SERMON CLVI
Précédente Accueil Remonter Suivante


rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

Accueil
Remonter
SERMON CLI
SERMON CLII
SERMON CLIII
SERMON CLIV
SERMON CLV
SERMON CLVI
SERMON CLVII
SERMON CLVIII
SERMON CLIX
SERMON CLX
SERMON CLXI
SERMON CLXII
SERMON CLXIII
SERMON CLXIV
SERMON CLXV
SERMON CLXVI
SERMON CLXVII
SERMON CLXVIII
SERMON CLXIX
SERMON CLXX
SERMON CLXXI
SERMON CLXXII
SERMON CLXXIII
SERMON CLXXIV
SERMON CLXXV
SERMON CLXXVI
SERMON CLXXVII
SERMON CLXXVIII
SERMON CLXXIX
SERMON CLXXX
SERMOM CLXXXI
SERMON CLXXXII
SERMON CLXXXIII

SERMON CLVI. NÉCESSITÉ DE LA GRÂCE (1).

 

PRÊCHÉ DANS LA BASILIQUE DE GRATIEN, LE JOUR DE LA FÊTE DES MARTYRS DE BOLITE. {16 octobre, vers 417.)

 

ANALYSE. — C'est en effet l'idée principale que saint Augustin met en relief dans l'explication des versets indiqués. I. En rappelant ce qu'il a dit dans les discours précédents, il montre que la grâce est nécessaire pour la justification. La loi ne justifiait pas; elle faisait plutôt sentir au pécheur son impuissance et le pressait d'implorer la médiation et la puissance du Sauveur. Il. Il ne suffit pas d'avoir été justifié, il faut. de plus mener une vie sainte, vivre selon l'esprit de Dieu et non pas selon la chair. Or l'Esprit de Dieu ou sa grâce nous est également indispensable pour vivre saintement ; non pas seulement, comme le prétendent quelques-uns, pour mener plus facilement une vie sainte, mais absolument pour pouvoir faire le bien, car sans la grâce nous en sommes incapables, et notre liberté ne peut que nous conduire au mal. III. Il s'ensuit qu'avec la grâce et la fidélité à la grâce, nous devons compter sur l'héritage des enfants de Dieu, sur la possession et la jouissance de notre Père qui est aux cieux. Ainsi la grâce est nécessaire pour nous tirer du péché, pour nous aider à mener une vie sainte, pour nous conduire au ciel.

 

1. La profondeur de la parole de Dieu exerce notre zèle sans refuser de se faire comprendre. Car si tout y était fermé, comment en pénètrerait-on les obscurités; et si tout y était enfoui, comment l'âme y trouverait-elle sa nourriture et la force d'en sonder les mystères ?

En expliquant à votre charité, avec l'aide qu'il a plu au Seigneur de nous accorder, les passages précédents de l'Apôtre, nous avions beaucoup de peine et d'inquiétude. Nous compatissions à vos besoins et nous étions soucieux non-seulement pour vous mais encore pour nous. Cependant, si je ne m'abuse, le Seigneur a pris pitié de nous tous, et par notre ministère il a daigné jeter de telles lumières sur ce qui nous semblait le plus impénétrable, qu'un esprit pieux n'y voit plus de problème à résoudre. Quant aux impies, ils ont horreur de l'évidence même; on voit de ces malheureux profondément pervertis redouter de connaître pour ne pas se sentir forcés de pratiquer. C'est de ces hommes qu'il est dit dans un psaume : « Ils ont refusé de comprendre de peur de faire le bien (2) ». Pour vous, mes bien-aimés, car il convient que j'aie des idées avantageuses de vous, vous demandez à comprendre comme Dieu demande que vous fassiez le bien. Car, est-il écrit, «tous ceux qui le servent ont un esprit droit (3) ». Il est vrai, ce qu'il nous reste à expliquer, ce qu'on vient de lire, ne présente pas autant de difficultés que nous en avons rencontrées dans ce qui précède, et pourtant

 

1. Rom. VIII, 12-17. — 2. Ps. XXXV, 4. — 3. Ps. CX, 10.

 

soutenus par la main de Dieu nous avons pu franchir ces passages périlleux. Il faut toutefois vous appliquer encore; car c'est ici comme la conclusion de ces propositions épineuses où il fallait prendre garde de faire de l'Apôtre un homme couvert en quelque sorte de tous les crimes, puisqu'il disait lui-même : «Je ne fais pas ce que je veux (1)». Il fallait prendre garde aussi de laisser croire d'une part que la loi divine avec le libre arbitre pût suffire à l'homme sans aucun autre secours du ciel, et d'autre part qu'elle ait été donnée inutilement. Voilà pourquoi nous avons expliqué le bien qu'elle était appelée à produire, sans toutefois remplacer la grâce.

