PSAUME CXXIII
Précédente Accueil Remonter Suivante


rte de l'église 38 - CH-1897 Le Bouveret (VS)

Accueil
Remonter
PSAUME CXIX
PSAUME CXX
PSAUME CXXI
PSAUME CXXII
PSAUME CXXIII
PSAUME CXXIV
PSAUME CXXV
PSAUME CXXVI
PSAUME CXXVII
PSAUME CXXVIII
PSAUME CXXIX
PSAUME CXXX

DISCOURS SUR LE PSAUME CXXIII.

SERMON AU PEUPLE.

LA DÉLIVRANCE.

 

 

 

L’Eglise chante sa délivrance, ou des persécutions par la bouche des martyrs, ou des dangers de la vie présente par la bouche de tout chrétien qui meurt en Dieu. Elle a ses espérances du ciel lesquelles sont la vérité ou le Verbe en Dieu, ici-bas la voie qui y conduit ou le Verbe fait homme. En jetant un coup d’oeil sur les obstacles, ces bienheureux s’écrient : Si le Seigneur n’eût été avec nous Combien de difficultés de la part des hommes, et ces hommes ont succombé ; mais si Dieu n’eût été avec nous, ils nous eussent dévorés tout vivants. L’Eglise, pour nous absorber, tue en nous les inclinations mondaines, afin de nous faire ce que nous n’étions pas, et nous sommes mangés par la foi en Dieu. Etre dévoré tout vivant, c’est connaître la vanité de l’idolâtrie, et néanmoins offrir de l’encens aux idoles ; ou nous laisser détourner de Dieu par les langues trompeuses. La victoire nous vient par celui qui a vaincu le monde. Par lui nous traversons les eaux qui nous eussent absorbés. Les eaux sont celles du torrent, ou de la persécution qui ne doit durer qu’un moment. C’est là qu’a bu notre Chef qui est dans le ciel. Il est à peine croyable que nous ayons pu franchir cette eau, appelée eau sans substance, parce qu’elle est l’eau du péché ; et par le péché nous dissipons notre substance comme le prodigue. Elle est sans substance encore, parce qu’elle nous dépouille des biens réels. Le Seigneur seul est la véritable substance ; seul il nous fait échapper aux amorces de la vie, comme l’oiseau aux pièges du chasseur.

 

1. Vous savez, mes frères bien-aimés, qu’un cantique des degrés n’est autre que le cantique de noire ascension, et que cette ascension ne se fait point avec nos pieds, tamis par les élans du coeur. Nous vous l’avons dit souvent, et nous n’en parlerons plus, afin de nous occuper de ce qui n’a pas encore été dit. Donc, le psaume que vous venez d’entendre est intitulé « Cantique des degrés». Tel est son titre, et il est chanté par ceux qui montent, lesquels chantent souvent comme chanterait un seul, et souvent comme plusieurs; car plusieurs ne font qu’un, puisqu’il n’y a qu’un seul Christ, et que tous les membres ne font en Jésus-Christ et avec Jésus-Christ qu’un même corps, et de tous ces membres, la tête est au ciel. Le corps souffre encore sur la terre, et n’est pas néanmoins séparé de la tête, qui veille d’en haut sur le corps et le préserve. S’il ne veillait sur ce corps, il n’eût point crié à Saut qui le persécutait, et n’était point encore Paul: « Saul, Saul, pourquoi me persécuter 1? » Vous savez tout cela, on vous en a souvent parlé. Et toutefois, que le souvenir de ces paroles ne fatigue point ceux qui ne les ont point oubliées, afin que, grâce à leur patience, elles puissent revenir à la mémoire de ceux qui les avaient perdues. Ce sont des paroles salutaires, et qu’il faut souvent répéter. Qu’il n’y ait donc en notre psaume qu’un

 

1. Act. IX, 4.

 

seul interlocuteur, ou qu’il y en ait beaucoup; plusieurs ensemble ne forment qu’un seul homme, et se rangent dans l’unité, et le Christ n’est qu’un, avons-nous dit, et tous les chrétiens sont les membres du Christ.

2. Dès lors, que chantent ceux-ci? Que chantent ces membres du Christ? Car ils aiment, et c’est par amour qu’ils chantent, c’est l’amour qui chante en leurs transports. Parfois, la douleur les fait chanter, et parfois l’allégresse, quand ils chantent leurs espérances. Car nos tribulations ne sont que pour cette vie, et notre espérance est pour le siècle à venir; et si l’espérance du siècle futur ne nous soutenait dans les maux de cette vie, nous péririons sans ressource. Donc, mes frères, notre joie n’est point réelle encore, mais elle entre déjà en espérance; or, cette espérance est aussi certaine que si nous jouissions déjà de la réalité. Nous n’avons, en effet, rien à craindre quand c’est la vérité qui nous fait des promesses. Car la vérité ne peut ni se tromper, ni tromper les autres; il nous est bon de nous y attacher, puisqu’elle nous délivre si nous demeurons fermes dans sa parole. Nous croyons maintenant, nous verrons alors; avec la foi, notre espérance est en ce bas monde; avec la claire vue, nous aurons la réalité dans le siècle à venir. « Nous verrons Dieu face à face 1». Et nous le verrons face

