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rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

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SERMON CLVII. L'ESPÉRANCE CHRÉTIENNE  (1).

 

ANALYSE. — L'espérance chrétienne demande que, détachés des choses présentes, nous fixions nos regards sur les biens futurs. Il est vrai, il faut pour cela courage et patience ; mais la vue de la gloire du Sauveur ne nous dit-elle point le sort heureux qui nous attend, si nous sommes fidèles à imiter ses exemples ? Il est vrai encore, les mondains se rient de notre espérance et nous vantent leur bonheur ; mais est-il rien de plus fugitif, de plus incertain et de plus vain que leurs plaisirs ? D'un autre côté, combien d'événements dont nous sommes témoins nous garantissent la fidélité avec laquelle Dieu réalisera les promesses qu'il nous a faites ?

 

1. Votre sainteté se rappelle, mes très-chers frères, que l'Apôtre a dit : « C'est en espérance que nous avons été sauvés. Or, continue-t-il, « l'espérance qui se voit n'est pas de l'espérance, comment en effet espérer ce qu'on voit ? Or, si nous espérons ce que nous ne voyons pas encore, nous l'attendons avec patience ». Ici donc le Seigneur notre Dieu nous invite à vous adresser quelques paroles d'encouragement et de consolation. C'est à lui que nous disons dans un psaume : « Vous êtes mon espérance, mon partage dans la terre des vivants (2) ». Lui donc qui est notre espoir dans la terre des vivants, nous ordonne de vous exciter, dans la terre des mourants, à ne pas fixer vos regards sur ce qui se voit, mais

 

1. Rom. VIII, 24, 25.

2. II Cor. IV, 18.

 

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sur ce qui ne se voit pas; car ce qui se voit est temporel, tandis que ce qui ne se voit pas est éternel (4). Or, dès que nous espérons ainsi ce que nous ne voyons pas et que nous l'attendons avec patience, on a droit de nous adresser ces paroles d'un psaume: « Attends le Seigneur, agis avec courage, fortifie ton coeur et attends le Seigneur  (1)». Car les promesses du monde sont toujours trompeuses, au lieu que les promesses divines ne trompent jamais.

Cependant le monde semble devoir donner ce qu'il promet, ici même, sur la terre des mourants où nous sommes; Dieu au contraire ne nous mettra en possession de ce qu'il nous offre que dans la terre des vivants : de là vient que plusieurs se lassent d'attendre Celui qui ne peut les induire en erreur, et qu'ils ne rougissent pas de s'attacher à ce qui ne fait que les tromper. C'est de ces aveugles qu'il est dit dans l'Ecriture : « Malheur à ceux qui ont perdu patience et qui ont abandonné les droites voies (2) ». De plus, quand on agit avec courage et qu'on attend Dieu avec résolution, on est constamment outragé par les victimes de l'éternelle mort qui ne cessent de prôner leurs joies éphémères, joies perfides qui ne flattent un moment que pour surpasser le fiel en amertume. Où est, nous répètent-ils, ce qu'on volis promet au-delà de cette vie? Qui est venu de l'autre inonde pour vous assurer que vos espérances sont fondées ? Nous au moins nous savons jouir de nos plaisirs, car nous espérons ce que nous voyons : pour vous, qui croyez ce que vous ne voyez pas, vous ne savez vous imposer qu'abstinences et tortures. Puis ils ajoutent, comme l'a rappelé saint Paul: « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons ». Remarquez cependant à quoi il nous avertit de prendre garde. « Les mauvais propos, dit-il, corrompent les bonnes mœurs. Usez d'une sage sobriété et ne péchez pas (3) ».

2. Prenez donc garde, mes frères, que de semblables propos ne corrompent en vous les moeurs, n'abattent vos espérances, n'affaiblissent votre patience et ne vous jettent dans des voies funestes. Ah ! plutôt soyez doux et dociles pour suivre les voies droites, celles que vous montre le Seigneur, et dont il est ainsi parlé dans un psaume : « Il conduira dans la justice ceux qui sont dociles, il enseignera ses voies à ceux qui sont doux (4) ». En

 

1. Ps. XXVI, 14. — 2. Eccli. II, 16. — 3. I Cor. XV, 32-34. — Ps. XXIV, 9.

 

effet, pour pratiquer, toujours au milieu des épreuves de la vie, la patience sans laquelle il est impossible de conserver l'espérance du bonheur à venir, il est absolument nécessaire d'être doux et docile, de ne pas résister à la volonté de Dieu, de Dieu dont le joug est doux et le fardeau léger, mais pour ceux qui croient en lui, qui espèrent en lui et qui l'aiment. Si vous êtes ainsi doux et dociles, non-seulement vous aimerez les consolations de Dieu, mais, comme de bons fils, vous saurez endurer, encore les coups de sa verge et attendre avec patience ce que vous espérez sans le voir.

