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TRENTE-DEUXIÈME HOMÉLIE. « Le Seigneur apparut à Abraham et lui dit : Je donnerai à ta postérité cette terre ; et là Abraham dressa un autel au Seigneur qui lui était apparu. » (Gen. XII, 9)
ANALYSE.
1. Exhortation à profiter de l'instruction. 2. Dieu apparut à Abraham; c'est la première fois que ce mot apparut se lit dans l'Écriture. Dieu éprouve souvent mais n'abandonne jamais les justes. 3. Courses et pérégrinations d'Abraham dans le pays de Chanaan. Il loge dans la tente. Il va plus aisément d'une région à une autre que les auditeurs de saint Chrysostome n'allaient de la ville à la campagne. 4. La disette force Abraham d'aller en Égypte; il conseille à sa femme de se faire passer pour sa sueur. 5. Que cette épreuve dut être cruelle pour l'un et pour l'autre ! 6. Comment Dieu vint à leur secours en cette affreuse extrémité. 7-8. Humiliation de Pharaon. 9. Exhortation.
1. Il y a, mes bien-aimés,: un grand et immense trésor dans ce qui vient d'être lu, et il faut un esprit attentif, une raison active et Vigilante, pour que rien ne nous échappe du sens caché dans ces courtes paroles. Si la bonté de Dieu n'a pas voulu qu'une lecture des Ecritures, faite rapidement et à la légère, suffise pour nous rendre clair et évident tout ce qui s'y trouve contenu, c'est afin d'éveiller notre paresse et de ranimer notre (217) vigilance pour que nous eu tirions plus de fruit. En effet, ce qui ne peut se trouver qu'avec beaucoup de soins et de recherches, se grave mieux dans l'esprit ; au contraire , ce que l'on découvre facilement échappe bien vite à la mémoire. Ne soyons donc point négligents, je vous en prie, mais réveillons notre esprit et plongeons nos regards dans la profondeur des Ecritures, afin d'en rapporter un profit plus considérable. Car l'Eg
Du reste, nous ne prétendons pas être irréprochable, mais nous désirons vous voir faire des progrès, et il manquerait quelque chose à notre bonheur, quand même nous serions à l'abri de tout reproche, si vous ne montriez pas un zèle digne de nos peines; car la principale cause de notre joie, c'est de voir vos progrès spirituels. Je sais, il est vrai, que, par la grâce de Dieu, vous avez assez de sagesse pour pouvoir même instruire les autres; mais, comme le conseille saint Paul, je vous rappelle toutes ces vérités, je réveille votre zèle et votre ardeur, je vous avertis sans cesse, parce que je veux vous voir parfaits et accomplis. C'est pour moi une grande preuve de vos progrès vers Dieu, que votre empressement. à venir ici chaque jour et votre avidité pour l'enseignement spirituel. Car, de même que l'appétit de la nourriture matérielle est la meilleure preuve de la santé, de même le désir de la nourriture spirituelle est l'indice le plus sûr d'une âme bien portante. Je vous sais si bien disposés que les plus longs discours ne peuvent jamais vous suffire ni vous rassasier de cette nourriture spirituelle; aussi je ne cesserai pas, suivant mes forces et les secours de la grâce divine, de travailler pour vous chaque jour et de vous présenter les enseignements des saintes Ecritures. 2. Prions donc aujourd'hui le Dieu de miséricorde pour qu'il conduise notre langue à la découverte des vérités que nous cherchons; et, suivant notre habitude, nous offrirons d'abord à votre charité ce qui vient d'être lu. Le Seigneur apparut à Abram et lui dit : N'avais-je pas raison de vous dire en commençant qu'un grand trésor était caché dans ce peu de paroles? Voici d'abord un préambule étrange et inouï : Le Seigneur Dieu apparut à Abram. C'est la première fois que nous trouvons dans l'Ecriture cette parole : il apparut. Car l'Ecriture sainte n'a jamais employé ce mot à propos d'Adam, d'Abel, de Noé ou de tout autre. Pourquoi donc est-il dit : il apparut? Et comment plus loin est-il dit : Personne ne pourra voir Dieu et rester vivant? (Exod. XXXIII, 20.) Que dirons-nous en lisant dans l'Ecriture : Il apparut ? Comment apparut-il au juste ? Est-ce que celui-ci vit la substance même de Dieu ? Non, loin de nous cette pensée ! Mais que fut cette vision? Ce qu'elle fut, Dieu seul le sait ; le juste seul pouvait le voir; car notre sage et bon Maître sait encore condescendre à la nature humaine pour se manifester aux hommes qui se sont préparés à en être dignes. Il le fait voir par le Prophète, en disant : J'ai (218) multiplié les visions, et dans la main des prophètes, j'ai été représenté sous diverses images. (Osée, XII, 10.) Par exemple, Isaïe le vit assis. (Isaïe, VI, 1); cela est indigne de Dieu, car Dieu n'est pas assis; comment cela se pourrait-il, puisque sa nature est incorporelle, et impérissable? Daniel le vit aussi comme l'Ancien des jours (Dan. VII, 9, 22) ; Zacharie l'a vu sous un aspect différent (Zach. I), et Ezéchiel encore sous d'autres. Voilà pourquoi il disait : J'ai multiplié les visions , c'est-à-dire : j'ai paru devant chacun suivant son mérite. Et maintenant