HOMÉLIE XXI
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VINGT-UNIÈME HOMÉLIE. «Voici le dénombrement de la postérité d'Adam ; autour que Dieu: créa l'hommes, Dieu le fit à sa ressemblance ; il les créa mâle et femelle, et il leur donna le nom d'Adam, au jour qu’il les créa. » (Gen. V, 1 , 2.)

 

ANALYSE.

 

1. Quoiqu'il n'y ait que des noms propres dans ce verset, il n'en est pas moins fécond en enseignements utiles. — 2. Les descendants de Caïn devenant de plus en plus mauvais, Moïse arrête leur histoire à Lamech, et passe à la postérité plus vertueuse de Seth. — 3. Le nom de Seth, expression de la reconnaissance d'Eve. Enos, fils de Seth, porte un nom qui signifie confiance en Dieu. — 4. L'Écriture dit jusqu'à deux fois qu'Enoch fut agréable à Dieu après avoir engendré Mathusala. Saint Chrysostome en conclut contre certains hérétiques que le mariage. est agréable à Dieu. Par l'enlèvement d'Enôch, Dieu a comme révoqué tacitement la sentence portée contre Adam. — 5. Explication du nom de Noé, il signifie repos. Sa vertu sera un repos pour le monde au milieu de la corruption générale. — 6. Exhortation.

 

1. Quel trésor, quelles ineffables richesses, mes bien-aimés, dans les paroles qu'on vient de vous lire ! Je n'ignore pas qu'un grand nombre de personnes; à la vue des noms composant un catalogue, se contentent d'une lecture superficielle, et s'imaginent. que les noms n'ayant aucune utilité particulière ne sont simplement que des, mots ; mais moi , je vous exhorte tous à ne pas simplement passer outre, sans vous arrêter, devant ce que tient en réserve l'Écriture sainte. Vous n'y trouverez pas un seul mot, qui ne renferme une grande abondance de pensées; car c'était l'Esprit de Dieu qui inspirait les bienheureux prophètes; voilà pourquoi les paroles, écrites sous la dictée de l'Esprit, renferment tant de trésors cachés. Ne vous étonnez pas que, dans ce catalogue de noms, je m'engage à vous montrer la richesse des pensées qu'il recèle. Il n'est pas une syllabe, il n'est pas une lettre de l'Écriture qui ne contienne un trésor de pensées profondes. C'est pourquoi il convient, en suivant la grâce d'en-haut qui nous guide, en nous éclairant de la lumière de l'Esprit-Saint, d'aborder les expressions de Dieu. La divine Écriture n'a que faire de la sagesse humaine pour être comprise; ce qu'il faut ici, c'est la révélation de l'Esprit, afin qu'instruits par, son secours du vrai sens des pensées, nous en puissions recueillir un précieux avantage. Si, dans les affaires du siècle, les écrits de la main des hommes, souvent détériorés par le temps, doivent, à une date qui se trouve en tête du manuscrit, à une simple syllabe, une grande importance, à bien plus forte raison peut-on dire de même de la divine Écriture, de cette composition de l'Esprit-Saint; seulement, montrons ici notre sagesse, ne courons pas sans nous arrêter; soyons attentifs, diligents, séchons tout considérer avec une exactitude minutieuse, ne le cédons pas à ceux qui montrent pour les choses sensibles un zèle si ardent. Voyez en effet ceux qui font des fouillés, qui déterrent des métaux; ils ne (127) s'arrêtent pas à la surface, ils descendent à une grande profondeur. S'ils ont pu trouver des parcelles d'or, que d'activité, que de soin pour séparer l'or de la terre ! et, après tant de fatigues, ils trouvent une mince consolation de leurs labeurs; ils savent bien pourtant que l'avantage qu'ils recueilleront ne répond pas à leurs peines ; que, souvent, même , après tant de veilles et de travaux, ils ont été frustrés dans leur attente. Qu'importe. Ils persistent dans leurs efforts; l'espoir qui les nourrit les rend insensibles à la souffrance. Eh bien ! si ces hommes montrent tant d'ardeur pour des richesses corruptibles, incertaines, d'une possession si douteuse, à plus forte raison nous, qui poursuivons des richesses que rien ne peut enlever, un trésor que rien ne peut dissiper, nous, que n'égare pas une vaine espérance, devons-nous montrer autant de zèle, plus de zèle, pour obtenir le bien désiré, pour en recueillir le fruit précieux, pour nous pénétrer de la bonté ineffable du Seigneur, lui prouver notre reconnaissance ; et, forts de l'affection pleine de tendresse que nous aurons arrachée au Dieu Notre-Seigneur, nous rendre invincibles, inexpugnables, supérieurs à tous les piéges du démon. Eh bien donc ! puisque vous avez entendu la lecture de tout à l'heure, examinons avec soin, en détail, chacune des expressions, et puissiez-vous, après avoir reçu l'instruction habituelle en rapporter le bienfait dans vos demeurés ! Voici le dénombrement de la postérité d'Adam, dit le texte. Au jour que Dieu créa l'homme, Dieu le fit à sa ressemblance; il les créa mâle et femelle, et il leur donna le nom d'Adam au jour qu'il les créa. Faites attention, je vous en conjure; voyez la sagesse de ce prophète admirable, ou plutôt, l'enseignement du Saint-Esprit; car, comme nous l'avons souvent dit, c'est par l'inspiration du Saint-Esprit qu'il nous parle; il n'a fait que lui prêter sa langue, c'est la grâce du Saint-Esprit qui instruit, en se servant de lui, toute l'espèce humaine. Voyez donc comme il ramène le discours à l'origine des choses, comme il reprend les choses qui ont précédé. Pourquoi , et dans quel but ? C'est qu'il a vu les hommes de ce temps manifester une grande ingratitude ; le malheur de notre premier père ne les avait nullement corrigés; ils étaient plongés dans l'abîme d'une malignité aussi profonde. Celui qui était né du premier homme, excité bientôt par l'envie, s'était jeté dans le fratricide; il avait, après un tel crime, subi le plus terrible châtiment; cet enseignement, mes frères , nous nous sommes empressés de vous l'exposer. Ses descendants ne s'étaient en rien amendés par ce châtiment; ils s'enveloppèrent d'un tissu de crimes encore pires. Vous avez entendu hier Lamech racontant son péché à ses épouses , et décrétant contre lui-même le châtiment. Le Prophète vit donc la perversité de ces hommes croître peu à peu, comme une humeur malsaine qui se répand par tout le corps; c'est pourquoi il supprime, dans son histoire ce débordement de la corruption ; ces générations depuis Caïn jusqu'à Lamech, il ne daigne pas les rappeler ; mais , comme s'il voulait raconter le commencement des choses, consoler le deuil où la main fratricide armée contre Abel avait jeté Adam et Eve, il commence son récit de cette manière : Voici le dénombrement de la postérité d'Adam. Au jour que Dieu créa l'homme , Dieu le fit à sa ressemblance; il les créa mâle et femelle, et il leur donna le nom d'Adam, c'est-à-dire terrestres, au jour qu'il les créa.

