|
|
SERMON POUR LA FÊTE DE SAINT MARTIN, ÉVÊQUE. Exemples d'obéissance.
l. Je pense que votre réunion, non moins que ce concours d'honorables personnes que nous sommes heureux de voir venues ici de loin, réclament de moi une instruction. Il est certain que j'aimerais bien mieux écouter moi-même que me faire écouter, mais puisqu'on m'a choisi pour porter la parole, où plutôt puisqu'on me fait un devoir de parler, il ne me reste qu'à obéir, s'il ne m'est pas donné d'ouïr. D'ailleurs, c'est pour moi un vrai sermon vivant que la vue de tant de personnes que leur douce humilité porte à m'honorer, non-seulement de leur visite, mais encore de leur attention, quand elles me sont si supérieures en sainteté et en mérites, en dignité et en sagesse. C'est pour moi une érudition qui porte ses fruits, un enseignement digne d'être reçu avec toute sorte de considération. Eu effet, ce n'est pas eu paroles et des lèvres seulement, mais par des oeuvres et en vérité, qu'elles nous invitent à marcher sur leurs traces, comme elles marchent elles-mêmes sur celles de Jésus-Christ, et à apprendre, à leur école, comme elles l'ont appris à celle du Sauveur, à être doux et humbles de coeur. C'est ainsi qu'on vit Marie prévenir Élisabeth, une vierge aller au devant d'une femme mariée, une dame au devant d'une servante, la mère du jute et d'un Dieu au devant de celle du précurseur et d'un esclave. C'est ainsi encore que, plus tard, on vit Jésus lui-même diriger ses pas vers Jean et se présenter à lui pour recevoir son baptême, afin d'accomplir toute justice (Math. III, 3). De même en est-il de vous, mes révérends pères; vous ne prenez point un rôle qui soit hors de proportion avec ce que vous êtes, quand vous vous montrez plus empressés à écouter qu'à parler, même au milieu de ceux qui ont le plus besoin de vos leçons. Pour moi, qui ne puis accomplir toute justice, je vais faire en sorte d'en accomplir au moins une partie à votre égard, car je n'ignore pas que l'inférieur doit obéir à ses supérieurs. 2. Mais de quoi parlerai-je ? « Celui qui vient de la terre parle de la terre (Joann. III, 3), » a dit la voix qui criait dans le désert. Je vous parlerai donc de la terre, puisque je suis de la terre et que je sur la terre. Ecoutez-moi donc, ô vous, habitants de la terre, vous., enfants des hommes, c'est à vous que je m'adresse et c'est de vous que je parle. C'est sur la terre que nous naissons, sur la terre que nous demeurons et sur la terre que nous mourons, pour retourner dans son sein d'où nous avons été tirés. Nous n'arrivons sur la terre que par une entrée bien étroite, et nous n'y demeurons que fort peu de temps la mort seule est assurée. Tout Adam est contraint de porter le jugement qu'il a mérité, il .s'est étendu considérablement, il s'est multiplié, il a rempli la terre, mais, bon gré malgré, et quelque fortement qu'il regimbe, il ne lui en faut pas moins Subir tout entière la sentence qui J'a frappé, quand il, lui a été dit: « Tu es poussière et fil retourneras en poussière (Gen. III, 19). » Cette sentence est grave sans doute, mais elle ne fut point prononcée sans l'adoucissement d'une grande miséricorde. Elle est bien dure ; mais, si vous songez à ce qui l'a motivée, vous la trouverez encore pleine d'indulgence. En effet, il eût été non moins juste de dire au pécheur : Tu es poussière et dès ce moment tu vas retourner en poussière. En parlant ainsi, le Seigneur de justice n'aurait pas cessé d'être juste et digne encore de toutes nos louanges ; oui, il aurait encore mérité d'être loué sans réserve aucune, mais moi je ne suis pas digne de le louer. D'ailleurs, c'est avec une complète vérité que j'aurais dit, si toutefois je l'avais pu : « Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont