HOMÉLIE LII
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HOMÉLIE LII.

LES GARDES RETOURNÈRENT DONC VERS LES PRINCES DES PRÊTRES ET LES PHARISIENS QUI LUUR DIRENT POURQUOI NE L'AVEZ-VOUS PAS AMENÉ ? — LES GARDES LEUR RÉPONDIRENT : JAMAIS HOMME N'A PARLÉ COMME CET HOMME-LA. (VERS. 45, 46, JUSQU'AU VERS. 19 DU CHAP. VIII.)

 

ANALYSE.

 

1. La vérité se découvre d'elle-même aux âmes droites et sincères, et se cache aux esprits infectés de malice.

2. Nicodème, un sénateur, prend la défense de Jésus-Christ contre les pharisiens.

3. Objection des hérétiques. — Réponse. — Jésus-Christ déclare qu'il est consubstantiel à son Père.

4. Blasphémer contre le Fils, c'est aussi blasphémer contre le Père. — Glorifier le Fils comme le Père, il est de même nature on ne peut connaître le Père sans connaître le Fils : s'il n'était pas de même substance, on pourrait connaître le Père sans connaître le Fils. — On ne peut connaître le Père sans connaître le Fils, parce qu'ils sont de même substance. — On connaît l'homme, et on ne connaît pas lange : on connaît la créature, et on ne connaît pas Dieu, parce que les substances sont différentes. — Glorifier le Fils et par la parole et par les oeuvres. — Ce que Dieu demande d'un chrétien. — Laideur et puanteur du péché. — Rien n'est plus honteux, ni plus horrible que la rapine et l’avarice.

 

1. Rien n'est plus clair, rien n'est plus simple que la vérité, quand on la cherche avec un coeur droit et sincère : mais, s'il y a dans l'âme de la malice, rien n'est alors plus obscur ni plus impénétrable que cette même vérité. En voici un exemple Les scribes et les pharisiens, qui paraissaient les plus sages de tous les hommes, qui étaient toujours avec Jésus-Christ, pour lui tendre des piéges, quoiqu'ils vissent les miracles qu'il faisait, quoiqu'ils lussent les Ecritures, n'en ont retiré aucun fruit, aucun profit, et que dis-je ? ils n'ont fait par, là que se nuire : au contraire, les gardes, privés de tous ces avantages, une seule prédication les a gagnés. Et ceux qui étaient venus prendre Jésus-Christ, ravis [352] d'admiration, furent pris eux-mêmes. Nous ne devons pas seulement admirer leur sagesse pour avoir su se passer- de miracles, et n'avoir eu besoin que de la doctrine seule, de la seule parole de Jésus-Christ pour se convertir (car ils n'ont point dit : Jamais homme n'a fait de si grands miracles, mais bien : « Jamais homme n'a parlé comme cet homme-là » ) : non-seulement donc leur docilité est digne d'admiration , mais aussi la liberté avec laquelle ils répondent à ceux qui les avaient envoyés, aux pharisiens, à ceux qui persécutaient Jésus, et qui n'oubliaient rien pour assouvir l'envie qu'ils lui portaient.

« Les archers retournèrent », dit l'évangéliste, « et les pharisiens leur dirent : Pourquoi ne l'avez-vous pas amené ? » Etre retournés, c'est plus que d'être demeurés : s'ils,n'avaient pas été rejoindre les pharisiens, ils se seraient dérobés à leur colère ; mais par leur retour, ils ont maintenant la gloire d'être prédicateurs de la sagesse de Jésus-Christ, et par là se manifeste mieux leur fermeté. Ils ne disent point : nous n'avons pas pu l'amener à cause du peuple qui l'écoute comme un prophète; mais quelle est leur réponse? « Jamais homme n'a si bien parlé ». Et certes, ils auraient pu alléguer l'autre excuse, mais leur coeur est droit, et ils le montrent. En effet, leur réponse n'est pas seulement un témoignage de leur admiration et de leur étonnement, mais aussi du reproche qu'ils font aux pharisiens de les avoir envoyés prendre et garrotter un homme qu'ils auraient plutôt dû eux-mêmes aller écouter. Cependant ils n'avaient entendu qu'une prédication fort courte. A une âme droite et sincère il ne faut pas de longs discours , la vérité a par elle-même assez de force.