il avait tiré ce juste de sa maison, et lui avait ordonné d'aller dans une autre terre. Celui-ci, quand il y fut arrivé, errait comme un vagabond et un étranger, dans ce pays encore occupé par les Chananéens , et cherchait où il pourrait s'établir. Le Seigneur, dans sa bonté, voulut le consoler et fortifier son courage, pour l'empêcher de tomber dans l'abattement et dans le doute à l'égard de la promesse qui lui avait déjà été faite dans ces termes: Viens, et je ferai naître de toi une grande nation: En effet, le juste voyait que les événements semblaient contraires à cette promesse; il errait comme un homme vil et méprisé, sans recommandations et sans refuge il fallait donc relever son courage; c'est pour cela qu'il est dit : Le Seigneur apparut à Abram et lui dit : Je donnerai à ta race toute cette terre. Voilà une grande promesse pour faire suite à celle qui lui avait fait quitter son pays. Il lui avait dit: Je glorifierai ton nom; aussi ajoute-t-il maintenant : Je donnerai à ta race toute cette terre. Tandis que le juste, déjà âgé, n'avait pas d'enfants à cause de la stérilité de Sara, cette terre est promise au fils qu'il doit avoir. Considérez ici la miséricorde dé Dieu qui, prévoyant la vertu du juste, voulait la montrer à tous et la faire éclater aux yeux comme une perle cachée jusqu'alors. Après avoir fait suivre ses promesses d'autres promesses plus grandes, et les avoir confirmées de nouveau, il attend encore un peu pour faire éclater davantage la piété du juste : le saint homme, voyant que ces promesses ne se réalisaient pas, n'avait ni inquiétude, ni impatience, ni trouble d'esprit, sachant que ce que Dieu a une fois annoncé arrive d'une manière certaine et infaillible. Examinons tout à mesure pourvoir combien la sagesse du bon Dieu est ingénieuse et quels soins il a pris de ce juste, ainsi que pour apprendre l'amour du patriarche pour le Seigneur : Et le Seigneur Dieu apparut à Abram. Comment cela? Comme Dieu seul le sait, et comme le juste seul pouvait le voir. Car, je ne puis trop le répéter, j'ignore comment cela s'est fait. J'entends seulement, l'Ecriture qui me dit: Le Seigneur Dieu apparut à Abram , et lui dit: Je donnerai à ta race toute cette terre. Rappelez-vous avec exactitude les promesses, que Dieu avait faites, et quand vous verrez le juste souffrir des tribulations, quand vous reconnaîtrez l'excès de sa résignation, la solidité de son courage, la force et la fermeté de son amour pour Dieu, vous apprendrez par tout ce qui lui est arrivé à ne jamais penser que Dieu laisse son ouvrage imparfait. Si vous voyez un homme de bien soumis à des tentations ou à quelques autres épreuves de la vie, songez combien les voies de Dieu sont variées, et abandonnez tout à son incompréhensible providence. En effet, s'il a permis que ce juste, qui montrait tant de piété et d'obéissance, ait subi les épreuves que vous allez connaître, ce n'est point qu'il ait dédaigné son serviteur, c'est au contraire pour faire connaître sa vertu à tout le monde; du reste, il en use ainsi d'ordinaire avec tous les justes, et ceux d'entre vous qui s'ont versés dans la lecture des saintes Ecritures pourront conclure, de tout ce qu'ils y ont déjà trouvé, que c'est là en effet la manière dont Dieu dirige la vie de ses serviteurs: dès lors, ne serait-ce pas la plus extrême injustice de prendre pour un abandon cette conduite de Dieu, et ne faut-il pas plutôt y voir la plus grande preuve de protection et de bonté? En montrant ainsi l'étendue de sa puissance, il a une double intention; d'un côté il fait briller à tous les yeux la patience et le courage de ses serviteurs, et de l'autre il fait triompher sa providence dans les circonstances les plus difficiles: quand tout semblé presque désespéré, il arrange tout à sa volonté, et aucun obstacle ne peut lui résister. Le Seigneur Dieu apparut à Abram et lui dit: Je donnerai à ta race toute cette terre. Voilà une grande promesse, et désirable surtout pour le juste. Vous savez que ceux qui sont déjà âgés, et qui ont passé leur vie sans enfants, désirent en avoir. C'est pourquoi le Seigneur lui offrait cette récompense de l'obéissance qu'il avait montrée , lorsque en entendant cette parole : Sors de ton pays, il n'avait pas différé ou retardé, mais il avait obéi à cet ordre en l'exécutant aussitôt; aussi, quand il eut fait ce (219) qui lui était commandé, Dieu lui dit : Je donnerai à ta race toute cette terre. 