équitables (Psal. CXVIII, 37). » Mais l'enfer ne saurait confesser votre nom, Seigneur, ni la mort vous louer : nous seuls qui vivons pouvons bénir le Seigneur. Vous avez donc épargné votre créature, ô mon Dieu, vous avez épargné la gloire de votre nom en souffrant que, si je descendais de Jérusalem, je n'allasse point toutefois jusqu'àJériclro, car, si je suis laissé avec un reste de ma vie sur le chemin, il me sera du moins possible encore de célébrer à moitié votre gloire; quand j'aurai recouvré une vie complète, alors je pourrai éclater tout entier eu cantiques de louange, et tous mes os pourront dire : Qui est semblable à vous, Seigneur ? Voilà pourquoi, malgré votre colère, vous vous êtes souvenu de votre miséricorde et vous vous êtes contenté d'humilier l'homme dans le lieu de son affliction, plutôt que de le condamner doris celui de sa perdition. De quoi te plains-tu donc, ô homme; en quoi trouves-tu donc la sentence de ton Dieu trop sévère ? Tu es donné à la terre d'où tu es sorti ; elle sera ta patrie comme elle est la matière dont tu as été formé. 3. Mais, diras-tu, je voudrais entendre aussi ces mots : Comme tu es esprit, tu retourneras vers l'esprit ; car, après tout, je suis esprit en tant que je suis une âme, et je ne doute pas que mon âme ne soit la meilleure portion de mon être. J'ai appris de l'Apôtre que « le Seigneur est esprit ( II. Cor. III, 17); » et du Seigneur, lui-même que « Dieu est esprit (Joann. IV, 24). » Non-seulement il est esprit, mais même il est le père des esprits; pourquoi donc appartiendrais-je plutôt à la mère de ma chair, parce que je suis chair en partie, et ne serais-je point reçu par le père des esprits, puisque je suis également esprit, en partie du moins? Ah! je le comprends, oui, je sais pourquoi cela tient plus à ma faute qu'à ma substance; car, de même que les esprits prévaricateurs se trouvent relégués dans la, région des tempêtes, dans l'espace qui sépare la terre du ciel, d'où ils ont été appelés les puissances de l'air (Ephes. II, 14), ainsi, nos péchés élèvent une barrière entre nos âmes et Dieu, entre le créateur, le père des esprits et la créature spirituelle. Le corps entraîne l'âme dans sa région, il prévaut sur elle, c'est, pour lui, une étrangère qu'il opprime; il est devenu lourd comme le plomb, et cela uniquement parce qu'il est devenu le siège du péché, car c'est le corps, mais le corps qui se corrompt, qui appesantit l'âme (Sap. IX, 15). Or, il se corrompt, que dis-je? il est même mort pur le péché, si j'en croix l'Apôtre (Rom. VIII, 10). Aussi, quoique l'homme soit ciel, si je puis parler ainsi, et certainement semblable aux esprits célestes quant à sa substance et à sa forme : à sa substance, attendu qu'il est un être spirituel, et, à sa forme, puisqu'il est un être raisonnable, cependant, ces deux propriétés ne peuvent l'élever assez pour qu'il ait le bonheur d'entendre ces mots : Parce que tu es ciel, tu retourneras au ciel. C'est en vain qu'il se flatte du libre arbitre dont son âme est douée, il est captif sous la loi du. péché qui subsiste dans sa chair. Peut-être semblerait-il qu'un double lien peut l'emporter sur un autre lien également double, en sorte que, celui que la terre revendique pour soi, au double titre de patrie et de matière, le ciel put également le revendiquer comme un être céleste, à cause de sa double ressemblance avec les êtres célestes au double point de vue de la substance et de la forme ; mais le lien intérieur qui le tire en bas se trouve triplé par l'adjonction du péché, et il ne saurait être rompu sans le secours de la grâce. Mais, avec elle, on ne peut douter que la chaîne si lourde d'iniquité qui nous tire, ou plutôt que nous traînons après nous, ne se rompe aisément. Car la grâce