Que répliquèrent donc les pharisiens? Lorsqu'ils auraient dû être touchés de componction, ils accusent au contraire ces gardes de s'être laissés séduire : « Êtes-vous donc aussi vous-mêmes séduits (47) ? » Ils les flattent encore et n'usent point de rudes paroles, de peur qu'ils ne les quittent tout à fait, mais toutefois, à travers cette circonspection, on entrevoit leur rage et leur fureur. Les pharisiens auraient dû demander ce qu'avait dit Jésus, et admirer ses réponses, et ils ne le font pas, dans la crainte d'être attirés comme les autres, mais ils répliquent par cet argument absurde : « Pourquoi nul des sénateurs n'a cru en lui (48) ? » Dites-moi : N'est-ce pas là faire plutôt un reproche aux incrédules qu'à Jésus-Christ? « Car pour cette populace qui ne sait pas la loi, ce sont des gens maudits (49) ». Et voilà pourquoi vous êtes plus condamnables, vous qui êtes demeurés dans l'incrédulité, tandis que la populace croyait. Ces hommes du peuple se conduisaient comme des gens qui savaient la loi. Comment donc sont-ils maudits? C'est vous qui n'observez pas la loi, qui êtes maudits, et non ceux qui l'observent : et- l'incrédulité de ceux qui refusent de croire à Jésus-Christ n'est pas un argument qui puisse être employé contre lui. Ce procédé est très-blâmable; vous-mêmes, vous n'avez pas cru à Dieu, comme dit saint Paul : « Car enfin, si quelques-uns d'entre eux n'ont pas cru, leur infidélité anéantira-t-elle la fidélité de Dieu? Non, certes » . (Rom. III, 3.) Les prophètes aussi vous ont continuellement fait ce reproche, vous disant : «Ecoutez la parole du Seigneur, princes de Sodome » (Isaïe, I, 10); et : « Vos princes n'observent point la loi ». Et derechef : « N'est-ce pas à vous de savoir ce qui est juste ? » (Mich. III, 1.) Et partout ils leur font encore de plus fortes réprimandes.

Quoi donc? Vous êtes infidèles, quelqu'un osera-t-il tirer de là un argument contre Dieu? Loin,de nous ce blasphème, c'est uniquement votre faute : et quel autre témoignage faut-il, pour connaître que vous ne savez point la loi, que votre seule incrédulité? Lors donc qu'ils eurent dit qu'aucun des sénateurs n'avait cru en Jésus, mais ceux-là seulement qui ne savaient point la loi, Nicodème les reprit fort à propos par ces paroles: « Notre loi permet-elle de condamner personne sans l'avoir oui auparavant (51)? » Il fait voir par là qu'ils ne savent et n'observent point la loi. Car si la loi défend de faire mourir personne sans l'avoir ouï auparavant, et si avant d'avoir ouï Jésus, ils cherchaient à le faire mourir, ils étaient des violateurs de la loi : et comme ils avançaient qu'aucun des sénateurs n'avait cru en lui, l'évangéliste indique exprès que Nicodème était de leur corps, pour faire voir que des sénateurs mêmes avaient cru en lui. Sans doute ils ne l'avaient pas encore témoigné publiquement comme ils l'auraient dû, mais néanmoins ils étaient attachés à Jésus-Christ.

Mais remarquez, mes frères, avec quelle [353] modération et quelle retenue Nicodème les reprend. Il ne dit point: Vous voulez le faire mourir, et vous le condamnez sans raison comme séducteur. Il ne leur a point parlé en ces termes : il s'est servi de paroles plus douces et plus modérées pour réprimer l'excès de leur violence inconsidérée et sanguinaire. C'est pour cela qu'il invoque la loi en disant : « Sans avoir ouï avec soin et s'être bien informé de ses actions ». Voilà pourquoi il ne faut pas seulement ouïr, mais il faut ouïr avec soin; car c'est là ce que signifient ces paroles : « Et sans s'être informé de ses actions », c'est-à-dire ce qu'il prétend. Quelle est son intention, son but, si sa conduite est celle d'un ennemi qui veut renverser la république? Les pharisiens alors, déconcertés parce qu'ils avaient dit que nul des sénateurs ne croyait en Jésus-Christ, répondent faiblement à Nicodème, bien que sans ménagement.