2. Nous l'avons dit clairement en effet, vous devez vous en souvenir, et nous ne craignons pas de le répéter avec une force et un soin nouveau : le but de la loi était de faire connaître l'homme à lui-même, non pas de le guérir, mais de le déterminer à recourir au médecin en voyant les prévarications se multiplier proportionnellement à sa faiblesse (2). Or, quel est ce médecin, sinon Celui qui a dit : « Le médecin est nécessaire, non à qui se porte bien, mais à qui est malade (3)? » Mais de même que ne reconnaître pas le Créateur, c'est nier avec orgueil qu'on soit redevable de son être à quelqu'un; ainsi nier qu'on soit malade, c'est prétendre qu'un Sauveur est inutile. Pour nous, mieux inspirés, bénissons notre Créateur, et pour guérir les plaies que nous nous

 

1. Rom. VII, 15. — 2. Ci-dessus, serm. CLV. n. 4. — 3. Matt. IX, 12.

 

31

 

sommes faites, implorons le Sauveur. Or, que lui demanderons-nous? De nous donner une loi? C'est trop peu; « car si la loi qui a été accordée avait pu donner la vie, la justice viendrait sûrement de la loi ». Mais si la loi octroyée ne pouvait communiquer la vie, pourquoi l'avoir donnée? L'Apôtre continue; il dit dans quel but elle a été promulguée, et il fait entendre que tout utile que fût la loi, tu ne dois pas te croire guéri par elle. « Si donc », dit-il, « la loi qui a été octroyée avait pu donner la vie, la justice viendrait sûrement de la loi ». Puis, comme si nous demandions Alors, à quoi bon la loi? «l'Ecriture, poursuit-il, a tout enfermé sous le péché, afin que les divines promesses fussent accomplies par la foi en Jésus-Christ en faveur de ceux qui croiraient (1) ».

A ce mot de promesses, attends Celui qui les réalisera. La nature humaine a bien pu se blesser avec son libre arbitre; mais une fois blessée et meurtrie elle ne saurait se guérir avec lui. Pour vivre dans l'intempérance et te rendre malade, tu n'as que faire de médecin, tu te suffis quand il s'agit de te faire du mal; mais une fois ta santé perdue dans l'intempérance, il ne t'est pas aussi facile de la rétablir qu'il t'a été facile de la ruiner dans la débauche. Que dis-je? lors même qu'on se porte bien, le médecin ne prescrit-il pas encore la sobriété? Oui, s'il est bon médecin, il ne veut pas que la maladie vienne le rendre nécessaire. C'est ainsi qu'après avoir créé l'homme sans mauvais penchant, le Seigneur notre Dieu daigna lui recommander la tempérance, et si l'homme eût été fidèle à l'observer, il n'aurait pas eu besoin ensuite d'appeler le médecin. Hélas ! pour ne l'avoir pas gardée, il est tombé malade, et malade il a créé, ou plutôt engendré d'autres malades. Dans tous ceux qui naissent ainsi malades, néanmoins, Dieu ne laisse pas de faire tout ce qu'il y a de bon : c'est lui qui donne au corps la forme et la vie, qui le nourrit et qui répand la pluie et le soleil sur les bons et sur les méchants; les méchants eux-mêmes n'ont pas à se plaindre de sa bonté. De plus il n'a pas voulu laisser abîmé dans l'éternelle mort le genre humain, tout justement, qu'il y fût condamné par lui-même; il lui a envoyé un médecin, un Sauveur, pour le guérir gratuitement, pour nous

 

1. Gal. III, 21, 22.

 

récompenser même après nous avoir gratuitement guéris. Que se peut-il ajouter à tant de bonté? Voit-on un homme pour dire : Laisse-moi te guérir et je te paierai? Ah! il n'a pris conseil que de son coeur ; il savait bien en venant à nous qu'il était riche et que nous étions pauvres. Aussi nous guérit-il de nos maux, et après nous avoir guéris nous fait-il un don qui n'est autre que lui-même, se montrant ainsi notre médecin quand nous sommes malades, et notre récompense quand nous sommes guéris.

3. « Ainsi donc, mes frères », c'est la lecture d'aujourd'hui, « nous ne sommes point redevables à la chair pour vivre selon la chair ». C'est pour n'y pas vivre que nous avons reçu le secours de Dieu, l'Esprit de Dieu, et qu'au milieu de nos travaux de chaque jour nous sollicitons sa grâce. La loi menace, la loi ne donne pas la force de faire ce qu'elle commande; ainsi elle assujettit, elle ne communique pas la grâce. « Elle est bonne pourtant lorsqu'on en fait bon usage  (1) ». Qu'est-ce qu'en faire bon usage ? Ç'est avec elle constater de quelles infirmités on est atteint et implorer, pour guérir, l'assistance du ciel. Car, je l'ai déjà dit et je ne saurais trop le redire, « si la loi pouvait donner la vie, la justice viendrait entièrement de la loi » ; alors il n'eût pas fallu chercher de Sauveur, le Christ ne serait point descendu et il n'aurait pas racheté au prix de son sang ses brebis égarées. Voici en effet ce que dit ailleurs le même Apôtre: « Si la justice venait de la loi, il s'ensuivrait que le Christ serait mort inutilement (2) ». Mais à quoi sert-elle, quel avantage nous en revient? « L'Ecriture, dit saint Paul, a tout compris sous le péché, afin que les promesses fussent accomplies en faveur des croyants par la foi en Jésus-Christ. Aussi, ajoute-t-il, la loi nous a-t-elle servi de pédagogue vers Jésus-Christ (3) ». Remarquez cette comparaison , elle explique ma pensée. Un pédagogue ne garde pas l'enfant près de lui, il le conduit au maître; et l'enfant, quand son éducation est accomplie, n'est plus sous l'autorité de son pédagogue.

