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HOMÉLIE XXXV.LES SAMARITAINS ÉTANT DONC VENUS LE TROUVER , LE PRIÈRENT DE DEMEURER CHEZ EUX, ET IL Y DEMEURA DEUX JOURS. ET IL Y EN EUT BEAUCOUP, PLUS QUI CRURENT EN LUI , POUR L'AVOIR ENTENDU PARLER. DE SORTE QU'ILS DISAIENT A CETTE FEMME : CE N'EST PLUS SUR CE QUE VOUS NOUS EN AVEZ DIT QUE NOUS CROYONS EN LUI, CAR NOUS L'AVONS OUÏ NOUS-MÊMES, ET NOUS SAVONS QU'IL EST VRAIMENT LE CHRIST, SAUVEUR DU MONDE. DEUX JOURS APRÈS IL SORTIT DE CE LIEU, ET S'EN ALLA EN GALILÉE. (VERS. 40, 41, 42, 43, JUSQU'AU VERS. 53.)
ANALYSE.
1. Plus docile à la grâce que les Juifs, les Samaritains confessent, après avoir seulement vu et entendu Jésus-Christ, qu'il est le sauveur du monde. 2. Guérison du lits d'un officier de la cour d'Hérode. 3. Ne point demander à Dieu des miracles, ou des gages de sa puissance. Louer et aimer Dieu dans l'une et l'autre fortune : dans la joie et dans les afflictions ; dans la santé et dans la maladie : et souffrir tout pour son amour.
1. Il n'est rien de pire que l'envie et la jalousie. Rien n'est plus dangereux que la vaine gloire : elle corrompt le plus souvent tout le bien que l'on fait. Les Juifs en sont un exemple. Avec de plus grandes connaissances que les Samaritains, grâce aux prophètes qui les [265] avaient élevés, ils leur furent néanmoins inférieurs. Les Samaritains crurent au témoignage d'une femme, et sans avoir vu de miracles ils sortirent de leur ville pour venir, prier Jésus-Christ de demeurer chez eux; ruais les Juifs, même après avoir vu des prodiges et des miracles, bien loin de l'engager à demeurer avec eux, le chassèrent et n'omirent rien pour l'éloigner tout à fait de leur pays; eux, pour qui il. était venu, ils le repoussèrent, tandis que d'autres le sollicitaient de demeurer chez eux. Jésus-Christ ne devait-il donc pas aller chez ceux qui l'en priaient, et se donner à ceux qui brûlaient de le posséder? Devait-il s'obstiner à ce point à rester parmi des ennemis, parmi des traîtres? cela n'aurait pas été digne de sa providence. Voilà pourquoi il se rendit à la prière des Samaritains et demeura deux jours chez eux. lis auraient bien voulu 1e retenir et le garder dans leur ville ; l'évangéliste l'insinue par ces paroles : « Ils le prièrent de demeurer chez eux» ; mais il ne le voulut pas, il y demeura seulement deux jours, et dans ce peu de temps un grand nombre crurent en lui ; cependant il n'y avait point d'apparence qu'ils crussent en lui, soit parce qu'ils n'avaient vu aucun miracle, soit à cause de la haine qu'ils portaient aux Juifs. Mais néanmoins, jugeant avec impartialité ses paroles, ils conçurent de si grands sentiments de lui, que tous ces obstacles ne purent les étouffer, et ils l'admirèrent à l'envi : « De sorte qu'ils disaient à cette femme : Ce n'est plus sur ce que vous nous avez dit que nous croyons en lui, car nous l'avons ouï nous-mêmes et nous savons qu'il est vraiment le Christ, sauveur du monde ». Les disciples surpassèrent leur maîtresse; ils auraient pu, avec justice, accuser les Juifs, eux qui avaient cru en Jésus-Christ et qui l'avaient reçu. Ceux-là pour qui il avait entrepris l'oeuvre du salut lui jetèrent souvent des pierres, mais ceux-ci, lorsqu'il n'allait point chez eux, l'engagèrent à y venir; ceux-là, après avoir vu des miracles, persistent dans leur obstination et dans leur incrédulité; mais ceux-ci, sans en avoir vu, font paraître une grande foi , et même ils se glorifient d'avoir cru en Jésus sans le secours des miracles; mais ceux-là ne cessent point de le tenter et de lui demander des miracles. Ainsi, toujours il est nécessaire qu'une âme soit bien disposée; la vérité venant alors à se