SERMON CLXVII
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SERMON CLXVII. RACHETER LE TEMPS (1).

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ANALYSE. — Les jours sont mauvais, dit saint Paul ; et ce qui les rend mauvais, observe saint Augustin, c'est la misère et la méchanceté , la méchanceté à faire le mal ou à persécuter les bons , car les bons sont toujours persécutés par les méchants. Donc il faut racheter le temps. Quand on achète, on donne pour avoir, on sacrifie pour acquérir. Racheter le temps, c'est sacrifier des avantages, des droits même temporels, afin de s'appliquer davantage à acquérir les biens éternels. Que dire des chrétiens qui au lieu de sacrifier leurs droits usurpent ceux d'autrui ?

 

1. Vous venez d'entendre, ou plutôt nous venons tous d'entendre l'Apôtre nous dire : « Ayez soin de marcher avec circonspection, non comme des insensés, mais comme des hommes sages, rachetant le temps, parce que les jours sont mauvais ». Deux choses, mes frères, rendent les jours mauvais : ce sont la méchanceté et la misère. Oui, c'est la méchanceté et la misère humaines qui font passer de mauvais jours. Considérés au point de vue de la durée, les jours sont réguliers; ils se succèdent et mesurent le temps avec ordre ; le soleil se lève, il se couche, les temps passent régulièrement. En quoi ces,temps blesseraient-ils l'homme, si les hommes ne se blessaient eux-mêmes? Aussi n'y a-t-il que deux choses, je le répète, pour rendre les jours mauvais, savoir la misère et la méchanceté humaines.

Il est vrai, la misère est le lot commun, il n'en doit pas être ainsi de la méchanceté. Depuis la chute d'Adam et son expulsion du paradis, les jours n'ont jamais été que misérables. Demandons à ces enfants qui viennent de naître, pourquoi ils débutent dans la vie par des pleurs, quand ils pourraient également rire. On naît et on pleure immédiatement ; combien de jours s'écoulent ensuite avant qu'on rie ? Je l'ignore. Or en pleurant ainsi dès sa naissance, chaque enfant prophétise ses malheurs; ses larmes attestent ses souffrances. Il ne parle pas encore, et déjà il est prophète. Et que prédit-il ? Qu'il vivra dans la peine ou dans la crainte. Oui, lors même qu'il se conduirait sagement et serait du nombre des justes, exposé de toutes parts aux tentations, il vivra constamment dans la crainte.

2. Que dit l'Apôtre ? « Tous ceux qui veulent

 

1. Ephés. V, 15, 16.

 

vivre pieusement en Jésus-Christ, souffriront persécution (1) ». Voilà ce qui fait encore que les jours sont mauvais, ç'est que les justes ne peuvent être ici-bas sans être persécutés. Ils sont persécutés par là même qu'ils sont au milieu des méchants; quand ceux-ci ne les attaquent ni avec le fer ni à coups de pierres, leur conduite et leurs moeurs sont les bourreaux de ces justes. Qui persécutait Lot à Sodome ? Personne ne s'armait contre ce saint personnage;,mais il vivait au milieu des impies, et en vivant parmi ces hommes impurs, orgueilleux, blasphémateurs, il souffrait, non pas des coups qu'il recevait, mais de ce qui se passait sous ses yeux. Toi qui m'entends et qui ne mènes pas encore une vie pieuse en Jésus-Christ, commence à mener cette vie, et tu expérimenteras ce que je dis. Aussi voyez ce que disait l'Apôtre en rappelant les dangers qu'il courait : « Périls sur mer, périls sur les fleuves, périls au désert, périls de la part des voleurs, périls de la part de faux frères (2) ». Les autres périls peuvent cesser; d'ici à la fin du monde les périls de la part des faux frères ne cesseront jamais.