n'intervient pas entre notre Dieu et nous pour nous séparer de lui, mais pour nous réparer et nous réunir à lui. 4. J'irai donc au mont de la grâce, aux collines des miséricordes, dont j'ai appris que tous les trésors se trouvent en Jésus-Christ : j'irai à celui qui est plein pie grâce et de vérité, peut-être recevrai-je quelque chose de sa plénitude, ou plutôt peut-être aurai-je le bonheur d'être reçu moi-même dans cette plénitude et de parvenir, avec ses autres membres, à la mesure de l'âge et de la plénitude de Jésus-Christ (Ephes. IV, 13). Car personne ne monte au Ciel que celui qui est descendu du Ciel (Joann. III, 13). Nous avons en lui un médiateur on ne peut plus fidèle et bienveillant, qui n'a point écarté ce qui est uni, mais qui a rapproché ce qui était désuni pour n'en faire qu'un, abattu la muraille de séparation (Eph. II, 14), pardonné tous nos péchés, effacé la cédule de la loi qui nous était contraire, et entièrement aboli. le décret de notre condamnation en l'attachant à sa croix. Après avoir désarmé les principautés et les puissances des ténèbres, il les a entraînés dans son triomphe, à la face du monde entier, et a pacifié dans son sang tout ce qui est dans le ciel et sur la terre. C'est à cause du salut qu'il devait opérer au milieu de la terre qu'il a laissé l'homme vivre sur la terre, au lieu de le précipiter au fond de ses abîmes au moment de sa faute, comme il ne l'avait que trop bien mérite. En effet, nous pouvons espérer un peu aujourd'hui au lien de désespérer, tant que nous demeurons sur la face de la terre, que nous pouvons lever nos yeux encore vers le ciel et recevoir toute grâce excellente et tout don parfait qui vient d'en haut cet descend des mains da père des lumières (Jac. I, 17), du père des esprits, du Dieu des miséricordes. Voilà pourquoi l'homme a reçu de son créateur un corps droit, qui se tint debout, et un visage élevé, tandis que le reste des animaux sont penchés et regardent la terre ; c'est afin que, levant les yeux en haut, il soupirât vers le Ciel où il voit une demeure heureuse et éternelle. 5. Et, en effet, quand nous le regardons avec piété et dans des pensées de foi, nu, sentons-nous point notre coeur embrasé, d'un feu violent et consumé par les plus ardents désirs à la vue de cette région si parfaitement lumineuse ? Les étoiles du ciel ne ressemblent en rien aux glèbes de notre terre. Entre la splendeur du soleil et les ténèbres de ce sol, la distance n'est pas petite. Sans doute, ici-bas, on rencontre plusieurs choses qui sont belles en leur genre, mais elles sont confondues avec une foule d'autres qui ne le sont point; ainsi l'or se trouve mêlé à 1a boue, les perles se rencontrent sur le fumier, le lis au milieu des épines. Mais toi, ô ma patrie, tu es belle tout entière, mille taché ne se rencontre en toi; oui, tu es toute belle à l'oeil, sans compter toutes les beautés qui sont cachées dans ton sein. Qu'est-ce à dire ? Je veux parler de ces esprits angéliques et bienheureux, et des âmes des saints qui ont été trouvées dignes d'entrer dans ce tabernacle admirable et de s'avancer jusque dans la maison de Dieu. Car, s'il y a des corps terrestres, il y en a aussi de célestes ; mais la gloire de ces derniers l'emporte beaucoup sur celle des premiers; ainsi en est-il des esprits célestes et des esprits terrestres : la distance n'est pas moindre entre eux, Anges, Archanges, Vertus, Principautés, puissances, Dominations, Trônes, Chérubins et Séraphins, c'est ainsi qu'on les nomme, je le sais, mais peut-être est-ce tout ce que je sais d'eux. Comment, en effet, simple habitant de la terre, pourrais-je savoir rien de plus des habitants des cieux, et que peut connaître aux choses spirituelles et divines, l'homme qui est chair? Il est