HOMÉLIE XI
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HOMÉLIE XI.

ET LE VERBE S’EST FAIT CHAIR, ET A DEMEURÉ PARMI NOUS. (VERSET 14.)

 

ANALYSE.

 

1. Avant d'aller au sermon, lire les passages de l'Écriture qu'on y doit expliquer. — La forme de serviteur ne diminue point la dignité du Fils de Dieu.

2. Hérétiques qui disaient que le Verbe ne s'était incarné qu'en apparence. — Etat de la nature humaine avant l'avènement de Jésus-Christ : c'était une maison ruinée que le Tout-Puissant seul pouvait relever. — L'Incarnation est un mystère ineffable. Le Verbe a pris notre chair pour ne la quitter jamais ; c'est pourquoi elle est assise sur le trône royal et adorée de toute l'armée céleste.

 

1. Je vous demanderai une seule grâce, avant d'expliquer les paroles de mon texte; mais je vous prie de ne me la point refuser. La alose que je veux vous demander n'a rien de difficile, rien de pénible : elle ne me sera pas seulement utile à moi, mais aussi et surtout peut-être à vous-mêmes. En quoi donc consiste la grâce que je vous prie de me faire? c'est qu'un jour de la semaine (1) ou le dimanche (2), chacun rte vous prenne en ses mains cette partie de l'Évangile, dont on vous doit faire la lecture au sermon, pour la lire et relire à l'avance; quand vous serez tranquillement assis dans vos maisons, pour la digérer, en examiner attentivement le sens : et remarquer aussi ce que vous y trouvez de clair ou d'obscur, et ce qui semble se contredire dans les paroles, quoiqu'il n'y ait nulle contradiction : et qu'après avoir ainsi longtemps tout bien considéré et bien médité, vous veniez ensuite au sermon. Vous et moi, nous ne retirerons pas peu de fruit de cette étude : moi, je n'aurai pas autant de peine à vous donner l'intelligence des paroles, quand votre esprit sera préalablement

 

1. Un jour de la semaine, ou bien le premier jour de la semaine.

2. Le jour même du dimanche. — Litt. Le jour même du sabbat.

 

familiarisé avec le texte; et vous, vous rendrez votre esprit plus subtil et plus, pénétrant, et vous acquerrez plus de facilité, non-seulement pour mieux écouter et mieux apprendre, mais encore pour enseigner aux autres ce que vous aurez appris. De la manière dont vous vous comportez aujourd'hui, plusieurs de ceux qui sont ici présents étant obligés de retenir tout à la fois les paroles de l'Écriture, et l'explication que nous leur donnons, ne feront pas un grand profit, quand même nous serions une année entière à les leur expliquer. Et comment le pourraient-ils, puisqu'ils ne font attention aux paroles qu'en passant et seulement ici ?

Que si quelques-uns allèguent pour excuse les soins, les inquiétudes de la vie, et qu'ils sont obligés d'occuper beaucoup de temps aux affaires publiques et domestiques : premièrement, nous leur répondrons que ce n'est pas une petite faute de se laisser accabler d'une si grande multiplicité d'affaires, et de s'attacher toujours si fort aux choses séculières, qu'ils ne puissent pas donner un peu de temps, ni la moindre application à celles qui sont le plus nécessaires; en second lieu, que ce sont là de [151] vains prétextes, de fausses et de frivoles excuses, ce que prouvent visiblement leurs longs entretiens avec leurs amis, le temps qu'ils perdent dans les théâtres et aux spectacles des courses de chevaux, à quoi souvent ils passent des jours entiers, sans toutefois prétexter alors en aucune façon la foule et l'embarras des affaires. Quand donc il s'agit de ces misérables amusements, vous n'avez garde de vous excuser et vous ne manquez pas de temps à perdre mais faut-il vous appliquer aux choses divines, elles vous paraissent si superflues et si méprisables, que vous estimez qu'elles ne valent pas un de vos instants; mais des gens qui ont de pareils sentiments sont-ils dignes de respirer encore ou de voir le soleil?

Ces lâches, ces paresseux produisent encore un très-vain et très-frivole prétexte : ils disent qu'ils n'ont pas les livres. En ce qui concerne les riches, il serait ridicule à nous de nous arrêter à faire justice de cette excuse. Quant aux pauvres, comme je m'imagine qu'ils y ont souvent recours, je voudrais leur demander si chacun- d'eux n'a pas au complet tous les outils propres et convenables à sa profession, fût-il même dans une extrême indigence ? N'est-il donc pas bien absurde de ne point prétexter ici sa pauvreté, de ne rien omettre pour surmonter toutes les difficultés et repousser tous les obstacles, et de s'excuser, de se lamenter sur ses occupations et son indigence, quand il y a tant à gagner?

