HOMÉLIE XLVIII
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HOMÉLIE XLVIII.

DEPUIS CELA JÉSUS VOYAGEAIT EN GALILÉE, NE VOULANT POINT VOYAGER EN JUDÉE, PARCE QUE LES JUIFS CHERCHAIENT A LE FAIRE MOURIR. — MAIS LA FÊTE DES JUIFS, APPELÉE DES TABERNACLES, ÉTAIT PROCHE. (CHAP. VII, VERS. 1, 2, JUSQU'AU VERS. 8.)

 

ANALYSE.

 

333

 

1. Jalousie des Juifs et incrédulité des parents de Jésus-Christ.

2. Jacques, frère du Seigneur, premier évêque de Jérusalem.

3. Imiter la douceur et la bonté de Jésus-Christ. — Souffrir patiemment les railleries, les injures, les outrages. — La colère est une bête féroce et furieuse. — Honte et chagrin qu'elle produit : remèdes pour se guérir de cette maladie. — Raisons qu'on allègue pour se venger. — Gens colères : leur image, leur supplice en ce monde et en l'autre.

 

1. Rien n'est plus mauvais que la jalousie; rien n'est pire que l'envie : c'est par elles que la mort est entrée dans le monde. Le diable voyant que l'homme était en honneur, et ne pouvant souffrir la félicité dont il jouissait, n'omit rien pour le perdre. Et nous voyons tous les jours le même arbre produire le même fruit. C'est l'envie qui a tué Abel : c'est elle quia attenté aux jours de David; c'est elle qui a fait souffrir tant de justes; c'est elle qui a poussé les Juifs à faire mourir Jésus-Christ. L’évangéliste le déclare en disant : « Depuis cela Jésus voyageait en Galilée. Car il n'avait pas le pouvoir de voyager en Judée, parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir». Que dites-vous, bienheureux Jean ? Celui qui peut tout ce qu'il veut, ne pouvait pas ! Celui qui ayant dit : « Qui cherchez-vous », a renversé par terre tous ceux qui l'étaient venus chercher? Celui qui étant devant nous, n'est point vu quand il lui plaît : quoi ! celui-là n'a pas eu tout pouvoir? Comment dans la suite, au milieu d'eux, dans le temple, un jour de fête solennelle où tous les Juifs étaient assemblés, où étaient présents ceux qui le voulaient faire mourir, a-t-il dit ce qui les piquait et les irritait le plus ? Les Juifs en étant étonnés eux-mêmes, disaient : « N'est-ce pas là celui qu'ils cherchent pour le faire mourir? Et néanmoins le voilà qui parle devant tout le monde, sans qu'ils lui disent rien ». (Jean, VII, 25, 26.)

Quelle est cette énigme? Ah ! loin de nous ces paroles : l'évangéliste n'a point dit ces choses pour qu'on les regarde comme une énigme, mais pour déclarer que Jésus-Christ a fait des oeuvres qui découvrent sa divinité, et qu'il en a fait aussi qui ont fait connaître son humanité. Quand il dit : « Il n'avait pas le pouvoir», il a parlé de Jésus comme d'un homme qui fait bien des choses à la manière humaine; mais lorsqu'il dit qu'étant au milieu d'eux, personne n'osa mettre la main sur lui pour l'arrêter, il montre la puissance de sa divinité. Car il se retirait comme homme ; il apparaissait comme Dieu; représentant l'un et l'autre véritablement. En effet, lorsqu'étant au milieu de ceux mêmes qui tendaient des piéges pour le prendre, il n'était point arrêté, il faisait alors connaître son invincible puissance; mais lorsqu'il se retirait, il établissait la vérité de son incarnation, afin que ni Paul de Samosate, ni Marcion, ni ceux qui sont attaqués de leur même maladie, ne pussent y contredire. Par cette conduite donc il ferme la bouche à tous ces hérétiques.