3. Voyez comment par cette parole il relève son esprit et compense largement ses fatigues. Aussi le juste montrant sa reconnaissance rend à l'instant des actions de grâce. Il dressa à cet endroit un autel au Dieu qu'il avait vu. Et le lieu même où Dieu avait daigné parler avec lui fut consacré, par ces actions de grâce, autant que cela fut en sa puissance. Voilà pourquoi il dressa un autel, c'est-à-dire il remercia Dieu de ses promesses. De même que souvent lés hommes sont portés par leur inclination à bâtir des maisons là où ils trouvent leurs meilleurs voisins, souvent même à fonder des villes et à les nommer sous l'inspiration de leur amitié; de même ce juste, après avoir été honoré de la vision de Dieu, dressa un autel au Dieu qu'il avait vu, et se retira de là. Pourquoi se retira-t-il de là? Comme la place était consacrée et sanctifiée par Dieu, il s'éloigna et vint à une autre place. Il partit et vint sur une montagne à l'orient de Béthel, et il y dressa sa tente. Demeure bien fragile, direz-vous ! Voyez comme il évitait le luxe et l'embarras, comme il se transportait facilement avec sa femme et ses serviteurs ! Ecoutez , hommes et femmes ! Souvent, quand nous voulons aller à la campagne, nous faisons mille préparatifs, nous avons une foule d'embarras, parce que nous traînons une quantité de choses qui ne servent à rien, qui sont superflues et inutiles, qui ne satisfont que nos caprices, et que néanmoins il faut porter et remporter avec nous. Telle ne fut pas la conduite de ce juste. Que fit-il? Après avoir été honoré de l'entretien de Dieu, avoir consacré la place et bâti l'autel, il passa ailleurs sans difficulté. Il dressa là sa tente ayant à l'occident Béthel prés de la mer, et Aggi à l'orient; et il bâtit là aussi un autel au Seigneur et il invoqua le nom du Seigneur. Voyez comme il montre sa piété dans toute sa conduite ! Dans un endroit il,bâtit un autel à Dieu qui lui avait fait une promesse, et il quitte la placé après l'avoir consacrée. Ailleurs, après avoir dressé sa tente, de nouveau il bâtit un autel au Seigneur et invoque le nom du Seigneur. Voyez quelle sagesse ! voyez ce précepte écrit par le docteur de l'univers, par saint Paul : Levant au ciel en tous lieux leurs saintes mains, voyez comme le patriarche l'avait accompli d'avance en dressant à chaque place un autel pour rendre grâce au Seigneur. Il savait, en effet, il savait d'une manière certaine que le Dieu de toutes choses ne demande rien à la nature humaine, pour tant de grâces ineffables, qu'un coeur reconnaissant et qui sache le remercier hautement de ses bienfaits. Mais voyons aussi comment le juste quitte encore ce séjour. Abram s'en alla et dressa son camp dans le désert. Voyez de nouveau sa piété et sa grande résignation. Il quitta encore cet endroit et dressa son camp dans le désert. Pourquoi cet autre départ? Peut-être voyait-il que sa présence déplaisait à quelques habitants. S'il alla au désert, il montra ainsi l'excès de sa douceur et l'importance qu'il attachait à vivre en repos sans avoir rien à démêler avec personne. Il partit et dressa son camp dans le désert. Voilà un étrange usage que la divine Ecriture fait de ce mot, car elle parle du juste comme s'il s'agissait d'un chef d'armée; mais cette expression de camp montre que le juste était aussi à son aise dans ses mouvements que les soldats qui vont sans peine d'un lieu à un autre. Ainsi ce juste, quoiqu'il emmenât avec lui sa femme, son neveu et une foule de serviteurs, n'avait aucune peine à se déplacer. Avez-vous remarqué l'existence simple et facile de ce vieillard avec sa femme et tant de serviteurs? Pour moi j'admire encore plus le courage de la femme. Quand je songe à la faiblesse naturelle à la femme et que je réfléchis à la facilité avec laquelle celle-ci aide son mari dans ses déplacements, sans l'impatienter, sans le gêner, je suis stupéfait et je crois qu'elle n'a pas eu moins de raison et de courage que lui-même. Nous le verrons encore mieux en continuant notre lecture. Vous avez vu qu'après avoir entendu ces mots : Je donnerai à ta race toute cette terre, le juste ne s'est pas reposé, et est allé sans cesse d'un endroit à un autre. Mais voyez comment il est encore chassé du désert, non plus par les hommes, mais par la contrainte de la famine. Il y eut une famine sur la terre. J'appelle là-dessus l'attention de ceux qui parlent au hasard, qui augurent étourdiment et qui disent : un tel est arrivé, la disette est venue; un tel était là, il est survenu des accidents. Vous voyez qu'à l'arrivée de ce juste, il se manifeste une disette, et une forte disette ; cependant le juste n'est pas tourmenté, n'a rien à souffrir de la part des hommes, et personne n'attribue la famine à sa présence. Mais quand il manqua de provisions et que cette (219) famine se fut accrue, Abram se rendit en, Egypte, parce que la famine régnait sur la terre. 