HOMÉLIE XLIX
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HOMÉLIE XLIX.

AYANT DIT CES CHOSES, IL DEMEURA EN GALILÉE. — MAIS LORSQUE SES FRÈRES FURENT PARTIS, IL ALLA AUSSI LUI-MÊME A LA FÊTE, NON PAS PUBLIQUEMENT, MAIS COMME S'IL EUT VOULU SE CACHER. (VERS. 9, 1O, JUSQU'AU VERSET 24.)

 

ANALYSE.

 

337

 

1. Jésus-Christ n'agit pas toujours en, Dieu, mais souvent aussi en homme, afin de nous laisser des exemptes à suivre.

2. Autre est l'hypostase de la personne du Père, autre celle du Fils. — Jésus-Christ se dit égal à Dieu son Père : embûches des Juifs.

3. Jésus-Christ réfute l’accusation de violation du sabbat portée contre lui. — Les instructions que Jésus-Christ a données aux  Juifs, S'adressent à tous les hommes. — Dans l'exercice de la charité du prochain, ne pas faire acception de personne. — Etre incorruptible dans ses jugements. — Exercer la justice sans respect humain. — Vivre avec une mauvaise conscience, c'est vivre dans les tourments: — Point d'autre ami dans l'autre monde que la vertu : elle seule délivre de l'enfer, et fait entrer dans le paradis.

 

1. Les choses que, par une sage dispensation, Jésus-Christ a faites à la manière des hommes, non-seulement il les a faites pour confirmer le mystère de son incarnation, mais encore pour nous instruire et nous former à la vertu. Si en toute occasion il eût agi en Dieu, où aurions-nous pu apprendre la conduite que nous devons garder dans les rencontres épineuses et difficiles; comme ici, par exemple, s'il s'était présenté au milieu des Juifs qui né respiraient que sa mort, arrêtant tout à coup leur violence et leur fureur? Si donc Jésus-Christ n'avait point cessé de faire des miracles et des prodiges, si toujours il avait agi en Dieu, nous, venant à tomber dans les mêmes périls, et ne pouvant nous en tirer de même que lui, comment saurions-nous ce qu'il faut faire ; s'il faut nous livrer à la mort ou nous cacher et pourvoir à notre sûreté, afin de prêcher et de répandre la parole de Dieu ? Comme donc, faute d'avoir la même puissance, nous n'aurions pas su la conduite à tenir en pareil cas ; c'est pour cela même que Jésus-Christ nous l'a appris par son exemple. Car l'évangéliste rapporte que « Jésus, ayant dit ces choses, demeura en Galilée. Mais que, lorsque ses frères furent partis, il alla aussi lui-même à la fête, non pas publiquement, mais comme s'il eût voulu se cacher ». Ces paroles : « Lorsque ses frères furent partis », marquent qu'il ne voulut pas aller à la fête avec eux. Voilà pourquoi il demeura en Galilée et ne se fit point connaître, quoiqu'ils le lui conseillassent.

Mais pourquoi Jésus-Christ, qui parlait toujours publiquement, se conduit-il maintenant comme s'il eût voulu se cacher? L'évangéliste ne dit point qu'il se soit caché, mais, comme s'il eût voulu se cacher. Car il fallait, comme j'ai dit, qu'il nous apprît les ménagements que nous devons, garder en pareil cas. Et d'ailleurs, ce n'était pas la mmême chose de se faire voir à des gens en colère et en fureur contre lui, ou de se montrer plus tard, après la fête.