Agissez, agissez ainsi. C'est le Christ que vous suivez, et il a dit: « Je suis la voie (1)». Or apprenez dans ses exemples comme dans ses paroles de quelle manière vous le devez suivre. Il est le Fils unique du Père, et le Père ne l'a pas épargné, mais il l'a livré pour nous tous (2), sans que le Fils refusât ou résistât. Car il voulait ce que voulait son Père, n'ayant avec lui qu'une même volonté dans l'égalité de la divine nature, égalité qui lui permettait, sans usurpation, de s'égaler à Dieu. Et pourtant quelle incomparable obéissance il pratiqua dans la nature d'esclave qu'il prit en s'anéantissant (3) ! Car « il nous a aimés et s'est livré lui-même pour nous en oblation à Dieu et en hostie de suave odeur (4)». D'où il suit que si le Père n'a pas épargné son propre Fils et l'a livré pour nous tous, le Fils aussi s'est sacrifié pour nous.

3. Or c'est en se livrant ainsi, dans sa nature humaine, aux opprobres des hommes, aux dérisions de la multitude, aux outrages, aux fouets et à la mort de la Croix, que ce Dieu Très-haut, par qui tout a été fait, nous a enseigné avec quelle patience nous devons marcher dans son amour; et, par l'exemple de sa résurrection, il nous dit encore ce qu'avec une invincible patience nous devons espérer de lui. «Car si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec patience ». Il est vrai, nous espérons ce que nous ne voyons pas; mais. nous sommes le corps d'un Chef divin cri qui nous voyons réalisées dès maintenant nos espérances. N'est-il pas dit de lui qu' « il est le Chef de son corps, de l’Eglise, le premier-né, et qu'il garde en tout la primauté (5)? » Et de nous : « Vous êtes le corps et

 

1. Jean, XIV, 6. — 2. Rom. VIII, 32. — 3. Philip. II, 6, 7. — 4. Ephés. V, 2. — 5. I Col. 1, 18.

 

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les membres du Christ (1)? » Or, si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec patience». Mais aussi avec tranquillité, puis que notre espérance est sous la garde de notre Chef ressuscité.

Ce Chef, de plus, ayant été flagellé avant de ressusciter, voilà notre patience affermie. D'ailleurs il est écrit que Dieu corrige celui qu'il aimé, et qu'il frappe de verges tout fils qu'il reçoit (2) ». Donc, pour ressusciter avec joie, ne nous décourageons pas sous la main qui châtie. N'est-il pas bien vrai qu'il fouette tout fils qu'il reçoit, puisque loin d'épargner son Fils unique, il l'a sacrifié pour l'amour de nous tous ? Ah ! le regard fixé sur ce Fils qui a été flagellé sans l'avoir mérité, qui est mort pour expier nos péchés et qui est ressuscité pour nous justifier (3), ne craignons pas que Dieu nous délaisse quand il nous châtie; ayons plutôt confiance qu'il nous recevra dans son sein après nous avoir ainsi sanctifiés.

4. Maintenant même, quoique notre bonheur soit loin encore d'être complet, nous laisse-t-il sans jouissances et ne sommes-nous pas sauvés en espérance? Aussi l'Apôtre ne se contente pas de dire : « Si nous espérons ce que nous ne voyons pas, nous l'attendons avec patience » ; il dit ailleurs : « Vous réjouissant par l'espérance, patients dans la tribulation (4) » ; « et appuyés sur une telle espérance, agissons avec grande confiance (5) »; — « que nos paroles, toujours gracieuses, soient a assaisonnées du sel de la sagesse, en sorte a que vous sachiez comment il vous faut répondre à chacun (6) ».

Que faut-il répondre. effectivement à ces malheureux qui ont renoncé ou qui ne se sont jamais consacrés au service de Dieu, et qui néanmoins ont le front de nous insulter, nous qu'ils devraient imiter parce que nous le servons, parce que nous espérons et attendons avec patience ce que nous ne voyons pas ? Il faut leur dire : Eh ! où sont donc ces joies que vous poursuivez en marchant par vos voies tortueuses? Nous ne vous demandons pas ce qu'elles deviendront après cette vie : aujourd'hui même où sont-elles? Hier est emporté par aujourd'hui, comme aujourd'hui sera emporté par demain ; quels sont alors les objets de vos affections qui ne s'envolent et ne se dissipent? Est-il rien qui ne s'enfuie avant même

 

1. I Cor. II, 27. — 2. Héb. XII, 6. — 3. Rom. IV, 25. — 4. Rom. XII, 12. — 5. II Cor. III, 12. — 6. Coloss. IV, 6.

 

qu'on s'en empare, quand du jour actuel on ne peut arrêter même une heure; quand la douzième heure doit être remplacée par la treizième, comme la première s'est évanouie devant la seconde ; quand de l'heure qui semble actuellement présente rien n'est présent, puisque toutes les parties et que tous les points ne font que s'en écouler?