4. Remarquez combien se prolongent les courses du juste. Dieu le destinait à servir d'exemple, non-seulement aux habitants de la Palestine, mais à ceux de l'Égypte, et à faire resplendir partout l'éclat de sa vertu. C'était pour ainsi dire une lumière inconnue et cachée dans la terre de Chaldée ; il l'en retira pour conduire dans la route de la vérité ceux qui s'étaient arrêtés dans les ténèbres de l'erreur. Mais l'on dira peut-être : Pourquoi ne s'en est-il pas servi pour enseigner la piété par son exemple au peuple de Chaldée? Il a sans doute pourvu à leur salut d'une autre manière; du reste, écoutez ces mots du Christ : Un prophète n'est nulle part moins honoré que dans son pays. (Mat. XIII, 27.) Aussi pour remplir la promesse qu'il lui avait faite en lui disant : je glorifierai ton nom, Dieu permit que la famine, survînt et le forçât d'aller en Egypte pour que les habitants de ce pays connussent sa vertu. Car la famine, semblable à un licteur qui emmène un prisonnier enchaîné, les entraîna du désert en Egypte. Mais voyez ce qui va suivre, et dans quelles difficultés le juste est tombé, pour que nous connaissions son courage et la sagesse de sa femme. Comme ils avaient fait beaucoup de chemin et qu'ils étaient, près de l'Égypte, le juste, saisi d'angoisse, et craignant presque pour sa vie, parle à sa femme en tremblant. Comme Abram approchait et qu'il allait entrer en Egypte, il dit à Sara son épouse: Je sais que tu es une belle femme. Quand les Ègyptiens te verront, ils diront : c'est son épouse; ils me tueront et te garderont. Dis-leur donc : je suis sa soeur, pour qu'on me traite bien par égard pour toi et que mon âme vive à cause de toi. Ces paroles vous montrent quelle était l'angoisse et la crainte du juste : cependant; la réflexion ne lui manquait pas, il ne se troublait pas et ne disait pas hors de lui: Qu'est-ce? sommes-nous abandonnés, sommes-nous trompés? La providence du Seigneur nous a-t-elle délaissés? Celui qui a dit: Je te glorifierai, et je donnerai à ta race toute cette terre, celui-là nous livre-t-il au sort le plus cruel, et nous jette-t-il dans un danger inévitable? Rien de tout cela n'entra dans l'esprit du juste; il n'avait d'autre souci que d'imaginer les moyens d'éviter la famine et d'échapper aux mains des Egyptiens. Je sais, dit-il, que tu es une belle femme. Voyez quelle était cette beauté ! Après tant d'années et comme elle touchait à la vieillesse, les grâces de la jeunesse paraissaient encore sur sa figure, malgré tant de fatigues et de peines qu'elle avait supportées en voyage pour visiter tant de pays, de Chaldée à Charran, de Charran à Chanaan, de Chanaan encore ici et là, et enfin en Egypte. Quel est l'homme même vigoureux que n'auraient pas abattu, ces courses continuelles? Mais cette femme admirable, après avoir soutenu tant de fatigues, était encore d'une beauté si éclatante que le juste en conçut une grande et. vive frayeur; aussi lui dit-il: Je sais que tu es une belle femme. Quand les Égyptiens te verront ils diront: c'est son épouse, ils me tueront; et te garderont. Observez la confiance qu'il; avait dans sa femme, la certitude où il étai qu'elle serait inflexible aux louanges, puisqu'il lui donne ce conseil : pour qu'ils ne me tuent pas afin de te garder, dis-leur donc : je suis sa soeur, pour qu'on me traite bien et que mon âme vive à cause, de toi. Comme cette demande avait quelque chose d'extraordinaire, il voulait, par les paroles qui l'accompagnaient, l'attirer et l'engager à y condescendre, et lui persuader de jouer son rôle de bon coeur. Quand les Egyptiens te verront ils diront : voilà sa femme, ils me tueront et te garderont. Il ne dit pas, ils t'outrageront, il ne veut pas l'effrayer, mais sa crainte était relative à la promesse de Dieu. C'est à ce propos qu'il dit: ils te garderont, dis-leur donc :je suis sa soeur. Imaginez, je vous prie, ce. que devait penser le juste en donnant ces conseils à sa femme. Vous savez, en effet, vous savez tous combien il est pénible pour un mari de concevoir sur sa femme un pareil soupçon. Eh bien! ce juste s'efforce de faire consommer l'adultère. Cependant, mes bien-aimés, ne le condamnez pas témérairement, prenez plutôt une haute idée de sa prudence et de son courage; il faut du courage, en effet, pour résister avec tant d'énergie au trouble de ses pensées et pour l'avoir dominé, comme il l'a fait, en donnant un pareil conseil. En effet, rien n'est plus insupportable que ce trouble, comme le dit Salomon. La colère du mari est pleine de jalousie, il ne pardonnera pas au jour du jugement, et ne changera sa haine contre aucun présent. (Prov. VI, 34, 35) ; et encore : La jalousie est cruelle comme l'enfer. (Cant. VIII, 6.) 5. Nous voyons bien-des hommes tellement possédés de cette fureur que non-seulement ils ne pardonnent point à leur femme, mais qu'ils tuent l'amant et eux-mêmes avec lui. Cette fureur est si grande, cette jalousie si indomptable, que celui qui est une fois pris de cette maladie néglige même son salut. Voilà ce qui prouve le courage du juste. Quant à sa prudence on voit jusqu'où elle va, puisque réduit à de pareilles extrémités et engagé comme dans des filets, il peut trouver ce moyen de diminuer le mal. S'il avait dit que c'était sa femme, et s'il n'avait imaginé de là faire passer pour sa sieur, elle lui aurait encore été enlevée, puisque sa beauté aurait excité le libertinage des Egyptiens , et on l'aurait tué lui-même pour que personne ne pût porter plainte. Ainsi placé entre ces