« Les Juifs donc cherchaient , et ils disaient : Où est-il (11) ? » Voilà, certes, une belle action pour solenniser la fête ! Ils cherchent Jésus avec empressement dans le dessein de le faire mourir; un jour de fête ils délibèrent sur les moyens de le prendre. En un atome endroit de même, ils disent : « Que pensez-vous de ce qu'il n'est point venu ce jour de fête? » (Jean , XI , 56.) Et ici ils disaient : « Où est-il? » Par un excès de haine ils ne daignent même pas le nommer. Sûrement, c'est là bien célébrer, bien sanctifier la fête : c'est là montrer une grande piété. Ils voulaient profiter de la fête même pour [338] s'emparer de Jésus. « Et on faisait plusieurs discours de lui en secret parmi le peuple ». Au reste, je crois qu'ils étaient entrés en fureur à cause du lieu où avait été opéré le miracle, et qu'ils n'en étaient point tant irrités par indignation de l'oeuvre qu'il avait faite; que par crainte qu'il n'en fît d'autres semblables. Mais il arriva tout le contraire de ce qu'ils méditaient Malgré eux-mêmes, ils relevèrent sa gloire et le rendirent illustre; n car les uns disaient « C'est un homme de bien; les autres disaient : Non, mais il séduit le peuple ». La première opinion, je là crois du peuple; l'autre, des sénateurs et des prêtres. Car c'est à ces hommes méchants et jaloux qu'il appartenait de calomnier Jésus. Il séduit le peuple, disent-ils : En quoi , je vous prie? Est-ce en feignant d'opérer des miracles qu'il ne fait point? Mais vous savez le contraire par expérience. « Personne néanmoins n'osait en parler avec liberté, par la crainte qu'on avait des Juifs (13) ». Vous voyez partout que les grands , montrent un coeur corrompu, et que le peuple a de bons sentiments, mais manque du courage qui lui était si nécessaire.

« Or, vers le milieu de la fête, Jésus monta au temple où il se, mit à enseigner (14) ». L'attente où ils avaient été les rendit plus attentifs à sa parole. Remarquez, en effet, avec quel empressement ceux qui,les premiers jours le cherchaient, et disaient : « Où est-il? » s'approchent de lui, et l'écoutent parler, tant ceux qui disaient: c'est un homme de bien, que les autres qui disaient c'est un méchant homme. Mais les uns l'écoutaient pour profiter, de sa doctrine., l'admirer, et l'applaudit; les autres, pour le surprendre dans ses paroles et l'arrêter. Au reste, cette accusation : « Il séduit le peuple », était fondée sur sa doctrine, car ils ne la comprenaient pas. Et ces mots: « C'est un homme de bien», sur ses miracles. Jésus-Christ ayant donc apaisé leur fureur, leur parla avec tant de fermeté et d'assurance, qu'ils écoutaient avec attention, la colère ne leur bouchant plus les oreilles. L'évangéliste ne nous apprend point ce qu'il enseigna, seulement il rapporte qu'il disait des choses admirables, qu'il les adoucit, et changea leurs dispositions, tant sa parole avait de vertu et d'efficace ! Ceux même qui disaient : « Il séduit le peuple », étant tout changés, s'étonnaient alors et l'admiraient, c'est pourquoi ils parlaient de lui en ces termes : « Comment cet homme sait-il les lettres, lui qui ne les a point étudiées (15)? » Ne voyez-vous pas que , par ces paroles, l'évangéliste veut nous faire connaître que leur admiration était pleine de malignité? Il ne dit pas qu'ils avaient admiré sa doctrine et reçu sa parole; mais seulement qu'ils admiraient, c'est-à-dire qu'ils s'étonnaient, disant : « D'où lui vient cette science,» quand ce doute aurait dû leur faire. apercevoir qu'il n'y avait rien d'humain chez lui.