2. Voyez comme il se sert des mêmes paroles qu'au commencement, pour nous apprendre que ces générations infâmes, il ne les juge plus désormais dignes de mémoire; il commence à l'enfant qui vit le jour alors, je veux dire à Seth, la généalogie, pour nous apprendre combien la vie des hommes est considérable devant Dieu, et comment Dieu déteste les âmes sanguinaires. Il les passe sous silence, comme si elles n'avaient pas vécu, nous montrant par là tout ce qu'il y a de funeste dans le péché, nous enseignant que les pervers. s'attirent les plus grands maux. Voyez ; les voici dorénavant rayés du catalogue; on ne rappelle leur souvenir que pour montrer l'infamie de leur perversité, que pour l'exemple et la correction des générations qui les suivent. Mais celui que l'injustice a mis à mort, que la main. d'un frère a privé de la vie, depuis ces temps jusqu'à nos jours, est loué par toutes les bouches. Aucun temps n'a éteint la mémoire de l'un, ni diminué le crime de l'autre; celui-ci, tous les jours, est célébré par tous les hommes; l'autre demeure, pour jamais, comme attaché à un infâme poteau.

Comprenez-vous tout ce qu'a de funeste la corruption, tout ce que la vertu a de force? Comprenez-vous comment la malice même, (128) qui attaque et qui triomphe, est frappée de mort et s'évanouit? comment la vertu, attaquée, persécutée dans des combats sans nombre, acquiert par cela même plus d'éclat et plus de gloire? On pourrait encore tirer d'autres événements semblables le même enseignement pour vous, mes bien-aimés, mais ne nous écartons pas de notre sujet; reprenons les paroles que vous avez entendues : Voici le dénombrement de la postérité d'Adam. Au jour que Dieu créa l'homme, Dieu le fit à sa ressemblance; il les créa mâle et femelle, et il leur donna le nom d'Adam au jour qu'il les créa. Voyez comment, par cette manière de reprendre le récit dès le commencement du monde, la divine Ecriture nous rappelle l'honneur insigne que l'homme a reçu de son Créateur. Au jour, dit l'Ecriture, que Dieu créa l'homme, Dieu le fit à sa ressemblance, c'est-à-dire, le mit à la tête de toutes les créatures visibles ; en effet, cette expression, à sa ressemblance, doit s'entendre de la domination et du commandement; car, de même que Dieu commande à toutes les créatures, tant aux visibles qu'aux invisibles; puisque c'est lui qui a tout créé, qui a tout fait; de même, quand il forma l'animal qui a le privilège de la raison, il a voulu lui conférer l'honneur insigne de commander à toutes les créatures visibles. En conséquence il lui a donné la substance de l'âme, voulant qu'il possédât, lui aussi, l'immortalité, la perpétuité. Et maintenant, quand l'homme fut déchu par sa faute, quand il eut transgressé le commandement qui lui avait été fait, même alors, Dieu ne se détourna pas tout à fait de lui. Toujours miséricordieux, il lui enleva sans doute l'immortalité, mais il maintint dans le même honneur celui qui était condamné à mourir. Plus tard, quand le fils du premier homme se laissa emporter à une telle fureur, lorsque Caïn eut, le premier, fait voir au monde la face de la mort, le meurtre dans toute sa violence, et, joignant au meurtre le mensonge, eut manifesté toute espèce de perversité, Dieu voulut, par un long châtiment, le corriger, non-seulement pour qu'il pût tirer son avantage de ce qui lui arrivait à lui-même, mais aussi pour que les générations suivantes pussent connaître l'étendue du forfait, l'excès, l'infamie du crime. Maintenant, lorsque ces générations lâches, corrompues, tombèrent insensiblement dans des vices plus affreux encore, Dieu voulut, pour ainsi dire, consoler Adam, qui n'était pas seulement attristé de sa faute, mais plongé, par le crime de Caïn, dans un deuil insupportable. Il avait vu, de ses propres yeux, le corps d'Abel massacré; il ne savait pas auparavant quel était l'aspect de la mort, quoique la sentence de mort eût été portée. Adam subissait donc une double et triple cause de deuil, car ce fut pour la première fois qu'on vit la mort introduite dans la vie, la mort violente, l'oeuvre d'un fils contre un frère, né du même père et de la même mère, et ce frère n'avait fait aucun mal à son meurtrier. Dieu voulant donc, dans sa bonté, donner au premier père une consolation égale à ses douleurs; lui accorde un autre fils; vous savez son nom, Seth ; et, après lui avoir envoyé cette consolation suffisante, il tire, de ce fils, le commencement de la nouvelle postérité. Voilà pourquoi le bienheureux prophète commence par ces paroles : Voici le dénombrement de la postérité d'Adam. Ensuite, comme il a promis de raconter la suite des générations humaines, voyez la succession qu'il expose : Adam ayant vécu cent trente ans engendra un fils à son image et à sa ressemblance, et il le nomma Seth; après qu'Adam eut engendré Seth, il vécut sept cents ans, et il engendra des fils et des filles; et tout le temps de la vie d'Adam ayant été de neuf cent trente ans, il mourut. (Gen. V, 3, 4, 5.)

