LA GALERIE
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EXTRAITS DE L’HISTOIRE DE LA GALERIE 1

 

Quand Notre-Seigneur me fit l’incomparable grâce d’entrer dans notre Institut, il n’y avait encore que six Religieuses, qui vivaient comme des Anges en pureté et en amour, et qui étaient gratifiées de plusieurs grâces extraordinaires en l’oraison, en sorte que l’on aurait oublié de prendre les nécessités du corps, si notre saint Fondateur ne nous eût fait comprendre qu’il désirait que nous fussions aussi promptes à obéir au premier coup de cloche pour aller au réfectoire, aux récréations et au coucher, comme au réveil et à l’Office, nous disant: « Mes chères Filles, le même Dieu qui vous appelle à l’Office et à l’oraison, vous appelle à la réfection et au repos; et comme je désire que vous soyez des filles mortifiées à toutes propres volontés, je souhaite qu’à tout moment  du jour et de la nuit vous viviez en esprit de sacrifice intérieur, ce qui vous tiendra place de disciplines, jeûnes, cilices, etc. Et je vous assure, mes [Filles] très aimées de notre commun Maître, que vous ravirez son coeur étant fidèles

 

1. On donne ce nom au récit que fit la Mère MarieAdrienne Fichet des commencements de la Visitation, alors que la petite Communauté habitait au faubourg d’Annecy, une humble demeure désignée sous le nom de Maison de la Galerie.

 

 

à toutes les pratiques de vos Règles, car elles  ne sont point ouvrage d’homme mais du Saint- Esprit. Je vous assure que je n’y ai rien écrit que par son inspiration. La première qu’il m’a donnée a été de bâtir une sainte retraite pour des filles infirmes de corps et saines d’esprit; c’est pourquoi je ne veux pas qu’on introduise d’autres austérités que celles qui sont marquées. »

 

Il arriva un fort petit dissentiment entre nos Soeurs Favre et de Chastel, pour une pratique de vertu. Notre saint Fondateur, à qui l’on ne cachait rien, en fut averti. Il vint faire un Entretien à la Communauté, et entr’autres choses il parla de l’union qui devait être parmi nous; puis s’adressant à notre digne Mère, il dit : « Mes chères Filles sont-elles bien unies et en amitié les unes parmi les autres? Il pourrait bien arriver quelquefois qu’elles pourraient avoir prononcé quelques paroles moins douces et moins respectueuses. Si ce mal arrivait, de quoi il ne se faudrait point étonner, voici le remède. La Soeur grondeuse se mettra à genoux et dira à celle qu’elle aura fâchée: Ma Soeur, je vous demande pardon, je supplie Votre Charité de prier pour ma conversion.» Il ajouta : « Commençons ici cette pratique; ma Soeur Péronne-Marie et ma Soeur Marie-Jacqueline, approchez-vous, mettez-vous à genoux, et que ma Soeur Péronne-Marie demande le pardon. » Ce qu’elles firent sans peine, elles s’embrassèrent très cordialement, et notre saint Fondateur dit: « Voilà qui va bien, je suis bien content. Or sus, mes chères Filles, dans nos difficultés, allons trouver notre Mère,  sans nous amuser à nous vouloir résoudre nous-mêmes, qui ne sommes pas bons juges dans nos propres causes; et nous pratiquerons les deux chères vertus de notre divin Maître, qui nous bénira éternellement. »

 

Une fois nous vîmes notre Soeur de Chaste! qui mangeait une pomme pourrie au réfectoire; nous lui en fîmes la guerre à la récréation. Notre saint Fondateur le sut; il nous dit dans un Entretien de tenir les yeux baissés au réfectoire, pour ne pas gêner celles qui voudraient faire de semblables mortifications. « Il faut, mes chères Filles, » nous dit-il, « s’édifier des vertus de nos Soeurs, sans en rire ni leur en parler, crainte que la vanité leur en fasse perdre le mérite. Je désire fort qu’on ne parle point de la mangeaille parmi nous; mangeons à la bonne foi ce qui nous sera présenté, qu’il soit à notre goût ou non; pourvu que notre sac à vers se soutienne, c’est assez. »

 

« Mes chères Filles, il se faut porter un grand respect les unes aux autres. Je sais que les Pères Jésuites, s’ils se rencontrent cent fois le jour, ils tirent toujours le bonnet; et pour vous, vous vous ferez l’enclin de la tête seulement lorsque vous vous rencontrerez; et pour observer plus d’éloignement des manières du monde, aux séculières vous ferez des enclins. Cela sera-t-il bien, mes Filles ? » Toutes répondirent : « Oui, Monseigneur. »

« Il a passé ici un Père Feuillant, » reprit le Saint, « qui m’a dit qu’il y avait des Religieuses en Italie tellement attachées à leurs chapelets, images et étuis ou choses semblables, qu’il s’en est trouvé qui auraient mieux aimé sortir de leur couvent que de les quitter. C’est pourquoi j’ai pensé qu’il faudrait changer toutes ces choses entre vous, à fin de ne s’attacher qu’à Dieu; et pour cela il faut choisir le dernier jour de l’an, quand on tire les Saints. Les Pères Jésuites les tirent tous les mois, mais nous, nous nous contenterons que ce soit tous les ans. » — « Comme faut-il faire ?» dit notre Mère de Bréchard. « Vous prendrez tous vos chapelets, » dit-il, « vos croix et ce qu’il faut changer; vous en ferez des petits monceaux, vous mettrez le [nom du] Saint dessus, puis vous tirerez au sort. Mais voici le meilleur, mes chères Filles: j’ai grande aversion à ces façons de faire de quelques Religions, où l’on appelle madame l’Ancienne, madame l’Elue, madame ceci, madame cela.

« C’est pourquoi, afin qu’il n’y ait point de ces prééminences parmi nous qui sommes petites,  on tirera les rangs, mettant dans les billets des Saints, 1 à l’un, à l’autre 2, ainsi de suite, selon le nombre que vous serez. Chacune tirera au sort, et gardera pour l’année suivante le rang qui lui écherra; ainsi faisant, nous vivrons parfaitement dépouillées. » Ayant dit cela, il nous donna sa bénédiction et se retira.

 

Le jour de saint Laurent, de l’année 1612, notre bienheureux Père fit un Entretien à la Communauté. Notre vénérable Fondatrice lui demanda Monseigneur, qu’est-ce qu’affabilité et sobriété ?»

« L’affabilité,» dit-il, « mes chères Filles, se pratique, comme dit saint Paul, se rendant tout à tous pour les gagner tous, s’accommodant à la façon et humeur des autres, compatissant aux affligés; car il ne serait pas à propos d’aller rire près d’une personne affligée, ni de même, paraître triste devant une autre qui serait dans la joie.

« La sobriété est de manger selon sa nécessité, « rien de plus, chacune selon sa portée; les mélancoliques pour l’ordinaire mangent plus que « les autres. Voilà, par exemple, deux personnes: l’une est fort altérée et boira deux verres de vin; l’autre qui l’est moins, si elle en boit autant elle manque à la sobriété et tempérance. Il en est de même du manger. »

 

 

DEO GRATIAS !

 

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