Mais, comme ils ne voulaient pas reconnaître cela ni le confesser, et qu'ils se bornaient au simple étonnement, voici ce que leur répond le divin Sauveur; écoutez-le : « Ma doctrine  n'est pas ma doctrine (16) ». Par là il répond encore à leur soupçon; les renvoyant au Père; pour leur fermer la bouche. « Si quelqu'un », dit-il, « veut faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra si ma,doctrine est de lui , ou si je parle de moi-même (17) ». C'est-à-dire, défaites-vous de votre méchanceté, chassez la colère, l'envie, et cette, haine que vous avez conçue contre moi sans raison,, et alors rien ne vous empêchera de: connaître que ma parole est  véritablement celle de Dieu : voilà ce qui maintenant couvre votre esprit de ténèbres, voilà ce qui pervertit votre jugement et né vous permet pas de voir, la Vérité : si vous ôtez ces obstacles vos soupçons et vos doutes tomberont, et disparaîtront. Mais Jésus ne leur parla point ainsi,. pour ne leur pas faire un reproche trop dur et trop piquant ; cependant il leur insinue tout cela par ces paroles : « Celui qui fait, la volonté de Dieu, reconnaîtra si ma doctrine est de lui, ou si je parle de moi-même » , c'est-à-dire, si j'enseigne une doctrine étrangère ou nouvelle, ou contraire à côté de Dieu. Car, en employant ce mot « de moi-même » , Jésus-Christ veut toujours dire ceci ; Je ne dis rien de contraire à la volonté de Dieu : tout ce que veut le Père, je le veux. aussi. « Si quelqu'un fait la volonté de Dieu, il reconnaîtra si ma doctrine »... Que signifié cela? « Si quelqu'un fait la, volonté de Dieu? » Si quelqu'un aime la vertu, il sentira bientôt la force de mes paroles. Si quel. qu'un. veut lire avec soin les prophéties, il connaîtra si ce que j'enseigne y est conforme ou non.

2. Comment sa doctrine peut-elle être sa doctrine, et ne l'être pas? Car il n'a point dit : Cette doctrine n'est pas ma doctrine; mais [339] après avoir dit ma doctrine, et se l’être appropriée, il ajoute incontinent: ce n'est pas ma doctrine. Comment la même chose peut-elle être et n'être pas à lui,? Elle est sa doctrine, parce que là doctrine qu'il enseignait, il ne Pavait pas apprise: elle n'est pas sa doctrine, parce que c'est la doctrine de son Père. Pourquoi dit-il donc : « Tout ce qui est à mon Père est à moi, et tout ce qui est à moi est à mon Père? » (Jean, XVII, 10.) Car si la doctrine, pour être de votre Père, n'est point- à .vous, ce que vous venez de dire se contredit, puisque c'est pour cela même qu'elle doit être à vous. Mais cette parole : « N'est pas ma doctrine », déclare d'une manière très-forte et très-expresse, que la volonté du Fils et celle du Père ne sont qu'une seule et même volonté; c'est comme s'il disait: « Ma doctrine ne « diffère nullement de celle du l'ère », comme si elle était d'un autre. Car, quoique autre soit la personne du Père , autre la mienne, néanmoins je parle et j'agis de manière qu'on ne doit point croire que ce que le Père fait et ce qu'il dit soit différent de ce que je dis et de ce que je fais, et qu'au contraire ce que je fais et ce que je dis est absolument la même chose que ce que dit et ce que fait le Père. Jésus-Christ emploie ensuite un autre argument auquel on ne peut répondre, et qui est fondé sur l'usage et la pratique des hommes. Quel est-il, cet argument ? « Celui qui parle de son propre mouvement, cherche sa propre gloire (18) ». C'est-à-dire celui qui se veut faire une doctrine propre et particulière, ne cherche autre chose en cela que de s'acquérir de la gloire. Or, moi, si je ne cherche pas à m'attirer de la gloire, pourquoi voudrais je me faire une doctrine propre? Celui qui parle de son propre mouvement, c'est-à-dire , celui qui enseigne une doctrine différente et qui lui est propre, ne l'enseigne que pour se faire un nom, pour se faire valoir et pour en tirer vanité; mais si je n'agis, si je ne parle que pour la gloire de celui qui m'a envoyé, pourquoi voudrais-je enseigner une autre doctrine?

Ne remarquez-vous pas, mes frères, que Jésus-Christ a une raison pour dire qu'il ne kit rien de lui-même? Quelle est-elle, cette raison? C'est de convaincre les Juifs qu'il ne cherche point à se faire honorer du peuple. C’est pourquoi, quand il se sert d'expressions grossières comme : « Je cherche la gloire de mon Père»; c'est pour leur montrer partout qu'il ne cherche point sa propre gloire. Au reste, pour user ainsi de ces sortes d'expressions simples et grossières, le Sauveur avait plusieurs raisons , savoir : afin qu'on ne le crût pas non engendré, et contraire à Dieu; afin qu'on crût qu'il s'était revêtu de la chair, pour s'accommoder à la faiblesse et à la portée de ses auditeurs; afin de nous apprendre à rechercher l'humilité et à fuir l'ostentation. Mais il n'en avait qu'une seule pour parler d'une manière élevée, c'était la grandeur et la dignité de sa nature. En effet, si, pour l'avoir entendu dire qu'il était avant qu'Abraham fût au monde (Jean, VIII, 58), les Juifs se choquèrent et se mirent en colère, à quel excès de fureur ne se seraient-ils pas portés, s'ils ne lui avaient jamais ouï dire que des choses sublimes et élevées?