 

1. Cor. XIII, 12.

 

38

 

à face quand nos coeurs seront purifiés. « Bienheureux ceux dont le coeur est pur, parce qu’ils verront Dieu 1 ». Or, comment nos coeurs seront-ils purifiés, sinon par la foi, selon cette parole de saint Pierre dans les Actes des Apôtres : « C’est par la foi qu’il purifie leurs coeurs 2 ». Et la foi purifie nos coeurs afin de les disposer à la claire vue. Car nous vivons dans la foi, et non dans la claire vue, comme dit l’Apôtre : « Tant que nous sommes dans un corps, nous sommes éloignés du Seigneur». Qu’est-ce à dire, « nous sommes éloignés?» « Car nous marchons dans la foi», ajoute le même Apôtre, et non dans la claire vue 3 ». Donc, celui qui est dans l’exil, qui marche dans la foi, n’est point encore dans sa patrie, il est seulement dans la voie qui y conduit; tandis que l’homme qui n’a pas la foi n’est ni dans la patrie, ni dans la voie pour y arriver. Marchons, dès lors, comme si nous étions dans la voie, parce que le roi de cette patrie en est lui-même devenu la voie. Le roi de notre patrie est Notre-Seigneur Jésus-Christ. C’est là qu’est la vérité, ici-bas est la voie. Où allons-nous? A la vérité. Par où y aller? Par la foi. Où allons-nous? Au Christ. Par où y aller? Par le Christ qui, lui-même, nous a dit: « Je suis la voie, la vérité et la vie 4 ». Or, auparavant, il avait dit à ceux qui croyaient en lui : « Si vous demeurez en ma parole, vous serez véritablement nies disciples, et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous délivrera 5». Vous connaîtrez la vérité, nous dit le Sauveur, mais à la condition de demeurer dans ma parole. Dans quelle parole? « Dans la parole de foi que nous prêchons 6 », a dit l’Apôtre. Tout d’abord donc, c’est la parole de la foi, et si nous y demeurons, nous connaîtrons la vérité, et la vérité nous délivrera. La vérité est immortelle, la vérité est immuable, la vérité, c’est le Verbe dont il est dit : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ». Et qui peut voir cela, sinon l’homme au coeur pur? Qu’est-ce qui purifie nos coeurs? « Et le Verbe s’est fait chair, et il a demeuré parmi nous 7 ». Le Verbe donc, demeurant en soi, est la vérité vers laquelle nous nous dirigeons; mais ce Verbe de la foi que l’on prêche, et dans lequel Dieu nous ordonne de demeurer,

 

1. Matth. V, 8. —  2. Act. XV, 9. —  3. II Cor. V, 6. 7. — 4. Jean, XIV, 6. — 5. Id. VIII, 31, 32. — 6. Rom, X, 8. — 7. Jean,  I, 1, 14.

 

afin de connaître la vérité, c’est le Verbe fait chair et qui a demeuré parmi nous. Tu crois d’abord au Christ né dans sa chair, et tu arriveras au Christ né de Dieu, et Dieu en Dieu.

3. C’est donc avec transport que se chantent les psaumes que nous lisons; les membres du Christ chantent notre psaume dans leur allégresse. Mais qui peut se réjouir sinon dans l’espérance, comme nous l’avons dit? Que notre espérance soit donc ferme, et chantons avec joie. Car tous ceux qui chantent ne nous sont point étrangers, autrement ce psaume ne serait point le cri de notre âme. Ecoutez donc, comme si vous vous entendiez vous-mêmes ; écoutez comme si vous vous regardiez dans le miroir des Ecritures. Quand vous prenez le miroir des Ecritures, votre face en devient plus sereine; et quand la joie de l’espérance te montrera que tu ressembles à plusieurs membres du Christ qui ont chanté ce psaume, toi-même tu seras parmi ces membres, et tu le chanteras à ton tour. Pourquoi donc ceux qui chantent le font-ils avec joie? Parce qu’ils ont échappé au péril. Donc, l’espérance les fait chanter. Tant que nous sommes ici-bas, et comme étrangers, nous ne sommes pas délivrés. Sans doute, quelques membres de ce corps auquel nous appartenons nous ont précédés, et peuvent chanter en toute vérité. Les martyrs ont chanté ce cantique, ils sont délivrés et tressaillent avec le Christ, qui leur redonnera incorruptibles ces mêmes corps qu’ils ont eu dans la corruption, et dans lesquels ils ont tant souffert: ils seront pour eux des ornements de justice. Soit donc que les martyrs chantent ce cantique dans la réalité de leur bonheur, soit que nous le chantions par l’espérance, et que nous unissions nos transports à leurs couronnes, en soupirant après cette vie que nous n’avons pas et que nous ne pourrons avoir, si nous ne l’avons désirée ici-bas, chantons avec eux et disons : « Si le Seigneur n’eût pas été avec nous 1 ». Voilà qu’ils ont jeté les yeux sur les quelques tribulations qu’ils ont endurées, et du lieu de bonheur et de sûreté où ils sont établis, ils regardent par où ils ont passé, et où ils sont arrivés; et comme il était difficile d’échapper à tant de maux sans la main du libérateur, ils redisent avec joie: « Si le Seigneur n’eût été