deux funestes dangers de l'incontinence des sujets et de la tyrannie du roi, il cherche dans sa détresse un léger adoucissement, et il dit à sa femme : Dis-leur, je suis sa soeur, cela me sauvera peut-être du danger. Car, quant à toi, que tu passes pour soeur ou pour femme, rien ne peut t'empêcher d'être enlevée à cause de ta beauté; pour moi, j'éviterai probablement leurs embûches en prenant le nom de ton frère. Voyez-vous quelle était la prudence du juste, comment dans son embarras il sut trouver le chemin qu'il cherchait pour dérouter les embûches des Egyptiens ? . Réfléchissez encore à la patience du juste et à la sagesse de sa femme ! Le juste, en effet, ne s'est pas indigné et n'a point dit : pourquoi conduire avec moi une femme qui soulève cette tempête? à quoi me sert sa société puisque je tombe pour elle dans les plus grands dangers? quel profit en ai-je, puisque non-seulement elle ne me procure aucun soulagement, mais que sa beauté met ma vie en péril ? Il ne dit et ne pensa rien de semblable, il rejeta toute idée de cette espèce et ne douta point de la promesse de Dieu, il ne s'occupa qu'à fuir ce danger imminent. Ici, mes bien-aimés, admirez l'ineffable patience de Dieu, qui n'assiste. et ne console point le juste, mais laisse le mal s'aggraver et s'accroître jusquà l'extrême, et alors seulement montre sa providence. Dis-leur donc : Je suis sa soeur afin qu'on me traite bien et que mon dore vive à cause de toi. Si le juste parle ainsi, ce n'est pas que l'âme doive mourir; en effet : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l'âme. (Mat. X, 28.) Il ne parle ainsi à sa femme que par habitude. Afin que l'on me traite bien et que mon âme vice à cause de toi. C'est comme s'il lui disait : Dis : Je suis sa soeur, pour éviter que, forcé par la famine de fuir Chanaan, je ne tombe sous les coups des Egyptiens. Deviens pour moi une cause, de salut, afin qu'on me traite bien à cause de toi. Ces paroles sont touchantes: c'est que la fureur des Egyptiens était terrible et que la tyrannie de la mort n'était pas encore brisée; aussi le juste consent à l'adultère de sa femme et semble même favoriser cette souillure pour éviter la mort. En effet, l'aspect de la mort était encore terrible, ses portes d'airain n'étaient pas encore rompues, son aiguillon n'était pas encore émoussé. Vous avez vu le lien d'affection entre le mari et la femme, vous voyez aussi quel conseille mari ose donner et la femme peut recevoir ! Elle ne refuse pas et ne se fâche point, mais elle fait tout pour que la feinte ne, soit pas découverte. Ecoutez, hommes et femmes, imitez cette concorde, ce lien d'affection, cet effort de piété et cette parfaite modestie de Sara. Si belle encore dans sa vieillesse, elle rivalisait avec les vertus de son mari; aussi fut-elle honorée de la protection de Dieu et des faveurs d'en-haut. Que personne donc n'accuse la beauté, que personne ne dise ces paroles irréfléchies : telle femme, tel homme ont été perdus par leur beauté. Il ne faut point s'en prendre à la beauté; non certes ! car elle vient de Dieu; c'est la perversité de la volonté qui est cause de tous les maux. Cette femme aussi admirable par la beauté de son âme que par celle de son visage, vous la voyez suivre les pas du juste. Que les femmes suivent son exemple ! Ni les grâces extérieures, ni sa stérilité prolongée, ni les grandes richesses, ni les voyages et déplacements, ni les tentations continuelles et successives, rien, en un mot, ne put ébranler sa raison, ni altérer son calme. Aussi elle obtint un digne prix dé sa résignation ; dans son extrême vieillesse, ses entrailles stériles et presque mortes purent engendrer. Afin, dit-il, qu'ils me traitent bien par égard pour toi, et mon âme vivra à cause de toi. Il ne me reste plus d'autre voie de salut que si tu consens à dire : je suis sa soeur. Peut-être alors éviterai-je le danger que je redoute; ensuite je vivrai grâce à toi, et je te tiendrai compte du reste de ma vie. Ces paroles suffisaient pour toucher sa femme et pour l'engager à lui complaire. 6. C'est là véritablement un mariage, quand (221) les époux sont unis , non-seulement dans la tranquillité, mais dans les dangers ,même ! c'est la preuve d'une affection légitime et d'une amitié parfaite. Un roi ne tire pas autant d'honneur du diadème qui le couronne, que cette femme bienheureuse ne tira d'éclat et d'illustration de la condescendance qu'elle montra au conseil du juste. Comment ne pas admirer cette obéissance ? comment la louer dignement, lorsque, après une si longue chasteté et à un âge si avancé, elle consent, pour sauver son mari, au projet d'un adultère avec un barbare? Mais attendez un peu, et vous verrez les ressources de la Providence divine. Dieu navait montré tant de patience que pour mieux faire valoir le juste, et apprendre non-seulement aux Egyptiens, mais aux peuples de Palestine, combien le patriarche était protégé par le Maître de toutes choses. Il arriva, quand Abram entra en Egypte, que les Egyptiens virent sa femme qui était extrêmement belle; les officiers de Pharaon la virent aussi, la vantèrent à Pharaon, la menèrent à la demeure de Pharaon, et traitèrent bien Abram à cause d'elle. On lui amena des brebis, des veaux, des ânes, des serviteurs et des servantes, des mulets et des chameaux. Vous voyez se réa
