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DISCOURS SUR LE PSAUME CXXVI.SERMON AU PEUPLE.LA CITÉ DE DIEU.
Ce psaume convient à ceux qui marchent dans la vertu par la charité. Il est attribué par le titre à Salomon, qui fut Prophète et tomba néanmoins dans lidolâtrie, parce que Salomon, qui signifie pacifique et qui bâtit un temple au Seigneur, est la figure du Christ qui est notre paix. et qui a réuni en lui-même, pierre angulaire, les deux murailles venant, lune de la circoncision, lautre de la gentilité; il forme ainsi la cité de Dieu ou lEglise, que nul autre que Dieu ne saurait bâtir ; qui a des gardiens dans les évêques, et qui est surtout gardée par Dieu, gardien dIsraël. Si nous voulons quil nous garde, comptons sur lui et non sur nous-mêmes, ce serait nous lever avant la lumière. Or, comme le disciple est moindre que le Maître, et que le Maître sest assis ou abaissé, nous ne pouvons nous élever avec lui quaprès nous être assis dans la douleur, lhumilité par la mort, comme le Sauveur. Il dormit sur la croix, et de son côté entrouvert fut tirée lEglise, comme Eve du côté dAdam. Nous ressusciterons tous, mais ceux-là ressusciteront avec lui qui sont ses amis, qui sont enfantés par lEglise au nombre des saints ; car il y a deux peuples dans lEglise, comme il y avait dans le sein de Rébecca deux jumeaux, dont lun seulement était aimé de Dieu. Les fils de ceux quon a secoués sont ou les fils des Apôtres qui ont secoué leurs pareils, ou les Apôtres eux-mêmes issus des Prophètes que lon a secoués pour en montrer les enseignements. Ils sont allés comme des flèches lancées par le Seigneur. Lhomme qui les aime parlera sur la porte qui est Jésus-Christ, dont il cherche la gloire.
1. Parmi tous les psaumes qui ont pour titre : Cantique des degrés, celui-ci porte en plus : « de Salomon ». Il est en effet intitulé « Cantique des degrés de Salomon ». Ce titre, moins commun que les autres doit nous exciter à chercher pourquoi lon ajoute « de Salomon ». Il nest point nécessaire de répéter ce que signifie « cantique des degrés », nous lavons dit plusieurs fois. Cest un homme qui monte, et dont la voix sur les ailes de la piété et de lamour, sélève à cette Jérusalem den haut, vers laquelle nous soupirons dans notre exil, et où nous retrouverons la joie quand, après cet exil, nous y serons retournés. Cest là que sélève quiconque fait des progrès dans la vertu, de là que descendent ceux qui sattiédissent. Renonce donc à y monter, à en descendre avec tes pieds; aimer Dieu, cest monter; aimer le monde, cest descendre. Ce sont donc là les chants de ceux quembrase lamour, quembrasent les saints désirs. Ils brûlent damour ceux qui les chantent du coeur, et lon retrouve cette flamme du coeur dans leurs moeurs, dans la sainteté de leur vie, dans leurs oeuvres conformes aux préceptes du Seigneur, dans le mépris des biens temporels, dans lamour des biens éternels. Mais pourquoi ajouter « de Salomon? » cest ce que je dois dire à votre charité, autant que le Seigneur men donnera la grâce. 2. Salomon était, selon le temps, fils de David : cétait un grand roi, et le Saint-Esprit se servit de lui pour donner de saints préceptes, de salutaires conseils, et beaucoup de ces figures mystérieuses, que renferment les saintes Ecritures. Car, ce même Salomon eut pour les femmes une passion déréglée, et fut réprouvé de Dieu; et il fut tellement victime de cette passion, que ces femmes lamenèrent à sacrifier aux idoles, comme nous latteste lEcriture 1. Mais si sa chute effaçait tout ce qui a été dit par lui, on croirait que cest lui qui la dit, et non point que Dieu la dicté par sa bouche. Cest donc par une sage inspiration de la divine miséricorde et de lEsprit-Saint, que lon attribue à Dieu tout ce qui a été dit de bien par Salomon, et à lhomme, le péché de lhomme. Pourquoi sétonner que Salomon soit tombé au sein du peuple de Dieu? Adam nest-il point tombé dans le paradis? Lange qui sest fait diable nest-il point tombé du ciel? Ces exemples nous apprennent à ne mettre en aucun homme notre espérance, puisque ce même Salomon avait bâti au Seigneur un temple 2, qui nous montrait par avance, comme dans