« Moïse ne vous a-t-il pas donné la loi (19) ? Et néanmoins nul de vous n'accomplit la loi. Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir (20) ? » Quel rapport ces paroles ont-elles à celles qui précèdent? Les Juifs imputaient deux crimes à Jésus-Christ : l'un, qu'il ne gardait point le sabbat; l'autre, qu'il appelait Dieu son Père, et qu'il se faisait égal à Dieu. Il est même visible que réellement et de fait Jésus-Christ se disait Fils de Dieu et égal à Dieu, et que ce n'était pas là un vain soupçon des Juifs : il est également certain qu'il ne se disait pas Fils de Dieu, comme sont les hommes en général, mais qu'il s'attribuait cette qualité comme lui étant propre et particulière à lui seul. Plusieurs, souvent, ont appelé Dieu leur Père ; en voici un exemple « Un même Dieu ne nous a-t-il pas tous créés? N'avons-nous pas tous un même Père? » (Malach. II, 10.) Mais ce n'était pas à dire que le peuple fût égal à Dieu. C'est pourquoi ceux qui l'entendaient dire ne se choquaient et ne se scandalisaient point.. Comme donc Jésus-Christ a souvent repris les Juifs, pour avoir dit qu'il n'était pas envoyé de Dieu, comme il s'est défendu de n'avoir pas gardé le sabbat; de même si ce n'eût été que sur un simple soupçon, sur une opinion qui se serait élevée parmi eux, qu'on l'accusât de se faire égal à Dieu, et non parce qu'il l'entendait lui-même ainsi, sans doute il les aurait repris et leur aurait dit : Pourquoi me croyez-vous égal à Dieu? je ne le suis point. Mais il ne leur a rien dit de semblable; au contraire, dans les [340] paroles suivantes, il montre qu'il est égal à Dieu. Ces paroles : « Comme le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, 1e Fils le fait de même » (Jean, V, 21); et : « Afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père » (Ibid. 23); et : « Les oeuvres que le Père fait, le Fils les fait aussi comme lui ». (Ibid. 19.) Toutes ces choses, dis-je, établissent et confirment son égalité. Parlant de la loi, il dit : « Ne pensez pas que je sois venu « détruire la loi ou les prophètes ». (Matth. V, 17.) C'est de cette manière qu'il a coutume d'arracher les mauvais soupçons. Mais ici, l'opinion de l'égalité à l'égard du Père, non-seulement il ne l’ôte pas, mais il l' appuie et l'affermit.

C'est pourquoi, lorsque les Juifs lui dirent « Vous vous faites vous-même Dieu », il ne les détourna point de ce sentiment; au contraire, il le confirma en disant : « Or, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés : Levez-vous, dit-il alors au paralytique , emportez votre lit et marchez ». (Matth. IX, 6.) Donc, la première accusation de se faire égal à Dieu, loin de la détruire, il la confirme; il montre aussi qu'il n'est pas contraire à Dieu, mais qu'il dit et qu'il enseigne les mêmes choses que le Père. Enfin, la seconde, de ne point garder le sabbat, il la repousse par ces paroles : « Moïse ne vous a-t-il pas donné la loi? Et néanmoins nul de vous n'accomplit la loi ». Comme, s'il disait : La loi défend de tuer; mais vous, vous tuez; et toutefois vous in' accusez d'être un violateur de la loi. Mais pourquoi a-t-il dit : « Nul de vous? » Parce que tous cherchaient à le faire mourir. Pour moi, dit-il, si j'ai violé la loi, je l'ai violée pour sauver la vie à un homme; mais vous, vous la violez pour faire du mal. Quand même je la violerais, je serais excusable, le faisant pour sauver; et ce ne serait point à vous de me le reprocher, à vous qui violez la loi dans les choses graves et importantes : car, ce que vous faites renverse entièrement la loi.

