I D. DE NOVEMBRE II
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DEUXIÈME (a) SERMON POUR LE PREMIER DIMANCHE DE NOVEMBRE. Sur les paroles du prophète Isaïe.

 

1. En parlant de celui qu'il avait vu assis sur un trône, notre Voyant

 

a Dans la plupart des manuscrits, les trois sermons suivants n'en font qu'un ; le cinquième manque presque en entier. Ce sermon n'est autre chose qu'un nouveau commentaire des mêmes paroles d'Isaïe ; toutefois; on le trouve tout entier dans un des manuscrits de la bibliothèque de Blancs-Manteaux ; d'un autre côté, il est parlé de ces cinq sermons dans le livre des Fleurs de saint Bernard. Voir livré X, chapitre IX et X. Remarquez que les mots séraphins et chérubins sont écrits an singulier avec un m, et au pluriel avec un  n  dans plusieurs anciens livres.

 

dit : « Et la terre était toute remplie de sa majesté (Isa. VI, 3). » Seigneur, que votre règne arrive, et que votre majesté remplisse la terre comme elle remplit les cieux. Pourquoi, en effet, le prince de ce monde déchaîne-t-il partout sa fureur comme il le fait, sinon parce que la terre entière est abandonnée à son règne impie? Mais c'est son heure, et le règne des puissances ténébreuses. Un jour viendra certainement où celui qui n'a plus eu de place dans le ciel sera misérablement chassé de la terre même et précipité dans les cavernes souterraines. Voilà pourquoi David, dans une vue prophétique, après avoir parlé du bonheur des saints, disait, au sujet de l'esprit malin et de ses anges qui sont aussi ses membres : « Il n'en est pas ainsi, non, il n'en est pas ainsi des impies, mais ils sont comme la poussière que le vent balaie à la surface de la terre (Psal. I, 4). « Ils auront perdu alors tout pouvoir de tenter les hommes, toute faculté de les inquiéter, toute possibilité de leur nuire. Toute la terre sera remplie de la majesté de Dieu, puisque nulle part sur la terre sa volonté ne sera plus transgressée, que dis-je? puisque toute créature sera délivrée de son asservissement à la corruption qui cause aujourd'hui ses larmes et ses soupirs, et la tient comme dans les douleurs de l'enfantement (Rom. VIII, 22). Il y aura alors une terre nouvelle, et de nouveaux cieux, et de quelque côté que nous tournions les yeux, nous verrons resplendir en quelque sorte la Majesté de Dieu sur la face des choses.