 

1. Ps. CXXIII, 1.

 

39

 

avec nous ». Tel est le commencement de leur cantique; ils n’ont point dit encore d’où

ils sont délivrés, tant est grande leur joie : « Si le Seigneur n’eût été avec nous ».

4. « Qu’Israël dise maintenant : Si le Seigneur n’eût été avec nous 1 ». Qu’il le dise, maintenant qu’il est délivré. Le Psalmiste, en effet, nous met sous les yeux ceux qui se délivrent, ou plutôt ceux qui sont délivrés. Que notre coeur nous les montre comme triomphants, et nous-mêmes avec eux, ainsi qu’il est dit dans le psaume précédent: « Nos pieds étaient affermis dans les parvis de Jérusalem ».Ils n’y étaient point encore arrivés, mais ils étaient sur la voie ; et telle était leur joie et leur précipitation, telle était leur espérance d’arriver, que même en chemin et sous le poids du labeur, ils s’y croyaient déjà établis. De même représentons-nous ce futur triomphe du siècle à venir, lorsque nous insulterons à la mort déjà vaincue, déjà détruite, et que nous lui dirons : « Où donc, mort, est ton empire? Où donc, mort, est ton aiguillon 3? » alors que nous serons unis aux anges, et que nous triompherons avec notre roi, qui a voulu ressusciter le premier, quoiqu’il ne soit point mort le premier de tous. Car beaucoup sont morts avant lui, et toutefois, nul avant lui n’est ressuscité pour la vie éternelle. En triomphant donc avec lui, établis avec lui de coeur et d’espérance, parce que nous sommes délivrés, pensons à cette délivrance, aux scandales, aux tribulations du monde, aux persécutions si nombreuses des païens, aux fourberies des hérétiques, aux suggestions du diable, au combat si opiniâtre des passions. Qui pourrait échapper à tout cela, « si le Seigneur n’eût été avec nous? Qu’Israël dise maintenant» ; car Israël peut le dire en sûreté: « Si le Seigneur n’eût été avec nous ». Quand? « Lorsque les hommes s’élevaient contre nous». Ces hommes ont été vaincus; ne t’en étonne pas, ô chrétien, ils étaient des hommes; mais ce n’était pas un homme qui était avec nous, c’était le Seigneur ; et des hommes s’élevaient contre nous. Toutefois, des hommes pourraient opprimer d’autres hommes, si ces hommes qu l’on n’a pu opprimer n’eussent eu avec eux non pas un homme, mais le Seigneur même

5. Donc, « si le Seigneur n’eût été avec nous, quand les hommes s’élevaient contre

 

1. Ps. CXXIII, 2. — 2. Id. CXXI, 2. — 3. I Cor. XV, 55.

 

