduit à la nécessité impérieuse de se retirer, pour ne pas tomber de faiblesse? La timidité lempêche dexpliquer la raison qui loblige à partir; ses forces épuisées ne lui permettent plus de rester debout. Je parle par expérience: jai vu un homme de la campagne me quitter au milieu de lentretien, et sa conduite ma révélé le péché que je signale. Eh! ny a-t-il pas un orgueil révoltant à ne pas laisser sasseoir en notre présence des hommes qui sont nos frères, que dis-je ? dont nous - cherchons à nous faire des frères, et qui, à ce titre, doivent attendre de nous une sollicitude plus empressée? Ne voyons-nous pas quune femme était assise en écoutant le Seigneur dont les anges environnent le trône (1)? Si lentretien doit être court ou que le lieu ne permette guère de sasseoir, je le veux bien, on écoutera debout: cest qualors lauditoire sera nombreux et quil ne sagira pas dinstruire un catéchumène. Mais il y a péril, je le répète, à laisser debout une ou deux personnes qui viennent nous trouver pour sinitier à la foi chrétienne. Toutefois, si nous navons pas pris cette précaution au début, et que nous apercevions des signes dennui chez lauditeur, il faut lui offrir aussitôt un siége, en le pressant de sasseoir, et lui adresser quelques paroles pour le récréer, ou même dissiper le malaise qui avait troublé son attention. Dans lincertitude où nous sommes des motifs qui lempêchent découter, tenons-lui, dès quil est assis, quelques propos enjoués ou pathétiques; pour larracher aux distractions que lui causent les souvenirs du monde. De la sorte, si nous tombons juste sur les pensées qui le préoccupent, elles disparaîtront pour ainsi dire devant une accusation directe : si nous nous sommes trompés, quelques mots sur ces préoccupations que nous sommes obligés de supposer en lui, par cela seul quils sont inattendus et interrompent la suite de lentretien, piquent sa curiosité et renouvellent son attention. Du reste, soyons brefs, puisque nous faisons une digression, de peur que le remède ne soit pire que le mal
1. Luc, X, 39.
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et naugmente la lassitude que nous avons dessein de combattre. Ayons soin dès lors dabréger; faisons entrevoir et pressons la fin de notre entretien.
CHAPITRE XIV.CINQUIÈME ET SIXIÈME CAUSES DENNUI : DES MOYENS DY REMÉDIER.
20. Est-ce le regret de ne pouvoir accomplir un devoir auquel tu tappliquais, parce que tu le regardais comme plus impérieux, qui cause ton découragement, et sens-tu quun dépit secret répand sur tes instructions une teinte de tristesse? Nous savons sans doute que dans tous nos rapports avec le prochain nous devons être inspirés par la bonté et par la charité la plus pure; mais songe que ce principe admis, nous sommes incapables de déterminer les actions quil est plus utile daccomplir, ou plus à propos de suspendre, de sacrifier même. Impuissants à découvrir les mérites que nos obligés ont aux yeux de Dieu, nous ne comprenons pas, nous conjecturons daprès les indices les plus obscurs et les plus vagues, quels sont les services que nous devons leur rendre selon les circonstances. Par conséquent, réglons la suite de nos actions selon la portée de notre esprit. Si nous pouvons accomplir nos devoirs dans lordre même que nous nous sommes tracé, applaudissons-nous de voir que nos projets ont été conformes aux desseins de Dieu; survient-il une conjoncture qui dérange notre plan de conduite? plions-nous à la circonstance au lieu de nous décourager, et puisque Dieu a préféré un autre ordre, hâtons-nous de ladopter. Dieu ne doit pas suivre notre volonté, nous devons nous soumettre à la sienne. Lordre que nous prétendons suivre à notre gré ne peut être excellent quà la condition dêtre subordonné à un ordre supérieur. Pourquoi donc nous plaindre, faibles mortels que nous sommes, dêtre devancés par la sagesse de ce grand Dieu, Notre-Seigneur tout-puissant, et vouloir tomber dans le désordre par le désir même de nous attacher à lordre quil nous a plu dadopter? Le véritable plan de conduite, cest dêtre résolu à ne jamais lutter contre la puissance de Dieu, et de ne point se passionner pour accomplir un dessein conçu dans une tête humaine : « Le coeur de lhomme conçoit bien des projets, les conseils de Dieu seuls sont immuables et éternels (1)». 