présenter, entrera facilement en elle et s'en rendra la maîtresse. Que si elle ne se rend pas la maîtresse, cela ne vient point de la faiblesse de la vérité, mais de l'endurcissement de l'âme. En effet, le soleil éclaire facilement les yeux qui sont purs et nets, mais s'il ne les éclaire pas, c'est la maladie des yeux, ce n'est point la faiblesse du soleil qui en est cause. Ecoutez donc ce que disent les Samaritains «Nous savons qu'il est vraiment le CHRIST, Sauveur du monde ». Remarquez-vous en combien peu de temps ils ont connu qu'il attirerait à soi tout le monde, qu'il était venu pour opérer le salut de tous les hommes, que sa providence ne devait point se renfermer et se borner aux Juifs seulement, et que sa parole se ferait entendre et se répandrait partout? Mais les Juifs , bien différents d'eux, « s'efforçant d'établir leur propre justice, ne se sont point soumis à Dieu, pour recevoir cette justice qui vient de lui ». (Rom. X, 3.) Les Samaritains, au contraire, confessent que tous les hommes sont coupables, et publient hautement cet oracle de l'Apôtre: « Tous ont péché et ont « besoin de la gloire de Dieu , étant justifiés « gratuitement par sa grâce ». (Rom. III , 23, 24.) Car en disant qu'il est le Sauveur du monde, ils font voir que le monde était perdu; ils montrent en même temps la puissance d'un tel Sauveur. Plusieurs sont venus pour sauver les hommes, des prophètes, des anges: mais celui-ci est le vrai Sauveur, qui donne le salut véritablement et réellement, et non pas seulement pour un temps limité. Voilà un témoignage évident de la sincérité et de la pureté de leur foi. En effet, les Samaritains sont doublement admirables: ils le sont et pour avoir cru, et pour avoir cru sans voir de miracles; aussi ce sont eux que Jésus-Christ déclare heureux, eu disant: « Heureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru » (Jean, XX, 29) : ils sont encore admirables pour avoir cru sincèrement, puisqu'ayant ouï une femme dire, avec quelque sorte de doute: « Ne serait-ce point le CHRIST? Ils ne dirent pas : Nous doutons aussi, nous en jugeons de même; mais: « Nous savons », non-seulement cela, mais encore « qu'il est vraiment le Sauveur du monde ». Ils ne le regardaient plus comme un homme ordinaire, mais ils le reconnaissaient pour le vrai Sauveur. Cependant, qui avaient-ils vu qu'il eût sauvé? ils n'avaient entendu que des paroles, et toutefois ils parlent, comme ils auraient pu le [266] faire, s'ils avaient vu beaucoup de miracles et des plus grands. Et pourquoi les évangélistes ne rapportent-ils pas ce que Jésus-Christ a dit, et ne font-ils pas mention de ces discours admirables ? C'est afin que vous sachiez que, parmi les grandes choses qu'il a dites et qu'il a faites, ils en passent beaucoup sous silence; mais néanmoins, en rapportant l'issue, ils indiquent suffisamment tout le reste. En effet, Jésus-Christ a converti par sa parole tout le peuple et toute la ville. C'est quand les auditeurs n'ont été ni dociles, ni soumis, qu'ils sont dans la nécessité de rapporter ce qu'a dit Jésus-Christ, de peur qu'on ne rejette sur le prédicateur ce qui n'est imputable qu'à l'aveuglement des auditeurs. « Deux jours après, il sortit de ce lieu, et s'en alla en Galilée. Car Jésus témoigna lui-même qu'un prophète n'est point honoré dans son pays (44) ». Pourquoi l'évangéliste ajoute-t-il cela? Parce qu'il ne fut pas à Capharnaüm , mais en Galilée , et de là à Cana. Et afin que vous ne demandiez pas pourquoi il ne demeura pas chez les siens, mais chez les Samaritains, il vous en donne la raison, en disant que c'est parce qu'ils ne l'écoutaient point: il n'y alla donc pas, pour ne les pas rendre plus coupables, et dignes d'un jugement plus rigoureux. 