2. Nicodème avait dit : « Notre loi ne condamne personne ». Lui répliquer: « Est-ce que vous êtes aussi galiléen? » c'était une mauvaise réponse qui n'avait nul rapport à ce qu'il avait dit. Il fallait montrer, ou qu'ils n'avaient pas envoyé prendre Jésus sans jugement, ou qu'il n'était point nécessaire de l'entendre, et ils répondent durement et avec colère : « Lisez avec soin, et apprenez qu'il ne sort point de prophète de Galilée ». Mais, qu'avait dit Nicodème ? Que Jésus était un prophète? Non, il avait dit qu'on ne devait condamner personne à mort, sans avoir auparavant instruit son procès, et les pharisiens lui font cette outrageante réponse, comme s'il eût absolument ignoré les Ecritures ; c'est lui dire, aux termes près : Allez à l'école, allez étudier ; car tel est le sens de ces paroles : « Lisez avec soin, et apprenez ».

Que répond donc Jésus-Christ? Comme les pharisiens n'avaient jamais dans la bouche que les noms de galiléen et de prophète, le Sauveur, pour les éloigner absolument de cette fausse pensée et leur faire voir qu'il n'est pas un des prophètes, mais le Seigneur du monde, dit: « Je suis la lumière du monde (12) ». Non de Galilée, non de la Palestine, non de la Judée. Que répliquent les Juifs ? « Vous vous rendez témoignage à vous-même », ainsi « votre témoignage n'est point véritable (13) ». O folie ! le Sauveur les renvoie toujours aux Écritures, et ils disent : « Vous vous rendez témoignage à vous-même ». Mais quel témoignage a-t-il rendu? « Je suis la lumière du monde ». C'est là une grande parole; oui, certes, c'est là une grande parole. Mais ils ne s'en sont pas beaucoup mis en peine, parce qu'il ne se disait pas égal au Père, ni son Fils, ou Dieu, mais seulement qu'il était la lumière. Néanmoins, ils voulaient aussi détruire cette opinion, car c'était là quelque chose de plus grand que de dire : « Celui qui me suit ne « marche point dans les ténèbres (12) ». Le Sauveur parle de la lumière et des ténèbres spirituelles, c'est-à-dire, il ne demeure point dans l'erreur.

Ici Jésus-Christ attire à soi Nicodème et l'encourage, parce qu'il avait librement parlé et dit son sentiment, et il loue les gardes de leur sage conduite. Ce mot « crier », marque que Jésus à voulu exciter les pharisiens à venir l'écouter. Et en même temps il insinue qu'ils pensaient à tendre secrètement des pièges et à tromper secrètement, c'est-à-dire, dans lés ténèbres et dans l'erreur, mais qu'ils ne vaincraient et n'éteindraient pas la lumière. Il rappelle à. Nicodème les paroles qu'il avait dites depuis peu : « Quiconque fait le mal, hait la lumière et ne vient point à la lumière, de peur que ses oeuvres ne soient découvertes». (Jean, III, 20.) Comme les Juifs disaient qu'aucun des sénateurs n'avait cru en lui, Jésus dit : « Quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient point à la lumière ». Par où il leur fait voir que s'ils ne viennent point, ce n'est pas que la lumière soit faible , mais c'est parce que leur volonté est corrompue et mauvaise.

« Les pharisiens lui dirent : Vous vous rendez témoignage à vous-même (13); et Jésus leur répondit : Quoique je me rende témoignage à moi-même, mon témoignage est véritable, parce que je sais d'où je viens et où je vais; mais pour vous, vous ne savez point d'où je viens (14) ». Ce que Jésus avait dit auparavant , les Juifs le- lui opposent comme une décision. Que répond donc Jésus-Christ? Il renverse cette prétendue décision, et leur montre que c'est selon leur opinion qu'il a parlé de la sorte (1), parce qu'ils le prenaient pour un homme, et il leur dit: « Quoique je me rende témoignage à moi-même,

 

1. Il a parlé de la sorte en saint Jean, chap. V, vers. 31, où le Sauveur, parlant selon l'esprit et l'opinion des Juifs, dit : Si je rends témoignage de moi, mon témoignage n'est pas véritable.