21. Notre esprit troublé par quelque scandale ne peut-il trouver des paroles pleines de calme et dagrément? Concevons pour les âmes que Jésus-Christ a voulu sauver par sa mort et délivrer au prix de tout son sang des fatales erreurs du monde, une charité si vive que, si lon vient nous avertir de larrivée dun catéchumène, à linstant où nous sommes tout affligés, cette bonne nouvelle serve à soulager notre douleur et à la dissiper; cest ainsi que les plaisirs du gain balancent le chagrin que causent les pertes. Un scandale nous afflige à la vue ou à la pensée quune âme se perd ou entraîne dans sa perte les âmes faibles; larrivée dun catéchumène dont nous attendons quelque succès, doit affaiblir les regrets que nous causent les âmes infidèles. Si la crainte de voir notre prosélyte devenir fils de lenfer (2) naît en nous à la pensée des nombreux catéchumènes qui ont fini pardonner les scandales dont nous gémissons, cette triste réflexion doit nous animer au lieu de nous abattre : elle doit nous engager à avertir notre auditeur de ne point imiter ceux qui nont de chrétien que le nom, de ne jamais se laisser entraîner, par leur nombre, à les suivre ou à quitter Jésus-Christ pour leur plaire; enfin, de renoncer à entrer avec eux dans lEglise de Dieu, sil nest pas résolu à ne jamais les prendre pour modèles. Dans ces sortes dexhortations, la parole quanime une douleur encore cuisante, acquiert, je ne sais comment, une vivacité nouvelle : loin dêtre froids, nous développons avec verve et enthousiasme un sujet que nous aurions traité dun ton monotone et languissant, si nous avions été plus calmes; et cest un bonheur pour nous davoir pu trouver loccasion de faire servir à lédification des âmes nos sentiments personnels. Avons-nous commis une erreur, une faute même qui nous accable de douleur? Songeons « quun coeur contrit est un sacrifice agréable à Dieu (3)»; songeons surtout que « si leau éteint le feu, laumône éteint le péché (4)». et que « Dieu aime mieux la miséricorde que le sacrifice (5) ». Quun incendie nous menace, nous savons courir, aller chercher de leau pour léteindre, ou remercier les voisins qui nous en apportent. De même, quand le péché
1. Prov. XIX, 21. 2. Matt. XXIII, 15. 3. Psalm. L, 19. 4. Eccli. III, 33. 5. Osée,V1, 6.
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allume dans notre coeur desséché un feu qui nous épouvante, applaudissons-nous de trouver dans une oeuvre charitable, que loccasion se présente daccomplir, une source assez abondante pour éteindre lincendie qui nous consume. Nous ne pousserons pas, jimagine, la folie jusquà croire que le pain avec lequel nous apaisons la faim dun pauvre, aurait plus de vertu pour relever notre courage que la parole même de Dieu, distribuée à un esprit affamé de lentendre. A supposer même quil ny eût pas dinconvénient à se dispenser dun devoir, dailleurs utile à remplir, nous aurions toujours le tort de dédaigner le moyen qui nous est offert déchapper au péril où notre salut et non celui dautrui, est malheureusement engagé. Ne connaissons-nous pas cet arrêt terrible du Seigneur: « Serviteur méchant et paresseux, tu aurais dû mettre mon argent entre les mains des banquiers (1)? » Quel serait donc notre aveuglement, si la douleur de nos fautes nous entraînait dans une nouvelle faute, celle de refuser le trésor du Seigneur à qui le demande avec instance? Voilà par quelles réflexions on peut dissiper lennui avec tous ses nuages et se porter tout entier à remplir les fonctions de catéchiste, Voilà comment on réussit à faire doucement entrer dans les coeurs un enseignement qui découle avec autant de facilité que de grâce des sources fécondes de la charité. Ce nest pas moi qui te tiens ce langage; cest -plutôt lamour qui nous ladresse à tous, « cet amour répandu jusquau fond de nos coeurs par dEsprit-Saint qui nous a été donné (2)».
CHAPITRE XV.NÉCESSITÉ DAPPROPRIER SON LANGAGE AUX CIRCONSTANCES ET AUX PERSONNES.