3. N'avais-je pas raison de dire en commençant que rien n'est laissé au hasard, que chaque mot renferme des pensées dans l'Ecriture sainte? Voyez encore ici le soin diligent du bienheureux prophète : Adam, dit-il, engendra un tels à son image et à sa ressemblance, et il le nomma Seth. Quand il parlait de son premier fils, de Caïn, il n'a rien dit de pareil, faisant déjà pressentir le penchant qui le portait au mal, et le prophète avait raison; car il ne conserva pas les moeurs qui caractérisaient son père, mais il se laissa bien vite emporter vers le mal. Ici, au contraire, il dit : A son image et à sa ressemblance, ce qui veut dire : ayant les mêmes moeurs que celui qui l'avait engendré, conservant les mêmes caractères de vertu, destiné à reproduire par ses oeuvres l'image de son père, à réparer, par sa vertu particulière, la faute de son frère aîné. En effet, l'Ecriture ne parle pas ici des traits du corps, quand elle dit: A son image et à sa ressemblance, mais des qualités de l'âme, afin que nous comprenions que celui-ci ne ressemblera pas à Cain. Aussi (129) la mère de Seth, en donnant un nom à son fils, fait entendre des actions de grâces; et ce n'est ni à la nature, ni à l'enfantement, qu'elle attribue son nouveau fils, mais à la vertu de Dieu. C'est, en effet, cette vertu qui l'a rendue féconde; elle le nomme du nom de Seth, en disant : Dieu a fait renaître en moi un autre germe à la place d'Abel que Caïn a tué. (Gen. IV, 25.) Voyez le choix de l'expression ! elle ne dit pas: Dieu m'a donné, mais, Dieu a fait renaître. Faites attention, voyez comme le texte montre ici, à mots couverts, les préludes de la résurrection; elle semble dire: A la place de celui qui est tombé, Dieu a fait renaître en moi celui-ci. Abel, frappé par la main de son frère, est tombé, dit-elle : il est mort, mais la vertu de Dieu, à la place de celui qui est mort, a suscité celui-ci. Comme ce n'était pas encore l'heure de la résurrection, il n'a pas rappelé à la vie celui qui est tombé, mais il en a fait revivre un autre à sa place,voilà pourquoi elle dit: Dieu a fait renaître en moi un autre germe à la place d’Abel que Caïn a tué. Avez-vous compris la reconnaissance de la femme? Avez-vous compris la bonté de Dieu, sa promptitude à leur envoyer la consolation ? Imitons notre mère, tous tant que nous sommes; sachons reconnaître toujours la grâce d'en-haut; quoi qu'opère la nature, elle n'opère rien pourtant, par sa vertu propre, mais par l'ordre dé Celui qui l'a créée. Il commande, elle obéit. Et que les femmes ne se livrent jamais à la douleur, pour n'avoir pas d'enfants; qu'elles se réfugient dans une affection pleine de gratitude, auprès du Créateur de la nature. Ce qu'elles demandent, qu'elles aillent le réclamer au Maître et Seigneur de la nature, qu'elles n'attribuent pas à leur époux, à quelque cause que ce puisse être, la naissance de leurs enfants, mais au Créateur de tous les êtres, à celui qui a produit de rien la nature, à celui qui peut corriger les défaillances de la nature. La première femme a trouvé, même dans sa douleur, un motif de glorifier Dieu; c'est au Seigneur qu'elle attribue tout : Dieu a fait renaître en moi un autre germe, à la place d'Abel que Caïn a tué. Voyez, non-seulement elle ne se plaint pas, elle ne prononce aucune parole amère (la sainte Ecriture aurait rapporté toute parole de ce genre, qu'elle aurait pu prononcer), mais, au contraire, elle supporte avec courage ce qui est arrivé; elle se console promptement; elle manifeste une reconnaissance plus vive; elle célèbre le bienfait du Seigneur. Voyez avec quelle bonté le Seigneur fait, de son côté, ce qui dépend de lui; il ne se contente pas de lui donner un autre fils, mais il indique d'avance la vertu qui sera en lui. En effet, dit l'Ecriture, Adam engendra un fils à son image et à sa ressemblance. Et pour nous faire comprendre, tout de suite, la vertu de ce fils, voyez comment Adam lui-même fait voir, par le nom qu'il donne à son fils, la piété de son âme: Il naquit aussi un fils à Seth qu'il appela Enos ; celui-ci commença d'invoquer le nom du Seigneur Dieu. (Gen. IV, 26.) Voyez-vous ce nom plus beau qu'un diadème, plus brillant que la pourpre? qui pourrait être plus heureux que celui qui se fait une parure de l'invocation du Seigneur et qui la porte dans son nom?