 Nous ». Qu’eussent pu faire contre vous les hommes, quand vous chantiez avec allégresse, et que vous aviez l’assurance de la vie éternelle? Que vous eussent fait les hommes en s’élevant contre vous, si le Seigneur n’eût été avec vous? « Peut-être nous eussent-ils dévorés tout vivants 1» Dévorés tout vivants! sans même vous tuer pour vous dévorer ensuite! O cruauté! ô barbarie! Ce n’est pas ainsi qu’en use l’Eglise; il fut dit à Pierre: « Tue et mange 2»; mais non: Dévore-les tout vivants. Comment donc Pierre ou l’Eglise peut-il tuer et manger? Et comment ceux qui se sont élevés contre nous nous eussent-ils dévorés tout vivants, si le Seigneur n’eût été avec nous? Parce que nul n’entre dans le corps de l’Eglise sans mourir tout d’abord. Il meurt à ce qu’il était, ,afin d’être ce qu’il n’était pas. Autrement l’homme qui ne meurt point, qui n’est point ainsi mangé par l’Eglise, peut bien faire partie de ce peuple que l’on voit des yeux, mais faire partie de ce peuple qui est connu de Dieu, et dont l’Apôtre a dit: « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent 3»; il ne le peut s’il n’est mangé, et il ne saurait être mangé si tout d’abord il n’est tué. Voilà un païen qui vit encore dans l’idolâtrie, et qui veut être admis parmi les membres du Christ. Pour y entrer, il doit être mangé; mais s’il n’est tué d’abord, l’Eglise ne saurait le manger. Pour lui, renoncer au siècle, c’est mourir; et croire en Dieu, c’est être mangé. Comment donc nos adversaires nous eussent-ils dévorés tout vivants, si le Seigneur n’eût été avec nous? Il s’éleva jadis contre l’Eglise de nombreux persécuteurs, et il n’en manque pas aujourd’hui encore. Ils s’élèvent les uns après les autres, et souvent ils absorbent tout vivants ceux-là toutefois qui n’ont point le Seigneur avec eux. C’est pourquoi nos interlocuteurs ont dit avant tout : « Si le Seigneur n’eût été avec nous»; car il en est beaucoup qui sont dévorés, parce qu’ils n’ont point le Seigneur avec eux. Voilà ceux qui sont absorbés tout vivants, qui connaissent le mal, et y consentent par leur langage. Il s’est donc élevé certains persécuteurs, qui ont dit aux hommes Offrez de l’encens aux idoles, ou bien la mort. Ceux-ci, aimant la vie, cédèrent aux douceurs qu’ils y trouvaient, et ne mirent pas les promesses de Dieu au-dessus de tout ce qu’ils goûtaient sur la terre. On leur ordonnait de

 

1. Ps. CXXIII, 3. —  2. Act. X, 13. — II Tim. II, 19.

 

40

 

croire en ce qu’ils ne voyaient pas encore, taudis qu’ils voyaient ce qu’ils aimaient. Alors, s’attachant davantage à ce qu’ils voyaient, ils ont banni Dieu de leurs coeurs; et comme le Seigneur n’était point en eux, ils ont été dévorés tout vivants. Qu’est-ce à dire, dévorés tout vivants? En offrant de l’encens à des idoles, quand ils savaient que l’idole n’est rien. Car, s’ils eussent cru que l’idole fût quelque chose, ils eussent été morts avant d’être absorbés ; mais croire que l’idole n’est rien, que le culte des Gentils n’est qu’une folie, c’est vivre; et quand néanmoins ils obéissent aux injonctions des persécuteurs, ils sont absorbés tout vivants. Mais ils sont absorbés tout vivants, précisément parce que le Seigneur n’était pas avec eux. Ceux en qui habite le Seigneur peuvent bien être tués, mais ne meurent point. Ceux qui, après avoir consenti à ces sacrilèges, vivent encore, sont absorbés tout vivants, et, une fois absorbés, ils meurent. Ceux, au contraire, qui souffrent sans succomber à la violence, tressaillent et disent : « Qu’Israël chante maintenant », qu’il chante dans sa joie, qu’il chante avec sécurité : « Si le Seigneur n’eût été avec nous, quand les hommes se soulevaient contre nous, peut-être nous eussent-ils dévorés tout vivants ».

6. « Quand leur fureur s’allumait contre nous ». Vous savez, mes frères, que dans un des psaumes précédents, à l’entrée même de ces cantiques des degrés, un homme, qui commençait à monter, demandait du secours contre la langue trompeuse, et s’écriait : « Seigneur, délivrez mon âme des lèvres injustes et de la langue trompeuse 1 ». Quand un homme, en effet, commence à s’élever et à faire des progrès, au premier pas il rencontre les langues trompeuses, caressantes pour le perdre, caressantes pour lui persuader le mal:

Que fais-tu, lui dit-on? Pourquoi vivre de la sorte? Ne peut-on vivre autrement? Ne peut-on autrement servir Dieu? Tu es le seul pour vouloir être ce que les autres ne sont point. Mais si tu en trouves pour vivre comme toi, que dit alors cette langue flatteuse et fourbe? Ceux-là ont pu, il est vrai; mais toi, pourras-tu? Tu entreprends pour abandonner ensuite; mieux vaudrait ne rien entreprendre, que perdre courage après avoir commencé. Langue trompeuse, et flatteuse jusque-là. Mais si la fermeté vient à déjouer ses flatteries

 