1. III Rois, XI, 1. 2. Id. VI, 1.
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un type, la figure de lEglise et le corps de Jésus-Christ. De là cette parole de lEvangile : « Détruisez ce temple de Dieu, et je le rebâtirai en trois jours 1». Comme donc Salomon avait bâti un temple, voilà que se bâtit à lui-même un temple ce même Jésus-Christ, véritable Salomon, véritable roi de paix. Le nom de Salomon signifie en effet pacifique : or, celui-là est véritablement pacifique, dont lApôtre a dit : « Cest lui qui est notre paix, qui de deux peuples en a fait un ». Il est le véritable pacifique, celui qui a réuni en lui-même, comme en une pierre angulaire, les deux murailles venant de côté opposé, et le Peuple croyant qui venait de la circoncision, et le peuple croyant aussi qui venait des hommes incirconcis: cest de ces deux peuples quil a fait une seule Eglise, dont il est la pierre angulaire 2, et dès lors le véritable pacifique. Cest lui qui est le vrai Salomon; et cet autre Salomon, fils de David et de Bethsabée 3, ce roi dIsraël, nétait que la figure du véritable pacifique, lorsquil bâtissait un temple au Seigneur. Et pour que ta pensée ne sarrête point sur le Salomon qui éleva un temple, voilà que lEcriture te désigne un autre Salomon en commençant ainsi notre psaume : « Si le Seigneur ne bâtit lui-même une maison, cest en vain que travaillent ceux qui la bâtissent ». Cest donc le Seigneur qui élève la maison, cest Jésus-Christ Notre-Seigneur qui construit lui-même son temple. Beaucoup se fatiguent à bâtir, mais si le Seigneur ne construit, cest en vain que travaillent ceux qui construisent. Quels sont ces travailleurs? Ceux qui prêchent dans lEglise la parole de Dieu, qui administrent les sacrements. Nous courons tous maintenant, nous travaillons tous, nous édifions tous : dautres, avant nous, ont couru, ont travaillé, ont édifié ; mais, « si le Seigneur nélève une maison, cest en vain que travaillent ceux qui la construisent ». Cest pourquoi, à la vue des fidèles qui tombent, les Apôtres leur disent et surtout saint Paul e Vous observez les jours et les années, les mois et les temps ; je crains fort que je « naie travaillé en vain parmi vous 4». Comme il savait par expérience que cest le Seigneur qui édifie à lintérieur, il pleurait ces fidèles parce quil avait en vain travaillé
1. Jean, II, 19. 2. Ephés. II, 14 - 22. 3. II Rois, XII, 21. 4. Gal. IV, 10, 11.
parmi eux. Cest donc nous qui parlons au dehors, cest Dieu qui édifie au dedans. Nous voyons comme vous écoutez, mais Dieu qui seul voit les coeurs, connaît vos pensées. Cest lui qui édifie, lui qui avertit, lui qui effraie lui qui ouvre lintelligence, lui qui applique notre esprit aux vérités de la foi ; et toutefois nous travaillons comme ouvriers; mais « si le Seigneurs, ne construit une maison, cest en vain que travaillent ceux qui la bâtissent». 3. Cette maison de Dieu est aussi sa cité, car la maison de Dieu, cest le peuple de Dieu ; la maison de Dieu, cest le temple de Dieu, Et que dit lApôtre? « Le temple de Dieu est saint, et vous êtes ce temple 1 ». Tous les fidèles composent donc cette maison de Dieu, et non-seulement ceux qui sont aujourdhui, mais ceux qui ont existé avant nous et qui sont morts, ceux qui viendront après nous, et qui doivent naître parmi les hommes jusquà la fin du monde: tous ces fidèles qui forment une multitude innombrable, et que Dieu seul peut compter, selon cette parole de lApôtre : « Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent 2 » ; tous ces grains qui gémissent parmi la paille, et qui ne formeront quune seule masse, quand laire sera vannée 3; tous ces fidèles sanctifiés qui doivent échanger leur humanité pour devenir les égaux des anges, avec ces anges eux-mêmes, qui ne sont point exilés maintenant, mais qui attendent que nous revenions de notre exil, tous ensemble composent une seule maison de Dieu, une seule cité qui est Jérusalem. Elle a des gardiens: de même quelle a des hommes qui la bâtissent, qui sefforcent de la construire, elle en a pour la garder. Cest en veillant sur elle que lApôtre a dit : « Je crains que, comme Eve fut séduite par les artifices du serpent, vos esprits de même ne se corrompent et ne dégénèrent de la chasteté qui est dans le Christ 4». Voilà un gardien qui veillait ; il veillait de tout son pouvoir sur ceux qui lui étaient confiés. Voilà ce que font les évêques, et cest pour cela quils occupent un lieu plus élevé, afin quils aient lintendance et comme la garde de leur peuple. Car ce que lon appelle évêque, en grec, se traduit en latin par sentinelle, parce quil veille den haut. Il voit dun
