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CHAPITRE I. Félicitations de ce que ces religieux renouvellent la ferveur qui existait dans les anciens ordres religieux.
1. Les frères du Mont de Dieu portent dans les ténèbres de l'Occident et dans les froids de nos Gaules, la lumière de l'Orient, et l'antique ferveur dont brûlait 1'Egypte pour les pratiques religieuses; je veux dire 1e modèle de la., vie solitaire, et le type d'une vie céleste. Mon âme, allez à leur rencontre dans la joie du saint Esprit, le coeur riant dans la ferveur lie la piété et dans tout le dévouement d'une volonté généreuse. Comment en serait-il autrement? Il faut se réjouir, comme dans un banquet, parce que la portion principale de la religion et de la piété chrétienne, qui paraissait toucher le ciel de plus près, était morte, et voici qu'elle revient à la vie; elle s'était perdue, et voici qu'elle a été retrouvée. Nous l'avions entendu dire, nous ne le croyions pas; nous lisions dans les livres et nous admirions la gloire dont était éclatante la vie des anciens solitaires, sous l'influence de la grâce de Dieu qui l'illustrait avec profusion, quand soudain, nous l'avons retrouvée dans les champs de la forêt, sur le Mont de Dieu, sur la montagne riche et heureuse : c'est là que le désert brille de toute la beauté de ses richesses; et que les collines sont entourées de joie. C'est là que par vous se montre, et quen vous se fait voir, cette vie cachée, jusqu'à ce jour, et qui apparaît en quelques personnes simples : celui qui la fait briller en vous, c'est celui-là même qui, par le ministère de quelques apôtres grossiers, subjugua le monde, au grand étonnement du monde lui-même. Encore que le Seigneur ait réalisé bien des prodiges grands et divins, celui pourtant qui brilla au-dessus de tous les autres, et qui les illustra, c'est que, connue nous venons de le dire, par le ministère de quelques personnes grossières et simples, le Seigneur soumit à son joug tout le monde, et tout l'orgueil de la sagesse du siècle : ce que, de nos jours aussi; il a commencé d'opérer en vous. Il en est ainsi, ô Père, il en est ainsi, parce que cela vous a paru bon. (Matth. XX1 et Luc. XX.) Tout cela, vous l'avez caché aux sages et aux prudents de ce siècle, et vous l'avez révélé aux petits. Ne craignez donc point, faible troupeau, mais soyez remplis de confiance, parce qu'il a plu au Père de vous donner un royaume. (Luc. XII, 32.) 2. Considérez, mes frères, considérez votre vocation. (I. Cor. I, 26.) Où est le sage entre vous? où est celui qui sait écrire? où est celui qui recherche le siècle?Car, bien qu'il y en ait parmi vous plusieurs qui soient instruits, c'est pourtant par le moyen des simples qu'a rassemblé les sages, celui qui jadis, par des pécheurs, soumit les rois et les philosophes. Laissez donc, laissez le sage de ce siècle, ceux qui sont remplis de son esprit, qui cherchent les choses élevées et qui lèchent la terre, laissez-les descendre dans l'enfer avec leur sagesse. Pour vous, pendant que l'on creuse une fosse pour le pécheur, rendez-vous insensés pour Dieu comme vous avez entrepris de l'être ; par la folie du Seigneur qui est meilleure que toute la sagesse des hommes, et à la suite du Christ, apprenez ainsi le moyen de monter au ciel. Car déjà votre simplicité excite le zèle de plusieurs; votre pauvreté très-grande et très-suffisante confond déjà la cupidité d'un grand nombre; votre vie, retirée dans le silence, inspire à certains l'horreur de tout ce qui fait, ou parait faire du bruit. S'il est donc quelque consolation dans le Christ, s'il est quelque soulagement de charité, quelque société dans le même esprit, quelque sentiment de miséricorde, remplissez non-seulement ma joie, mais encore celle de tous ceux qui craignent le nom du Seigneur : que par la variété