1. Ps. CXIX, 2-4.

 

artificieuses, elle prend le ton de la violence ouverte : elle te flattait pour te séduire , elle va menacer pour t’entraver. Mais site Seigneur est en toi, si dans ton coeur tu n’as pas abandonné le Christ, de même que tu as vaincu les langues trompeuses,avec tes flèches aiguës, tes charbons dévorants, c’est-à-dire par les paroles de Dieu qui avaient transpercé lori coeur, par les exemples des justes qui, de la mort sont revenus à la vie, du péché à la justice, comme des charbons éteints qui se rallument : de même qu’au moyen de flèches et de charbons dévorants tu as pu vaincre ces trompeurs séduisants, ces flatteurs artificieux, de même tu vaincras ces hommes violents, qui ont recours à la menace après avoir échoué dans les séductions. Vaincus dans leurs flatteries, qu’ils soient aussi vaincus dans leurs menaces. Mais comment les vaincre, « si le Seigneur n’est avec nous?» Evidemment ce n’est point toi qui peux vaincre, mais Celui qui est en toi. Tu portes dans ton cœur un tel capitaine, et tu serais vaincu ? N’est-ce point Celui qui est en toi qui a dit : « J’ai vaincu le monde 1? » N’a-t-il pas le premier vaincu le diable en mourant, parce qu’il était toujours supérieur à toute créature, puisque le Verbe est Dieu en Dieu? Pourquoi cette victoire, sinon pour t’apprendre à combattre le diable? Et néanmoins, bien que tu saches déjà, tu seras vaincu si tu n’as en toi Celui qui le premier a vaincu pour toi. « Si le Seigneur n’eût,été avec nous, quand les hommes se soulevaient contre nous, peut-être nous eussent-ils dévorés tout vivants. Quand leur colère s’allumait contre nous » ; voilà des colères, des violences ouvertes. « Peut-être l’eau nous eût-elle submergés 2 ». Cette eau désigne les peuples pécheurs; la suite va nous montrer quelles sont ces eaux, car elles eussent englouti quiconque aurait consenti aux suggestions des hommes. Il fût mort comme les Egyptiens sans pouvoir traverser comme les Israélites. Vous savez, mes frères, que le peuple d’Israël traversa les eaux, et que ces mêmes eaux engloutirent le peuple égyptien 3. «L’eau nous eût engloutis », dit le Prophète.

7. Mais quelle est- cette eau? C’est un torrent qui s’élance avec impétuosité, mais qui passera. On appelle torrents ces courants que grossissent tout à coup les pluies de l’hiver,

 

1. Jean, XVI, 33. —  2. Ps. CXXIII, 4. — 3. Exod. XIV, 22-29.

 

41

 

qui s’élancent avec fracas, entraînent celui qu’ils rencontrent, mais en qui n’est pas le Seigneur; pour l’homme, en effet, qui a en lui le Seigneur, son âme traverse le torrent. Ce torrent coule encore, mais l’âme des martyrs l’a déjà traversé. Ce torrent est toujours torrent, tant qu’il roule des hommes par la naissance et par la mort : de ce torrent viennent les persécutions. C’est là qu’a bu, le premier, notre chef dont il est dit dans un psaume : « Il  boira, en chemin, de l’eau du torrent 1».C’est des eaux de ce torrent, qui désigne le peuple persécuteur, qu’a -bu celui qui dit à ses disciples : « Pouvez-vous boire du calice que je boirai moi-même 2 ? Il  « boira en chemin de l’eau du torrent ». Qu’est-ce à dire, « boire en chemin ? » Boire en passant, et sans s’arrêter. Il a bu en chemin, sans doute, parce qu’il est dit de lui : « Il ne s’est point arrêté dans la voie des pécheurs 3 ». Il a bu en passant. Que dit ensuite le Prophète ? « C’est pour cela qu’il élèvera la tête. Il a bu en chemin de l’eau du torrent, aussi  élèvera-t-il la tête ». Déjà notre chef est élevé, parce qu’il a bu en chemin de l’eau du torrent; car Notre-Seigneur a souffert. Si donc la tête est dans les cieux, comment le corps peut-il redouter le torrent? Parce que la tête est élevée, le corps dit sans hésitation : « Notre âme a franchi le torrent ; notre âme aurait-elle peut-être franchi des eaux sans substance 4?» Telle est l’eau dont le Prophète a dit: « Les eaux nous eussent peut-être submergés». Mais qu’est-ce que cette eau sans substance ? Que signifie « sans substance ? »

8. Et d’abord, pourquoi ce « peut-être? »« Notre âme aurait-elle peut-être franchi des eaux sans substance? » Les latins ont rendu comme ils ont pu, par forsitan, le mot ara des Grecs. On trouve, en effet, dans les exemplaires grecs, l’expression ara, qui marque un doute, et que l’on a voulu rendre par fortasse, qui ne la rend point complètement. Nous pouvons l’exprimer par un mot qui n’est pas latin, mais qui peut aider vos intelligences. Ce que les Carthaginois expriment par jar, non pour signifier le bois, mais le doute, les Grecs l’expriment ara, et les Latins par Putas, penses tu; ainsi : Penses-tu que j’aie franchi ? Mais en disant: Forsitan evasi, peut-être ai-je franchi, on n’exprime pas le même sens; et toutefois le putas qui est familier, n’est point