1. I Cor. III, 17. 2. II Tim. II, 19. 3. Matth. III, 12. 4. II Cor. XI, 3.
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lieu élevé. De même que le vigneron se bâtit un lieu élevé pour garder sa vigne, ainsi en est-il des évêques. Ils ont un lieu plus élevé, et cest de cette élévation que nous aurons àrendre un compte sévère, si nous ny sommes dans la disposition de nous abaisser à vos pieds par lhumilité, et de prier pour vous, afin que Dieu qui connaît vos esprits veuille bien vous garder lui-même. Car nous pouvons bien vous voir entrer et vous voir sortir, mais voir vos pensées nous est si peu possible que nous ne pouvons pas même voir ce que vous faites en vos maisons. Comment dônc sommes-nous vos gardiens? Autant que le peuvent être des hommes, autant que Dieu nous en a rendus capables. Mais parce que lhumaine faiblesse nous empêche de vous garder complètement, serez-vous donc sans gardiens? Loin de là ; car où est Celui dont il est dit : « Si le Seigneur ne garde la cité, inutilement veille celui qui la garde? » Nous nous fatiguons à veiller, et notre travail est vain, si celui qui voit vos pensées ne vous gerde lui-même. Cest lui qui vous garde pendant votre veille, lui qui vous garde encore pendant votre sommeil; lui qui dormit une fois sur la croix, et qui est ressuscité pour ne plus dormir. Soyez donc Israël ; puisquil ne dort point, quil ne sommeille point, celui qui garde Israël 1, Allons, mes frères! soyons Israël si nous voulons être gardés à lombre des ailes de Dieu. Nous vous gardons par le devoir de notre charge, mais nous voulons être gardés avec vous. Nous sommes pasteurs à votre égard, mais brebis avec vous sous le Pasteur suprême. De ce lieu élevé, nous sommes des maîtres à votre égard, mais des disciples avec vous à lécole de ce Maître unique et suprême. 4. Si nous voulons être sous la protection de celui qui sest humilié pour nous, et qui a été élevé afin de veiller sur nous, soyons humbles à notre tour. Que nul nait de présomption, car nul na rien de bon quil ne lait reçu de celui qui seul est bon. Quiconque sattribue à soi-même la sagesse, est un insensé. Quil shumilie, afin que la sagesse vienne en lui et léclaire. Mais sil se croit sage avant que la sagesse vienne en lui, il se lève avant la lumière et marche dans les ténèbres. Or, que lui dit-on dans notre psaume? « En vain vous vous levez avant laurore 2 ».
1. Ps. CXX, 4. 2. Id. CXXV, 2.
Quest-ce à dire : « Cest chose vaine pour vous que vous lever avant laurore? » Vous lever avant que la lumière soit levée, cest vous mettre dans la nécessité de demeurer dans la vanité, puisque vous serez dans les ténèbres. Voilà que sest levé le Christ notre lumière et il vous est bon de vous lever avec le Christ, mais non avant le Christ. Quand se lève-t-on avant le Christ, sinon quand on veut se préférer au Christ? Et qui veut se préférer au Christ, sinon lhomme qui veut sélever quand le Christ sest humilié ? Quils shumilient donc maintenant, sils veulent sélever où le Christ sest élevé ? Car cest ainsi quil parle à propos de ceux qui se sont attachés à lui par la foi, et dès lors à propos de nous, si nous croyons en lui avec un coeur pur : « Mon Père, je veux que ceux que vous mavez donnés, soient avec moi où je suis moi-même 1 ». O don prodigieux ! grâce admirable ! inestimable promesse, mes frères ! Qui donc ne voudrait être avec le Christ, où est le Christ? Mais il est dans la gloire, et veux-tu donc être dans la gloire avec lui? Sois humble où il fut humble lui-même. Cest pour cela que la Lumière dit à ses disciples : « Le disciple nest pas au-dessus du maître, ni le serviteur au-dessus de son seigneur 2». Ceux de ses disciples qui voulaient être plus que le maître des serviteurs, qui voulaient être plus que le seigneur, voulaient alors se lever avant la lumière. Cest pour eux que notre psaume a dit : « En vain vous lèverez-vous avant la lumière ». Tels étaient les fils de Zébédée qui, avant de shumilier comme le Seigneur dans sa passion, choisissaient des places pour sasseoir lun à droite, lautre à gauche. Ils voulaient sélever avant la lumière, aussi marchaient-ils en vain. Le Seigneur, en les entendant, les rappela dans la voie de lhumilité, et leur dit : « Pouvez-vous boire le calice que je boirai 3? » Je suis venu pour mhumilier, voulez-vous être élevés avant moi? Suivez-moi par où je marche le premier. Car, si vous voulez marcher par une autre voie que la mienne, « cest en vain que vous vous levez avant la lumière ». Pierre aussi se levait avant la lumière quand il voulait dissuader le Sauveur de souffrir pour nous. Il avait parlé de sa passion qui devait nous sauver, de son humiliation ; car cest dans son humilité quil souffrit ; lorsquil