2. Mais il est, ô homme, une autre terre qui te touche de plus près encore que celle que tu foules aux pieds, et qui est pour toi un objet de plus grands et du plus justes soucis. « Nul ne hait sa propre chair (Ephes. V, 29). » Console donc la tienne et fais-la reposer dans le sein de l'espérance, en lui répétant que toute terre sera remplie de la majesté de Dieu. Comment notre chair pourrait-elle être remplie maintenant de la présence de la majesté de Dieu, quand le grand apôtre Paul qui avait reçu les prémisses de l'Esprit, fait entendre des gémissements si lamentables et des plaintes si amères en s'écriant : « Je sais qu'il n'y a rien de bon en moi, c'est-à-dire, dans ma chair (Rom. VII, 18) ? » Et pourtant, il est bien certain qu'alors même, le péché ne régnait plus dans son corps mortel. Mais remarquez encore qu'il ne parle que de son corps mortel, et qu'il se contente de dire que le péché n'y règne plus en maître. Mais il voyait dans ses membres la loi du péché (Rom. VII, 23), que la majesté de Dieu en chassera certainement quand elle les remplira tout entiers ; ce n'est pas assez dire encore, elle détruira notre dernière ennemie, la mort elle-même. Ainsi toute la terre sera remplie de la majesté de Dieu, lorsque le Seigneur, par sa puissance, en aura complètement fait disparaître le péché, et jusqu'à la dette de la mort. Notre terre à nous sera donc remplie tout entière par la majesté du Seigneur, quand elle sera revêtue de gloire au jour de la résurrection, quand elle revêtira la robe de l'immortalité et se verra transfigurée en la ressemblance du corps glorieux de Jésus-Christ. En effet « nous attendons le Sauveur Notre Seigneur qui transformera notre corps vil et abject et le rendra conforme à son corps glorieux (Philipp. III, 20). » Qu'as-tu donc encore à murmurer, chair misérable, pourquoi fais-tu la récalcitrante, et nourris-tu des désirs contre l'esprit? S'il t'humilie, s'il te châtie et te réduit en servitude, il est certain qu'en cela, il ne prend pas moins tes intérêts que les siens. Pourquoi, ô hommes, envier le sort de ceux qui n'ont pas honte de mendier une parure sans gloire :au travail des vers ou à la dépouilles des rats, par une coquetterie indigne d'un homme, interdite même aux femmes, et qui les déshonore plus qu'elle ne les pare? Laissez-les se parer, ou plutôt se déparer de leurs propres mains, mais pour vous, si votre corps fut un corps d'humilité, sachez que l'artisan qui l'a formé, saura bien le reformer, et si vous êtes sage, vous vous en remettrez à sa main seulement pour refaire ce qu'elle a fait.

3. Mais passons à la suite de la vision prophétique d'Isaïe : « Et ce qui était placé au dessous de lui remplissait le temple (Isa. VI, 1). » Voilà pourquoi je vous ai dit : « Humiliez-vous sous la puissante main de Dieu, afin qu'il vous élève le jour où il vous visitera (I Petr. V, 6). » Faites donc en sorte, mon frère, de vous placer au dessous de Dieu pour vous trouver avec lui ! N'allez pas croire qu'il admettra indifféremment tous les hommes dans le temple d'une si grande béatitude, lui qui n'y a point laissé indifféremment tous les anges. Pouvez-vous croire qu'il ne fera aucune différence entre une motte de terre et une motte de terre, lui qui en fait une entre une étoile et une étoile? Il examinera l'argent, croyez-le, puisqu'il éprouvera et réprouvera l'or même. Quel ne devra donc point être l'homme pour être admis à la place de l'ange déchu? Il devra certainement être trouvé exempt de toute iniquité, mais surtout de celle qui, chez l'ange même, fut, non point une faute légère, et la cause d'une colère passagère, mais d'une haine éternelle. L'orgueil n'a paru qu'un jour, et il a jeté le trouble dans le royaume du ciel, il en a ébranlé les murs, il y a même fait de larges brèches. Eh quoi, vous semble-t-il qu'il puisse désormais lui être donné facilement accès dans ce royaume? Pouvez-vous croire que la céleste cité ne hait point, et ne déteste point de toutes ses forces une semblable peste? Soyez sûrs, mes frères, que Celui qui n'a point épargné les anges tombés dans l'orgueil, n'épargnera pas non plus les hommes coupables du même péché, car il ne se met point en contradiction avec lui-même, et ne fait acception de personne, ses jugements sont toujours les mêmes. Il n'a de goût que pour l'humilité,  il n'y a qu'elle qui lui plaise dans les hommes, comme dans les anges, et Celui qui est assis sur le trône n'a fait choix que de sujets soumis, pour en remplir son temple. Aussi est-il écrit : « Qui est semblable à notre Dieu qui habite au plus haut des cieux, et qui, néanmoins, abaisse de là ses yeux sur tout ce qu'il y a d'humble sur la terre comme dans les cieux (Psal. CXII, 5) ? » Ne reconnaissez-vous point les paroles de l'archange Michel quand il s'élève contre l'orgueilleux qui s'écrie : « Je serai semblable au Très-Haut (Isa. XIV, 14)? » Car Michel signifie : « Qui est semblable à Dieu? »