Il dispute ensuite contre eux : il l'avait déjà fait autrefois,.et plus au long; mais alors d'une manière plus élevée et conforme a sa dignité, maintenant plus simple et plus grossières Pourquoi? Parce qu'il ne voulait pas si souvent les irriter; car cette fois, dans le transport de, leur colère, ils n'auraient pas reculé devant un meurtre. Voilà pourquoi il persiste à apaiser leur esprit, employant ces deux moyens et le reproche de leur crime : « Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir? » et une remontrance pleine de modestie et de douceur : « Moi qui vous ai dit la vérité » (Jean, VIII, 40); et en leur faisant connaître qu'eux, qui ne respirent que le sang et le carnage, ils ne doivent pas juger les autres.

Pour vous, mon cher auditeur, considérez, je vous prie, combien est humble l'interrogation de Jésus-Christ, combien est insolente et cruelle la réponse des Juifs : « Vous êtes possédé du démon. Qui est-ce qui cherche à « vous faire mourir (20) ? » Parole de colère et de fureur, d'impudence ; et cela parce qu'on leur fait un reproche auquel ils ne s'attendaient pas et qu'ils se croyaient insultés. Car, ainsi que les voleurs chantent lorsqu'ils se mettent en embuscade, et qu'ensuite, pour surprendre celui qu'ils veulent attaquer, ils se tiennent dans le silence; les Juifs agissent de même. Au reste, Jésus-Christ renonçant à les confondre, de peur de les rendre plus impudents, se justifie de nouveau sur la violation du sabbat, et dispute avec eux sur la loi.

3. Mais voyez avec quelle prudence. Il n'est pas surprenant, dit-il, que vous ne me croyiez point, que vous ne vous soumettiez pas à moi, vous qui n'écoute même pas la loi que vous paraissez suivre, et qui la violez, cette loi que vous prétendez tenir de Moïse. Il n'est donc pas extraordinaire que vous ne soyiez pas attentifs à ma parole. Comme ils avaient dit

« Dieu a parlé à Moïse : mais pour celui-ci, nous ne savons d'où il est » (Jean, IX, 99); Jésus leur montre qu'ils font une injure à Moïse, en ne se soumettant pas à la loi qu'il leur a donnée.

J'ai fait une seule action et vous en êtes « tout surpris (21) ». Sur quoi remarquez, mon cher auditeur, que quand Jésus veut se justifier et réfuter le crime dont on l'accuse, il ne fait pas mention de son Père, mais il présente sa personne seule : « J'ai fait une seule action »; il veut faire voir que s'il ne l'avait point faite, ce serait alors qu'on pourrait dire que la loi aurait été violée , et qu'il y a des choses qu'il est plus nécessaire d'observer que la loi même, et que Moïse avait reçu contre la loi un ,commandement d'un ordre plus élevé que n'était la loi. Car la circoncision était [341] au-dessus du sabbat, quoiqu'elle vînt des patriarches et non de la loi. Or, moi j'ai fait une action meilleure et plus grande que la circoncision même. Il aurait pu arriver ensuite aux préceptes de la loi et montrer, par exemple, que les prêtres violaient le sabbat, comme il l'avait déjà dit; mais il parle d'une manière plus générale; au reste, ce mot : « Vous êtes surpris », signifie : vous êtes troublés.

Or, si la loi avait dû rester immuable, la circoncision ne serait pas au-dessus d'elle; au reste, Jésus-Christ ne dit pas avoir fait une action plus grande que la circoncision, mais ses paroles en impliquent la preuve lorsqu'il dit : « Si un homme reçoit la circoncision le jour du sabbat (23) ». Remarquez-vous, mes frères, que lorsque le Sauveur détruit la loi, c'est alors qu'elle demeure plus ferme? Remarquez-vous que la violation du sabbat est l'observance de la loi, en sorte que, si le sabbat n'avait pas été violé, nécessairement la loi l'eût été? Par conséquent, dit-il,-j'ai affermi la loi. Jésus n'a point dit : Vous vous mettez en colère contre moi , parce que j'ai fait une action plus grande que- la circoncision : mais seulement il expose le fait et leur laisse à juger ensuite, si l'entière guérison d'un homme n'est pas plus nécessaire que la circoncision. On viole la loi, dit-il, pour faire à un homme une marque qui ne lui sert de rien pour la santé, et, pour l'avoir guéri d'une si grande maladie, on excite votre colère ?