Voyez-vous, ce que je disais en commençant, que l'on trouve dans des noms, dans de simples noms, de riches trésors? Ici, en effet, se montre, non-seulement la piété des parents, mais leur attention, leur diligence pour leurs enfants. Nous voyons, ici, comment tout de suite, dès le commencement, ils instruisaient leurs enfants qui venaient de naître; comme ils les avertissaient, par les noms qu'ils leur avaient donnés, de pratiquer la vertu. Ce n'était pas alors , comme aujourd'hui, au hasard , et le premier nom venu qu'on donnait; l'enfant, dit-on aujourd'hui, s'appellera comme son aïeul ou son bisaïeul; autrefois on procédait autrement; on mettait tout son soin à donner aux enfants des noms qui excitaient à la vertu, non-seulement ceux qui avaient reçu ces noms, mais aussi tous les autres hommes, même dans les âges à venir: ces noms étaient tout un enseignement de sagesse. La suite de ce discours nous le fera bien voir. En conséquence , nous aussi, ne donnons pas aux enfants les premiers noms venus, les noms des aïeuls, des bisaïeuls, les noms qui marquent une naissance illustre; donnons-leur les noms des saints , de ceux dont les vertus ont brillé, de ceux qui ont dû leur gloire à leur confiance, à leur force dans le Seigneur; ou plutôt, que ces noms ne fondent la confiance, ni des parents, ni des enfants qui les portent. En effet, à quoi sert un mot, vide par lui-même de vertu? Ce qu'il faut à chacun de nous, c'est d'attendre son salut, en l'opérant par la vertu; la sagesse ne réside pas dans les noms, dans la parenté avec les saints, dans quelque titre extérieur, mais dans la confiance (130) que l'on puise dans ses propres oeuvres. Disons mieux: il ne faut pas que nos couvres exagèrent le sentiment que nous avons de nous-mêmes; au contraire, soyons humbles, soyons modestes, encore plus quand nous pouvons entasser des trésors de vertus; c'est par là, en effet, que nous mettrons en sûreté, qu'il nous sera donné de conserver les richesses acquises, et de nous concilier la bienveillance de Dieu. C'est pour cela, erg effet, que le Christ disait à ses disciples : Lorsque vous aurez accompli tout ce qui vous est commandé, dites-nous sommes des serviteurs inutiles (Luc, XVII, 10), réprimant par tous les moyens l'orgueil de la confiance, persuadant la modestie, prévenant la présomption qui résulterait des bonnes oeuvres, leur faisant voir que la première de de toutes les vertus c'est, dans les bonnes oeuvres, la sagesse qui garde la mesure.

4. Revenons maintenant à notre sujet, voyons la suite des générations qui ont succédé. Il est probable qu'en nous avançant pas à pas nous trouverons un plus grand trésor d'abondantes et d'ineffables richesses. Et, dit l'Écriture, Enos, fils de Seth, ayant vécu cent quatrevingt-dix arts, engendra Caïnan; et Caïnan engendra Malaléel; etMalaléelengendra Jared; et .Iared engendra Enoch. Enoch vécut cent soixante-cinq ans et engendra Mathusala. Or, dit l'Écriture, Enoch fut agréable à Dieu, et il vécut, après avoir engendré Mathusala, deux cents ans, et il engendra. des fils et des filles. Et tous les jours de la vie d'Enoch furent de trois cent soixante-cinq ans. Enoch fut agréable à Dieu, et il ne parut plus parce que Dieu l'enleva. (Gen. V, 7, 24.) N'avais-je pas raison de dire qu'en nous avançant pas à pas, nous trouverions dans ces noms un trésor spirituel, ineffable? Considérez ici, mon bien-aimé, et la vertu de l'homme juste , et l'excès de la bonté de Dieu, et le soin diligent de l'Écriture sainte. Enoch, dit le texte, vécut cent soixante-cinq ans et engendra Mathusala, et, dit l'Écriture, Enoch fut agréable à Dieu, après avoir engendré Mathusala.