1. Jean, XVII, 24. 2. Matth. X, 24. 3. Id. XX, 21, 22.
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annonça ce qui allait arriver dans sa passion, Pierre tout effrayé, lui qui venait de lappeler Fils de Dieu, craignit quil ne mourût et lui dit: « A Dieu ne plaise, Seigneur, il ne vous arrivera rien de semblable 1». Il voulait se lever avant la lumière, et donner des conseils à la lumière. Mais que fit le Seigneur ? Il le contraignit à ne se lever quaprès la lumière : « Retire-toi ; arrière, Satan 2». Tu es Satan, parce que tu veux marcher devant moi; « retourne; arrière», cest à moi de marcher le premier, et à toi de suivre. A toi daller où je vais, et non pas à toi de me faire aller où tu voudrais. 5. Cest donc à ceux qui voulaient se lever avant la lumière que notre psaume dit: « Inutile de vous lever avant la lumière ». Quand nous lèverons-nous? Quand vous aurez été humiliés. « Levez-vous après avoir été assis ». Se lever marque lélévation, sasseoir labaissement. Quelquefois sasseoir signifie prendre une place dhonneur pour juger, et quelquefois shumilier. Comment désigne-t-il une place dhonneur pour juger? « Vous serez assis sur douze trônes », dit le Sauveur, « pour juger les douze tribus dIsraël 3 ». Comment sasseoir est-il un signe dhumilité? « A la sixième heure le Seigneur sassit sur le puits 4». La fatigue chez le Seigneur était une faiblesse, la faiblesse de la force, la faiblesse de la sagesse; mais la faiblesse est lhumilité. Donc sasseoir par faiblesse est pour lui un signe dhumilité. Cest parce quil sest assis quil a été humble et quil nous a sauvés. Car « ce qui est faible en Dieu est plus fort que les hommes 5 ». De là cette parole dun psaume: « Seigneur, vous savez quand je me suis assis et me suis relevé 6» Cest-à-dire, vous connaissez mon abaissement et mon exaltation. Pourquoi donc, ô fils de Zébédée, vouloir vous lever avant la lumière? Parlons ainsi et appelons-les par leur nom, ils ne sen offenseront point. Car cette particularité de leur vie a été marquée, afin que les autres évitassent lorgueil qui les gagnait quelque peu. Pourquoi donc vouloir vous lever avant la lumière? « Cest chose vaine pour vous ». Vous voulez être élevés avant davoir été humiliés? Mais votre Seigneur lui-même, qui est votre lumière, ne sest élevé à la gloire que par les abaissements,
1. Matth. XV, 22. 2. Id. XV, 23. 3. Id. XIX, 28. 4. Jean, IV ,6. 5. I Cor. I, 25. 6. Ps. CXXXVIII, 2.
Ecoutez saint Paul qui nous dit : « Etant dans la nature de Dieu, il na pas cru quil y avait usurpation à se dire égal à Dieu ». Pourquoi ny avait-il point usurpation pour lui? Parce quil létait par nature, et que sa naissance le faisait égal à celui qui lengendrait. Mais qua-t-il fait? « Il sest anéanti lui-même à cause de nous, prenant la forme de lesclave, se rendant semblable aux hommes, et reconnu homme par tout ce qui a paru de lui». Il sest donc humilié en se rendant obéissant jusquà la mort, et la mort de la croix. Voilà comme il sest assis. Ecoute comme il sélève : « Cest pourquoi Dieu la élevé, et lui a donné un nom au-dessus de tout nom ». Déjà vous vous hâtez daccourir à ce nom glorieux. « Levez-vous » donc, mais « quand vous vous serez assis ». Vous voulez vous lever, commencez par vous asseoir; et cest en vous relevant de votre humiliation que vous arriverez au royaume. Ravir tout dabord le royaume, cest tomber avant le lever. « Pouvez vous boire le calice que je boirai moi-même », dit le Sauveur? « Nous le pouvons », répondent les disciples. Et le Sauveur : «Vous boirez à la vérité mon calice, mais une place à ma droite ou à ma gauche, il nest pas en mon pouvoir de vous la donner, elle appartient à ceux à qui mon Père la préparée 2 ». Quest-ce à dire: « Il nest pas en mon pouvoir de vous la donner ? » Il ne mappartient pas de la donner à des orgueilleux; car voilà ce quils étaient encore. Mais si vous voulez recevoir, ne soyez plus ce que vous êtes. « Elle est préparée pour dautres »; soyez autres, et elle sera préparée pour vous. Comment: Soyez autres ? Commencez par vous humilier, vous qui voulez être élevés. Ils comprirent que lhumilité leur serait avantageuse, et ils se corrigèrent. Ecoutons donc à notre tour ce que nous dit le psaume : « Levez-vous après vous être assis ». 6. Pour nous empêcher de croire que « sasseoir » est pris ici dans un sens dhonneur, et nous persuader que cette expression na ici dautre signification que labaissement; pour nous convaincre que ce nest péint là une injonction de sasseoir pour juger, ou pour être à table et se réjouir, ce qui fournirait une occasion dorgueil, le Prophète nous montre quil sagit dhumilité, quand il dit:
1. Philipp. II, 8-9. 2. Matth. XX, 22, 23.
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« Vous qui mangez un pain de douleur». Mais ceux-là mangent un pain de douleur, qui gémissent dans cet exil, qui sont dans la vallée des pleurs. Or, Dieu a fait des ascensions dans notre coeur. Où a-t-il disposé ses ascensions? « Dans notre cur1 », dit le Psalmiste? Qui les a disposées? Dieu. Cest pourquoi ceux-là chantent les cantiques des degrés, qui ont des ascensions dans le coeur. Humilions-nous en cette vie et montons. Comment monter? Par le coeur. Cest le coeur qui monte, qui sélève de la vallée des larmes. Oui, de la vallée des larmes, est-il dit. De même que les montagnes sélèvent, les vallées sabaissent; car ou appelle vallées les lieux bas de la terre, les collines sont des lieux plus élevés, moins toutefois que les montagnes, car on appelle ainsi les points les plus élevés de la terre. Cest peu encore ; le Prophète ne dit point: Elevez-vous dune colline; ni : Elevez-vous dune campagne; mais bien, du fond dune vallée, pour exprimer quelque chose de plus bas encore quune campagne, Si donc cest dans la vallée des larmes que tu manges un pain de douleur en disant : « Mes larmes sont pour moi un pain le jour et la nuit, pendant quon me dit tous les jours : Où est ton Dieu 2? » tu as raison de te lever, puisque tu as été assis. 7. Et comme si nous demandions : Quand nous lèverons nous? on nous commande maintenant de nous asseoir; car la résurrection sera pour nous comme elle a été pour le Seigneur. Quand vint celle du Seigneur? Regarde bien celui qui ta précédé. Car si tu nas les yeux sur lui ,cest en vainque tu te lèves avant la lumière. Quand donc a-t-il été élevé? Après sa mort. De même donc, nespère ton élévation quaprès ta mort, ne mets ton espérance quaprès la résurrection des morts, puisque le Christ est ressuscité et monté au ciel. Mais où donc a-t-il dormi? Sur la croix. Quand il dormait sur la croix, il était une figure, ou plutôt il accomplissait ce qui avait été figuré en Adam. Car ce fut quand Adam dormait que Dieu lui tira une côte dont il fit Eve 3 de même, pendant que le Seigneur dormait sur la croix, une lance lui ouvrit le côté 4, et il en découla les sacrements dont lEglise est formée, Car lEglise est pour le Seigneur une épouse tirée de son côté, comme Eve fut tirée du côté dAdam. Mais de même que la première ne
1. Ps. LXXXIII, 6,7. 2. Id. XLI, 4. 3. Gen. II, 21,22. 4. Jean, XIX, 31.
fut tirée dAdam que pendant son sommeil, la seconde ne fut tirée du flanc du Christ quaprès sa mort. Si donc il ne peut ressusciter sans avoir passé par la mort, voudrais-tu donc être élevé en gloire sinon après cette vie? Que ce psaume donc te donne une leçon, et comme si tu demandais: Quand ressusciterai-je? Sera ce avant de mêtre assis? « Ce sera», nous dit-il, «quand il aura envoyé le sommeil à ses bien-aimés ». Dieu nous fera donc cette faveur quand ses bien-aimés, ou ceux du Christ, ressusciteront. Tous se lèveront en effet, mais tous ne se lèveront pas comme ses bien-aimés. Tous doivent ressusciter; maisque vous dit lApôtre? « Nous ressusciterons tous à la vérité, mais nous ne serons pas tous changés 1 ». Les uns ressuscitent pour le supplice , tandis que nous ressuscitons comme Notre-Seigneur est ressuscité, afin de suivre notre chef si nous sommes véritablement ses membres. Mais si nous sommes ses membres,nous sommes alors ses bien aimés, et alors nous aurons part à cette résurrection qui a dabord paru dans le Fils de Dieu. La lumière sest levée avant nous, et nous nous lèverons après elle ; car cest vainement que nous nous lèverions avant le jour, que nous chercherions la grandeur avant la mort. puisque le Christ, notre lumière, na été quaprès sa mort glorifié dans sa chair. Etant donc devenus ses membres, et parmi ses membres, ceux quil aime, quand nous aurons pris notre sommeil, alors nous nous lèverons par la résurrection des morts. Lui seul est ressuscité pour ne plus mourir. Lazare ressuscita 2, mais pour mourir de nouveau ; la fille du chef de la synagogue ressuscita 3, mais pour mourir ; le fils de la veuve ressuscita 4, mais pour mourir ; le Christ est ressuscité pour ne plus mourir. Ecoute lApôtre : « Jésus-Christ ressuscitant dentre les morts ne meurt plus, la mort na plus dempire sur lui 5». Espère une semblable résurrection, et sois chrétien dans ce seul but, mais non pour le bonheur de cette vie. Car si tu es chrétien seulement pour le bonheur de cette vie, tandis que delui qui est ta lumière na point cherché ce bonheur, tu prétends te lever avant la lumière, et tu demeureras nécessairement dans les ténèbres. Change donc tes pensées, suis ta lumière; lève-toi, parce quelle sest levée;