« Après cela vint la fête des Juifs », appelée « des tabernacles ».(Jean, VI, 3.) Cette particule, « après cela » , ne signifie autre chose, sinon qu'après le dernier sermon que Jésus avait [334] prêché, l'évangéliste omet un long intervalle de temps; en voici la preuve : Lorsque Jésus-Christ gravit la montagne et s'y assit avec ses disciples, c'était la fête de Pâques. Mais l'évangéliste parle ici de la fête appelée des tabernacles. Quant aux cinq mois intermédiaires, saint Jean ne nous offre aucun régit; aucune instruction qui s'y rapporte, sinon le miracle des pains et le sermon prêché à ceux qui les mangèrent : d'ailleurs, Jésus-Christ n'avait pas cessé de faire des miracles et de prêcher non-seulement le jour ou le soir, mais encore la nuit, car c'est de nuit que Jésus vint à ses disciples, comme le rapportent tous les évangélistes. Pourquoi ont-ils donc négligé cette période? Parce qu'ils ne pouvaient pas tout raconter. Au reste, ils se sont attachés à rapporter les choses qui devaient dans la suite attirer les reproches ou les murmures des Juifs, et ces choses revenaient souvent. Ils ont souvent, en effet, répété dans leur histoire que Jésus guérissait les malades, qu'il rendait la vie aux morts, ce qui avait excité l'admiration et l'étonnement du peuple. D'ailleurs, lorsqu'il se présente quelque chose de grand et d'extraordinaire, ou quelque accusation dirigée contre Jésus-Christ, ils en font le récit, comme on le voit maintenant. qu'ils disent que ses frères ne croyaient point en lui : ce qui pouvait devenir un grave sujet d'accusation. Et certes, il est admirable de voir combien les disciples ont été fidèles et véridiques dans ce qu'ils ont écrit, eux qui n'ont pas craint de transmettre à la postérité des choses qui semblaient être à la honte de leur Maître et paraissent même raconter ces sortes de faits de préférence aux autres.

C'est pourquoi saint Jean passe ici rapidement sur un nombre de miracles, de prodiges, de sermons, pour arriver à ceci : « Ses frères lui dirent : Quittez ce lieu, et vous en allez en Judée, afin que vos disciples voient aussi les oeuvres que vous faites (3). Car personne n'agit en secret lorsqu'il veut être connu dans le public. Faites-vous connaître au monde (4). Car ses frères ne croyaient point en lui (5) ». Et en quoi, direz-vous, sont-ils incrédules, puisqu'ils le prient de faire des miracles? Oui, certes, ils le sont, et beaucoup; leurs paroles, leur hardiesse, cette liberté prise à contre-temps, marquent leur incrédulité. Car ils croyaient que la parenté leur donnait droit de parler et de demander hardiment. Et si, en apparence, ils lui font une remontrance d'ami, leurs paroles n'en sont pas moins très-piquantes et très-amères : ils l'accusent de timidité et de vaine gloire. En effet, quand ils disent : « Personne n'agit en secret », ils font l'office d'accusateurs, puisqu'ils lui reprochent sa timidité, et que ses oeuvres leur sont suspectes ; et quand ils disent : « Il veut être connu dans le public », ils soupçonnent qu'il y a de la vaine gloire en ce qu'il fait.

2. Pour vous, mon frère, admirez la vertu de Jésus-Christ. Car des rangs de ceux qui parlaient de la sorte sortit le premier évêque de Jérusalem, savoir, le bienheureux Jacques, dont saint Paul dit : « Je ne vis aucun des autres apôtres, sinon Jacques, frère du Seigneur ». (Gal. 1, 49.) Il est dit aussi que Judas avait été un homme admirable. Cependant ces frères de Jésus étaient à Cana, lorsque Jésus changea l'eau en vin, mais ce miracle ne fit point alors d'impression sur leur esprit. D'où leur venait donc une si grande incrédulité? De leur mauvaise volonté et de leur envie. Car les parents ont coutume de porter envie à ceux de, leurs parents qu'ils voient dans une plus haute réputation et dans une plus grande estime qu'eux. Qui sont ceux qu'on appelle ici disciples de Jésus-Christ? Le peuple qui le suivait et non les douze qu'il avait choisis. Que répondit donc le divin Sauveur? Remarquez avec quelle douceur il répond. Il n'a point dit : Qui êtes-vous, pour m'oser donner des avis, et m'instruire sur ce que je dois faire? Mais qu'a-t-il dit? « Mon temps n'est pas encore venu (6) ». Il me semble que l'évangéliste veut nous insinuer ici quelque autre chose : que peut-être leur envie les poussait à le livrer aux Juifs, et qu'ils méditaient ce dessein; c'est pour le faire connaître qu'il dit : « Mon temps n'est pas « encore venu », c'est-à-dire le temps de ma croix et de ma mort. Pourquoi vous hâtez-vous de me faire mourir avant le temps? « Mais pour le vôtre, il est toujours prêt ». C'est-à-dire, les Juifs, encore que vous soyez toujours parmi eux, ne vous feront point mourir, vous qui êtes dans leurs sentiments; mais moi, aussitôt qu'ils m'auront entre leurs mains, ils chercheront à me faire mourir. De sorte que c'est toujours pour vous le temps d'être avec eux : vous n'avez point à craindre qu'ils vous fassent aucun mal : pour moi, ce sera mon temps, lorsque le temps sera venu pour moi d'être crucifié et de mourir. Ce qui suit fait  [335] manifestement voir que c'est là ce qu'a voulu dire Jésus-Christ.