2. Au reste, par sa patrie, je crois que l'évangéliste entend ici Capharnaüm: Jésus-Christ nous apprend lui-même qu'il n'y a point été honoré ; écoutez ce qu'il dit: « Et toi, Capharnaüm , qui as été élevée jusqu'au ciel , tu seras précipitée jusque dans le fond des enfers ». (Luc, X, 15.) Il l'appelle sa patrie dans le langage de l'incarnation, comme y résidant habituellement. Quoi donc ! direz-vous, ne voyons-nous pas bien des personnes fort estimées et honorées de leurs compatriotes? D'abord , de ces exceptions, il n'y a rien à conclure. De plus, si quelques-uns se sont fait une réputation dans leur patrie, ils en avaient une bien plus grande au dehors : l'habitude de vivre ensemble engendre souvent le mépris. « Etant donc revenu en Galilée, les Galiléens le reçurent » avec joie , « ayant vu tout ce qu'il avait fait à Jérusalem au jour de la fête, à laquelle ils avaient été aussi (45) ». Ne remarquez-vous pas que ceux dont on parlait mal sont ceux-là mêmes qui accoururent à lui plus promptement? Qu'on en parlât mal, ce que rapporte l'évangéliste ne nous permet pas d'en douter: « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth? » (Jean, I, 46.) Et d'autres: « Lisez avec soin les Ecritures , et apprenez qu'il ne sort point de prophète de Galilée ». (Jean , VII , 52.) Les Juifs tenaient ce langage pour insulter Jésus-Christ, car plusieurs le croyaient de Nazareth. Ils lui faisaient encore ce reproche, comme s'il eût été samaritain: « Vous êtes un samaritain, et vous êtes possédé du démon » (Jean, VIII, 48) : Mais voilà, dit l'Ecriture, que les Samaritains et les Galiléens croient, pour la honte des Juifs: et même les Samaritains se montrent meilleurs que les Galiléens. En effet, ils ont reçu Jésus-Christ sur le seul témoignage d'une femme, mais les Galiléens n'ont cru en lui qu'après avoir vu les miracles qu'il avait faits. « Jésus vient donc de nouveau à Cana en Galilée, où il avait changé l'eau en vin (46) ». L'évangéliste rapporte ici le miracle à la louange des Samaritains. Les Galiléens crurent en Jésus-Christ, mais après avoir vu les miracles qu'il avait opérés et à Jérusalem et chez eux ; les Samaritains , au contraire, le reçurent pour sa doctrine seulement. Saint Jean rapporte que Jésus vint en Galilée pour mortifier la jalousie des Juifs; mais pourquoi alla-t-il à Cana? Il y fut la première fois parce qu'il était invité aux noces; mais, maintenant pourquoi y va-t-il? Pour moi, il me semble véritablement qu'il y fut pour confirmer, par sa présence , la foi au miracle qu'il y avait opéré, et aussi pour s'attacher plus sûrement ces hommes, en allant chez eux de son propre mouvement, sans qu'ils l'en eussent prié, et en quittant même sa patrie pour leur donner la préférence sur les siens. « Or, il y avait un seigneur de la cour dont le fils était malade à Capharnaüm, lequel ayant appris que Jésus venait de Judée, en Galilée, l'alla trouver, et le pria de vouloir venir chez lui, pour guérir son fils (47) » ainsi qualifié seigneur de la cour (1), ou comme étant de la race royale, ou comme exerçant quelque dignité. Quelques-uns croient que c'est le même que celui dont parle saint Matthieu, mais on prouve visiblement que c'est un autre, et par sa dignité et par sa foi ; celui-là, quoique Jésus-Christ voulût bien aller chez
1. « Seigneur de la cour ». C'est ce que signifie le mot Basilikos dans le grec, et celui de Regulus dans la Vulgate , qui a la même signification que Regius, ou, comme l'explique saint Jérôme, Palatinus. i. e. un officier de la cour du prince, ou d'Hérode, que les Galiléens appelaient roi, quoique les Romains ne lui donnassent que le nom de Tétrarque.