4. L'Apôtre traite encore ailleurs le même sujet, car il y revient fort souvent. Si seulement il n'avait pas affaire à des sourds ! Souvent donc il revient sur ce sujet et recommande

 

1. I Tim. I, 8. — 2. Gal. II, 21. — 3. Ib. III, 24.

 

32

 

aux gent-ils les avantages de la foi. C'est par la foi qu'on obtient la grâce d'accomplir la loi ; ce n'est pas par la loi, c'est par la foi qu'on en obtient la force. Si l'Apôtre insiste si fréquemment sur cette vérité, c'est qu'il était en face des Juifs qui étaient fiers d'avoir la loi et qui s'imaginaient que le libre arbitre leur suffisait pour l'accomplir. Or, en croyant ainsi que le libre arbitre suffisait pour accomplir la loi, « ils ne connaissaient pas la justice de Dieu », ils ignoraient qu'elle vient de Dieu par la foi; « ils voulaient de plus établir la leur », se persuader qu'ils ne la devaient qu'à eux-mêmes et qu'ils ne l'avaient pas obtenue en la demandant avec foi: « Ainsi, concluait l'Apôtre, ils ne sont pas soumis à la justice de Dieu. Car le Christ est la fin de la loi, pour justifier tous ceux qui croiront (1) ».

Or en traitant ainsi ce sujet, il se fait cette objection: « A quoi donc sert la loi? » Quelle est son utilité? Et il répond : «Elle a été établie à cause des transgressions ». En d'autres termes, comme il s'exprime ailleurs, « la loi est entrée pour multiplier le péché ». Mais aussi, poursuit-il: « Où a abondé le péché, a surabondé la grâce (2) ». Le mal semblait trop léger et on dédaignait de recourir aux remèdes ; le mal s'est aggravé et on est allé chercher le médecin. « A quoi donc sert la loi ? Elle a été établie à cause des transgressions » , pour abaisser la fierté de ces esprits superbes qui présumaient trop d'eux-mêmes et qui avaient de leur volonté une idée si haute, qu'ils croyaient leur libre arbitre suffisant pour les rendre justes. Hélas ! néanmoins, lorsqu'au sein du paradis terrestre cette liberté était encore dans toute sa force, n'a-t-elle pas montré de quoi elle était capable, capable de tomber et non de se relever? Ainsi donc la loi a été établie en vue des transgressions jusqu'à ce que vînt le rejeton pour lequel Dieu avait fait la promesse, remise par les anges dans la main d'un médiateur ».

5. « Or un médiateur ne l'est pas pour un seul, et Dieu est seul (3) ». Que signifie : « Un médiateur ne l'est pas pour un seul? » Que nul ne peut être médiateur qu'entre deux. Or si Dieu est seul, si de plus on ne peut être médiateur pour un seul, entre Dieu et entre quoi cherchons-nous un médiateur ? Que veut donc

 

1. Rom. X, 3, 4. — 2. Rom. V, 20. — 3. Gal. III, 19, 20.

 

dire : « Un médiateur ne l'est pas pour un seul? » L'Apôtre va nous l'apprendre, car ailleurs il dit : « Il n'y a qu'un Dieu et qu'un médiateur entre Dieu et les hommes, « Jésus-Christ fait homme (1) ». Ah ! si tu n'étais pas tombé, un médiateur ne te serait pas nécessaire; mais comme tu es à terre sans pouvoir te relever, Dieu t'a en quelque sorte offert son propre bras pour médiateur. « Ce bras du Seigneur, pour qui s'est-il révélé (2) ? »

Mais aussi que personne ne s'avise de dire Puisque nous ne sommes plus sous la loi , mais sous la grâce, péchons à notre gré et faisons ce qui nous plaît. Parler ainsi, c'est aimer la maladie et non la santé. La grâce est un remède; vouloir être toujours malade, c'est dédaigner ce remède. « Aussi, mes frères », après avoir reçu ce remède divin, après que Dieu, du haut du ciel, nous offre son secours, son bras sacré avec l'assistance de l'Esprit-Saint, « nous ne sommes pas redevables à la chair pour vivre selon la chair ». La foi d'ailleurs ne saurait faire le bien que par la charité, et c'est à ce titre que la foi des fidèles se distingue de celle des démons, qui croient et qui tremblent (3). Ainsi la foi digne d'éloges, la vraie foi inspirée par la grâce est celle qui agit par amour. Or, pour faire ainsi le bien par amour, pouvons-nous nous procurer cet amour à nous-mêmes et n'est-il pas écrit : « La charité a été répandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné (4) ? » La charité est tellement un don de Dieu, que Dieu en porte le nom. « Dieu est charité, dit l'apôtre saint Jean, et celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui (5) ».