4. C'est donc avec raison qu'après avoir dit qu'il a vu le Seigneur assis sur un trône élevé, sublime, le Prophète ajoute : « et tout ce qui était au dessous de lui remplissait le temple, » pour que nous ne voyions pas dans le mot « sublime » celui qui a dit: « Je m'élèverai par dessus les nues (ibidem.), ou dans le mot « élevé, » les hommes qui s'enflent d'orgueil. Il n'y a donc pas moyen de voir dans ce langage la louange de cette élévation qui s'élève contre Dieu; il n'y a, et il n'y aura dans le temple, ou sur les degrés du trône, que ceux qui sont au dessous de lui, dont les uns se trouvent élevés par leur propre stabilité, et les autres ont été tirés de leur bassesse pour être élevés ensuite, par un acte de la miséricorde divine. Ne me dites point que tout est soumis à son empire, et que ces mots « tout ce qui est au dessous de lui, » ne présentent qu'un sens général; car, pour nous montrer qu'il ne cite et ne loue que la sujétion volontaire à Dieu, celle qui prend sa source dans la ferveur même de la charité, le Prophète nous parlé ensuite des séraphins, dont je me propose de vous entretenir en son lieu, un jour, selon ce que Dieu me fera la grâce de m'inspirer à ce sujet.

5. Isaïe nous dit donc : « Et tout ce qui était au dessous de lui remplissait le temple. » Dans le principe, Dieu avait créé les anges pour remplir de leur troupe l'enceinte de cet heureux temple ; mais il ne fut pas content d'eux tous; car, comme nous le voyons dans les saintes Lettres, « dans ces anges mêmes, il a trouvé du dérèglement (Job. IV, 18). » En effet, il y en eut un, parmi eux, pour dire :  « J'irai placer mon trône à l’Aquilon (Isa. XIV, 13), » et il trouva des complices pour la croire. Quel malheur pour lui avoir mieux aimé être sans Dieu ! quel malheur aussi pour ceux qui, en voyant passer le voleur, se mirent à sa suite ! Les malheureux, ils s'en allèrent avec lui, et laissèrent vide une place qu'un autre fut appelé à occuper après eux. O mon âme, ne te soumettras-tu point à Dieu ? Si tu ne le fais, il n'y aura pas de place pour toi non plus dans le temple car «il n'est rempli que par tout ce qui est placé au dessous de lui. » En vain les vierges folles viendront-elles frapper et crier à la porte de la salle des noces, une fois qu'elle sera remplie de convives, elle ne s'ouvrira plus pour elles. O malheur à l'âme pour qui cette porte sera fermée! Malheur à celui, dont il aura été dit: « Enlevez l'impie, qu'il ne voie point la gloire de Dieu. » Eu effet, à quoi bon laisser la lumière de ce jour temporel à celui qui ne doit point contempler cette gloire éternelle? Ah! je voudrais que mon oeil n'eût jamais vu la lumière du soleil, s'il faut, le ciel me préserve d'un tel malheur, s'il faut, dis-je, que je sois à jamais privé de la vision de Dieu. Allez superbes, soyez orgueilleux et fiers; élevez-vous, enflez-vous, aspirez à monter au faîte, pour que le jour où l'équité viendra, elle rase, sous son niveau, toute cette surabondance. Qu'il n'en soit pas ainsi pour toi, ô mon âme, sois soumise à Dieu, mais soumise du fond du coeur, soumise avec toute la ferveur de la dévotion, car il est dit des séraphins « qu'ils se tenaient sur les gradins du trône. » Tenons-nous-y aussi en ce jour, mes frères, et ne nous éloignons point de ce temple dans lequel tous les assistants disent gloire à Dieu, parce qu'ils contemplent la gloire de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est Dieu par dessus tout, et béni dans tous les siècles. Ainsi soit-il.

 

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