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lui, le prie de ne pas se donner cette peine; celui-ci, au contraire, le presse de venir dans sa maison, quoiqu'il ne s'y offre pas; l'un dit « Je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison » (Matth. VIII, 8), l'autre fait de grandes instances : « Venez , » dit-il , « avant que mon fils meure (29) ». Celui-là, descendant de la montagne , vint à Capharnaüm; celui-ci fut au-devant de lui, de Samarie, comme il allait non à Capharnaüm, mais à Cana. Le serviteur de celui-là était attaqué d'une paralysie , le fils de celui-ci d'une fièvre. « Et il le pria de vouloir venir chez lui pour guérir son fils qui allait mourir:». Que lui répondit Jésus-Christ? « Si vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croyez point (48) ». Toutefois, que cet officier vînt le trouver et le priât, c'était une marque de sa foi, de quoi l'évangéliste lui, rend témoignage , en rapportant ensuite que Jésus lui ayant dit : « Allez, votre fils se porte bien, il crut a la parole que Jésus lui avait dite, et s'en alla (50) ». Que prétend donc ici l'évangéliste ? ou nous faire admirer avec lui les Samaritains pour avoir cru sans voir de miracles, ou pour censurer en passant la ville de Capharnaüm, qu'on regardait comme la patrie de Jésus. Car un autre qui dit, dans saint Luc (1) : « Seigneur, je crois, aidez-moi dans mon incrédulité » (Marc, IX, 23), s'est servi des mêmes paroles. Au reste, cet officier a cru, mais sa foi n'était point pleine et entière; il le fait voir en s'enquérant de l'heure où la fièvre avait quitté son fils. Car il voulait savoir si la fièvre l'avait quitté d'elle-même, ou si c'était par le commandement de Jésus-Christ. « Et comme il reconnut que c'était la veille à la septième heure » du jour, « il crut en lui, et toute sa famille (53) ». Ne voyez-vous pas qu'il crut, non sur ce qu'avait dit Jésus-Christ, mais sur le témoignage de ses serviteurs? Aussi le Sauveur lui fait un reproche sur l'esprit dans lequel il était venu le trouver, et par là il l'excitait davantage à croire en lui. En effet, avant le miracle, il ne croyait qu'imparfaitement. Que si cet officier est venu trouver Jésus et le prier, il n'est rien en cela de merveilleux; les pères, dans leur tendresse pour leurs enfants, s'ils en ont un de malade, courent précipitamment aux médecins, et non-seulement à ceux en qui ils ont une entière confiance, mais aussi à
1. C'est par erreur que Chrysostome cite saint Luc.
ceux mêmes sur qui ils ne comptent pas entièrement, tant ils craignent de rien négliger. Et toutefois, celui-ci n'est venu trouver Jésus que par occasion, lorsqu'il allait en Galilée; s'il eût pleinement cru en lui, son fils étant à la dernière extrémité et prêt à mourir, il n'aurait pas manqué de l'aller chercher jusque dans la Judée. Que s'il craignait, c'est aussi en quoi on ne peut l'excuser. Remarquez, je vous prie, mes frères, que ses paroles mêmes montrent sa faiblesse et son peu de foi. Car il est constant qu'il aurait dû avoir une plus grande opinion de Jésus-Christ, sinon avant, du moins après qu'il eut fait connaître les bas sentiments qu'il avait de lui, et qu'il en eut été repris. Cependant écoutez-le parler, vous verrez combien il rampe encore à terre : « Venez, » dit-il, « venez avant que mon, fils meure (49); » comme si Jésus-Christ n'aurait pas pu ressusciter son fils s'il était mort, comme s'il ne savait pas l'état où il était. Voilà pourquoi il le reprend et parle à sa conscience un langage sévère, lui faisant connaître que les miracles se font principalement pour le salut de l'âme. Ainsi il guérit également et le père qui est malade d'esprit, et le fils qui est malade de corps, pour nous apprendre qu'il ne faut pas tant s'attacher à lui à cause des miracles, que pour la doctrine. Le Seigneur opère les miracles, non pour les fidèles, mais pour les infidèles et les hommes les plus grossiers. 3. Dans sa tristesse et dans sa douleur, cet officier ne faisait pas beaucoup d'attention aux paroles de Jésus-Christ, il n'écoutait guère que celles qui tendaient à la guérison de son fils; mais dans la suite il devait se les rappeler et en faire un grand profit: c'est ce qui arriva. Mais pourquoi Jésus-Christ, sans en être prié, offre-t-il d'aller chez le centenier, et ne fait-il pas la même offre à celui qui le presse et le sollicite vivement? C'est que la foi du centurion étant parfaite, voilà pourquoi Jésus-Christ offre d'aller chez lui, afin de nous faire connaître la vertu de cet homme; mais l'officier n'avait encore qu'une foi imparfaite. Comme donc il le pressait instamment en lui disant : « Venez, » faisant voir par là qu'il ne savait point encore que Jésus pouvait guérir son fils, quoique absent et éloigné, Jésus lui montre qu'il le peut, afin