6. « Ainsi donc, mes frères, nous ne sommes pas redevables à la chair pour vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair, vous mourrez ». Non pas que la chair soit mauvaise par nature, puisqu'elle aussi est l'œuvre de Dieu, formée par Dieu aussi bien que l'âme, sans être plus qu'elle une partie de Dieu, mais son oeuvre comme elle. Non, la chair n'est pas mauvaise par nature; ce qui est mauvais, c'est de vivre selon la chair. Dieu est souverainement bon, parce qu'il est l'Etre souverain, comme il le dit dans ces mots : « Je suis l'Etre (6) ». Dieu donc est souverainement bon;

 

1. I Tim. II, 5. — 2. Is. LIII, 1. — 3. Jacq. II, 19. — 4. Rom. V, 5. — 5. I Jean, IV, 16. — 6. Exod. III, 14.

 

33

 

l'âme à son tour est un grand bien, mais elle n'est pas le bien souverain. Or quand je dis que Dieu est souverainement bon, ne crois pas que je ne l'entende que du Père; je l'entends du Père, du Fils et du Saint-Esprit; car ces trois ne font qu'un, qu'un seul Dieu, et ce Dieu est le Dieu souverainement bon. C'est dans ce sens que Dieu est un, et voilà comment il te faut répondre quand on te questionne sur la Trinité, et sans croire, lorsqu'on te dit que Dieu est un, que le Père soit le Fils et le Saint-Esprit. Il n'en est rien : le Père dans la Trinité n'est pas le Fils, le Fils n'y est pas le Père, et l'Esprit-Saint n'y est non plus ni le Père ni le Fils, mais l'Esprit du Père et du Fils. Oui, il est réellement l'Esprit du Père et du Fils, coéternel au Père et au Fils, consubstantiel, égal à l'un et à l'autre. Voilà toute la Trinité, voilà le Dieu unique et souverainement bon. Quant à l'âme, comme je l'ai dit, elle a été créée par ce Bien souverain, et sans être le souverain bien, elle est un grand bien Pour la chair, elle n'est ni un souverain bien, ni un grand bien, mais un bien d'ordre inférieur. Ainsi l'âme est un grand bien, sans être le bien souverain, et elle vit entre le bien souverain et le bien d'ordre inférieur, en d'autres termes, elle vit entre Dieu et la chair, inférieure à Dieu mais supérieure à la chair. Pourquoi donc conformerait-elle sa vie au bien inférieur et non au bien suprême? Plus clairement encore: Pourquoi ne vit-elle pas selon Dieu mais selon la chair?

Car elle n'est pas redevable à la chair pour vivre selon la chair. C'est à la chair de vivre selon l'âme et non à l'âme de vivre selon la chair. La chair ne doit-elle pas conformer sa vie au principe de sa vie ? N'est-ce pas un devoir pour la chair et pour l'âme? Or, qui fait vivre ta chair? ton âme. Et qui fait vivre ton âme? ton Dieu. A l'âme donc et à la chair de vivre de ce qui les fait vivre. La chair n'est pas sa propre vie; l'âme est la vie de la chair. L'âme n'est pas non plus la vie de l'âme; c'est Dieu. Ainsi donc, obligée de vivre selon Dieu et non pas selon la chair, l'âme dégénère si elle vit selon elle-même ; et en vivant selon la chair elle progresserait? Mais pour que la chair ait raison de conformer sa vie à celle de l'âme, il faut que l'âme à son tour conforme sa vie à la volonté de Dieu. Qu'arriverait-il effectivement si l'âme voulait vivre, non pas selon la chair, mais selon elle-même, comme je viens de le dire ? Je vais vous l'exposer, car il est bon, il est même très-avantageux que vous le sachiez.