 

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mon témoignage est véritable, parce que je « sais d'où je viens ». Que veut dire ceci? Je suis de Dieu, et Dieu, et Fils de Dieu. Dieu est pour soi un témoin digne de foi . pour vous, vous ne connaissez point Dieu, vous faites le mal volontairement; vous savez et vous feignez de ne point savoir; vous parlez selon vos sentiments humains et terrestres, et vous ne voulez rien savoir, rien connaître de plus que ce qui paraît au dehors. « Vous jugez selon la chair (15) ». Comme vivre selon la chair, c'est mal vivre; de même, juger selon sa chair, c'est mal juger. « Je ne juge personne, et si je juge, mon jugement est véritable (16) » ; c'est-à-dire, vous jugez injustement. Mais si nous jugeons injustement, répliquent-ils ,  pourquoi ne nous reprenez-vous pas? pourquoi ne nous punissez-vous pas? pourquoi ne nous condamnez-vous pas? C'est, dit-il, parce que je ne suis point venu pour cela. Voilà ce que signifie cette parole : « Je ne juge personne. Et si je juge, mon jugement est véritable ». Car si je voulais juger, vous seriez au nombre des condamnés. Mais si je ne dis pas ceci, dit-il, pour vous juger; et si j'ai dit : « Je ne parle pas pour juger », ce n'est pas que je craigne de ne pouvoir vous confondre, si je vous mettais en jugement, si je jugeais, vous seriez condamnés justement; mais le temps de juger n'est pas encore venu. Jésus-Christ fait aussi entrevoir le jugement futur, quand il dit : « Parce que je ne suis pas seul, mais moi, et mon Père qui m'a envoyé ». Enfin il insinue ici qu'il n'est pas seul à les condamner, mais que son Père les condamne aussi. Plus loin, il exprime encore la même chose d'une manière enveloppée, lorsqu'il tâche de les gagner à son témoignage : « Il est écrit dans votre loi que le témoignage de deux hommes est véritable (17) ».

3. Quoi donc ! diront les hérétiques? Si nous prenons cette parole simplement et dans le sens naturel qu'elle présente, qu'aura Jésus-Christ de plus que le reste des hommes? Car si cette loi est établie parmi les hommes, c'est que nul homme n'est croyable parlant de lui-même. Mais, à l'égard de Dieu, comment pourrait-on admettre cela? Examinons donc en quel sens Jésus-Christ a dit ce mot d'eux s'est-il servi de ce terme pour désigner deux hommes? Si c'était là son intention, pourquoi n'a-t-il pas apporté le témoignage de Jean-Baptiste, et n'a-t-il pas dit : Je me rends témoignage à moi-même ? Jean rend aussi témoignage de moi. Pourquoi ne s'est-il pas servi du témoignage des anges? pourquoi pas de celui des prophètes? Il pouvait produire une infinité d'autres témoignages. Mais Jésus-Christ ne veut pas seulement indiquer deux personnes, mais encore deux personnes de même substance.

« Ils lui disent : Qui est votre Père? Jésus leur répondit : Vous ne connaissez ni moi ni mon Père (19) ». Comme, le sachant, ils feignaient de ne le point savoir, et l'interrogeaient pour le tenter, Jésus ne daigne même pas leur répondre. Dans la suite, il a parlé plus clairement et plus librement, s'autorisant du témoignage de ses oeuvres et de sa doctrine, parce qu'alors le temps du crucifiement et de sa mort était fort proche. « Je sais, » dit-il, « d'où je viens » : cela pouvait ne pas les toucher beaucoup. Mais quand il ajouta : « Où je vais » ; cette parole devait les troubler et les effrayer davantage, comme indiquant qu'il ne devait point demeurer dans la mort.