Que tous écoutent, et les hommes et les femmes , que tous apprennent la vertu de l'homme juste, et que nul ne s'imagine que le mariage soit un empêchement pour qui veut se rendre agréable à Dieu ; car la divine Écriture se propose ici de nous instruire quand elle nous dit, à deux reprises : Engendra Matlausala et alors fut agréable, quand elle reprend ce détail et nous dit: Et il fut agréable à Dieu après l'avoir engendré. C'est pour que nul ne regarde le mariage comme un obstacle à la vertu. Si nous avons la tempérance, ni l'éducation des enfants, ni le mariage, ni quoi que ce soit, ne sera un obstacle pour devenir agréables à Dieu. Voyez, en effet, cet homme de la même nature que nous; il n'avait pas reçu la loi, il n'avait pas été instruit par l'Écriture, il n'avait aucun guide pour le conduire à la sagesse. Eh bien ! il a trouvé en lui-même, dans les ressources de sa volonté, de quoi se rendre agréable à Dieu, de telle sorte qu'il est vivant, vivant encore aujourd'hui, qu'il n'a jamais éprouvé la mort. Si le mariage, mes bien-aimés, ou l'éducation des enfants était un empêchement à la vertu, le Créateur de toutes choses n'aurait pas fait du mariage un des états de notre vie , pour nous blesser dans nos premiers intérêts, pour nous faire perdre ce qui nous est le plus nécessaire; mais, non-seulement le mariage n'oppose aucun obstacle à la sagesse que Dieu commande, non-seulement il ne nous gêne en rien si nous voulons pratiquer la tempérance; mais, au contraire, c'est une grande consolation, c'est un frein qui réprime la fougue insensée de la nature, qui prévient comme le trouble des flots qui nous tourmentent, c'est un moyen pour nous de faire heureusement voguer notre barque jusqu'au port, et voilà pourquoi la divine grâce a donné aux hommes cette consolation, Ce juste, dont nous vous parlons, montre bien la vérité de nos paroles; après qu'Enoch, dit l'Écriture, eut engendré Mathusala, Enoch fut agréable au Seigneur. Et il ne pratiqua pas la vertu pendant un petit nombre de jours; il vécut, dit l'Écriture, deux cents ans. Après la transgression d'Adam, il s'est trouvé un homme capable de s'élever jusqu'au faîte le plus haut de la vertu, de réparer la faute de notre premier père, par la faveur particulière dont il jouissait auprès de Dieu. Voyez ici comme surabonde la bonté divine ! Aussitôt que Dieu eut trouvé un homme capable de réparer le péché d'Adam, Dieu, pour montrer parla réalité qu'il n'avait pas voulu frapper de mort le genre humain, à cause de la désobéissance d'autrefois, quand il condamnait cette désobéissance , prend Enoch et l'enlève vivant. Enoch, dit l'Écriture, fut agréable à Dieu, et il ne parut plus, parce que Dieu l'enleva. Voyez-vous la sagesse du Seigneur ! il l'enlève vivant, (131) il ne lui donne pas l'immortalité, de peur d'affaiblir la crainte du péché; mais il laisse au milieu des hommes cette crainte dans toute sa force. C'est par cette raison qu'il révoque, pour ainsi dire, d'une manière obscure et latente, la sentence portée contre Adam. Il ne le fait pas visiblement, parce qu'il faut que la crainte serve à nous corriger. Voilà pourquoi , comme Enoch lui était tout à fait agréable, il l'enleva. Maintenant, si la curiosité s'avise de faire des questions : Et où l'a-t-il enlevé ? est-ce qu'il est vivant aujourd'hui encore ? je réponds à la curiosité que cette complaisance pour la pensée humaine est peu convenable, qu'il ne faut pas explorer si curieusement les actions de Dieu, qu'il faut croire à la parole. Quand Dieu prononce, il ne doit pas y avoir de contradiction; ce que Dieu révèle par ses paroles mérite, quoique invisible, plus de foi que tous les objets soumis à nos regards; l'Ecriture dit que Dieu l'enleva, que Dieu l'enleva vivant, qu'il n'a pas éprouvé la mort, que, par la faveur particulière dont il jouissait auprès de Dieu, il est devenu supérieur au décret porté contre tous les hommes. Où Dieu l'a-t-il enlevé? que fait-il aujourd'hui d'Enoch? l'Ecriture ne l'a pas dit.