 

1. Ps. CIX, 9.— 2. Matth. XX, 22.— 3. Ps. I, 1.—  4. Id. CXXIII, 5.

 

latin. J’ai pu, néanmoins, l’employer en vous parlant; car souvent j’emploie des termes qui ne sont pas latins, afin d’aider votre intelligence. Ou n’a pu mettre cette expression dans l’Ecriture, parce qu’elle n’est pas latine, et le latin se trouvant en défaut, on a pris une expression qui n’avait pas le même sens. Voici donc comme il faut comprendre : Notre âme aurait-elle bien pu franchir une eau sans-substance? Pourquoi ce putas douteux? Parce que la grandeur du péril rend ce passage à peine croyable. Ils ont enduré de grands tourments, fait face à d’effroyables périls. Ilsont été pressés de telle sorte, que peu s’en est fallu qu’ils ne succombassent pendant leur vie, qu’ils ne fussent absorbés tout vivants. Mais quand enfin ils sont échappés-, quand ils sont en sûreté, ils disent au souvenir de ces dangers:

«Notre âme a-t-elle bien pu traverser cet abîme sans fond? »

9. Quelle est cette eau sans substance, sinon l’eau sans substance des péchés? Car les péchés n’ont aucune substance. Ils ont la pauvreté, mais aucune richesse, aucune substance; l’indigence, mais aucune substance. C’est dans cette eau sans substance que le plus jeune des deux fils dissipa tout son bien. Car-, vous le savez, il s’en alla et dit àson père : « Donnez-moi la portion de la substance qui me revient ». Pourquoi demander ? Elle est mieux conservée entre les mains de ton père; elle est à toi, et tu veux la dissiper, tu veux t’en aller au loin. «Donnez-moi», oui, «donnez-moi ». Et le père la lui donna. Puis il s’en alla dans un pays lointain et prodigua toute sa substance en vivant avec des prostituées ; puis il demeura pauvre, fit paître les pourceaux, et dans son indigence se ressouvint des richesses de son père 1. Sans l’indigence qui le saisit, il n’eût pas désiré d’être rassasié de ces biens. Que tous donc considèrent leurs péchés, et voient si ces péchés ont une véritable substance. Pourquoi le pécheur a-t-il irrité Dieu 2? Si tu ne vois ta faute avant de la commettre, vois-la du moins quand elle est commise. La douceur de cette vie a maintenant quelque attrait, et plus tard elle se changera en une grande amertume. Voilà que tu as commis une faute, et cette faute a produit un gain. Qu’est-ce que ce gain que tu as fait? Pour faire un gain, tu as offensé Dieu. Pour accroître tes

 

1. Luc, XV, 2-17. —  2. Ps. IX, 13.

 

42

 

possessions, ta foi était en baisse, et ton or en hausse. Qu’as-tu perdu, et qu’as-tu gagné? Ce que tu as gagné s’appelle de l’or, ce que tu as perdu s’appelle la foi : compare ta foi à l’or; si la foi se vendait sur les marchés, quel prix la ferait-on? Ta pensée est occupée de tes gains, et non de tes pertes ? Ton coffre te réjouit, ton coeur ne s’afflige point ? Tu vois je ne sais quoi de plus dans ton coffre, mais vois quelle diminution dans ton coeur. En ouvrant ton coffre, tu y trouves un argent qui n’y était pas. C’est bien, tu te réjouis d’y voir ce qui n’y était point. Mais ouvre le coffre de ton coeur, la foi y était, elle n’y est plus. Si tu te réjouis d’une part, pourquoi ne pas pleurer d’autre part? Tu as perdu beaucoup plus que tu n’as gagné. Veux-tu voir ce que tu as perdu? le naufrage même n’eût pu te l’enlever ; car plusieurs ont perdu leur fortune dans la mer et en sont sortis dépouillés. Beaucoup firent naufrage avec Paul 1 :ceux qui aimaient le monde firent naufrage, et tout fut perdu pour eux ; ils perdirent ce qu’ils avaient d’extérieur, et ils trouvèrent vide jusqu’au tabernacle de leur coeur. Mais Paul portait dans son coeur l’héritage de sa foi que nul flot, nulle tempête ne pouvait lui enlever; il s’en alla dépouillé, et néanmoins il s’en allait riche. Telles sont les richesses qu’il nous faut chercher. Mais je ne les vois point, me dis-tu. Ame en délire, tu ne les vois point des yeux de la chair, mais aie l’oeil du coeur et tu les verras. Tu ne vois point la foi, dis-tu ? Pourquoi donc la vois-tu dans un autre? Pourquoi donc pousser des cris quand on te manque de foi, si tu ne vois pas la foi ? Qu’on te manque de foi, tu cries. Si donc tu l’exiges des autres, tu as des yeux pour la voir, tu n’en a plus dès qu’on l’exige de Loi ? Oui, si tu te récries, quand un homme est parjure à ton égard, pleure aussi d’être parjure à l’égard d’un autre. Comprends alors que la faute quetu commets est aussi sans substance. Car il n’y a nulle substance dans tout ce que l’on acquiert par le péché, et cela même ne s’acquiert pas. Celui-là a de l’or, qui sait en user; mais l’homme qui ne sait point en user, est plus tenu qu’il ne tient, plus possédé qu’il ne possède. Soyez maîtres, et non esclaves de votre or; car, Dieu qui a fait l’or, t’a fait aussi supérieur à l’or ; il a fait l’or pour tes besoins, et toi à son image. Vois ce

