I D. DE NOVEMBRE III
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TROISIÈME SERMON POUR LE PREMIER DIMANCHE DE NOVEMBRE. Sur les paroles du Prophète Isaïe.

 

1. Je pense que vous n'avez point oublié que notre entretien doit rouler aujourd'hui sur les deux séraphins dont parle Isaïe, lorsqu'après avoir dit qu'il a vu le Seigneur sur un trône, il ajoute que les séraphins en occupaient les degrés. Les séraphins, ainsi que je vous l'ai dit bien souvent, mes frères, sont des esprits célestes, et forment le premier, le plus élevé des neuf ordres des anges. Mais, dans le passage gui nous occupe, ce mot n'est pas employé dans ce sens, du moins je le crois, attendu que les séraphins forment des bataillons innombrables, tandis que, ici, ils ne sont qu'au nombre de deux. Pour moi donc, s'il est permis à chacun, en ce point, d'abonder en son sens, je vois dans ces deux séraphins les deux créatures raisonnables, les anges et les hommes. Vous ne vous étonnerez pas que l'homme soit un séraphin, quand vous vous rappellerez que le Seigneur et créateur des séraphins s'est fait homme. C'est pour t'humilier, ô ange superbe, toi qui créé parmi les anges, n'as pas été digne de rester avec eux, que notre Roi vient sur la terre, pour y faire de nouveaux anges ; et même pour te torturer davantage, et te faire trouver ton supplice dans ta propre jalousie, il ne fait pas de nous des anges quelconques, des anges d'un rang inférieur, il en fait des séraphins. Ecoute en effet comment il s'exprime : Je suis venu apporter le feu sur la terre, et que désirai-je sinon qu'il s'allume (Luc. XII, 19)? Il veut donc faire des séraphins se tiennent à la place d'où tu es tombé. « Les séraphins, dit Isaïe, se tenaient sur les degrés du trône. » D'où vient donc, ô toi, Lucifer, qui te levais le matin, d’où vient que tu ne t'es pas tenu dans la vérité? Ce n'est point parce que tu ne fus pas véritablement séraphin! car séraphin veut dire qui brûle ou qui allume. Et toi, malheureux, tu n'as eu que la lumière, tu n'as point eu la chaleur. Il eût mieux valu pour toi que tu fusses ignifer plutôt que lucifer, et, dans ton amour excessif de luire, tu n'aurais pas, glacé comme tu l'étais, choisi une région du ciel glacée aussi comme toi. En effet, tu t'es écrié : « Je monterai plus haut que les nuées les plus élevées, et j'irai m'asseoir aux flancs de l'Aquilon ( Isa. XIV, 14). » Pourquoi cet empressement à te lever le matin, Lucifer? Pourquoi ce bonheur de l'emporter sur tous les astres que tu surpasses en éclat? Ta gloire sera courte. Le Soleil de justice marche sur tes pas, ce Soleil que, dans ta vanité, tu te vantais d'être, et sa chaleur non moins que son éclat va te réduire à rien, et te faire disparaître. C'est en vain que tu as la pensée de prévenir, dans l'homme que tu veux t'unir après sa chute, l'arrivée du Seigneur qui doit venir comme un vrai Soleil levant à la fin des siècles, et de t'élever au dessus de tout ce qui est appelé Dieu, et honoré comme tel, attendu que l'éclat de sa venue doit te détruire alors complètement.

2. Jean Baptiste fut plus heureux et plus sage. Il fut aussi un lucifer, mais non point un lucifer de son choix, car il n'aurait pas voulu en prendre le titre, comme un voleur et un larron; c'est Dieu même qui l'a envoyé pour marcher devant la face du Seigneur, selon ce qui est dit: « J'envoie devant vous mon ange, etc. (Luc. VII, 27), » et suivant ce passage d'un psaume qui se rapporte à lui . « J'ai préparé une lampe à mon Christ (Psal. CXXI, 17). » En effet, c'était bien une lampe brûlant et éclairant, et les juifs voulurent un moment se réjouir à son éclat, mais lui ne voulut point en faire autant. Vous me demandez pourquoi? C'est à lui qu'il faut le demander, et il vous répondra que l’ami de l'Époux qui se tient auprès de lui et qui l'écoute, est ravi de joie, parce qu'il entend la voix de l'Époux (Joan. III, 29). » Jean Baptiste se tient donc ferme et debout, car il n'est point un roseau agité parle vent, il se tient parce qu'il est un ami, il se tient enfin, parce qu'il est brûlant, de même qu'on représente les séraphins debout aussi sur les degrés du trône. On peut bien dire, en effet, qu'il est un ami de l'Époux, car, bien loin d'envier la gloire dont il est plein au sortir de sa chambre nuptiale, il lui prépare les voies, il va annoncer sa grâce devant lui, afin de mériter de recevoir de sa plénitude (Joan. I, 16). Jean-Baptiste brille donc, et sa lumière est d'autant plus vraie qu'il désire moins briller. C'est un lucifer fidèle qui n'est pas venu pour usurper l'éclat du Soleil de justice, mais pour annoncer sa splendeur. Il disait donc : « Ce n'est pas moi qui suis le Christ; il en est un plus fort que moi, qui vient après moi, et je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers (Joan. I, 20 et 27). » Ailleurs, il ajoutait encore : « Pour moi, je vous baptise dans l'eau, mais lui, vous baptisera dans le Saint~Esprit et dans le feu (Luc. III, 16). » C'est comme si ce Lucifer avait dit en propre termes : Pourquoi regardez-vous avec admiration la splendeur de ma lumière? Ce n'est pas moi qui suis le Soleil vous en verrez un autre bien différent de moi, auprès de qui je ne suis que ténèbres, avec tout mon éclat. Semblable à un astre matinal, je fais tomber sur vous la rosée du matin, mais lui vous inondera de ses brûlants rayons, il fera fondre la glace, desséchera vos marais, réchauffera ceux qui ont froid. et sera le manteau du pauvre. En effet, les paroles du Précurseur se rapportent assez bien à celles du Juge lui-même, car le Christ a parlé de ce feu que saint Jean avait annoncé, quand il a dit : « Je suis venu apporter le feu sur la terre (Luc. XII, 49). »