5. Vous voyez la bonté de Dieu : il trouve un homme d'une vertu parfaite, et il ne lui ravit pas la dignité qu'il avait accordée au premier homme avant sa désobéissance. Dieu nous montre par là que, si la séduction du démon n'avait pas prévalu chez Adam contre l'obéissance, il l'aurait honoré d'une dignité égale, supérieure peut-être. Mathusala, ayant vécu cent quatre-vingt-sept ans, engendra Lamech ; Lamech, ayant vécu cent quatre-vingts ans, engendra un fils qu'il nomma Noé, en disant Celui-ci nous fera reposer de nos travaux, et des fatigues de nos mains, et nous consolera dans la terre que le Seigneur a maudite. (Gen. V, 25-29.) Voyez maintenant dans le nom du fils de Lamech une nouvelle preuve de la grandeur des mystères, de l'excellence de la prophétie, de l'ineffable bonté de Dieu. Dieu , dans sa prescience, prévoyait les choses à venir; quand il vit que la malice des hommes croissait de jour en jour, il prédit, dans le nom de cet enfant, les maux qui devaient fondre sur toute la race des hommes, afin que, corrigés par la terreur, ils pussent renoncer à leurs vices et embrasser la vertu ; et voyez la patience du Seigneur, qui a soin que la prophétie précède l'événement longtemps d'avance, pour montrer sa miséricorde et priver de toute excuse ceux qui étaient réservés, dans l'avenir, au châtiment.

Mais peut-être me dira-t-on : d'où Lamech avait-il reçu une telle puissance de prophétie ? Est-ce que l'Ecriture nous apprend que sa vertu fut sublime, admirable? Cessez de vous étonner, mon bien-aimé; dans sa sagesse, dans sa puissance, Notre-Seigneur emploie souvent des êtres indignes à la prédiction d'étonnantes merveilles, et c'est ce que nous voyons, non-seulement dans l'Ancien Testament, mais aussi dans le Nouveau. Ecoutez l'Evangéliste, nous parlant de Caïphe, le grand prêtre des Juifs : Or il ne disait pas ceci de lui-même ; mais, étant grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus-Christ devait mourir pour la nation des Juifs, et non-seulement pour cette nation, mais aussi pour rassembler et réunir les nations qui étaient dispersées. (Jean, XI, 51.) Vous trouverez un exemple du même genre à propos de Balaam. En effet, appelé pour maudire le peuple, non-seulement il ne le maudit pas, mais encore il prédit beaucoup de choses étonnantes, non-seulement concernant le peuple, mais encore sur l'avènement de notre Sauveur. (Nomb. XXIV.) Cessez donc de vous étonner du nom qu'ici Lamech a donné à son enfant, mais rapportez le tout à la sagesse de Dieu, qui dispose toutes choses. Et il l'appela Noé. Ce nom signifie : repos. Ainsi cette destruction universelle, qui doit venir après tant. d'années, on l'appelle repos; c'est ainsi que Job, dit : La mort est un repos pour l'homme. (Job, III, 23.) C'est que la corruption est une fatigue, un travail, un excès de peines; et ce qui l'arrête, et ce qui la retranche, le désastre qui devait la faire disparaître, on l'appelle repos; et il l'appela, dit le texte, du nom de Noé. Suit l'explication du nom : Celui-ci nous fera reposer de nos travaux, c'est-à-dire, nous détournera de notre iniquité, et des fatigues de nos mains; c'est la même pensée: nous détournera, veut dire le texte, de nos oeuvres mauvaises. L'Ecriture, en effet, n'entend pas les douleurs proprement dites des mains, mais les oeuvres mauvaises , les actions criminelles qui ont augmenté les douleurs; et nous consolera dans la terre que le Seigneur a maudite, c'est-à-dire nous affranchira de tous les maux qui nous pressent, des fatigues et des misères que nous subissons en cultivant la terre qui a encouru (132) la malédiction, à cause de la désobéissance du premier homme. . Faites ici une remarque, mon bien-aimé; ce petit enfant grandit peu à peu, et il est, pour tous ceux qui le voient, une occasion de s'instruire, car bientôt chacun de ceux qui s'informaient du nom de l'enfant a dû connaître , en entendant l'explication de ce nom , la destruction universelle qui devait arriver. Supposez qu'un homme inspiré l'eût seulement annoncée par avance , la prédiction eût été aussitôt oubliée, tous n'auraient pas connu le terrible châtiment; mais voici que celui que tous les yeux peuvent voir annonce en temps opportun, et bien avant le temps, la colère du Dieu indigné. Et maintenant pour que nous sachions exactement combien de temps, rien que par le nom qu'il portait, le fils qui portait ce nom a continué d'avertir tous les hommes de renoncer au péché et d'embrasser la vertu , afin de pouvoir se soustraire à la colère, l'Ecriture dit : Noé, ayant cinq cents ans, engendra trois fils. (Gen. V, 32.) Vous voyez encore une fois un autre juste avec une épouse et des fils; qui s'est rendu, en opérant le bien, tout à fait agréable à Dieu; qui, faisant le contraire de tous les autres , a choisi le chemin de la vertu ; et, ni le mariage, ni l'éducation des enfants n'ont été pour lui un obstacle. Et maintenant ce qu'il faut admirer, c'est l'ineffable patience de Dieu et la corruption prodigieuse des hommes de ce temps. Voilà, en effet, pendant cinq cents ans, un juste qui crie, dont le seul nom proclame le déluge universel, qui viendra pour punir l'excès de la malice humaine, et, malgré cet avertissement, ils n'ont pas renoncé à leurs iniquités. Cependant le Dieu de clémence , même après une prophétie si éloquente, après tant d'années, n'envoie pas encore le châtiment; il ajoute encore à sa patience, il ajoute encore quelques années à sa douceur qui supporte le mal. C'est qu'en effet il n'a pas créé le genre humain pour le punir, mais, tout au contraire , pour le combler d'innombrables biens, dont il nous verrait jouir. Voilà pourquoi vous voyez partout Dieu même hésitant, ajoutant les délais aux délais, retardant le châtiment. Mais nous ne voulons pas, sous la multitude de nos paroles, accabler votre mémoire ; nous nous arrêterons ici, ajournant à demain les autres explications.