7. Il y eut des philosophes profanes dont les uns ne mettaient le bonheur qu'à vivre selon la chair, et ne voyaient de bien pour l'homme que dans les plaisirs du corps. Du nom d'Epicure, leur fondateur et leur maître, on appela Epicuriens ces philosophes, eux et leurs semblables. Il y en eut d'autres; remplis d'orgueil, ils s'élevaient en quelque sorte au-dessus de la chair, mettaient dans leur âme tout l'espoir du bonheur, et faisaient consister le souverain bien dans leur propre vertu. Votre piété reconnaît ici une expression des psaumes; vous savez, vous voyez, vous vous rappelez comment y sont tournés en dérision ceux qui « se confient dans leur propre vertu (1)» .Tels furent donc les philosophes qui portent le nom de Stoïciens. Les premiers vivaient selon la chair, ceux-ci selon l'âme; ni les uns ni les autres ne vivaient selon Dieu. C'est à Athènes principalement que s'agitaient et que discutaient ces sectes. L'apôtre Paul y vint, comme on le lit au livre des Actes, et je suis heureux de voir que vos connaissances et vos souvenirs vous permettent de prévenir ce que je veux exprimer; alors donc, est-il écrit, « quelques philosophes Epicuriens et Stoïciens conférèrent avec lui (2) » ; ainsi ceux qui vivaient selon la chair et ceux qui vivaient selon l'âme conféraient avec un homme qui vivait selon Dieu. Mon bonheur, disait l'Epicurien, est de jouir de la chair. Mon bonheur, ajoutait le Stoïcien, est de jouir de mon esprit. « Et le mien, reprenait l'Apôtre, est de m'attacher à Dieu (3) ». Heureux, disait l’Epicurien, celui qui jouit des voluptés de la chair. Heureux plutôt, s'écriait le Stoïcien , celui qui jouit des vertus de son âme. « Heureux, reprenait l'Apôtre, celui qui met son espoir dans le nom du Seigneur ». L'Epicurien est dans l'erreur; il est faux que l'homme soit heureux en jouissant des voluptés de la chair. Le Stoïcien se trompe aussi; car il est faux et absolument faux que l'homme soit heureux pour jouir de la vertu de son âme. « Heureux donc est celui qui met son espoir dans le nom du Seigneur ». Et comme ces philosophes sont aussi vains que menteurs, l'auteur sacré ajoute : « Et qui n'a

 

1. Ps. XLVIII, 7. — 2. Act. XVII, 18. — 3. Ps. LXXII, 28.

 

34

 

point tourné ses regards vers les vanités et les folies menteuses (1) ».

8. « Ainsi donc, mes frères, nous ne sommes point redevables à la chair, pour vivre selon la chair » , comme les Epicuriens. Que dis-je ? Quand l'âme voudra vivre selon elle-même, elle deviendra charnelle, tombant, sans pouvoir se relever, dans les affections charnelles. Eh ! comment se relèverait-elle, puisqu'elle ne s'attache pas au bras libérateur qui lui est tendu? Si vous vivez selon la chair », dit l'Apôtre, et remarquez que dans ces mots : a Que peut contre moi la chair? — que peut contre moi l'homme (2)? » la chair et l'homme sont synonymes; si vous vivez selon la chair, vous mourrez », non pas de la mort qui sépare l'âme du corps, puisque vous mourrez de cette manière tout en vivant selon l'Esprit; mais de la mort dont parle le Seigneur de cette façon terrible lorsqu'il dit dans l'Evangile : « Redoutez Celui qui peut précipiter l'âme et le corps dans la géhenne brûlante (3). — Si donc vous vivez selon la chair, vous mourrez ».

9. « Mais si par l'Esprit vous mortifiez les œuvres de la chair, vous vivrez ». Notre tâche durant cette vie est ainsi de mortifier par l'esprit les œuvres de la chair, de les réprimer, de les restreindre, de les comprimer, de les anéantir chaque jour. Combien de passions, autrefois agréables, sont devenues insipides pour qui a fait quelques progrès? On les mortifiait, quand on y résistait malgré leurs charmes; et maintenant qu'elles n'ont plus d'attraits, elles sont comme mortes. Foule aux pieds ce cadavre et cours à ce qui vit encore; foule aux pieds cet ennemi étendu sans vie et va lutter contre celui qui résiste encore. Car s'il est des passions mortes, il en est d'autres qui vivent; tu mortifieras celles-ci en n'y consentant pas, et quand pour toi elles n'auront plus rien de flatteur, c'est que tu les auras exterminées. Voilà donc notre tâche, c'est en cela que doit consister pour nous la lutte; lutte laborieuse où nous avons Dieu pour spectateur, et où nous implorons son secours quand nous combattons avec courage. Sans son aide, en effet, nous ne pourrons vaincre, nous ne pourrons même pas combattre.

10. Aussi voyez ce qu'ajoute l'Apôtre. Il a dit : « Mais si par l'Esprit vous mortifiez les

 

1. Ps. XXXIX, 5. — 2. Ps. LV, 5, 11. — 3. Matt. X, 28.

 

œuvres de la chair, vous vivrez »; en d'autres termes : Vous vivrez, si vous mortifiez par l'Esprit ces convoitises charnelles qu'il est si glorieux de ne pas suivre et si parfait de ne ressentir plus; ces œuvres corrompues de la chair, qui cherchent votre mort. Or il était à craindre que chacun ne vînt à compter sur son esprit propre pour repousser ces assauts de la chair. Car on ne dit pas seulement de Dieu qu'il est un Esprit, on le dit aussi de ton âme, de ton intelligence; comme dans ces mots: « J'obéis par l'intelligence à la loi de Dieu et par la chair à la loi du péché (1) » ; qui signifient : « L'esprit convoite contre la chair et la chair contre l'esprit (2) ». L'Apôtre donc veut t'empêcher de compter sur ton esprit dans cette lutte contre les oeuvres de la chair, et d'être victime de l'orgueil, car Dieu résiste à l'orgueilleux comme il donne sa grâce aux humbles, selon ces paroles de l'Ecriture : « Dieu résiste aux superbes, mais aux humbles il donne sa grâce (3) ». Et pour détourner de toi cet orgueil fatal, voici ce qu'il ajoute.