Ne laissez point échapper ces paroles, mes bien-aimés, mais admirez qu'aucun égyptien n'ait porté la main sur cette voyageuse étrangère et n'ait offensé son mari, mais qu'ils sont allés prévenir le roi. Du reste, cela eut lieu pour que l'évidence fût plus grande et que la responsabilité ne tombant pas sur le premier venu, mais sur le roi, les conséquences fussent connues partout. Ils la menèrent à la demeure de Pharaon. Ainsi le juste est séparé de sa femme et elle est conduite à Pharaon. Voyez encore la patience de Dieu ! ce n'est pas dès le commencement que sa providence se montre, il laisse aller les choses, et, presque tomber cette femme dans la gueule du monstre, et c'est alors qu'il déploie sa puissance aux yeux de tous. Ils la menèrent à la demeure de Pharaon. Quelles étaient alors les pensées de cette femme ! quel trouble agitait son esprit! quelle tempête s'élevait en elle! comment , au lieu de faire naufrage, est-elle restée inébranlable comme un rocher, les yeux tournés vers la puissance céleste ! Mais pourquoi parler de la femme? Que devait penser le juste quand on la menait chez Pharaon ? Et Abram fut bien traité par eux, puisqu'il passait pour son frère; on lui amena des brebis, des veaux, des ânes, des serviteurs, des servantes, des chameaux et des mulets. Tous ces cadeaux qu'on lui faisait, tout ce luxe dont on l'honorait, quel incendie ne devaient-ils pas allumer chez lui? comment son âme n'était-elle pas en feu, son cur dévoré, quand il songeait à ce que lui valait tous ces présents? Vous avez vu comment son malheur s'était presque accompli, comment aucune force humaine ne pouvait s'y opposer, comment tout était perdu d'après les prévisions humaines; enfin, vous avez vu comment la femme était presque dans la gueule du monstre. Eh bien ! voyez maintenant l'inexprimable bonté de Dieu, et admirez toute létendue de sa puissance ! Dieu frappa Pharaon ainsi que sa maison, d'afflictions grandes et pénibles, à cause de Sara, la femme d'Abram. Que veut dire ce mot, frappa ? Cela signifie qu'il le punit à cause de son audace et de son intention d'adultère. Il le frappa de grandes afflictions. Il ne frappa point le roi d'une manière ordinaire, mais de grandes afflictions. Comme l'insolence était grande, la peine devait l'être aussi. Ainsi que sa maison, c'est-à-dire que le châtiment du roi s'est étendu sur sa maison. Et pourquoi, lorsque le roi seul fait une faute, toute sa maison partage-t-elle la punition ? Ce n'est pas sans raison, mais pour mettre un frein aux passions du roi. Il lui fallait un châtiment énergique pour le détourner du crime. Mais, direz-vous, comment est-il juste d'en punir d'autres à propos de lui? C'est que cette punition n'était pas méritée seulement par le roi, mais aussi par ceux qu: l'avaient sans doute engagé et aidé dans cette tentative coupable. Vous avez déjà entendu ces paroles de l'Ecriture : Quand les officiers de Pharaon la virent, ils la lui vantèrent et la menèrent dans sa demeure. Vous voyez qu'ils font auprès du roi l'office de pourvoyeurs, a propos de la femme du juste. Par conséquent ce n'est pas le roi seul, mais ceux dont il est entouré, qui ont part à la punition, afin qu'ils apprennent que leurs outrages ne s'adressaient pas simplement à un étranger, au premier venu , mais à un homme chéri de Dieu, qui l'honorait d'une (223) pareille protection. Aussi la sévérité de ce châtiment frappant l'esprit du roi, le détourna de son audace criminelle , réprima sa passion insensée, mit un frein à son libertinage, enchaîna ses désirs impétueux, et dompta son ardeur furieuse. 7. C'est pourquoi vous voyez ensuite avec quelle douceur ce roi, ce tyran parle à cet étranger, à ce vagabond dont il n'a pas craint d'enlever la femme. Comme le dit bien l'Ecriture : Dieu frappa Pharaon, et sa maison à propos de Sara, la femme d'Abram. Le châtiment lui fait comprendre que c'est la femme d'un juste. En effet, même après avoir été introduite chez Pharaon, elle resta la femme du juste. Pharaon ayant fait venir Abram, lui dit: Pourquoi m'as-tu fait cela? Voyez quelles sont les paroles du roi. Pourquoi m'as-tu fait cela? dit-il. Et que t'ai-je fait, moi étranger inconnu, poussé par la famine, à toi, roi, tyran et souverain de l'Egypte? que t'ai-je fait? Tu m'as enlevé mon épouse, tu m'as méprisé, humilié, dédaigné comme un étranger; tu n'as écouté que tes désirs déréglés et tu as voulu faire selon ton caprice. Que t'ai-je donc fait? Tu m'as fait bien du -tort, dit le roi, et tu m'as causé beaucoup de mal. Voyez quel renversement de ce qui se