6. Ne nous contentons pas d'entendre simplement ces paroles, mes bien-aimés; mais appliquons-nous à pratiquer la vertu, à regarder comme un grand bien de nous rendre agréables à Dieu; ne faisons pas, du gouvernement de notre maison, ni des inquiétudes que nous concevons pour nos femmes, ni des soins que nous devons à nos enfants, ni de tout autre motif, un prétexte, une excuse, suffisante à nos yeux, pour qu'on nous pardonne notre négligence et notre paresse; ne répétons plus ces paroles, sans portée, sans raison : Je suis du monde, j'ai une femme, je m'occupe de mes enfants; ce que l'on a coutume de nous dire, quand nous demandons que l'on s'applique aux travaux de la vertu, qu'on se livre avec ardeur à la lecture de l'Ecriture sainte. Ce n'est pas mon affaire, me répond-on; est-ce que t'ai renoncé au monde? est-ce que je suis un moine? Que dites-vous, ô homme? N'appartient-il qu'aux moines d'être agréables à Dieu? Ce sont tous les hommes qu'il veut sauver, qu'il veut voir venir à la connaissance de la vérité (I Tim. II, 4), pratiquant toutes les vertus. Entendez-le, nous disant par le Prophète : Je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. (Ezéchiel, XVIII, 23.) Voyons, répondez-moi, est-ce que ce juste a trouvé un obs. tacle dans l'union qui l'attachait à son. épouse, ou dans le soin qu'il prenait de ses enfants? Donc, je vous en conjure, ne soyons pas les premiers à nous tromper nous-mêmes. Plus nous sommes en proie aux inquiétudes, plus nous devons être avides des remèdes que nous fournit la lecture de l'Ecriture sainte. N'est-il donc pas vrai que ces justes furent des hommes comme nous, et n'eurent pas, autant que nous, des secours pour la vertu? Quelle sera donc notre excuse à nous, qui jouissons d'une telle doctrine, qui avons obtenu tant de grâces, qui sommes fortifiés d'en-haut, qui avons reçu la promesse de ces biens ineffables, si nous n'allions pas plus avant que les hommes d'autrefois dans la vertu ! Si nous voulons pratiquer la sagesse, il suffit simplement des paroles entendues aujourd'hui pour exciter en nous l'amour du bien, pour nous montrer qu'entre le bien et nous il n'y a pas d'obstacle. Si les hommes qui vivaient avant la loi ont pu, par les seules lumières de la nature, atteindre à une vertu si haute, que pourrons-nous dire, nous, qui, après tant de soins qu'on a pour nous, après l'avènement du Christ, après tant de miracles sans nombre, sommes encore si loin de la vertu ? Aussi, je vous en conjure, (133) ne nous contentons pas devenir simplement pour voir ce qu'il y a dans l'Ecriture sainte; soyons attentifs; lisons-la pour qu'elle nous soit utile, pour en retirer aussi tard que vous voudrez, pour en extraire, un jour, quelque vertu chère à Dieu, et dont nous ferons notre conquête. Car, s'il faut que tous les jours nous vous annoncions à grands cris cette doctrine spirituelle, tandis que vous resterez dans la même inertie, à quoi vous servira ce continuel enseignement? Quelle sera pour nous la consolation, a voir que tant d'efforts que nous prenons sont inutiles, et que nous ne gagnons rien avec tout notre zèle? Voyons, parlez-moi ; est-ce que nous ne sommes pas composés de deux substances, je dis d'une âme et d'un corps? Eh bien! donc, pourquoi ne dépensons-nous pas également nos soins pour tous les deux? Comment se fait-il que nous soignons notre corps de toutes les manières, que nous faisons venir les médecins, que personnellement nous le soignons avec la plus grande diligence, nous le couvrons d'étoffes précieuses, nous prenons de la nourriture plus qu'il n'en faut, nous voulons qu'il soit dans un état de prospérité continuelle, qu'aucun mal ne vienne jamais le tourmenter? Si, parfois, quelque trouble le dérange, nous mettons tout en mouvement pour écarter ce qui l'importune. Et ce que je dis, je le dis de ce corps qui n'est que la seconde de nos substances; car enfin, voyons : quelle est la plus noble? Est-ce l'âme ou le corps? S'il faut en faire voir à vos yeux la différence, remarquez donc que votre corps n'est plus rien, du moment que l'âme s'en est séparée. Eh bien ! vous, qui prenez pour ce corps un si grand souci, par quel motif, en vue de quoi, méprisez-vous tant votre âme, au point de ne pas lui donner sa part de nourriture? J'entends par là les avertissements de l'Ecriture Sainte. Aux blessures, aux ulcères qui énervent ses forces, qui détruisent sa confiance, vous n'apportez pas les remèdes convenables; vous la laissez, cette âme méprisée, se dessécher par la faim, pourrir dans ses ulcères; passez-moi le mot, vous la jetez aux chiens, aux pensées mauvaises, aux pensées criminelles, qui la déchirent, qui décomposent, qui ruinent tout ce qu'elle avait d'énergie.