Après avoir dit : « Si par l'Esprit vous mortifiez les œuvres de la chair, vous vivrez », afin d'ôter à l'esprit humain la pensée de s'élever et de se croire assez puissant et assez fort pour remporter cette victoire, il ajoute aussitôt : « Car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu ». Pourquoi te pavaner à ces mots : « Si par l'Esprit vous mortifiez les œuvres de la chair, vous vivrez? » Tu allais dire : Je n'ai besoin pour cela que de ma volonté, que de mon libre arbitre. Que peut, hélas ! ta volonté? que peut ton libre arbitre? Si Dieu ne te dirige, tu tombes; et tu restes tombé, s'il ne te relève. Comment donc compter sur ton esprit, quand l'Apôtre te crie : « Tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu ? » Tu veux te conduire, te mener toi-même pour mortifier ces œuvres de la chair? Mais que te sert de n'être pas Epicurien, si tu es Stoïcien? Que tu sois Epicurien ou Stoïcien, tu  n’es pas au nombre des fils de Dieu. « Car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu ». Ce ne sont ni ceux qui vivent selon la chair, ni ceux qui vivent selon leur esprit propre, ni ceux qui suivent les attraits de la chair, ni ceux qui se laissent aller à leur propre esprit,

 

1. Rom. VII, 25. — 2. Gal. V, 17. — 3. Jacq. IV, 6.

 

35

 

mais tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, qui sont fils de Dieu ».

11. Quelqu'un m'arrête ici : Que faisons-nous, si nous ne nous conduisons pas nous-mêmes ? Je réponds : Non-seulement tu agis quand tu es conduit, mais tu agis d'autant mieux que tu es mieux conduit. Car l'Esprit de Dieu qui te conduit, t'aide à bien agir. Il prend à ton égard ce nom d'aide, adjutor, pour te faire entendre que tu agis avec lui. Réfléchis à ce que tu demandes, réfléchis à ce que tu professes, quand tu lui dis : « Soyez mon aide, ne m'abandonnez pas (1) ». Oui tu appelles Dieu à ton aide. Mais on n'aide pas celui qui ne fait rien. « Tous ceux donc qui sont conduits par l'Esprit de Dieu », non par la lettre, mais par l'Esprit, non par la loi qui commande, qui menace, qui promet, mais par l'Esprit qui excite, qui éclaire et qui aide, « ceux-là sont fils de Dieu. — Nous savons, dit le même Apôtre, que tout coopère au bien de ceux qui aiment Dieu ». Si tu n'opérais pas, Dieu serait-il ton coopérateur ?

12. Mais soyez ici fortement sur vos gardes. Votre esprit ne pourrait-il pas dire: Dieu me retirât-il sa coopération et son aide, je n'en viendrai pas moins à bout? Il me faudra faire effort sans doute et surmonter des difficultés, mais je puis réussir. C'est comme si on disait En ramant nous parviendrons au port avec quelque peine. Ah ! si le vent nous était favorable, quelle facilité plus grande ! — Mais telle n'est point la nature du secours que nous recevons du Père, que nous recevons du Fils, que nous recevons de l'Esprit-Saint. Nous ne pouvons sans ce secours faire absolument aucun bien. Il est vrai, tu agis sans lui avec liberté, mais tu agis mal. Voilà à quoi peut te servir cette volonté que tu appelles libre et qui en faisant le mal devient une esclave digne de damnation. Or quand je te dis que sans le secours de Dieu tu ne fais rien, j'entends, rien de bon ; ta libre volonté suffisant pour mal faire, sans le secours de Dieu. Et toutefois elle n'est pas libre ; car on est esclave de celui par qui on a été vaincu (2) », de plus : « Quiconque pèche est esclave du péché » ; enfin : « Si le Fils vous affranchit, vous serez alors véritablement libres (3) ».

13. Croyez donc qu'en faisant le bien de cette manière vous agissez volontairement.

 

1. Ps. XXVI, 9. — 2. II Pierre, II,19. — 3. Jean, VIII, 34, 36.

 

Dès que vous avez la vie, vous agissez ; l'Esprit-Saint ne vous aiderait pas si vous ne travailliez point, et si vous n'opériez, il ne vous servirait pas de coopérateur. N'oubliez pas toutefois que vous ne faites le bien qu'autant que vous l'avez pour guide et pour aide, et que sans lui vous ne pouvez aucun bien absolument (1).