passe d'ordinaire ! C'est le roi qui dit au particulier: Que m'as-tu fait? Tu m'as attiré la haine et la colère de Dieu, tu m'as rendu coupable, tu m'as fait punir, ainsi que toute ma maison, de l'injure qu'on t'avait faite. Pourquoi m'as-tu fait cela? pourquoi ne m'as-tu pas dit que c'était ta femme? pourquoi m'as-tu dit que c'était ta sueur, de manière que je pusse la prendre pour femme ? Ainsi , dit-il, la croyant ta sueur, je voulais l'épouser. Mais comment as-tu su que c'était ma femme? Je le sais par Celui-là même qui m'a puni de ma faute. Pourquoi m'as-tu fait cela, et ne m'as-tu pas dit que c'était ta femme, m'exposant à l'épouser moi-même par un crime ? Je m'y disposais , croyant qu'elle était ta sueur. Voyez comme la sévérité du châtiment a ému son esprit au point de le rendre équitable et humain avec le juste ! Mais sans l'action de Dieu qui adoucissait son âme et la remplissait de crainte, il se serait ensuite livré lune colère terrible, il aurait puni le juste comme l'ayant trompé, et lui aurait fait souffrir les plus cruels supplices. Il n'en fut rien : la crainte du châtiment modéra et éteignit sa colère; et il ne songea qu'à être humain envers le juste. Il réfléchit qu'un homme ordinaire n'aurait pas été aussi protégé d'en-haut. Et. maintenant voilà ta femme devant toi ; prends-la et pars. Maintenant, dit-il , que je sais qu'elle n'est point ta soeur , mais ton épouse, je te la rends. Je n'ai point déshonoré votre union , je ne t'ai point privé de ta femme, mais la voilà devant toi, emmène-là, et pars. Quelle intelligence pourrait dignement apprécier ce miracle, et quelle langue serait capable de le raconter? Une femme d'une éclatante beauté entre chez le roi tout-puissant des Egyptiens; enflammé de passion pour elle, elle en sort pure et rapporte sa chasteté intacte. Telles sont, comme je le disais d'abord, les oeuvres de Dieu, toujours étonnantes et admirables, et quand les hommes croient tout désespéré, c'est alors qu'il montre sa force invincible. N'était-ce pas une chose étonnante et admirable de voir l'homme des désirs entouré, comme d'un cercle de brebis, par des bêtes féroces qui ne lui faisaient aucun mal, et sortant de la fosse sans blessure (Dan. XIV)? de voir les trois jeunes gens séjourner dans la fournaise comme dans un champ ou un jardin, sans souffrir de la flamme, et sortir de là tels que des statues? (Dan. III.) Il n'était pas moins prodigieux, moins digne d'admiration, de voir la femme du juste renvoyée saine et sauve par le roi d'Egypte, ce despote dissolu. C'était Dieu qui avait tout conduit, Dieu qui peut toujours faire ce qui est impossible et rendre l'espoir à ceux qui désespèrent. Et maintenant, voilà ta femme devant toi, prends-la et pars. Ne pense pas que je t'aie fait injure. Si, dans mon ignorance, j'ai eu des projets coupables, j'ai compris quel défenseur tu avais; la colère qui m'a frappé m'a prouvé quelle était pour toi la bienveillance du Dieu de l'univers. Reprends donc ton épouse, et va-t-en. Maintenant le juste les faisait trembler; aussi avaient-ils pour lui une foule de prévenances, afin de se faire pardonner par le Seigneur les torts qu'ils avaient eus envers son protégé. 8. Vous voyez, mes bien-aimés, tout le prix de la patience et de la persévérance. Rappelez-vous, je vous prie, ces mots que disait le patriarche au moment d'entrer en Egypte : Je sais que tu es une belle femme; quand les Egyptiens te verront, ils me tueront et le garderont. En y réfléchissant, considérez ce qui s'est passé et admirez la patience du juste et la (224) force du Dieu de miséricorde, qui prépare au juste un départ si glorieux, après une arrivée pleine de tant de frayeurs et d'angoisses. Pharaon ordonna à ses gens d'accompagner Abram pour le conduire avec son épouse et tout ce qui leur appartenait, et Loth avec lui. Le juste revint avec beaucoup d'honneurs et de richesses, et tous ces événements servirent de leçons non-seulement aux Ègyptiens, mais à ceux qui se trouvaient sur la route et aux habitants de la Palestine. Car, voyant cet homme,. qui était parti sous la contrainte de la famine, saisi de frayeur et de tremblement, revenir maintenant avec tant d'éclat, d'abondance et d'opulence, ils apprenaient avec quelle force Dieu le protégeait. Qui a jamais vu et entendu de telles choses? Il est parti pour se soustraire aux rigueurs de la famine , et il revient comblé de richesses et de gloire. Ne vous étonnez pas trop, mes bien-aimés, ne soyez pas si surpris du fait en lui-même , réservez votre stupéfaction, votre admiration, pour notre commun Maître; c'est lui qu'il faut glorifier. Voyez que les descendants du patriarche, étant encore venus en Egypte pour fuir la famine, y supportèrent aussi la servitude et les persécutions, mais en revinrent glorieux et prospères. Telle est la sagesse de notre Seigneur ! quand il a permis aux malheurs de s'accumuler, il dissipe de nouveau les nuages et ramène un calme subit