 

1. Act. XXVII, 41.

 

qui est au-dessus de toi, afin de fouler aux pieds ce qui est au dessous. Où est donc ton acquisition ? Veux-tu voir que c’est une eau sans substance? Emporte avec toi dans la tombe ce que tu as acquis. Que vas-tu faire? Tu as acquis de l’or et perdu la foi; dans peu de jours tu sortiras de cette vie, et tu ne saurais emporter avec toi cet or acquis au détriment de ta foi; ton coeur sans foi s’en va au supplice, lui qui, plein de foi, s’en irait au triomphe. Ce que tu as fait n’est donc rien, et pour ce rien tu as offensé Dieu. Elle est donc sans substance, l’eau qui t’a submergé. Que revient-il au pécheur d’avoir irrité Dieu ? Qu’ils soient confondus ceux qui commettent vainement l’injustice 1. Car nul ne commet l’injustice sans la commettre en vain; et nul n’y pense.

10. Cependant les hommes s’en vont, ils écoutent ce proverbe vulgaire, tandis que les proverbes de Dieu les endorment. Quel est ce proverbe qu’ils écoutent ? Mieux vaut tiens, que tu l’auras. Insensé, que tiens-tu donc? Mieux vaut tenir, dis-tu; tiens donc, mais de manière à ne point perdre ; et dis alors Mieux vaut tenir. Mais si tu ne tiens pas de la sorte, pourquoi ne pas tenir ce que tu ne saurais perdre ? Que tiens-tu? De l’or. Tiens-le donc bien, et qu’on ne te l’enlève pas malgré toi. Mais si ton or t’entraîne où tu ne veux pas aller, et qu’alors un larron plus fort en cherche un moins fort que lui, te voilà sous la griffe de l’aigle, parce que tu as tout d’abord pris un lièvre; tu as fait ta proie d’un moins fort, et tu deviens la proie d’un idus fort, Voilà ce que ne voient point les hom mes, tant la cupidité les aveugle. Chose étonnante, mes frères, que ne voient q u’avec horreu r ceux qui la considèrent ! Le plus fort cherche le plus faible, et n’a d’autre raison de l’opprimer que le bien qu’il peut lui enlever; il voit dans quelles tortures il le met, sans autre motif que les richesses que celui-ci possède, et il s’approprie ce bien qu’il voit être pour l’autre la cause de ses douleurs. Il ne considérait rien de tout cela pendant qu’il le persécutait. Cet homme s’enfuyait, il était dans l’angoisse, il était dans la crainte, il ne savait où se cacher; et pourquoi endurait-il ces maux, sinon parce qu’il avait des richesses? Qu’il t’apprenne du moitis ce que tu dois faire ; car ce bien qui a été son tourment, et

 

1. Ps. XXIV, 4.

 

43

 

pour lequel tu l’as persécuté, va te tourmenter aussi, par la crainte qu’un autre persécuteur ne le ravisse. Tu considères combien cet homme est riche ; mais si tu le poursuis parce qu’il est riche, crains à Ion tour de t’enrichir, de peur d’être la proie d’un autre. Tout cela est donc vain. Cherches-en la fin, tu ne verras que ténèbres ; cherche la cause, et tu ne trouveras rien.

11. Que ceux-là donc se réjouissent, qu’ils tressaillent dans le Seigneur, ceux qui disent: « Notre âme a traversé une eau sans substance», et qu’ils recouvrent leur substance. Ils l’ont perdue en vivant dans la profusion, mais leur père en est-il appauvri ? Qu’ils reviennent, et ils retrouveront près de lui ces richesses qu’ils ont dissipées au loin avec les prostituées ; qu’ils échappent à l’eau sans substance et qu’ils disent: « Béni soit le Seigneur qui ne nous a pas livrés à leurs dents comme une proie 1». Nos persécuteurs étaient des chasseurs qui avaient couvert leurs piéges d’un appât. De quel appât? Des plaisirs de cette vie, afin que ces plaisirs nous fissent donner tête baissée dans l’iniquité, et prendre aux pièges. Mais ce ne sont point ces hommes, en qui était le Seigneur, ceux qui disaient : « Si le Seigneur n’eût été avec nous», qui sont pris aux piéges. Que le Seigneur soit avec toi, et toi non plus tu ne seras point pris dans ces filets; crie bien haut : « Béni soit le Seigneur qui ne nous a point livrés à leurs dents comme une proie ».