Ainsi nous ne disons pas comme certains hommes qui se sont vus forcés enfin à reconnaître la grâce ; et pourtant nous bénissons Dieu de cet aveu tardif, car en avançant encore ils pourront arriver à la vérité. Ils disent donc que si la grâce de Dieu nous aide, c'est à agir plus facilement, et voici leurs expressions : « Le but pour lequel Dieu donne aux hommes sa grâce, disent-ils, c'est de les rendre capables d'accomplir plus facilement, avec cette grâce, ce qu'ils sont obligés de faire avec leur libre arbitre ». La navigation est plus facile avec les voiles, plus difficile avec les rames; les rames pourtant suffisent. On voyage à cheval plus facilement, plus difficilement à pied; à pied pourtant on finit par arriver. Or ce langage n'est pas celui de la vérité.

Ecoutez le Maître même de la vérité, ce Maître qui ne flatte ni ne trompe personne, ce Maître qui enseigne et qui sauve tout à la fois, et à qui nous a conduits un importun pédagogue. En parlant des bonnes oeuvres, qu'il compare aux fruits des sarments et des branches de la vigne, il ne dit pas: Vous pouvez sans moi faire quelque chose, mais plus facilement avec moi ; il ne dit pas: Vous produirez sans moi du fruit, mais vous en produirez davantage avec moi. Il ne dit pas cela. Que dit-il donc? Lisez le saint Evangile, devant qui s'abaissent les têtes superbes ; vous n'y trouverez pas la doctrine d'Augustin différente de la doctrine du Seigneur. Qu'y dit le Seigneur? Sans moi vous ne pouvez rien faire (2) ». Et maintenant, lorsque vous entendez ces mots : « Tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu », ne vous abattez point. En vous employant pour la construction de son temple, Dieu ne vous prend pas pour des pierres sans mouvement c'est l'ouvrier seul qui élève et place celles-ci. Telle n'est pas la nature des pierres vivantes.

 

1. Il s'agit ici du bien dans l'ordre surnaturel, car on peut, sans le secours de la grâce, faire quelques bonnes oeuvres naturelles.

2. Jean, XV, 5.

 

36

 

« Or c'est vous qui comme des pierres vivantes vous réunissez pour former le temple de Dieu (1) ». Ainsi donc quand il vous conduit, courez de votre côté, suivez quand il vous mène; il n'en sera pas moins vrai que sans lui vous ne pouvez rien faire, car « cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde (2) ».

14. Peut-être alliez-vous dire: La loi nous suffit. La loi inspire la crainte; mais voyez ce qu'ajoute l'Apôtre. Il a dit : « Tous ceux qui sont animés de l'Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu » ; et comme être animé de l'Esprit de Dieu c'est agir par charité, « la charité ayant été répandue dans nos coeurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné (3)», il continue: « Aussi n'avez-vous pas reçu de nouveau l'esprit de servitude qui inspire la crainte ». Que rappelle ce mot, de nouveau? Comme à l'époque où vous étiez sous le joug de l'importun pédagogue. Que signifie-t-il encore? Comme au moment où sur le mont Sina vous avez reçu l'esprit de servitude.

On va me dire: L'Esprit qui rend esclave ne saurait être le même que l'Esprit qui affranchit. — S'il n'était pas le même, l'Apôtre semblerait-il dire qu'il est le même en employant ce mot de nouveau ? Oui, c'est le même Esprit; mais la première fois il a écrit sur des tables de pierre pour imprimer la crainte, et la seconde fois sur les tablettes du coeur pour pénétrer d'amour. Vous qui étiez ici avant-hier, vous vous rappelez comment le peuple se tenait éloigné et comment le bruit, le feu et la fumée de la montagne le glaçaient de frayeur (4); comment au contraire le Saint-Esprit, ou le doigt de Dieu, descendit le cinquantième jour après la pâque figurative, et reposa, sous forme de langues de feu, sur chacun des disciples (5). Ce n'était donc plus la crainte, c'était l'amour; ce n'était plus pour nous rendre esclaves, c'était pour faire de nous des enfants. Car faire le bien par crainte du châtiment, ce n'est pas aimer Dieu encore, ce n'est pas être au nombre de ses fils ; et pourtant si tous du moins avaient peur de sa sévérité ! La crainte est une esclave, la charité est libre; j'oserai même dire que la crainte est l'esclave de la charité. Ah ! pour éloigner le diable de ton coeurs fais marcher en avant ton esclave et qu'elle garde la place pour sa

 

1. Eh. II, 22; I Pierre, II, 5. — 2. Rom. IX, 16. — 3. Ib. V, 5. — 4. Exod. XIX, XX, XXXI, 18; ci-dev. ser. CLV, n. 6. — 6. Act. II, 1-4.

 

future maîtresse. Agis, agis par crainte du châtiment, si tu ne peux agir encore par amour de la justice. Viendra la maîtresse et l'esclave s'en ira, car « la charité parfaite chasse la crainte (1); et vous n'avez pas reçu de nouveau l'Esprit de servitude qui inspire la crainte ». C'est maintenant le Nouveau Testament, ce n'est plus l'Ancien. « Les choses anciennes ont passé; voilà que tout est devenu nouveau; et le tout vient de Dieu (2) » .