Nous prenons soin du corps que nous avons sous les yeux: pourquoi ne soignons-nous pas également l'âme, incorporelle, invisible, et cela, quand les soins qu'elle réclame, non-seulement sont chose aimable et facile, niais encore ne réclament ni dépenses, ni fatigues? Quand le corps est malade, il faut de l'argent et de l'argent, soit pour les médecins, soit pour d'autres nécessités, nécessités de vêtements, d'aliments. Je ne veux pas mentionner ici les dépenses au delà du nécessaire, les dépenses du luxe. L'âme, au contraire, n'a nul besoin pareil. Si vous voulez, puisque chaque jour vous fournissez au corps de la nourriture, puisque vous dépensez pour le corps, de l'argent, si vous voulez, de même, que votre âme ne meure pas de faim, si vous consentez à lui donner la nourriture convenable, vous connaissez bien le texte de l'Ecriture, l'avertissement spirituel : L'homme ne vit pas seulement de pain, dit le Seigneur, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Matth. IV, 4) , prenez donc le parti le plus sage, occupez-vous de la substance qui est proprement la nôtre. Eh bien donc ! comme vous fournissez au corps des vêtements variés, vous tenez compte de la diversité des saisons dans la diversité de vos vêtements, faites de même pour l'âme, ne la négligez pas, ne la laissez pas aller et venir nue, dépourvue de bonnes œuvres; revêtez-la des vêtements qui lui vont, et aussitôt vous la réconforterez, vous lui rendrez la santé qui convient à sa nature. Quels sont les vêtements de l'âme? L'aumône, l'argent prodigué aux pauvres; c'est là le plus beau vêtement de l'âme; voilà ce qui lui fait un splendide manteau. Et maintenant, si vous voulez non-seulement lui donner des vêtements, mais, de plus, la parer, l'embellir, comme vous faites du corps, ajoutez-y le secours qui vient des prières, la confession des péchés; ne cessez pas de laver la face de votre âme dans les larmes de la pénitence. Tous les jours vous vous lavez le visage avec une entière sollicitude, de peur que quelque tache n'enlaidisse votre figure, appliquez à votre âme un soin du même genre; purifiez-la chaque jour par vos larmes brûlantes. Voilà qui enlève les taches de l'âme, et lui rend sa pureté et sa gloire.

Et puisque l'indolente vanité d'un grand nombre de femmes méprise ce précepte de l'Apôtre : Qu'elles se parent non avec des cheveux frisés, ni des ornements d'or, ni des perles, ni des habits somptueux (I Tim. II, 9), puisqu'elles déploient un grand luxe dans la violation de ce précepte; et puisque (134) non-seulement les femmes, mais aussi tout ce qu'il y a d'hommes indolents et mous, se rabaissent à l'état de femmelettes, et que nous les voyons, des bagues aux doigts, couverts, chargés de pierreries, dont ils devraient rougir, qu'ils devraient cacher; je dis que ces hommes, je dis que ces femmes, si nos discours étaient entendus, au lieu de rechercher ces parures, funestes aux hommes, funestes aux femmes, feraient mieux d'employer ces ornements à embellir leur âme. Appliqués sur un corps, même quand ce corps a la beauté en partage, ces ornements l'enlaidissent ; appliqués à l'âme , même à une âme laide, ces ornements lui communiquent tout l'éclat de la beauté. Et comment, me dira-t-on, sur l'âme, des parures d'or? Encore une fois, attachez-les par la main des pauvres. Ce sont eux qui, en les recevant , composent cette beauté. Mettez-leur entre les mains vos parures d'or, donnez-les-leur à manger, et, en échange, ils donneront à votre âme cet éclat de beauté qui attirera près d'elle son vrai fiancé, avec ses mille et mille trésors. Quand vous avez par votre beauté, forcé votre Seigneur à venir près de vous, vous tenez alors, vous possédez tous les biens en foule; vous voilà riche au sein de l'ineffable abondance : donc, si nous voulons devenir les bien-aimés du Seigneur, cessons d'admirer d'un oeil ébahi la beauté factice du corps; ne pensons plus, chaque jour, qu'à la beauté de l'âme, pour nous concilier la bienveillance du Dieu de bonté, pour entrer dans le partage des biens qu'aucune expression ne peut rendre, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient, ainsi qu'au Père et au Saint-Esprit, la gloire, la puissance, l'honneur, et maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

Traduit par M. C. PORTELETTE.

 

 

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