3. Rachetons le temps, puisque les jours sont mauvais. Peut-être comptez-vous apprendre de moi ce que c'est que racheter le temps. Je vais, en l'expliquant, dire ce que bien pets entendent, ce que bien peu supportent, ce que bien peu entreprennent, ce que bien peu pratiquent; je le dirai néanmoins en faveur du petit nombre de ceux qui doivent m'écouter et qui vivent au milieu des méchants. Racheter le temps, c'est, par exemple, faire le sacrifice de quelque chose, lorsqu'on nous intente un procès, afin de nous occuper de Dieu

 

1. II Tim. III, 12. — 2 II Cor. XI, 26.

 

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plutôt que de plaidoierie.N'hésite pas de perdre alors quelque chose; ce que tu donnes ainsi sera le prix du temps. Quand pour tes besoins tu vas au marché, tu donnes de l'argent pour acheter du pain, du vin, de l'huile, du bois ou quelque ustensile : tu donnes ainsi et tu reçois, tu perds et tu acquiers; c'est ce qui s'appelle acheter. Car acquérir sans rien sacrifier, c'est trouver, recevoir en don ou comme héritage; mais acquérir en donnant, c'est acheter; ce que l'on acquiert ainsi est acheté, ce que l'on donne en est le prix. Eh bien ! de même que tu n'hésites pas à verser de ton argent pour acheter un objet quelconque; n'hésite pas non plus à en perdre pour acheter la tranquillité. Voilà en quoi consiste racheter le temps.

4. Il y a un proverbe punique fort connu; je le traduirai en latin, attendu, que vous ne connaissez pas tous la langue punique. Ce proverbe est ancien, le voici : La peste te demande un sou ? donne-lui en deux et qu'elle s'en aille. Cet adage ne paraît-il pas tiré de l'Évangile ? Le Seigneur nous recommande-t-il autre chose que de racheter le temps, lorsqu'il dit : « Quelqu'un veut-il t'appeler en justice et t'enlever ta tunique ? Abandonne-lui encore ton manteau (1) ». — « Veut-il t'appeler en justice et t'enlever ta tunique? » Veut-il te détourner de ton Dieu en te jetant dans les procès ? Tu n'aurais alors ni la paix du coeur, ni la tranquillité de l'âme; tu serais tourmenté de soucis, irrité même contre ton adversaire : mais ce serait perdre ton temps. Ne vaut-il pas beaucoup mieux faire un

 

1. Matt. V, 40.

 

sacrifice d'argent et racheter ce temps précieux ? Mes frères, j'ai donc raison, lorsque nous avons à juger vos procès et vos affaires, de conseiller à celui qui est chrétien de sacrifier quelque chose pour racheter le temps. Mais ne dois-je pas, avec plus de soin et d'assurance encore, inviter à rendre le bien d'autrui ? Car ceux que je juge sont chrétiens l'un et l'autre. Je vois l'injuste accusateur, celui qui veut faire un procès à son frère et lui enlever quelque chose, ne fût-ce que par arrangement, tressaillir à ces mots. L'Apôtre, se dit-il, recommande « de racheter le temps, parce que les jours sont mauvais ». Donc je vais attaquer ce chrétien, et bon gré, mal gré, il me cédera quelque chose pour racheter le temps, attendu que l'Évêque a parlé. — Mais dis-moi, accusateur, si je conseille à ton frère de faire un sacrifice pour conserver la paix, ne te demanderai-je pas, à toi, calomniateur, fils perdu de Satan, pourquoi tu travailles à ravir ce qui ne t'appartient pas ? Tu n'as aucun sujet de plainte et tu l'accuses ainsi ? Si je lui dis : Sacrifie quelque chose pour qu'il se désiste de ses accusations iniques; que deviendras-tu après avoir été payé comme faux accusateur ? Sans doute il passe de mauvais jours en rachetant le temps pour détourner tes imputations calomnieuses; mais toi, tout en profitant de tes injustes délations, tu auras non-seulement des jours mauvais ici-bas, mais, au jour du jugement, et après ceux-ci, des jours bien plus mauvais encore. Peut-être ris-tu de cette pensée en détroussant ton frère. Ris, ris encore et tourne en dérision; je vais, moi, continuer à donner, un autre viendra te faire rendre compte.

 

 

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