vrai, mais si j'ignore ce que signifient tous ces grands noms, je sais du moins, avec la plus entière certitude que, sous la majesté de ces appellations, se cache quelque chose de grand et d'admirable. Ce n'est. pas salis raison que le ciel est appelé ciel, c'est bien certainement parce qu'il nous cèle quelque chose de remarquable ; oui il nous le cèle, je le répète, mais pourtant il n'en refuse point entièrement la notion à la foi. Ainsi, de même que de cette terre il nous est permis de contempler la beauté extérieure du ciel, bien que nous ne puissions y atteindre, ainsi il nous est donné d'entendre, sinon de comprendre la beauté intérieure de ses secrets. Nous voyons la patrie, mais nous né pouvons la saluer que de loin, ses parfums nous embaument, mais il ne nous est pas donné d'en savourer les délices. 6. Ce n'est pas sans raison, je pense, que le Fils unique qui est dans le sein du Père nous montre par la foi, à nous qui habitons dans la région que recouvre l'ombre de la mort, la gloire des esprits célestes, tandis qu'il nous fait connaître la beauté des corps par une vue claire et distincte. « Ecoutez, ma fille, dit-il, et ouvrez les yeux. » Elle le fait, mais où veut-il en venir ? «Prêtez une oreille attentive, continue-t-il, et oubliez votre peuple et la maison du Père (Psal. XLIV, 11). » Il veut que, mettant tout entêtement de côté, nous apprenions l'obéissance et goûtions la discipline. Il veut que nous oubliions ce qui est derrière nous, que nous méprisions ce qui est en bas, que nous laissions là les moeurs de la terre et les vices de notre origine, pour goûter les choses du ciel, rechercher ce qui est en haut, et aspirer après ce qui est devant nous. Il veut que sa noble créature ressente le désir de la beauté de sa maison dont l'aspect se transformera en la même image, en la faisant passer de clarté en clarté, comme le ferait l'esprit même du Seigneur (II Cor. III, 18), en sorte que le roi éprouvera, à son tour, le charme de sa beauté toute spirituelle. Mais en quoi, me direz-vous, l'ai-je vu, en quoi l'ai-je entendu m'engager à prêter une oreille attentive à ses paroles, et à me montrer obéissant? Car, pour ce qui est du désir, il est manifeste qu'il l'allume en nous. 7. Quant à l'obéissance, voyez comme la troupe glorieuse des corps célestes se soumet incessamment aux lois de Dieu, et se renferme, sans jamais les franchir, dans les limites du temps, ou des espaces assignés à leurs mouvements continuels. Et, pour ce qui est des sublimes esprits, entendez l'Écriture vous dire, qu'ils tiennent lien de serviteurs et de ministres, et sont envoyés pour exercer un ministère d'une excessive charité, pour ne point dire au dessous du rang qu'ils occupent. Je ne crois pas, malgré cela, qu'on puisse trouver dans les Saintes Lettres, qu'il s'en soit trouvé un seul parmi eux qui ait résisté à la volonté de celui qui l'envoyait, ou qui ait montré peu de zèle à l'égard de ceux auprès de qui il était envoyé exercer son ministère, sous prétexte qu'ils lu: étaient bien inférieurs. Ils sont donc des modèles d'obéissance, si vous y faites attention, qui méritent d'autant plus d'être pris en considération, qu'ils nous sont donnés parles êtres supérieurs à nous. Mais, je sais ce que la nature humaine peut m'objecter sur ce point et les murmures que peut faire entendre un esprit toujours enclin au mal. Pourquoi, me dit-on, nous proposer des exemples d'obéissance tirés de la conduite d'êtres supérieurs? Comme si ces êtres étaient doués de sens corporels, comme si leur raison était susceptible encore de délibération, et comme s'ils ne semblaient pas être conduits par elle, plutôt que la conduire. Pourquoi donc nous faire tant valoir l'obéissance des anges? S'ils sentent quelque chose, le sentiment, en eux, n'est que délectation, et s'ils obéissent à leur créateur, c'est par un acte de volonté aussi facile qu'heureux. Pourquoi, après tout, n'obéiraient-ils point? Ils voient sans cesse la face du Père, qu'on ne peut contempler sans que ce soit la félicité même, la gloire éternelle, le comble de la volupté. 