Mais quand même quelques-uns seraient assez pauvres pour ne pouvoir pas se donner ces livres, ils pourraient encore, par la lecture assidue qu'on fait ici des saintes Ecritures, ils pourraient, dis-je, ne rien ignorer de ce que contiennent ces livres divins. Que si cela vous paraît impossible, je le conçois. Car plusieurs n'apportent pas ici un grand zèle pour écouter : après avoir écouté par manière d'acquit, ils s'en vont aussitôt chez eux. Que si quelques-uns restent plus de temps, ils n'en sont pas plus avancés que ceux qui se sont promptement retirés, puisqu'ils n'ont été présents que de corps. Mais pour ne pas vous fatiguer davantage par des reproches, ni consumer tout le temps en réprimandes, reprenons les paroles de notre Evangile : il est temps d'arriver au sujet que nous nous sommes proposé ; soyez attentifs, afin qu'aucune parole ne vous échappe.

« Et le Verbe s'est fait chair, et a demeuré parmi nous ». Le saint évangéliste, après avoir dit que ceux qui l'ont reçu sont nés de Dieu et sont ses enfants, rapporte la cause ineffable d'un si grand honneur, à savoir celle-ci : le Verbe s'est fait chair, et le Seigneur a pris la forme de serviteur. Etant vrai Fils de Dieu, il s'est fait fils de l'homme, pour faire les hommes enfants de Dieu. Le sublime, en se rapprochant de ce qui est humble et bas, le relève, sans nuire en rien à sa propre gloire . et voilà ce qui s'est fait en la personne de Jésus-Christ. En effet, il n'a point diminué sa nature par un si profond abaissement, et il nous a élevés à une gloire ineffable, nous qui étions toujours demeurés dans l'infamie et dans les ténèbres : ainsi, qu'un roi qui parle avec amour et avec bonté à un pauvre et à un mendiant, ne se déshonore point, ne fait rien de honteux, et rend ce pauvre illustre, le couvre de gloire devant tout le monde. Que si, lorsqu'il s'agit de ces dignités humaines qui sont purement empruntées, celui qui en est revêtu peut, sans se faire tort, fréquenter son inférieur : à plus forte raison, la même chose est-elle vraie de cette immortelle et bienheureuse substance qui n'a rien d'emprunté, d'accidentel ou de passager, mais dont tous les attributs sont immuables et éternels.

C'est pourquoi, quand vous entendrez ces paroles : « Le Verbe s'est fait chair », ne vous troublez point, ne vous scandalisez point. La substance « divine » n'a point été changée en chair ; il serait impie d'avoir une pareille idée : mais Dieu demeurant ce qu'il était a pris. la forme de serviteur.

2. Mais pourquoi saint Jean s'est-il servi de cette parole : « Il s'est fait? » C'est pour fermer la bouche aux hérétiques (1); car il y en a qui prétendent que le Verbe ne s'est point fait réellement homme,. et que tout ce qui regarde le mystère de l'Incarnation n'est qu'apparence, allégorie, illusion. Le saint évangéliste a donc usé de ce mot : « Il s'est fait », pour prévenir ce blasphème : il ne veut point par là marquer un changement de substance (Dieu nous garde de cette pensée), mais montrer qu'il a réellement et véritablement pris une chair. Lors

 

1. Le saint Docteur combat ici les hérétiques nommés Docetes ou Apparens, parce qu’ils  prétendaient que Jésus-Christ n'était né, mort et ressuscité qu'en apparence. Ils avaient pour père Simon le Magicien, comma les Gnostiques, c'est-à-dire, les savants et éclairés. —  Voyez S. Ign. M. Epist. ad Trall. et ad Smyrn. — Dans saint Irénée le mot dokesei  est traduit en latin par celui de putative, en opinion, en apparence, liv. I et suiv. Voy. Till. Hist. Eccl. T. II, p. 43 et 54, et la note ;de D. Bern. De Montf., hic.

 

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donc que saint Paul dit: « Jésus-Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi, s'étant « rendu lui-même malédiction pour nous » (Gal. III, 13) : il ne veut pas dire que sa substance ait été séparée et privée de la gloire, et qu'elle soit tombée dans la malédiction. Car ni les démons mêmes, ni les plus fous et les plus extravagants de tous les hommes, ne sont point capables d'un sentiment si extravagant en même temps que si impie ! Ce n'est donc point là ce qu'entend le saint apôtre; mais que Jésus-Christ ayant pris sur lui-même la malédiction que nous avions encourue, ne permet pas que nous y soyons soumis davantage et nous en libère. De même en cet endroit saint Jean dit que « le Verbe s'est fait chair », non en changeant sa substance en chair, mais en demeurant ce qu'il était auparavant, après avoir pris la chair.