23. Je tai fait une promesse et tu en réclames peut-être laccomplissement, comme si cétait une dette : il me faut prendre le rôle de catéchiste et composer un entretien qui puisse te servir de modèle. Soit; mais figure-toi bien quun écrivain qui compose dans son cabinet pour être lu, se place à un tout autre point de vue que lorateur qui parle devant un auditoire attentif; et pour lorateur, que de points de vue divers! Tantôt il donne des instructions en particulier, sans témoins qui contrôlent son langage; tantôt il parle sous les yeux dune
1. Matt. XXV, 26. 2. Rom. V, 5.
assemblée qui représente les goûts les plus divers. Parle-t-il en public? tantôt il nadresse ses instructions quà une seule personne, et lassemblée ne fait que le juger ou rendre témoignage à la vérité de ses paroles; tantôt lauditoire attend un discours qui sadresse à tous indistinctement. Dans ce dernier cas, la méthode doit encore changer selon que le public est pour ainsi dire réuni en famille et nattend quune conférence, ou quil est suspendu en silence aux lèvres de lorateur, parlant du haut dune tribune. Et même alors, le ton doit varier, si lauditoire est plus ou moins nombreux, sil est composé de savants ou dignorants, de gens de la ville ou de la campagne, enfin, sil représente le peuple entier avec ses différentes classes. En effet, si lorateur nest pas capable déprouver les émotions les plus diverses, son âme ne saurait se peindre dans son discours ni sa parole exprimer des sentiments assez variés pour répondre aux mille impressions que provoque la sympathie dans une foule nombreuse. Il nest ici question que dinitier à la foi des esprits novices : toutefois, je puis tassurer, daprès mon expérience personnelle, que je ressens une émotion toute différente selon que je vois dans le catéchumène un savant, un ignorant, un étranger, un concitoyen,un riche, un pauvre,un particulier,un magistrat; dignité, famille, âge, sexe, système philosophique, font autant dimpressions sur mon coeur, et, sous lempire du sentiment que jéprouve, mon discours commence, se continue et sachève. On doit à tous une égale charité; mais ce nest pas une raison pour appliquer à tous le même remède. La charité sait enfanter les uns et se rendre faible avec les autres; elle travaille à édifier ceux-ci, elle a peur doffenser ceux-là; tantôt elle sabaisse, tantôt elle sélève, tour à tour indulgente et sévère, jamais ennemie, toujours maternelle. Quand on na point éprouvé ces mouvements de la charité, on croit que notre bonheur est attaché au faible talent qui nous vaut les éloges de la multitude et les douces émotions de la gloire. Mais que Dieu, en « présence duquel montent les gémissements des captifs (1) », voie notre humilité et nos peines, et quil nous remette tous nos péchés (2). Si ma parole a eu pour toi quelque agrément, si elle ta inspiré le désir dapprendre de moi quelques règles pour vivifier tes discours, je te
1. Psal. LXXVIII, 11. 2. Psal. XXIV, 18.
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le répète, tu aurais été plus vite initié à ces secrets en me voyant exercer les fonctions de catéchiste quen me lisant.
CHAPITRE XVI.DISCOURS QUE LON PEUT TENIR A UN CATÉCHUMÈNE. EXORDE TIRÉ DE LA RÉSOLUTION QUA PRISE LAUDITEUR DEMBRASSER LA FOI CHRÉTIENNE POUR TROUVER ENFIN LA PAIX : LES HONNEURS, LES RICHESSES, LES PLAISIRS, LES SPECTACLES, NE FONT QUE TROUBLER LE COEUR.
24. Je suppose donc quun homme dun esprit ordinaire, habitant la ville, tel que tu dois en rencontrer beaucoup à Carthage, vienne te trouver dans lintention de se faire chrétien. Tu lui demandes sil a pris cette résolution pour jouir de quelque avantage temporel, ou pour goûter la paix qui nous est promise dans lautre vie; il répond quil naspire quà la paix éternelle; tu peux alors lui tenir à peu près ce discours : Grâces soient rendues à Dieu, mon frère je te félicite davoir eu le bonheur de songer à tassurer un port au milieu des orages si terribles et si dangereux du monde. On se dévoue ici-bas aux plus rudes fatigues pour trouver le repos et la sécurité, mais les passions ne permettent pas dy atteindre. On veut en effet goûter le repos au sein des choses agitées et passagères, et comme le temps les emporte avec lui, la crainte et les regrets troublent le coeur et ne lui laissent aucun moment de calme. Lhomme veut-il se reposer au scindes richesses? elles lui donnent plus dorgueil