et inattendu, pour nous montrer la grandeur de sa puissance. Abram partit d'Egypte, lui et sa femme, et tout ce qui lui appartenait, et Loth avec lui pour aller dans le désert. On peut appliquer ici les paroles du bienheureux David à propos de ceux qui revenaient après avoir été captifs à Babylone. Ceux qui sèment dans les larmes, moissonneront dans la joie. Au départ ils marcheront en pleurant tout en jetant leurs semences; au retour, ils marcheront dans l'allégresse en portant leurs gerbes. (Ps. CXXV, 5, 6.) Vous avez vu l'arrivée pleine d'anxiétés et de frayeurs qui allaient jusqu'à craindre la mort. Voyez maintenant ce retour plein d'honneur et d'éclat. Tout le monde respectait le juste, en Egypte aussi bien qu'en Palestine. En effet, qui n'aurait pas eu de respect pour celui que Dieu gardait ainsi et qu'il honorait d'une telle protection ? Car personne n'ignorait ce qui était arrivé au roi et à sa maison. Tout avait été disposé, dans l'accroissement des épreuves du juste, pour que sa patience fût mise au grand jour et que personne n'ignorât sa vertu. 9. Vous avez vu, mes bien-aimés, quel avantage on retire des épreuves, quel est le prix de la patience. Cet homme et cette femme, l'un déjà vieux, l'autre déjà âgée, vous avez vu tout ce qu'ils montraient de résignation, de courage , de tendresse mutuelle et d'affection conjugale. Imitons-les tous et ne nous irritons jamais; ne croyons pas que Dieu nous délaisse et nous dédaigne parce que nous sommes assaillis d'épreuves; au contraire, regardons-les comme la meilleure preuve de l'intérêt que Dieu nous porte. En effet, si nous sommes chargés d'un lourd fardeau de péchés, nous pourrons l'alléger par notre persévérance et notre bonne volonté; s'il est moins pesant, nous parviendrons à l'alléger encore avec la grâce d'en-haut, pourvu que nous le supportions sans murmurer. En effet, notre Dieu est généreux et s'intéresse à notre salut; s'il nous exerce comme dans une arène et nous fait lutter avec les tentations, c'est afin qu'après avoir déployé nos propres forces, nous soyons plus dignes de sa protection. Puisque nous savons qu'il en est ainsi, ne nous laissons pas aller au découragement dans les épreuves, ni au chagrin dans les tribulations, mais réjouissons-nous, comme saint Paul. Maintenant, dit-il, je me réjouis dans les tribulations. (Col. I. 24.) Voyez quelle bonne disposition d'esprit! S'il se réjouissait dans les tribulations, comment pouvait-il jamais se chagriner? Et si ce qui attriste les autres était pour lui un sujet de joie, voyez,je vous prie, comme son âme était bien préparée à tout. Et pour vous persuader qu'il nous est indispensable, pour jouir des biens qui nous sont promis et pour mériter le royaume des cieux, de marcher dans cette vie au milieu des tribulations, écoutez ce que disent les apôtres aux nouveaux convertis. Et après avoir instruit plusieurs disciples, ils retournèrent à Lystra, à Iconie et à Antioche, fortifiant l'esprit de leurs disciples, les exhortant à persévérer dans la foi et leur représentant qu'il faut passer à travers bien des tribulations pour arriver au royaume des cieux. (Act. XIV, 21, 22.) Quelle sera donc notre excuse si nous refusons de supporter avec courage, constance et reconnaissance, toutes celles qui se présenteront, quand nous voyons que nous ne pouvons parvenir au royaume des cieux sans marcher dans cette voie? Car, pour reconnaître qu'il n'y a rien de. nouveau ni d'extraordinaire dans (225) les tribulations qui attendent le juste sur le chemin de cette vie, écoutez ce que dit le Christ : Dans le monde vous aurez des tribulations, mais prenez courage. (Jean, XVI, 33.) Pour ne pas abattre, en parlant d'afflictions, il s'empresse de relever le courage , et promet de fortifier par sa grâce. Mais prenez courage, j'ai vaincu le monde. C'est moi ; dit-il, qui allégerai vos peines, qui ne vous laisserai pas submerger par le flot des tentations, qui vous tracerai le chemin pour en sortir, et qui ne vous laisserai pas charger d'afflictions au delà de vos forces. Pourquoi cette tristesse, ce chagrin, cette impatience, cet abattement? Si nous employons selon nos forces les armes dont nous disposons, je veux dire la. patience, la constance et la persévérance, est-ce que Dieu permettra jamais que nous soyons confondus? est-il une position si désespérée que ne puisse rétablir la sagesse de notre Maître? Faisons donc usage de nos propres ressources et ayons une foi sincère, sachant tout ce que peut le protecteur de nos âme. Et certes, il sait mieux que nous ce qui convient, lui qui disposera tout pour sa gloire et notre avantage. Ainsi nous obtiendrons la récompense de notre patience, et nous serons honorés de sa bonté, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ , à qui , ainsi qu'au Père et au Saint-Esprit, gloire , puissance , honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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