12. « Notre âme, semblable au passereau, s’est échappée du piège des chasseurs 2». Car en cette âme était le Seigneur, et dès lors, semblable au passereau, elle a pu s’arracher au piége. Pourquoi comme le passereau? Avec l’imprudence du passereau elle était tombée dans les rêts, et dès lors elle pouvait dire: Que Dieu veuille me pardonner. Oiseau inconstant, repose ton pied sur la pierre, ne va pas au piége tendu. Te voilà pris, épuisé, broyé. Que le Seigneur te soit en aide, et il te délivrera de menaces plus effrayantes, du piège des chasseurs. On voit quelquefois l’imprudent oiseau se poser sur le piège, alors on fait du bruit pour l’en chasser ; ainsi en était-il des martyrs, dont quelques-uns penchaient vers les douceurs de la vie; le Seigneur, qui était en eux, faisait retentir le bruit de l’enfer, et le passereau s’échappait du piège des

 

1. Ps. CXXIII, 6. — 2. Id. 7.

 

chasseurs: « Notre âme, semblable au passereau, s’échappait du piège des chasseurs ». Eh quoi donc! Ce filet doit-il demeurer éternellement ? Ce piège était la douceur de cette vie: sans se laisser prendre au piège, ils ont enduré la mort ; et cette mort a brisé le piège; et la vie n’a plus eu pour les prendre aucun attrait qui pût les charmer : le piège était brisé; mais l’oiseau l’était-il aussi? Point du tout, car il n’était plus dans le filet: « Le piège a été rompu et nous avons été délivrés ».

13. Qu’ils chantent maintenant leur délivrance, qu’ils volent vers Dieu, qu’ils triomphent dans ce même Dieu qui les a délivrés; car le Seigneur était en eux pour les délivrer du piége. Pourquoi le lac est-il rompu, et sommes-nous délivrés? Veux-tu savoir pourquoi? C’est que « notre secours est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la  terre 1 ». Si notre secours n’était en lui, le filet n’eût point duré toujours sans doute, mais le passereau une fois pris eût été broyé. Car cette vie doit passer, et tous ceux qui se seront laissé prendre à ses attraits, et qui dès lors auront péché contre Dieu, passeront avec cette vie : ce piège sera donc brisé, soyez-en certains, toute la douceur de cette vie disparaîtra, quand finira le temps marqué pour sa durée: ayez donc soin de ne point vous y attacher maintenant, afin qu’à la rupture du filet vous puissiez chanter avec joie: « Le lac est rompu et nous voilà délivrés ». Mais ne t’imagine pas que tu le puisses par les forces; vois plutôt de qui tu as besoin pour être délivré (car l’orgueil te jettera dans le piège), et dis alors: « Notre secours est dans le nom du Seigneur, qui a fait le ciel et la terre ».

11. Notre psaume est terminé, et autant que le Seigneur a daigné m’aider, il est expliqué. Mais demain nous devons prêcher encore, votre charité le sait très-bien; revenez donc, et soutenez-moi de vos prières. Vous vous souvenez en effet de ma promesse, et je ne vous dirais point d’avance le sujet de mon discours, si je n’avais besoin du secours de votre foi et de vos prières. Je vous ai promis, il vous en souvient, de vous expliquer ces paroles de l’Evangile: « La loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ 2 ». Les hérétiques, et surtout les Manichéens, jettent le blâme sur la loi,

 

1. Ps. CXXIII, 8.— 2. Jean, I, 17.

 

44

 

et nous disent que Dieu ne l’a point donnée. Il nous faut donc expliquer ce passage, afin que l’on sache bien que Dieu a donné la loi, et que cette loi a été promulguée par Moïse, mais non pour sauver, et cela pour des raisons particulières. La loi ne sauvait point, afin que l’on désirât le législateur, le chef, qui pardonnât aux pécheurs; et qu’ainsi la loi fût donnée par Moïse, la grâce et la vérité par Jésus-Christ. Voilà le sujet que je propose à votre attention. Dieu me soutiendra de sa grâce, non point à cause de mues mérites, mais par le mérite de vos désirs; non point que je le puisse de moi-même, tout viendra de l’abondance de ses dons. Ce point de doctrine, fort nécessaire aux hommes qui vivent dans le Nouveau Testament, sera exposé de manière à déloger l’ennemi de toutes ces obscurités où il se cache pour tromper les fidèles.

 

 

Haut du document

 

 

 

Précédente Accueil Suivante