« Le monde ne saurait vous haïr (7) ». Et, comment vous haïrait-il, puisque vous êtes dans ses sentiments et dans ses intérêts, et que vous recherchez ce qu'il recherche? « Mais pour moi, il, me hait, parce que je lui fais des reproches de ce que ses oeuvres sont mauvaises » ; c'est-à-dire, je lui suis odieux, parce que je lui fais des reproches et des réprimandes. Une réponse si douce et si modeste doit nous apprendre que, quelque vils et méprisables que soient ceux qui se mêlent de nous donner des conseils, nous devons retenir notre colère et notre indignation. Si Jésus-Christ a souffert avec douceur et avec patience les conseils de gens qui ne croyaient point en lui, lors même que, par malignité et avec une mauvaise intention, ils lui conseillaient ce qui ne convenait point, quel pardon obtiendrons-nous, nous qui, n'étant que terre et que cendre, ne pouvons supporter ceux qui nous donnent des avis et des conseils, et qui nous regardons comme offensés pour peu que ceux qui nous reprennent soient inférieurs à nous? Considérez donc avec quelle douceur Jésus-Christ repousse le reproche qu'on lui fait. Ses frères lui disaient : «Faites-vous connaître au monde » ; il leur répond : « Le monde ne saurait vous haïr : mais pour moi, il me hait », détournant ainsi leur accusation tant s'en faut, dit-il, que je cherche les hommages des hommes, qu'au contraire je ne cesse point de les reprendre, quoique je sache bien que par là je m'attire leur haine et la mort.

Et quand, direz-vous, les a-t-il repris? Mais plutôt, quand a-t-il cessé de les reprendre ? Ne disait-il pas: « Ne pensez pas que ce soit moi qui vous doive accuser devant le Père : vous avez un accusateur qui est Moïse ». (Jean, V, 45.) Et: « Je vous connais : je sais que vous « n'avez point en vous l'amour de Dieu ». (Jean, V, 42.) Et : « Comment pouvez-vous croire, vous qui recherchez la gloire que vous vous donnez les uns aux autres, et qui ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul? » (Jean, V, 44.) Ne voyez-vous pas que, par toutes ces choses, le divin Sauveur fait connaître que la haine qu'ils avaient conçue contre lui venait de ce qu'il les reprenait librement, et non de n'avoir pas gardé le sabbat?

Mais pourquoi les envoie-t-il à la fête, leur disant : « Allez, vous autres, à cette fête : pour moi, je n'y vais point encore?» Par là, il fait voir qu'il ne le dit point pour s'excuser,ou pour leur complaire, mais pour permettre l'observance du culte judaïque. Pourquoi donc Jésus est-il allé à la fête, après avoir dit: « Je n'irai pas? » Il n'a point dit simplement : Je n'irai pas, mais il ajoute : Maintenant », c'est-à-dire avec vous, « parce que mon temps n'est pas encore accompli ». Cependant il ne devait être crucifié qu'à la Pâque prochaine. Pourquoi donc :n'y alla-t-il pas avec eux? car s'il n'y fut pas avec eux, parce que son temps n'était pas encore venu, alors il n'y devait point aller du tout? Mais il n'y fut point pour souffrir la mort, seulement il y fut pour les instruire. Pourquoi y alla-t-il secrètement; car il pouvait y aller publiquement, se présenter au milieu d'eux, et réprimer leur fureur et leur violence comme il l'a souvent fait ? C'est parce qu'il ne le voulait pas faire trop souvent. S'il y eût été publiquement, et s'il les eût encore frappés d'une sorte de paralysie, il aurait découvert sa divinité avant le temps d'une manière trop claire, et l'aurait trop fait éclater par ce nouveau miracle. Mais comme ils croyaient que la crainte le retenait et l'empêchait d'aller à la fête, il leur fait voir au contraire qu'il n'a nulle crainte; que ce qu'il fait, c'est par prudence, et qu'il sait le temps auquel il doit souffrir : quand ce temps sera venu, il ira alors librement et volontairement à Jérusalem. Pour moi, il me semble que ces paroles: « Allez, vous autres », signifient ceci : Ne croyez pas que je veuille vous contraindre de demeurer avec moi malgré vous. Et quand il ajoute : « Mon temps n'est pas encore accompli », il veut dire qu'il faut qu'il fasse des miracles, qu'il prêche et qu'il enseigne le peuple, afin qu'un plus grand nombre croie, et que les disciples, voyant la constance et l'assurance de leur Maître, et aussi les tourments qu'il a endurés , en deviennent plus fermes dans la foi.