1. I Cor. XV, 51. 2. Jean, XI, 41 . 3. Matth. IX, 25. 4. Luc, VII, 15. 5. Rom. VI, 19.
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mais assieds-toi dabord, tu te lèveras ensuite, « quand le Seigneur aura donné le sommeil à ses bien-aimés ». 8. Comme si tu demandais à quel bien-aimé? « voilà », dit le Prophète, « que des enfants sont lhéritage du Seigneur, le fruit des entrailles aura sa récompense 1 ». Quand il dit « Le fruit des entrailles », il entend des fils enfantés avec douleur. Il est une femme en qui saccomplit spirituellement ce qui est dit à Eve : « Tu enfanteras dans les gémissements 2 ». LEglise, qui est lépouse du Christ, lui donne des enfants, et pour elle, enfanter, cest enfanter dans la douleur. Cest pour cela que Eve a reçu le nom figuratif de « mère des vivants 3», Il était parmi les membres de celle qui enfante, celui qui disait « Mes petits enfants, que je mets au monde une seconde fois, jusquà ce que le Christ soit formé en vous 4 ». Mais ce nest point en vain quelle enfante et quelle souffre, elle verra la lignée des saints à la résurrection, elle verra les justes répandus aujourdhui dans lunivers entier. Elle les forme par ces gémissements, les enfante par ses douleurs; mais à la résurrection des morts on verra ces enfantements de lEglise, et il ny aura plus ni douleurs ni gémissements. Et que dira-t-on alors? « Des enfants, tel est lhéritage du Seigneur, et la récompense sera pour le fruit des entrailles ». Cest le fruit qui aura la récompense, et non pas qui sera la récompense 5. Quelle est cette récompense? De ressusciter dentre les morts. Quelle est cette récompense? De se lever après sêtre assis. Quelle est cette récompense ? De goûter la joie après avoir mangé le pain de la douleur. Le fruit de quelles entrailles? De lEglise; cest dans ces entrailles de lEglise que lon voit ce qui arriva jadis en figure à Rébecca, deux jumeaux ou deux peuples en lutte 6. Le sein dune seule mère renfermait deux frères qui se faisaient la guerre avant de naître : ils agitaient par leurs discordes imitestines les entrailles maternelles ; et leur mère gémissait et souffrait violence; mais en les mettant au monde, elle fit un discernement entre les jumeaux quelle avait portés. Ainsi, mes frères, en est-il aujourdhui de lEglise qui est dans les gémissements pendant quelle enfante; elle porte dans son sein les bons et
1. Ps. CXXVI, 3. 2. Gen. III, 16. 3. Id. 20. 4. Gal. IV, 19. 5. Grec, tou karpou . 6. Gen, XXV, 22, 23.
les méchants. Le fruit des entrailles, pour Rébecca, fut Jacob quelle aima. « Jai aimé Jacob », dit le Seigneur, « et haï Esaü 1» Tous deux étaient sortis du même sein : lun mérite dêtre aimé, lautre dêtre rejeté. Cest ainsi que le fruit sera pour les bien-aimés; que la récompense sera pour le fruit des entrailles. 9. « Comme les flèches dans la main dun homme puissant, ainsi seront les enfants de Dieu quon aura secoués 2 ». Doù est venu en effet, mes frères, ce grand héritage? Doù est venue cette postérité si nombreuse, dont le psaume vient de nous dire : « Des enfants, cest un héritage qui vient du Seigneur; la récompense sera pour le fruit des entrailles? » Comme on lance des flèches, le Seigneur a lancé quelques hommes de sa main puissante, et ils sont allés au loin, et ont rempli toute la terre, où germent les saints en grand nombre. Tel est en effet lhéritage dont il est dit : « Demande-moi, et je te donnerai les nations de la terre pour ton héritage, et les confins de la terre pour ton empire 3 ». Comment cette possession peut-elle sétendre et saccroître jusquaux confins de la terre? Cest que, « comme sont les flèches dans la main dun puissant, tels sont les fils de ceux quon a lancés ». On lance des flèches avec un arc; plus est grande la force qui lance, et plus la flèche va loin. Or, quelle force est plus grande que celle de Dieu, lequel lance les flèches? Cest de son arc quil lance les Apôtres et il nest pas demeuré un coin de terre où nait pénétré la flèche lancée par un tel bras, elle est arrivée aux derniers confins du monde. Elle na pas été plus avant, parce que lhomme nétait point au delà. Telle est en effet la force de Dieu, que sil y avait au-delà du monde quelque endroit où sa flèche pût pénétrer, il y jetterait une flèche. Or, les fils de ceux quil a lancés ressemblent à leurs pères. Quelques auteurs qui ont expliqué les psaumes avant nous, se sont demandé, à propos de cette expression : Pourquoi dire les fils de ceux quon a lancés, ou que doit-on entendre par ces fils de ceux quon a lancés ; et plusieurs ont vu dans les fils de ceux quon a lances les fils des Apôtres, comme je viens de le dire. 10. Que votre charité veuille bien mécouter encore un peu. On a demandé comment