3. Peut-être me direz-vous que si le feu échauffe, il éclaire aussi. Je ne dis pas non, mais il semble qu'il échauffe plus encore qu'il n'éclaire.

Aussi, entendez-le, et remarquez comment il s'exprime en parlant de ce feu : « Je suis venu, dit-il, apporter le feu sur la terre, et que désiré-je, sinon qu'il brûle ? » Vous voyez clairement ce qu'il veut; mais vous n'ignorez pas non plus que « la vie est au pouvoir de sa volonté (Psal. XXIX, 6), » et que le serviteur qui connaît la volonté de son maître, et ne la fait point, sera d'autant plus rudement châtié (Luc. XII, 47). Qu'est-ce donc qui vous presse tant de briller? Le jour n'est pas venu encore où les justes brilleront comme le soleil, dans le royaume de leur Père : en attendant, ce désir de briller est pernicieux, mieux vaut être brûlant. Après tout, si vous avez une si grande envie de briller, faites tout ce qui dépend de vous pour être ce que vous voulez paraître, commencez par rechercher la chaleur, vous aurez nécessairement l'éclat, autrement. vous vous tourmenteriez en vain, car il ne sert de rien de briller, si on n'est chaud en même temps. C’est une lumière d'emprunt, ou plutôt c'est un semblant de lumière que celle qui n'émane point du feu. Or, on ne peut garder longtemps ce qu'on ne possède point en propre, et vous finiriez par être couvert d'une confusion d'autant plus grande que vous aurez voulu faire croire que ce qui n'était que d'emprunt venait de votre propre fond. Ainsi, la lune, dit-on, a l'éclat sans la chaleur, et tient son éclat du soleil. Voilà pourquoi elle change si souvent, ou plutôt, pourquoi elle est dans un changement continuel; on ne la voit jamais . deux jours de suite la même. Voilà sans doute, pourquoi il est dit : « L'insensé est changeant comme la lune (Eccl. XXVII, 12), » mais l’insensé qui a perdu le sens dans sa beauté, c'est-à-dire, qui s'est refroidi dans son éclat.

4. Aussi, Lucifer est-il tombé du ciel comme la foudre : « Les séraphins, au contraire, se tenaient debout sur les degrés du trône. » Ils se tenaient debout, dis-je, parce que «la charité, ne saurait tomber (I Cor. XIII, 8.) » Ils se tiennent dans l'admiration et en suspens à la vue de celui qui est assis sur le trône, ils se tiennent debout dans une éternelle immutabilité, et dans une immuable éternité. Et toi, ô impie Lucifer, tu as eu la pensée de t'asseoir, aussi tes jambes ont-elles manqué sous toi, et le sol s'est-il écroulé sous tes pas. Il n'y a que le Fils, le Seigneur de Sabaoth qui est assis sur le trône, et jugera toutes choses avec tranquillité. Il n'y a que la Trinité qui est assise, parce qu'elle possède l'immortalité; seule, elle est exempte de changement, de l'ombre même de toute vicissitude. Les séraphins se tenaient. debout et immobiles aussi, mais à leur manière, et sans comparaison avec la Trinité. Ils sont là, dis-je, debout, attitude et pensées tournées vers Celui qu'ils brûlent de contempler. Celui qui a osé s'asseoir voulut se contenter de lui-même, aussi, maintenant n'a-t-il plus qu'un désir qui le dévore comme la faim, celui du mal, car il n'y a que cela qu'il trouve en lui. Quand il articule un mensonge, il parle de son propre fond, car « Il est menteur et le père du mensonge (Joan. VIII, 44).» Or, ce que je dis du mensonge, entendez-le aussi des oeuvres de péché. Mais, tout en avant le malheur de se complaire dans le mal, il ne peut pourtant trouver ni en lui ni dans le mal, de quoi se satisfaire entièrement. Il n'y a donc que la souveraine Trinité qui soit assise, parce que, seule, elle a l'être en elle-même; elle est en soi, et voilà pourquoi elle est seule qui subsiste véritablement; seule, elle jouit d'elle-même, seule, elle n'a besoin de personne, seule enfin, elle se suffit à elle-même.

 

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