que la connaissance qu'avait le centurion par lui-même, cet officier l'acquît, voyant que Jésus avait guéri [268] son fils sans aller chez lui. Ainsi quand il dit: « Si vous ne voyez des miracles et des prodiges, vous ne croyez point », c'est comme s'il disait: Vous n'avez point encore une foi digne de moi, et vous me regardez encore comme un prophète. Jésus-Christ donc, pour manifester ce qu'il est et montrer qu'il faut croire en lui, même indépendamment des miracles, s'est servi des mêmes paroles par lesquelles il. s'est fait connaître à Philippe « Ne croyez-vous pas que je suis dans mon a Père et que mon Père est en moi ? (Jean, XIV, 10.) Quand vous ne me voudriez pas croire, croyez à mes uvres ». (Jean, X, 38.) « Et comme il était en chemin, ses serviteurs vinrent au-devant de lui, et lui dirent: a Votre fils se porte bien (51). « Et s'étant enquis de l'heure qu'il s'était a trouvé mieux, ils lui répondirent : Hier, environ la septième heure » du jour « la fièvre le quitta (52). « Son père reconnut que c'était à cette heure-là que Jésus lui avait dit : Votre fils se porte bien ; et il crut, lui et toute sa famille (53) ». Ne le remarquez-vous pas, mes très-chers frères, que le bruit de ce miracle se répandit aussitôt? En effet, cet enfant ne fut pas délivré d'une manière ordinaire du péril où il était, mais sa guérison eut lieu sur-le-champ; d'où il est visible qu'elle n'était point naturelle, et que c'est Jésus-Christ qui l'avait opérée par sa vertu et par sa puissance. Déjà il était arrivé aux portes de la mort, comme le déclarent ces paroles du père : « Venez avant que mon fils meure » , lorsque tout à coup il en fut arraché; voilà aussi ce qui étonna les serviteurs. Peut-être même accoururent-ils non-seulement pour apporter cette bonne nouvelle, mais encore parce qu'ils regardaient comme inutile que Jésus-Christ vînt : ils savaient effectivement que leur maître devait être arrivé; voilà pourquoi ils furent à sa rencontre par le même chemin. Au reste, cet officier cessant de craindre, ouvre son coeur à la foi, pour montrer que c'est son voyage qui lui a procuré le miracle de la guérison de son fils ; il déploie toute sa diligence de peur qu'on ne croie qu'il l'ait fait inutilement; et c'est aussi pour cela qu'il s'informe exactement de tout : « Et il crut, lui et toute sa famille ». Ce témoignage était exempt de tout doute et de tout soupçon. En effet, ses serviteurs, qui n'avaient point été présents au miracle, qui n'avaient point entendu Jésus-Christ, ni su l'heure, ayant appris de leur maître que c'était à cette même heure que lui avait été accordée la guérison de son fils, eurent une preuve très-certaine et très-évidente de la puissance de Jésus-Christ, et voilà pourquoi ils crurent aussi eux-mêmes. Quel enseignement, mes frères, tirerons-nous de là? Que nous, ne devons point attendre des miracles, ni demander au Seigneur des gages de sa divine puissance. Je vois des gens qui font paraître un plus grand amour de Dieu lorsque leurs fils ou leurs femmes ont reçu quelque soulagement dans leur maladie; mais quand bien même nos voeux et nos désirs ne sont point exaucés, il est juste de persévérer toujours dans la prière, de ne pas cesser de chanter des cantiques d'actions de grâces et de louanges. C'est là le devoir des serviteurs fidèles; c'est là ce que doivent au Seigneur ceux qui l'aiment et le chérissent comme il faut; ils doivent, dans la prospérité et dans l'adversité, dans la paix et dans la guerre, toujours également accourir et s'attacher à lui ! Rien, en effet, n'arrive que par l'ordre de sa divine providence : « Car le Seigneur châtie celui qu'il aime, et il frappe de verges tous ceux qu'il reçoit au nombre de ses enfants ». (Hébr. XII, 6.) Celui qui ne le sert et qui ne l'honore que lorsqu'il vit dans la paix et dans la tranquillité, ne donne pas des marques d'un fort grand amour, et ne montre pas qu'il aime purement et sincèrement Jésus-Christ; mais pourquoi parler de la santé, des richesses, de la pauvreté, de la maladie? Quand même vous seriez menacés du feu, des plus cruels et des plus horribles tourments, vous ne devriez pas pour cela cesser un instant de chanter les louanges du Seigneur; mais il vous faudrait tout souffrir pour son amour : tel doit être le fidèle serviteur, telle est une âme ferme et constante. Avec ces dispositions, vous supporterez facilement, mes chers frères, les afflictions et les calamités de la vie présente, vous acquerrez les biens futurs, et vous vous présenterez avec beaucoup de confiance devant le trône de Dieu. Veuille le ciel nous la départir à tous, cette confiance, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire dans tous les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.
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