Que si ces hérétiques disent, que comme Dieu peut tout, il a pu se changer en chair, nous leur répondrons qu'il peut tout, tant qu'il demeure Dieu ; mais s'il pouvait recevoir un changement, et un changement en mal, comment serait-il Dieu? Toute mutabilité, tout changement est infiniment éloigné de cette nature incorruptible. C'est pourquoi le prophète disait : « Ils vieilliront tous comme un vêtement. Vous les changerez comme un habit dont on se couvre, et ils seront en effet changés : mais pour vous, vous êtes toujours le même, et vos années ne passeront point». (Ps. CI, 27, 28.) Car cette substance est au-dessus de tout changement : il n'y a rien de meilleur ni de plus excellent que Dieu ; rien à quoi il puisse successivement atteindre et parvenir. Que dis-je, de meilleur? Rien ne lui est égal, rien n'en approche tant soit peu. Il s'ensuit donc que s'il a souffert quelque changement, il s'est changé en quelque chose de moindre : or, cela ne peut point être Dieu; mais que l'exécration de ce blasphème tombe sur la tête de ceux qui n'ont pas horreur de le proférer.

Ce mot : « Il s'est fait », n'est dit ici que pour vous empêcher de soupçonner que l'Incarnation du Verbe n'a été qu'une illusion; les seules paroles qui suivent le prouvent visiblement, et étouffent tout mauvais soupçon. Car l'évangéliste ajoute: « Et a demeuré parmi nous ». C'est comme s'il disait que cette parole : « Il s'est fait », ne nous jette pas dans des pensées et des soupçons absurdes. Je n'ai point dit qu'il y ait eu du changement dans la nature immuable, mais j'ai dit qu'elle a demeuré parmi nous. Or ce qui habite n'est pas l'endroit habité : une chose habite et l'autre est habitée : sans cela il n'y aurait pas habitation. Mais en indiquant cette différence, je parle d'une différence selon l'essence : car, par la jonction et la réunion, le Verbe de Dieu et la chair sont tine même personne; non qu'il y ait confusion ni anéantissement de substance; mais en vertu d'une ineffable et inexplicable union.

Comment cela s'est fait , ne le demandez point: comment cela s'est fait, Dieu le sait. Quelle est donc, dites-vous, la maison qu'il a habitée? le Prophète nous l'apprend: « Je relèverai », vous dit-il, « la maison de David, qui est ruinée » (Amos, IX, 11) : véritablement elle est ruinée. Notre nature, ruinée par une chute irrémédiable, avait besoin de la main du Tout-Puissant; qui seul pouvait la relever. Elle ne pouvait aucunement se relever si Celui qui l'avait formée ne lui avait tendu la main du haut du ciel, et ne l'avait renouvelée et reformée par la régénération de l'eau et du Saint-Esprit.

Considérez ce mystère, mes chers frères, ce mystère terrible et impénétrable. Le Verbe demeure toujours dans cette maison : il s'est, en effet, revêtu de notre chair, non pour la quitter dans la suite , mais pour habiter toujours en elle. S'il n'avait pas voulu la garder toujours, il ne lui aurait pas fait l'honneur de la placer sur le trône royal, et, la portant avec lui, il ne l'aurait pas fait adorer par toute l'armée céleste : par les anges, par les archanges, par les trônes, par les dominations, par les principautés , par les puissances. Quel esprit, quelle langue pourrait représenter l'honneur immense que Dieu a fait à notre nature, cet honneur qui est tout surnaturel et terrible en même temps? Quel ange? quel archange? Non certes, personne, ou dans le ciel , ou sur la terre, ne le pourra jamais. Les oeuvres de Dieu sont de telle nature , et ses bienfaits sont si grands et si sublimes que, non-seulement aucune langue, mais encore nulle vertu céleste et angélique ne peut les raconter exactement.

Voilà pourquoi nous finissons ici notre sermon , pour nous tenir dans le silence , après vous avoir seulement exhortés à rendre grâces à un Dieu si bienfaisant : de quoi encore vous aurez tout le profit dans la suite. Or, rendre [153] grâces au Seigneur, c'est prendre un grand soin de son âme. Car, par un nouvel effet de sa bonté; Lui, qui n'a nullement besoin d'aucun de nous, il dit que nous lui rendons le retour, que nous le récompensons en quelque sorte, lorsque nous ne négligeons pas le soin de notre âme. Nous ferions donc preuve d'une extrême folie et nous mériterions une infinité de supplices si, ayant reçu un si grand honneur, nous ne faisions pas tout ce qui dépend de nous pour lui rendre de justes actions de grâces, et principalement puisque tout l'avantage doit nous en revenir, puisque des biens sans nombre nous sont promis à cette condition.

Glorifions donc, pour tant de bienfaits, la bonté divine, non-seulement par nos paroles, mais beaucoup plus encore par nos oeuvres, afin que nous acquérions les biens futurs, que je vous souhaite, et à vous et à moi , par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ; par quiet avec qui la gloire soit au Père et au Saint-Esprit, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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