8. Eh bien, Seigneur, montrez-nous les patriarches et les prophètes, des hommes qui aient obéi à vos ordres, mais qui aient obéi par un acte de leur volonté, obéi même contre leur propre volonté. C'est ce qu'il a fait. Ainsi il nous a montré, sans parler de beaucoup d'autres que j'omets pour être moins long, il nous a montré, dis-je, Abraham sortant de son pays sur l'ordre du Seigneur, renvoyant sa servante et son enfant, et plus tard tout prêt à immoler de sa propre main son cher fils Isaac. Quelle défaite la malice des hommes pourra-t-elle trouver là ? Peut-être dira-t-on que Dieu s'est montré à lui en maintes circonstances et de nombreuses manières, qu'il le reçut même comme un hôte dans sa tente ; que Dieu daigna s'entretenir avec lui pour lui donner du courage et pour l'éclairer de ses conseils, qu'il lui donna une postérité et lui assura bien des fois la victoire, enfin qu'il le combla de richesses. Mais que direz-vous quand le Christ se sera fait obéissant à son Père jusqu'à la mort, et même jusqu'à la mort de la croix? J'aurai beaucoup à dire alors, me répondrez-vous, et bien des raisons à faire valoir. Et d'abord, comment oserais-je prétendre marcher sur les pas du Fils unique de Dieu le Père, imiter la Vertu même de Dieu, la Sagesse de Dieu, son Christ, en un mot? S'il a été offert eu victime, c'est qu'il l'a bien voulu; il n'a souffert que quand il a voulu et dans la mesure qu'il a voulu, car s'il était vrai homme il était aussi vrai Dieu. Je vais plus loin, je ne voudrais pas même que vous m'apportassiez en exemple l'obéissance des apôtres, qui ont eu le bonheur, selon la promesse des prophètes, de voir leur maître de leur propres veux, et d'entendre sa voix et ses volontés de leurs propres oreilles. Ce qui faisait dire en propres termes à l'un d'eux : « Nous ne vous annonçons que ce que nous avons ouï de nos oreilles et vu de nos yeux, que ce que nous avons bien examiné et touché de nos main pour ce qui concerne le Verbe de vie ( I Joan. I, 1). » Pourquoi n'auraient-ils pas tout quitté? Pourquoi n'auraient-ils pas suivi partout une si grande majesté présente en personne? Que ne ferais-je pas moi-même si le même bonheur m'était accordé ? Mais Dieu n'a point traité ainsi toutes les nations (Psal. CXVII, 9), il ne s'est montré ni à ceux qui sont venus avant lui, ni à ceux qui sont venus après lui, car il y eut bien des rois, qui ont désiré voir ce que virent les apôtres et ne l'ont pas vu. Ainsi, les jours sont venus maintenant pour nous de désirer voir le Fils de l'homme même un seul instant, et cette grâce ne nous est point accordée. 9. Il est donc bien à propos que Martin se présente à nous pour nous ôter tout prétexte de péché. En effet, il fut en toutes choses complètement semblable à nous; comme nous, il fut sensible et passible, il a voeu bien longtemps après l'époque des visions qu'eurent les prophètes et les patriarches, c'est un pur homme, en lui on ne trouve rien qui sente le Dieu, et il crut lui aussi en celui qu'il ne vit point de ses yeux. Or, c'est plein des fruits de l'obéissance et riche en vertus, qu'il a quitté cette terre, pour entrer dans les cieux, et que, après avoir laissé à la terre ce qu'il tenait de la terre, il rendit son esprit au Père des esprits qu'il avait fidèlement servi en esprit. Il n'eut point un corps céleste, son esprit même n'était pas non plus un esprit céleste, il ne fut qu'un animal raisonnable et mortel, un habitant de la terre, un fils d'homme. Il naquit sur la terre, il vécut sur la terre, il fut exercé et éprouvé sur la terre, et c'est sur la terre qu'il fut consommé. Ce n'était ni un patriarche ni un des prophètes. dont la Vérité a dit dans son Évangile «La loi et les prophètes ont duré jusqu'à Jean ( Matt. XI, 13). » A plus forte raison ne fut-il point le Christ, mais le Christ était en lui, du moins par la foi, sinon autrement. 