« Ne jugez point selon l'apparence (24) ». Que veut dire cela, « selon l'apparence ? » Quoique Moïse: soit parmi vous en plus grande réputation que moi, ne jugez pas pour cela sur la dignité des personnes, mais sur la nature des choses; c'est là en effet juger, selon la justice. Pourquoi personne n'a-t-il blâmé Moïse? Pourquoi personne ne s'est-il opposé à lui, quand il a ordonné de violer le sabbat par un précepte étranger à la loi? Mais il souffre que ce précepte, on le regarde comme supérieur à sa loi; ce précepte, dis-je, que la loi n'a point établi, mais. qui vient d'ailleurs véritablement il y a là de quoi s'étonner. Vous cependant, qui n'êtes pas des législateurs, vous vengez la loi d'une manière outrée, mais Moïse, qui ordonne de violer la loi par un précepte qui n'est point de la loi, est plus digne de toi que vous. Lors donc que Jésus-Christ dit: J'ai guéri un homme dans tout son corps, il fait entendre que la circoncision ne guérit qu'une partie du corps. Et quelle est cette guérison que procure la circoncision ? « Tout homme », dit Moïse, « qui ne sera point circoncis, sera exterminé ». (Gen. XVII, 14.) Pour moi , je n’ai pas guéri une maladie partielle, mais j'ai entièrement rétabli un corps qui était tout corrompu. « Ne jugez donc pas selon l'apparence ».

Pensons, mes frères, que ces paroles du divin Sauveur ne s'adressent pas seulement aux Juifs, mais à nous encore. Ne manquons en rien à la justice, mais faisons tous nos efforts poux y rester fidèles. Ne regardons pas si celui qui se présente à nous est pauvre ou riche.; n'examinons pas les personnes, mais l'affaire que nous avons à juger. « Vous n'aurez point de pitié du pauvre en jugement ». (Exod. XXIII, 3.) Que veut dire cela? Si c'est un pauvre qui a commis une injustice et qui a fait du tort, que votre coeur ne s'amollisse point, ne vous laissez point fléchir. Mais s'il ne faut point avoir de compassion du pauvre, bien moins en faut-il avoir du riche. Au reste, ce n'est pas seulement aux juges, mais à tous que je m'adresse ici ; il ne faut jamais blesser la justice, mais toujours inviolablement la garder. « Le Seigneur aime la justice », dit encore l'Ecriture, « mais celui qui aime l'iniquité, hait son âme ». (Ps. X, 6, 8.)

Ne haïssons pas notre âme, je vous en conjure, mes chers frères, :et n'aimons pas l'iniquité. Ici-bas, nous n'en retirerions que peu ou point de profit, et en l'autre monde elle nous serait fatale. Disons mieux , nous ne jouirons point, même ici-bas de notre iniquité. Vivre dans les délices avec une mauvaise conscience, n'est-ce pas un tourment et un supplice? Aimons donc la justice et ne violons jamais cette loi. Et,quel fruit emporterons-nous de cette vie, si nous n'en sortons avec la vertu? Qui nous protégera en l'autre monde? Sera-ce l'amitié, sera-ce la parenté, sera-ce la faveur ? Que dis-je, la faveur? Quand bien même nous aurions Noé pour père, ou Job, ou Daniel, tout cela ne nous servira de rien si nos oeuvres nous accusent; pour tout aide et pour tout secours nous n'avons besoin que de la vertu. Elle seule nous pourra garantir de tous périls et nous délivrer du feu éternel; elle nous fera entrer dans le royaume des cieux, que je vous souhaite, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui gloire soit au Père et au Saint- Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

 

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