5. Si seulement l'homme n'était pas si aveugle et qu'il considérât pour quel motif il pèche ou s'est abandonné au péché ! Il pourrait remarquer qu'il soupire sans prévoyance après un plaisir qui doit passer , et que ce plaisir goûté , il n'y songe qu'avec remords. Vous nous tournez en dérision parce que nous espérons les biens éternels sans les voir; quand, esclaves des choses temporelles que vous voyez, vous ne savez pas ce que sera pour vous le jour de demain , ce jour que souvent vous attendez bon et que vous reconnaissez mauvais, sans pouvoir l'arrêter dans sa fuite, lorsque parfois il est bon ! Vous nous tournez en dérision parce que nous espérons des biens éternels qui ne passeront point quand ils seront arrivés; ou plutôt ils n'arriveront pas, puisqu'ils subsistent éternellement, et c'est nous plutôt qui parviendrons jusqu'à eux lorsqu'en suivant la voie divine nous aurons passé au-delà de ce qui passe. Et vous ne cessez d'espérer des biens temporels qui vous échappent si souvent malgré l'ardeur de vos désirs , qui ne font que vous surexciter avant de venir, que vous corrompre en arrivant et que vous torturer en s'échappant 1 N'est-il pas vrai que vous brûlez avant de les posséder, qu'ils s'avilissent entre vos mains et qu'une fois perdus ils ne sont plus qu'un songe? Nous aussi nous en usons, mais pour les besoins de notre pèlerinage, mais sans en faire dépendre notre bonheur, car ils pourraient nous entraîner avec eux. Nous usons en effet de ce monde comme n'en usant pas (1), et c'est dans le dessein de parvenir près de Celui qui a fait le monde, de demeurer en lui et de jouir avec lui de son éternité.

6. Pourquoi dire encore : Qui est revenu d'entre les morts, pour apprendre aux mortels ce qui se passe au-delà du tombeau? Ne vous a-t-il pas fermé la bouche en, ressuscitant un mort de quatre jours (2), en ressuscitant lui-même le troisième jour pour ne plus mourir,

 

1. I Cor. VII, 31. — 2. Jean, XI, 39-44.

 

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en montrant enfin avant sa mort et avec la certitude de Celui pour qui rien n'est caché, soit dans la paix dont jouit le pauvre, soit dans les flammes où est plongé le riche, quelle vie attend les humains au-delà de cette vie (1) ? Mais ils ne croient pas ces vérités, eux qui répètent . Qui est revenu d'entre les morts? Ils veulent persuader qu'ils croiraient, si quelqu'un de leurs proches recouvrait la vie. Mais maudit quiconque met son espoir dans un homme (2) ! C'est même pour détourner de nous cette malédiction qu'un Dieu fait homme a voulu mourir, puis ressusciter et montrer ainsi dans une chair humaine, ce qui attend l'homme, pourvu toutefois que l'homme ne s'appuie pas en lui, mais sur Dieu.

D'ailleurs l'Eglise fidèle est répandue par tout l'univers, elle est sous leurs yeux. Qu'ils lisent et ils reconnaîtront que bien des siècles avant son établissement Dieu en avait fait la promesse à un homme, à un homme qui espéra, contre toute espérance, qu'il deviendrait le père d'un peuple innombrable (3). Ainsi nous voyons actuellement accomplie la promesse

faite à un seul croyant, à Abraham, et nous n'espérerions pas avec certitude ce qui a été promis à tous les croyants, à l'univers entier? Qu'ils s'en aillent donc en répétant : « Mangeons et buvons, car demain nous mourrons ». Ils mourront demain, disent-ils; la vérité est qu'ils sont morts en parlant ainsi.

Pour vous, mes frères, ô fils de la résurrection, concitoyens des saints anges, héritiers de Dieu et cohéritiers du Christ ; gardez-vous d'imiter ces malheureux qui mourront demain, en ce sens que demain ils expireront, mais qui dès aujourd'hui sont ensevelis dans le vin. Or pour préserver vos moeurs de la corruption des mauvais propos, comme s'exprime l'Apôtre, « observez une sage sobriété et rte péchez point (4) », suivez la voie étroite mais sûre, qui conduit dans cette immense Jérusalem céleste, notre mère pour l'éternité; espérez fermement ce que vous ne voyez pas, et attendez avez patience ce que vous ne possédez pas encore, puisque vous vous attachez inséparablement au Christ dont les promesses ne peuvent manquer.

 

1. Luc, XVI, 19-31. — 2. Jér. XVII, 5. — 3. Rom. IV, 18. — 4. I Cor. XV, 32-34.

 

 

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