Et pourquoi n'a-t-il pas dit : « Je sais que je suis Dieu, » mais « je sais d'où je viens? » Toujours il mêle les choses basses aux choses sublimes, et encore cache-t-il un peu celles-ci. Après avoir dit : « Je me rends témoignage « à moi-même », et l'avoir montré, il passe à quelque chose de moins élevé ; c'est comme s'il disait : Je connais celui qui m'a envoyé, et vers qui j'irai. De cette manière, les Juifs, entendant que le Père l'avait envoyé, et qu'il retournerait à lui, ne pouvaient contredire ce qu'il disait. Je n'ai rien dit que de véritable, dit-il, c'est de là que je viens et j'y retourne, je vais au Dieu de vérité. Mais vous, vous ne connaissez point Dieu, voilà pourquoi vous jugez selon la chair. En effet, après avoir vu tant de témoignages et de preuves, vous dites encore : « Il n'est point véritable ». De Moïse vous dites : Il est digne de foi, et lorsqu'il parle des autres, et lorsqu'il parle de soi; mais vous parlez autrement au sujet de Jésus-Christ, c'est là juger charnellement.

« Je ne juge personne (15) ». D'ailleurs il dit aussi : « Le Père ne juge personne»; « pourquoi dit-il : Et si je juge, mon jugement est juste, parce que je ne suis pas seul? » (Jean, V, 22.) Jésus-Christ parle encore selon l'opinion des Juifs. Cela signifie : Mon jugement est le jugement du Père, car le jugement du Père ne [355] saurait être différent du mien, ni le mien de celui du Père. Mais pourquoi parle-t-il du Père? Les Juifs ne croyaient pas que le Fils fût digne de foi s'il n'avait le témoignage du Père. Autrement ce qu'il disait serait demeuré sans valeur; car, parmi les hommes, lorsque deux rendent témoignage dans l'affaire d'autrui, alors leur témoignage est réputé véritable; c'est là, en effet, le témoignage porté par deux personnes. Mais si quelqu'un se rend témoignage à soi-même, alors il n'y a plus deux témoins.

Voyez-vous bien, mon cher auditeur, que si Jésus-Christ a parlé en ces termes, ça été pour montrer qu'il est consubstantiel à son Père, et que par lui-même ensuite il n'a pas besoin du témoignage d'un autre ; enfin, pour faire voir qu'il n'a rien de moins que le Père? Reconnaissez donc son autorité dans ces paroles : « Or, je me rends témoignage à moi« même, et mon Père qui m'a envoyé me rend « aussi témoignage (18) ». Jésus-Christ n'aurait pas dit cela, s'il était d'une substance inférieure. Ensuite, pour vous convaincre qu'en parlant ainsi il n'a pas eu en vue le nombre « deux », faites bien attention que sa puissance n'est en rien différente de celle du Père. Un homme rend témoignage lorsque, par lui-même, il est digne de foi et qu'il n'a pas besoin du témoignage d'un autre, et cela, lorsqu'il s'agit d'une affaire qui ne le regarde point et qui lui est étrangère; mais dans sa propre cause il n 'est pas croyable et il a besoin d'un témoignage. Mais c'est tout le contraire pour Jésus-Christ: lors même qu'il se rend témoignage dans sa propre cause et qu'il dit qu'il a le témoignage d'un autre, il se déclare digne de foi, montrant partout son autorité. En effet, pourquoi ayant dit : « Je ne suis pas seul, mais moi et mon Père qui m'a envoyé », et le témoignage de deux témoins est véritable; n'en est-il pas demeuré là et a-t-il ajouté : « Je me rends témoignage à moi-même? » N'est-ce pas uniquement pour montrer son autorité ? Et il se met le premier : « Je me rends témoignage à moi-même ». Ici Jésus-Christ montre qu'il est égal en dignité à son Père et qu'il ne sert de rien aux Juifs de se glorifier de connaître Dieu le Père, s'ils ne le connaissent pas lui-même; et encore que c'est parce qu'ils ne veulent pas le connaître qu'ils ne le connaissent pas. Jésus leur dit donc qu'on ne peut connaître le Père sans le connaître lui-même, afin de les attirer par là à sa connaissance. Comme ils le négligeaient et cherchaient toujours à connaître directement le Père, il leur dit : « Vous ne pouvez pas connaître le Père sans moi ». C'est pourquoi ceux qui blasphèment contre le Fils, ne blasphèment pas seulement contre le Fils, mais aussi contre le Père.