3. Enfin, que ce que nous venons d'entendre nous apprenne, mes chers frères, à avoir de la bonté et de la douceur : « Apprenez de moi », dit Jésus-Christ, « que je suis doux et humble de coeur ». (Matth. XI, 29.) Et chassons toute aigreur. On nous insulte, donnons des marques de notre humilité; on s'emporte de colère et de fureur, adoucissons, apaisons cette fureur et cette colère; on nous chagrine, on nous [336] calomnie, on nous déshonore, on se rit, on se moque de nous; ne nous troublons point, ne nous abattons pas, et pour vouloir nous venger ne nous perdons pas nous-mêmes. La colère est une bête, et une bête furieuse et cruelle. C'est pourquoi chantons-nous à nous-mêmes les cantiques des divines Ecritures, et disons-nous : « Tu n'es que terre et que cendre » (Gen. III, 19) : pourquoi la, terre et la cendre « s'élèvent-elles d'orgueil ? » (Eccli. X, 9.) Et : « L'émotion de la colère qu'il a dans le coeur est sa ruine ». (Eccli. I , 28.) Et : « L'homme colère n'est point agréable ».(Prov. XI, 25, LXX.) En effet, rien n'est plus laid, rien n'est plus affreux que l'aspect d'un homme en colère. Que si son aspect est hideux et horrible, son âme l'est bien plus. Car comme d'un bourbier qu'on remue, il sort et se répand une odeur empestée, de même l'âme que la colère agite sera difforme et infecte.

Mais, direz-vous, je ne puis souffrir les injures que me dit mon ennemi. Pourquoi, je vous prie? Si ce qu'il dit de vous est vrai, vous devez en sa présence même donner des marques de votre componction, et lui être obligé; mais si ce qu'il dit est faux, méprisez ses discours. Dit-il que vous êtes pauvre? riez-en; que vous êtes de basse naissance, ou que vous avez perdu la raison? gémissez pour lui. « Celui qui dit à son frère : Vous êtes un fou, méritera d'être condamné au feu de l'enfer ». (Matth. V, 22.) S'il vous outrage; pensez au supplice qui l'attend, et non-seulement vous retiendrez votre colère, mais encore vous répandrez des larmes. Personne ne se fâche contre un homme qui a la fièvre ou qu'une maladie aiguë transporte de fureur; au contraire, on en a pitié, on pleure sur lui. Or, voilà l'image d'une âme en colère. Mais si vous voulez vous venger, gardez le silence; cela mortifiera plus votre ennemi que tout ce que vous lui pourriez dire. Si, au contraire, vous repoussez l'injure par l'injure, vous attisez le feu.

Mais, direz-vous encore, si nous ne répliquons pas, on nous accusera de faiblesse. Non, on ne vous accusera pas de faiblesse, mais on admirera votre sagesse, votre philosophie. Que si l'injure qu'on vous dit allume votre colère, vous donnerez lieu de croire que ce qu'on vous reproche est véritable. Pourquoi, je vous prie, le riche, qui s'entend dire pauvre, en rit-il? N'est-ce pas parce qu'il sait bien qu'il n'est pas pauvre? Nous, de même, si nous rions quand on nous accuse, nous donnerons une très-grande preuve que nous ne sommes nullement coupables. Mais de plus, jusques à quand craindrons-nous les accusations des hommes? Jusques à quand mépriserons-nous notre commun Maître, et serons-nous attachés à la chair? « Car, puisqu'il y a parmi vous des jalousies », dit l'apôtre, « n'est-il pas visible que vous êtes charnels? » (I Cor. III, 3.)

Soyons donc spirituels, domptons cette méchante et cruelle bête ; entre la colère et la folie, il n'y a aucune différence: la colère est une espèce de démon passager, ou plutôt elle est pire qu'un démoniaque. On excuse un démoniaque, mais l'homme colère se rend digne de mille supplices; volontairement il court à sa perte et se jette dans l'abîme; perpétuellement agité de pensées tumultueuses, nuit et jour dans le trouble et dans les angoisses de l'âme, il souffre ici-bas même des tourments avant-coureurs de l'enfer. C'est pourquoi travaillons à nous délivrer et de ce supplice présent, et de la vengeance future. Chassons loin de nous cette maladie, et comportons-nous en toutes choses avec beaucoup de douceur, afin que nous procurions à nos âmes le repos et la tranquillité, et en ce monde et dans le royaume des cieux, que je vous souhaite, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui gloire soit au Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

 

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