1. Malach. I, 2, 3; Rom. IX, 13. 2. Ps. CXXVI, 4.. 3. Id. II, 8.
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les Apôtres sont des hommes secoués , et quelques-uns répondent quils sont ainsi appelés, parce que le Seigneur leur fit cette injonction : « Si vous sortez dune ville qui ne vous aura point écoutés, secouez la poussière de vos pieds 1 ». Mais, dit un autre, on aurait dû les appeler fils de ceux qui secouent, et non fils de ceux qui sont secoués. Car en leur disant: Secouez la poussière de vos pieds, le Seigneur nous montre que les Apôtres secouaient plus quils nétaient secoués. Celui qui a traité ce passage et parlé de la sorte, a mis trop de subtilité à le mettre en contradiction avec le mot de lEvangile. Pour nous, en examinant, autant que le Seigneur nous en a donné la force, comment lon peut dire quils sont secoués ces hommes à qui le Seigneur a dit: « Secouez la poussière de vos pieds » ; nous croyons quon peut le faire sans absurdité. Bien quils secouassent leurs pieds, ils se secouaient eux-mêmes. Voyez en effet : celui qui secoue, se secoue lui-même, ou bien secoue autre chose; sil secoue autre chose, il fait laction de secouer sans être lui-même secoué; quun autre le secoue, il est secoué sans secouer; mais quil vienne à se secouer lui-même, il secoue, puisquil en fait laction sur lui-même; il est secoué, puisque lui-même se secoue. Mais qui donc, dira-t-on, a été secoué par les Apôtres? Eux-mêmes; puisquils ont secoué la poussière de leurs pieds. Mais ce nest point eux-mêmes quils ont secoués, cest la poussière, dira-t-on. Cest là une supercherie, Secouer quelque chose se dit en effet de deux manières: ou de lobjet secoué, ou de ce que lon en a fait sortir. On dit en effet, secouer la poussière, et secouer un manteau. Voilà un homme qui tient son manteau, qui le secoue, et il en sort une poussière quil contenait. Que diras-tu de cette poussière? quon la secouée. Que diras-tu du manteau? quon la secoué. Si donc lon désigne par lexpression secoué, et ce que lon fait sortir dun manteau en le secouant, et ce manteau doù on le fait sortir, alors la poussière a été secouée, et les Apôtres ont été secoués. Pourquoi donc les fils des Apôtres ne sappelleraient ils pas les fils de ceux quon a secoués? 11. Mais il est un autre sens que je ne dois point passer sous silence. Dieu a permis des passages obscurs, afin quils donnent lieu à
1. Matth. X, 14.
plusieurs explications, afin que les hommes en soient plus instruits, puisquils trouvent expliqué en plusieurs manières un passage obscur, qui ne leût été que dune seule, sil eût été clair. Nous disons que lon secoue une chose pour en faire sortir ce qui pourrait y être caché. Il y a une différence entre secouer une robe, afin den faire sortir la poussière, et secouer un sac pour en faire sortir ce quil renferme. Autant que je le puis, jentends donc par les fils de ceux qui ont été secoués, les Apôtres eux-mêmes, qui sont les fils des Prophètes. Car les Prophètes tenaient renfermés bien des mystères, et ils ont été secoués, afin que tout ce qui était caché dans leurs écrits fût mis au grand jour. Ainsi, par exemple, voilà un Prophète qui a dit : « Le boeuf connaît son maître, lâne létable de son Seigneur, et Israël ne ma point connu 1 ». Je cite cette parole du Prophète, parce quelle me vient maintenant à lesprit; il men viendrait une autre, que je la citerais également. Quun homme, entendant cette parole, arrête sa pensée sur lâne, sur le boeuf, sur les animaux quil a sous les yeux; le voilà qui touche au dehors une écorce renfermant quelque mystère, tuais il ne sait ce quelle contient. Lâne et le boeuf ont un sens caché. Que dit-on à celui qui se prononcerait dune manière trop hâtive? Attends, il y a là quelque mystère, secoue lenveloppe; le Prophète sen est servi pour voiler sa pensée; et il veut parler de tout autre âne, de tout autre boeuf. En effet, lâne est ici la figure du peuple de Dieu, de la monture du Seigneur, portant ce Dieu qui le guide, afin quil ne ségare pas en chemin; et le boeuf est celui dont lApôtre a dit : « Tu ne lieras point la bouche au boeuf qui foule le grain ». Dieu se met-il en peine des boeufs 2? a dit le même Apôtre. Cest pour nous que lEcriture parle ainsi. Quiconque, en effet, prêche la parole de Dieu, avertit, effraie, stimule; cest là fouler le grain, faire dans lEglise comme le boeuf dans laire. Le boeuf venait du peuple juif, doù sont sortis les Apôtres qui ont prêché lEvangile : lâne, du peuple incirconcis, ou des Gentils. Car il est venu pour porter le Seigneur; et si le Seigneur a voulu sasseoir sur un âne qui navait porté nul autre homme, cest parce que ni la loi ni les Prophètes navaient été envoyés aux Gentils. Donc parce