4. Prenons-y garde, mes chers frères, et glorifions le Fils : sûrement il n'aurait point parlé de la sorte, s'il n'était de même nature que le Père. Que si, étant d'une autre substance que le Père, il l'avait seulement fait connaître, on pourrait connaître le Père sans connaître le Fils : et réciproquement, en connaissant le Père, on ne connaîtrait pas pour cela le Fils. En effet, celui qui connaît l'homme ne connaît pas nécessairement l'ange. Pourtant, direz-vous, celui qui connaît la créature, connaît aussi Dieu. Non, certes. Car plusieurs, ou plutôt tous les hommes, connaissent la créature, parce qu'ils la voient; mais ils ne connaissent point Dieu pour cela.

Glorifions donc le Fils de Dieu, non-seulement en lui rendant la gloire qui lui est due, comme Fils de Dieu, mais encore par nos oeuvres. Car la gloire qu'on rend par les paroles n'est rien, si elle n'est accompagnée de l'hommage qui vient des oeuvres. « Vous », dit l'apôtre, « qui portez le nom de Juifs, qui vous reposez sur la loi, qui vous faites gloire d'être à Dieu », prenez garde à ce que vous faites : « Vous instruisez les autres et vous ne vous instruisez pas vous-mêmes : vous vous glorifiez dans la loi, et vous déshonorez Dieu par la violation de la loi? » (Rom. II, 17, 21, 23.) Vous-même, mon cher auditeur, prenez garde que, vous glorifiant d'être dans la foi orthodoxe, vous ne meniez pas une vie conforme à la foi que vous professez; que vous ne déshonoriez Dieu, en le faisant blasphémer. Dieu veut qu'un chrétien soit le docteur de tout l'univers, le levain, la lumière, le sel. Qu'est-ce que la lumière? C'est une vie brillante, qui n'est offusquée d'aucun nuage. La lumière n'est point utile à soi, le sel ou le levain pas davantage; mais ces choses sont utiles à autrui: de même on demande de nous, non-seulement ce qui est dans notre intérêt, mais encore ce qui est dans l'intérêt des autres. Car le sel, s'il ne sale pas, n'est plus sel (Matth. V, 13; Marc, IX, 49); par là nous est encore révélée une autre vérité : c'est que, si nous vivons [356] bien, les autres aussi vivront bien. Ainsi ce n' est que par notre bonne vie, que nous pouvons être utiles aux autres. (Matth. XXV, 11.) Disons adieu aux folies, aux vanités : car telles sont les choses du monde, telles sont les sollicitudes du siècle. Les vierges sont appelées folles, parce qu'elles s'occupaient des folles affaires du siècle : elles amassaient ici, et elles n'envoyaient pas ce qu'elles avaient amassé où il fallait l'envoyer.

Craignons donc que ce qui leur arriva, ne nous arrive aussi, et que nous n'allions avec un habit sale, où tous sont vêtus d'habits éclatants, car rien n'est plus salé, rien n'est plus hideux que le péché. C'est pourquoi le prophète, pour en présenter en sa personne une vive image à nos yeux, criait à haute voix : « Mes plaies ont été remplies de corruption et de pourriture ». (Ps. XXXVII , 5.) Voulez-vous connaître la puanteur du péché? considérez-le après l'avoir commis. Lorsque la concupiscence ne vous tiendra plus dans ses fers, lorsque le feu ne bouillonnera plus dans vos veines, alors vous verrez ce que c'est que le péché. Lorsque vous serez rentré dans le calme, considérez la colère; considérez l'avarice, lorsque vous aurez éteint en vous cette passion. Rien n'est plus honteux, rien n'est plus horrible que l'avarice et la convoitise. Nous faisons souvent retentir nos chaires de ces vérités, non pour vous chagriner, mais par un désir de produire en vous de grands et d'admirables effets : car peut-être celui qu'une première remontrance n'aura pas corrigé se rendra à une seconde, ou à une troisième. Fasse le ciel, qu'étant tous délivrés du péché et de tous les maux qui l'accompagnent, nous soyons la bonne odeur de Jésus-Christ ( II Cor. II, 15), à qui soit la gloire, avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans tous les siècles ! Ainsi soit-il.

 

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