10. C'est à peu près de la même manière que la parole de Dieu se trouve aussi dans votre coeur et dans votre bouche, pour peu que vous sachiez l'y chercher avec un coeur droit (Dent. XXX, 14). En effet, au témoignage de l'Apôtre c'est en ce sens que nous devons entendre les paroles de Moïse (Rom. X, 8). Aussi le même apôtre dit-il ailleurs: «Jésus Christ était hier, est aujourd'hui et sera éternellement (Hebr. XIII, 8). » Par ce mot hier il faut entendre lé temps qui a duré, depuis le commencement du monde jusqu'au jour de son Ascension ; par aujourd'hui, tout le temps qui s'écoule de son Ascension jusqu'à la fin des siècles, et par ce mot, éternellement, il faut entendre tout le temps qui s'écoulera après-la résurrection générale. Or, dans aucun de ces temps, le Christ ne fait défaut, à aucune de , ces époques Jésus ne manque, nulle n'est dépourvue de l'onction de sa grâce et du salut. Il s'est montré dans des visions aux patriarches et aux prophètes , il s'est fait voir dans son humanité aux apôtres, à Martin dans la foi, et aux anges il se montre tel qu'il est. C'est ainsi qu'il a promis qu'il se ferait voir à tous ses élus, non pas aujourd'hui, mais dans l'éternité. D'ail leurs, déjà le jour d'hier était passé, déjà celui d'aujourd'hui s'était levé quand les apôtres disaient : « Si nous avons connu le Christ selon la chair, Dons ne le connaissons plus maintenant ainsi ( II Cor. V, 16). » Pourtant il semble qu'il a été conservé encore jusqu'à ce matin, jusqu'à ce que le jour où nous vivons, un peu de la chair de l'Agneau, mais tout ce qu'il en resté est donné au feu, et si encore maintenant on nous montre la même chair de cet Agneau, c'est d'une manière spirituelle, non pas d'une manière charnelle. 19. Nous n'avons donc point à nous plaindre de ce que les apparitions dont jouirent les pères de l'Ancien Testament, la présence de sa chair dont ont joui les apôtres, nous sont refusées à nous, puisque si nous regardons avec les yeux de la foi, nous verrons bien que nous ne sommes privés ni des unes ni de l'autre. En effet, nous avons maintenant encore présente sous nos yeux la vraie substance de sa chair, dans le sacrement, comme nul n'en peut douter. Quant aux révélations, nous en jouissons également, du moins en esprit et en vertu, en sorte qu'on ne voit pas quelle grâce nous fait défaut pendant le temps de la grâce qui est le temps présent. Enfin, si l'oeil n'a point. vu, si l'oreille n'a point entendu, si le coeur de l'homme n'a jamais conçu ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment ( I Cor. II, 9); cependant cela nous à été révélé par son saint Esprit. Il ne faut pus s'étonner qu'il se soit manifesté d'une manière charnelle à ceux qui attendaient sa venue dans la chair. Mais à nous il faut une grâce d'autant plus efficace et une révélation d'autant plus digne, que notre attente est de beaucoup plus excellente que la leur. 12. Ainsi, comme je l'ai dit plus haut, Martin ne fut pas le Christ, mais cependant il eut le Christ, non pas à la manière des anges qui ont sa présence pleine de majesté, non pas comme les apôtres qui le virent dans son humanité, non point même comme les saints à qui il a parlé jadis dans des visions, mais comme l'Église entière l'a maintenant, par la foi, et dans les sacrements. Il n'était pas la lumière, mais