15. Que lisons-nous ensuite? L'Apôtre t'entend dire: Qu'avons-nous reçu? Il ajoute donc: «Mais vous avez reçu l'Esprit d'adoption filiale par lequel nous crions: Abba, « Père ». On craint un maître, on aime un père. « Mais vous avez reçu l'Esprit d'adoption filiale par lequel nous crions: Abba, Père ». Ce cri vient du coeur et non de la bouche ni des lèvres; il retentit à l'intérieur, aux oreilles de Dieu. C'est ainsi que criait Susanne, sans ouvrir la bouche ni remuer les lèvres (3). « Mais vous avez reçu l'Esprit d'adoption filiale par qui nous crions: Abba, Père ». C'est au coeur de crier: « Notre Père qui êtes aux cieux (4) ». Et pourquoi ne pas dire seulement: « Père? » Pourquoi dire: « Abba, Père? » Car si tu demandes ce que signifie Abba, on te répondra qu'il signifie Père; tel est son sens en hébreu. Pourquoi l'Apôtre a-t-il employé ces deux termes à la fois? C'est qu'il avait en vue cette pierre angulaire rejetée par les travailleurs (5), et devenue la tête d'angle; il savait qu'elle ne porte ce nom de pierre angulaire que pour réunir et faire s'embrasser les deux murs qui viennent de directions opposées. Ces deux murs sont la circoncision et la gentilité, aussi éloignées l'une de l'autre qu'elles l'étaient de l'angle, et aussi rapprochées entre elles qu'elles sont maintenant rapprochées de l'angle où elles s'unissent intimement. « Car c'est lui qui est notre paix, et de deux il ne fait qu'un (6) » ; il ne fait qu'un de la circoncision et de la gentilité; ces deux murs sont la gloire de l'angle qui les réunit. « Vous avez reçu l'Esprit d'adoption filiale par qui nous crions: Abba, Père ».

16. Si tel est le gage, quelle ne sera pas la réalité? Ne l'appelons pas gage, disons plutôt au singulier, arrhe ; car on rend le gage quand on a reçu l'objet même, au lieu qu'on conserve l'arrhe, lorsqu'on est en possession

 

1. I Jean , IV, 18. — 2. II Cor. V, 17, 18. — 3. Dan. XIII. —  4. Matt. VI, 9. — 5. Ps. CXVII, 22. — 6. Ephés. II, 14.

 

37

 

de ce qu'on attendait; l'arrhe ainsi n'est qu'une partie de ce qui était promis. Que . chacun donc rentre dans son coeur et examine si c'est du fond de son âme, si c'est avec un amour sincère qu'il crie : « Père ». Il ne s'agit pas de savoir pour le moment quelle est l'étendue de ta charité, si elle est grande, petite ou moyenne, mais de savoir au moins si tu en as. Si tu en as, elle grandira secrètement, en grandissant elle se perfectionnera, et une fois parfaite, elle subsistera; car une fois parfaite elle ne vieillit pas pour aller de la vieillesse à la mort; mais quand elle se perfectionne, c'est pour subsister éternellement. Ecoute en effet ce qui suit. « Nous crions: Abba, Père. C'est l'Esprit même qui rend à notre esprit le témoignage que nous sommes enfants de Dieu ». Ce n'est pas notre esprit qui rend à notre esprit le témoignage que nous sommes enfants de Dieu : c'est l'Esprit même de Dieu, c'est l'arrhe qui nous garantit l'exécution de la promesse. « L'Esprit même rend à notre esprit le témoignage que nous sommes enfants de Dieu ».

17. « Or, si nous sommes enfants, nous sommes aussi héritiers ». On ne porte pas en vain le nom d'enfants; on est récompensé, la récompense est l'héritage. N'avais-je pas raison de vous dire tout à l'heure que non content de nous donner la santé, notre médecin daigne encore nous offrir une récompense pour nous l'avoir donnée? En quoi consiste cette récompense? A être ses héritiers. Héritage bien différent des héritages humains ! Un père ne fait que laisser à ses enfants, il.ne possède pas conjointement avec eux; et pourtant il croit faire beaucoup, il veut qu'on le remercie d'avoir voulu donner ce qu'il ne pourrait emporter. Que pourrait-il emporter en mourant? S'il le pouvait, laisserait-il ici quoique ce fût à sa famille? Mais c'est Dieu même qui est l'héritage de ses héritiers; aussi est-il dit de lui dans un psaume: « Le Seigneur est ma part d'héritage (1) ».

Oui, héritiers de Dieu » ; si pour vous ce n'est pas assez, voici ce qui mettra le comble à votre joie : « héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ ».

Tournons-nous avec un coeur pur, etc.

 

1. Ps. XV, 5.

 

 

Haut du document

 

 

Précédente Accueil Remonter Suivante