que de tranquillité. Que de gens, comme nous lapprend lexpérience; perdent tout à coup leur fortune ou trouvent la mort, soit en courant après les richesses, soit en voulant défendre leurs trésors contre lui rival plus avare! Lors même que la richesse serait fidèle à lhomme toute sa vie et ne quitterait pas son avide possesseur , il faudrait bien quil la quitte en mourant. Et quelle est donc la durée de la vie,même quand on atteint la vieillesse ? Désirer la vieillesse, nest-ce pas désirer une longue maladie ? Quant aux honneurs du monde, quimpliquent-ils sinon lorgueil, la vanité, la ruine du salut ? Cest en ce sens que la sainte Ecriture nous dit : « Toute chair est semblable à lherbe des champs, et la gloire de lhomme est semblable à la fleur dune herbe: lherbe se dessèche, la fleur tombe, «la parole de Dieu seule demeure éternellement (1) ». Ainsi, quiconque aspire au bonheur et à la paix inaltérable, doit se détacher des biens passagers et périssables du monde pour ne mettre espoir que dans la parole de Dieu : en sattachant à lEtre qui demeure éternellement, il participera à son immutabilité. 25. Dautres ne songent ni à senrichir, ni à briguer le vain éclat des honneurs; ils mettent leur félicité et leur repos à hanter les tavernes ou les maisons de débauche, à fréquenter les théâtres et à jouir de ces représentations frivoles quon leur donné gratuitement dans les grandes villes. La passion du luxe triomphe vite de leur pauvreté; et, de la misère ils tombent dans le vol, la rapine ou même le brigandage. Ils se trouvent tout à coup en proie à des craintes mortelles : naguère encore ils chantaient dans la taverne, maintenant ils ne rêvent plus que torture et prison. Quant à la passion des spectacles, elle les change en démons : ils encouragent à grands cris les gladiateurs à se tuer réciproquement; si le sang ne coule pas, ils font naître dans leur coeur des sentiments de rivalité et un ardent désir de plaire à un peuple en délire. Saperçoivent-ils que les combattants sont de connivence, ils- sindignent, ils sécrient quon doit les frapper de verges, comme sils étaient coupables de collusion; ils condamnent le magistrat, né pour venger la justice, à ordonner cette injustice révoltante. Savent-ils au contraire quune haine irréconciliable divise les comédiens et les danseurs, les cochers et les dompteurs danimaux, et tous les malheureux quils engagent dans des luttes à outrance contre leurs semblables ou les bêtes sauvages? plus ils voient les concurrents animés de sentiments hostiles, plus ils leur témoignent de faveur et denthousiasme; ils applaudissent à la fureur de la lutte et provoquent les applaudissements; ils se communiquent leur délire, plus insensés encore que les victimes insensées dont ils stimulent laveugle courage : la folie fait tout le charme du spectacle. La paix dun esprit sain pourrait-elle donc remplir un coeur qui se repaît de querelles et de discorde ? La santé nest-elle pas toujours en rapport avec les aliments? Enfin, quelque soit le charme attaché à ces joies, si on peut appeler ainsi des joies insensées, que faut-il pour nous rendre insensibles à lorgueil des richesses, à léclat éblouissant
1. Is. XL, 6-8.
des hommes, aux plaisirs ruineux des tavernes, aux luttes sanglantes du théâtre, à la débauche, à lobscénité des bains publics? Une fièvre légère nous dérobe ces joies, telles quelles, et suffit pour saper, même avant la mort, notre prétendue félicité : il ne nous reste quun coeur vide et gangrené. quattend la justice du Dieu dont il a dédaigné la protection, la sévérité du Maître en qui il na pas voulu chercher ni aimer un Père tendre. Pour toi, mon frère, qui cherches le repos promis aux chrétiens après la mort, tu commenceras à en goûter la douceur dès ici-bas, au sein même des soucis les plus amers de la vie, si tu tattaches avec amour aux préceptes de Celui qui la promis. Tu ne tarderas pas à sentir que les fruits de la justice sont plus doux que ceux de liniquité et quune conscience pure au milieu des chagrins inspire une joie plus réelle: et plus vive quune conscience bourrelée au milieu des voluptés: ce ne sont point en effet les avantages temporels qui tengagent à entrer dans lÉglise de Dieu ».
CHAPITRE XVII.CONDAMNATION DE CEUX QUI EMBRASSENT LA FOI EN VUE DUN INTÊRET HUMAIN. LE REPOS ÉTERNEL, BUT DU VRAI CHRÉTIEN. EXPOSITION DES DOGMES, ET DABORD DE LINCARNATION.