1. Isa, I, 3. 2. I Cor. IX, 9, 10.
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que Notre-Seigneur Jésus-Christ a voulu être pour nous une nourriture, et quà sa naissance il fut mis dans une crèche : « Le boeuf connaît son maître, et lâne létable de son possesseur ». Mais comment trouver un tel sens, sinon en secouant lenveloppe? Si lon nagitait avec soin ces prophéties, pourrait-on en découvrir les mystères? Le Seigneur est donc venu pour secouer ces énigmes, pour nous en montrer le sens; il a secoué les Prophètes qui ont engendré les Apôtres; et parce que les Apôtres sont issus des Prophètes qui étaient secoués, oit les appelle fils de ceux que lon a secoués. Placés comme des flèches dans la main dun homme puissant, ils sont arrivés jusquaux confins de la terre. De là cette Parole à la fin des temps : « Des enfants, voilà lhéritage du Seigneur, la récompense sera pour le fruit des entrailles». Et comme cet héritage est recueilli de tous les confins de la terre, comme les enfants de ceux que lon a secoués ressemblent à des flèches dans la main dun homme puissant, les fils des Prophètes, ou les Apôtres, ont été comme des flèches dans la main de Dieu. Sil est puissant, il secoue avec force; sil secoue avec force, il envoie jusquaux confins de la terre ceux quil lui plaît de lancer. 12. « Bienheureux lhomme qui, par eux, remplit ses désirs 1 ». Quel est, mes frères, cet homme qui remplit ainsi ses désirs ? Celui qui nalune point le monde. Quiconque est absorbé par lamour du monde, ne trouve aucune place pour la parole de ces prédicateurs. Répands ce qui tabsorbe, et tu deviendras capable de recevoir ce qui te manque. Cest-à-dire, est-ce la richesse que tu convoites? Tu ne pourras, par eux, remplir tes désirs. Tu veux les honneurs sur la terre, tu veux même ce que Dieu a donné aux bestiaux, cest-à-dire le plaisir qui passe, la santé du corps, et autres biens semblables; par eux tu ne combleras point tes désirs. Mais si tu as des désirs, comme ceux du cerf altéré qui brame après leau des fontaines 2; si tu dis, toi aussi: « Mon âme aspire après les parvis du Seigneur, elle languit de désir 3»; ton désir sera comblé, non que ces mêmes saints puissent dès aujourdhui rassasier ta soif, mais en suivant leurs traces, tu arriveras à celui qui a comblé leurs désirs. 13. « Il ne sera point confondu quand il
1. Ps. CXXVI, 5. 2. Id. LI, 2. 3. Id. LXXXIII, 3.
parlera à ses ennemis à la porte 1 ». Mes frères, parlons à la porte, cest-à-dire, que tous comprennent nos paroles. Quiconque ne veut point parler à la porte, veut cacher sa parole, et souvent la veut cacher parce quelle est mauvaise. Sil a confiance dans ce quil dit, quil le dise à la porte; ainsi quil est écrit de la Sagesse : « Elle parle hardiment aux portes de la cité 2». Tant que des hommes innocents conservent la justice, ils ne craignent point de parler; cest là parler à la porte, publiquement. Or, qui est-ce qui prêche à la porte? Celui qui prêche en Jésus-Christ, puisque le Christ est la porte par laquelle nous entrons dans la cité. Quon maccuse de mensonge, sil na pas dit : « Je suis lentrée 3 ». Si donc il est lentrée, il est la porte. Car lentrée se dit dune maison, et lentrée dune cité en est la porte, comme lentrée dune maison en est la porte. A moins peut-être que le mot porte ne soit impropre, et que lon ne puisse pas appeler ville ce qui est appelé aussi une maison. Mais nous avons employé ces deux termes tout à lheure : « Si le Seigneur ne construit une maison, cest en vain que travaillent ceux qui la construisent » ; et pour que tu ne regardes pas cette maison comme peu importante, le Prophète ajoute: « Si le Seigneur ne garde une cité, cest en vain que veilleront ses gardiens ». Donc la maison est encore la cité. Comme maison elle a donc une entrée; et une porte comme cité. Celui-là dès lors est la porte de la cité, qui est lentrée de la maison. Donc, si le Christ est la porte de la cité, celui qui demeure ferme en Jésus-Christ, et qui ensuite parle aux hommes, na point à rougir; quant à lhomme qui parle contre le Christ, la porte lui est fermée. Quels sont les hommes qui prêchent contre le Christ? Ceux qui nient que le Tout-Puissant ait lancé ses flèches, et quelles soient arrivées jusquaux confins de la terre; et que lhéritage du Seigneur soit celui dont il est dit : « Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, et les confins de la terre pour ta possession 4 ». Voilà ce qui a été prêché, entendu avant lévénement, et quand il est accompli on ne veut point le reconnaître. Ceux qui disputent contre le Christ sont hors de la porte, parce quils recherchent les honneurs pour eux, non pour le Christ. Mais lhomme qui prêche à la porte
1. Ps. CXXVI, 5. 2. Prov. VIII, 3. 3. Jean, X, 9. 4. Ps. II, 8.
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cherche la gloire du Christ, et non sa propre gloire ; aussi celui qui prêche à la porte dit-il : Gardez-vous de compter sur moi, car ce nest point par moi, mais par la porte quil vous faut entrer. Quant à ceux qui veulent sattirer la confiance des hommes, ils ne veulent point entrer par la porte, et rien détonnant dès lors que cette porte leur soit fermée, et quils frappent en vain pour se la faire ouvrir. Renouvelez donc votre ferveur, mes frères, pour entendre demain le discours que je vous ai promis avec le secours de Dieu au sujet de lEvangile qui parle de la colombe. Celui au nom duquel je vous lai promis, massistera de sa grâce, afin que je puisse macquitter. Mais. pour que je dégage ma parole dune manière utile, et que je naie pas été téméraire, priez pour moi.
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