de ce vêtement brillant de l'or de cette sagesse qui siège, comme une reine, à la droite de l'époux, que par votre zèle, que par votre ferveur, ces saints débuts deviennent recommandables aux yeux de tous, pour la gloire de Dieu, pour votre grande récompense, et pour la joie des bons. 3. Je parle de nouveauté, à cause des langues envenimées des méchants. (Que Dieu vous mette à l'abri de leurs atteintes en vous cachant dans le secret de sa face.) Les hommes pervers, ne pouvant obscurcir l'éclat manifeste de la vérité, tirent leurs arguties du seul mot de nouveauté; ce sont eux qui sont vieux, et, dans leur esprit vieilli, ils ne savent point méditer les choses nouvelles; outres anciennes, ils ne peuvent recevoir le vin nouveau qui les ferait crever. Mais votre nouveauté n'est point une vanité nouvelle. Ce genre de vie, c'est l'antique profession religieuse, la piété parfaitement fondée en Jésus-Christ, l'héritage. de l'Église de Dieu venue des jours anciens, montrée dès l'époque des Patriarches, établie et innée en saint Jean Baptiste, (Matth. III, 1.) pratiquée très-fidèlement par le Seigneur lui-même, désirée en sa présence par ses disciples eux-mêmes. Quand ceux qui étaient avec lui sur la montagne sainte eurent vu la gloire de sa transfiguration, soudain, Pierre ravi en cela et ne sachant ce qu'il disait, parce qu'à l'aspect de la majesté de Dieu, il parut comprendre le bien commun de tous dans Son bien particulier; mais très-présent à lui même et parfaitement éclairé sur ce qu'il disait en cet autre sens, qu'ayant goûté la suavité du Seigneur, il jugea très-bon de la savourer toujours, il souhaita de mener cette vie dans le voisinage de Dieu et près des habitants du ciel qu'il avait vais avec Jésus, et s'écria : « Il fait bon être ici. Si vous le voulez, faisons-y trois tentes, une pour vous, une pour Moise et une pour Elie. » (Matth. XVII, 4.) S'il avait été exaucé, il lui aurait fallu ensuite faire trois autres tentes, une pour lui, une pour Jacques, une pour Jean. 4. Après la passion du Seigneur, le souvenir récent de son sang fraîchement répandu, échauffant encore le coeur des fidèles, les déserts se remplirent d'âmes qui choisissaient cette vie solitaire, qui pratiquaient la pauvreté de l'esprit et qui employaient leur riche repos en se livrant, avec un zèle mutuel, aux exercices spirituels, et à la contemplation des grandeurs du Seigneur. Parmi eux nous trouvons les Paul, les Macaire, les Antoine, les Arsène et d'autres personnages consulaires, dans cette sainte république de vie consacrée à Dieu, moins brillants dans la cité de Dieu, nobles triomphateurs qui avaient emporté la victoire sur le siècle, sur le prince de ce monde, sur leur corps, et s'étaient illustrés dans le soin de leur âme et dans le service de leur divin maître. Qu'ils se taisent donc ces hommes qui dans les ténèbres jugent de la lumière, qui dans l'excès de leur mauvaise volonté, tous accusent de nouveauté : ils méritent bien plutôt, eux, le reproche de vieillerie et de vanité. A l'exemple du Seigneur, vous aure2 toujours des hommes qui vous loueront, et des hommes qui vous blâmeront. Détournez-vous de ceux qui vous adressent des éloges, ils ont en eux la disposition qui leur fait aimer le bien en vous': ne faites pas attention à ceux qui vous blâment, et priez pour eux. Et oubliant ce qui est en arrière, laissant les scandales qui sont placés à droite et à gauche le long de votre route, élancez-vous à ce qui est en avant. Si vous voulez, sur chaque point, répondre à ceux qui vous louent, argumenter avec ceux qui vous blâment, vous perdrez le temps, et ce n'est pas une perte mince dans une vie sainte. Qui s'attarde en allant de la terre au ciel, encore que rien ne le retienne, éprouve un grand dommage.
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