26. Il se rencontre en effet des gens qui embrassent le christianisme pour se concilier certains personnages dont ils attendent des avantages temporels, ou pour éviter de déplaire à des protecteurs puissants. Ce sont de faux chrétiens: lEglise les supporte pour un temps comme laire garde la paille, jusquau jour où le vanneur en sépare le grain ; mais sils ne se corrigent pas, sils ne songent pas à navoir en vue dans le christianisme que le repos à venir, ils seront un jour séparés du bon grain. Quils ne se flattent pas dêtre gardés dans laire avec le pur froment de Dieu : loin dêtre admis dans le grenier céleste, ils iront dans le feu auquel les destinent leurs péchés (1). Dautres, quoique animés dune espérance plus noble, ne laissent pas de courir un danger aussi grave ; je veux parler de ceux qui, ayant la crainte de Dieu et ne songeant ni à se jouer du nom de chrétien, ni à se couvrir du masque de lhypocrisie pour entrer dans lEglise; attendent le bonheur dès ici-bas: ils voudraient jouir sur la terre dune
1. Matt. III, 12.
prospérité plus brillante que ceux qui ne rendent à Dieu aucun hommage; aussi lexemple de quelques impies,élevés,malgré leurs crimes, à un degré de gloire et de puissance humaines quils ne peuvent atteindre ou dont-ils se voient précipités, trouble leur imagination, comme Si leur piété ne produisait aucun fruit, et fait chanceler leur foi. 27. Aspirer à devenir chrétien, en vue du bonheur sans fin et de linaltérable repos qui est promis aux saints après la mort, sans autre but que dentrer dans le royaume éternel avec Jésus-Christ et de ne point aller avec Satan au feu éternel (1), voilà le vrai chrétien, vigilant dans les tentations, afin de nêtre jamais ni corrompu parla prospérité, ni abattu par les revers; toujours tempérant et maître de lui-même au sein des félicités de ce monde, ferme et résigné dans les tribulations. En avançant dans la pratiqué de la vertu, il finira par aimer Dieu plus: encore quil ne craint lenfer, et si Dieu venait à lui dire : « Jouis éternellement des plaisirs de la chair, pèche en liberté, sans craindre la mort ni le feu éternel, à la seule condition de nhabiter jamais avec moi » ; il reculerait dhorreur et sabstiendrait du péché, moins pour éviter la peine quil redoute que pour ne pas offenser Celui quil aime, lEtre en qui seul réside ce repos « que loeil de lhomme na point vu, que son oreille na point entendu, que son coeur na point compris, et que Dieu a préparé à ceux qui laiment (2) ». 28. Ce repos est marqué fort clairement dans lEcriture, qui nous apprend que Dieu, à lorigine du monde, quand il créa le ciel et la terre avec tout ce quils renferment, travailla pendant six jours et se reposa le septième (3). Dans sa toute-puissance, Dieu navait besoin que dun instant pour tout créer. Or, il na pas travaillé pour rentrer ensuite dans le repos, lui qui « a dit, et tout a été fait, a ordonné, et tout est sorti du néant (4)»; mais pour nous révéler que, les six âges du monde écoulés, il consacrerait le septième au repos avec ses saints, comme il y avait déjà consacré le septième jour, En effet, les saints trouveront le repos au sein du Dieu quils ont servi par les bonnes oeuvres quil a lui-même opérées en eux, puisque cest lui qui appelle, qui choisit; remet les fautes passées et justifie les
1. Matt. XIV, 34, 41, 46. 2. I Cor. II, 9. 3. Gen. I et II, 1-3 4. Psalm. CXLVIII, 5.
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pécheurs. Si donc on a raison de dire que Dieu agit dans le coeur de ceux qui naccomplissent le bien que par un don de sa grâce, on doit également dire quil se repose avec les bienheureux qui goûtent le repos dans son sein : pour lui, en effet, il est étranger à la fatigue et na pas besoin de mettre un terme à ses travaux. Cest par son Verbe quil a tout créé, et le Verbe est Jésus-Christ lui-même, en qui les anges et les purs esprits du ciel se reposent et goûtent le silence de la sainteté. Déchu par sa faute, lhomme a perdu la paix quil devait au Verbe divin et la recouvre par les mérites du Verbe fait homme: aussi, est-ce au moment marqué dans ses desseins éternels, que le Verbe sest fait homme et est né dune femme, sans que la corruption de la chair pût atteindre Celui qui devait la purifier. Les saints de lAncien Testament ont été instruits de sa venue par les révélations du Saint-Esprit et lont annoncée: ils ont été sauvés en croyant quil viendrait, comme nous le sommes en croyant quil est venu; ils nous ont ainsi appris à aimer Dieu, qui a poussé lamour pour nous jusquà envoyer son Fils unique revêtir la bassesse de notre humanité, et se sacrifier pour les pécheurs de la main des pécheurs mêmes. Et en effet, dès les temps les plus reculés, ce mystère nous est continuellement révélé dans sa profondeur par des figures et des prophéties.
CHAPITRE XVIII.
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