il était une lampe bien ardente et bien brillante, disait-on de Jean-Baptiste (Joan. V, 35). Mais si je vous parle du précurseur, je prévois que vous allez me dire : c'est le plus grand des hommes, un homme plus que prophète, c'était même l'ange de Dieu le Père, comme il le dit lui-même : « Voici que j'envoie mon ange, etc. (Luc. VII, 17). » Martin fut aussi une lampe ardente et brillante, lui du moins on peut l'imiter, sinon dans les merveilles qu'il a faites, du moins dans ce qu'il y eut d'imitable en lui. Vous allez aujourd'hui vous asseoir à la table d'un riche, observez bien ce qui va vous être servi, distinguez entre les mets et les plats qui les contiennent, vous êtes invités à vous servir des uns, non point à prendre les autres. Or, Martin est ce riche, il est riche en mérites, riche en miracles, riche en vertus, riche enfin en prodiges. Faites donc bien attention à ce qui vous est servi à sa table, à ce qui vous est présenté pour que vous l'admiriez, et à ce qui vous est offert pour que vous l'imitiez. Oui, puisque l'Écriture vous dit un peu plus loin : « Vous aurez à préparer quelque chose de semblable (Prov. XXIII, 1, Juxta LXX), » vous devez faire bien attention à. ce qui vous est offert. Martin a ressuscité trois morts, autant que le Sauveur lui-même; il a rendu la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, la parole aux muets, la marche aux boiteux, la santé à des membres desséchés. Par une vertu toute divine, il a échappé aux dangers qui le menaçaient; par sa, seule présence, il a arrêté la marche des incendies, il a écrasé sous le poids d'une colonne descendant du ciel la masse immense d'une machine sacrilège, il a rendu saine, par un baiser, la chair d'un lépreux, avec un peu d'huile il a guéri un paralytique, il a vaincu les démons, il a vu des anges, et il a prédit l'avenir. 13. Qui nous empêche de regarder toutes ces merveilles et beaucoup d'antres encore, comme autant de vases magnifiques placés sur la table de ce riche personnage, comme des plats d'or massif, étincelant de pierreries, et non moins précieux par le fini du travail que par la matière dont ils sont composés? Ne recherchez rien pour le palais dans ces objets précieux, contentez-vous d'en admirer la beauté. Que notre lampe brille de même, si nous voulons, dans sa lumière, voir la lumière que nous ne sommes point encore capables de contempler dans toute sa pureté. Pour lui, il n'est pas la lumière, mais il vient pour rendre témoignage à la lumière, pour que nous voyions la gloire de Dieu dans son saint, puisque nous ne sommes point encore en état de la contempler telle qu'elle est en lui-même. D'ailleurs, n'allez pas croire que vous trouverez les lampes de Martin ornées seulement, mais vides d'huile non, non, car il n'est pas une vierge folle, il a, au contraire, de l'huile dans sa lampe. Il a du vin dans ses coupes, une grande abondance de mets divers dans ses plats, je veux dire des délices spirituelles, de sorte que les pauvres non-seulement les voient et soient frappés d'admiration, mais encore mangent et se rassasient. S'ils louent Dieu, dans la bonté des plats qu'on leur sert, ils puisent la vie du coeur dans les mets qu'ils renferment, car les morts ne sauraient vous louer, Seigneur. Si donc nous voulons que les louangés que nous adressons à Dieu, dans notre admiration, soient dignes de lui et lui soient agréables, il faut que nous vivions par l'imitation, de même que pour que nous prenions les mets qui nous sont offerts, avec plus d'empressement, il faut que nous soyons vivement poussés par la curiosité à contempler la richesse des plats où ils nous sont offerts. Voilà donc comment nous devons nous porter, par des sentiments divers, tantôt vers l'éclat, et tantôt vers la chaleur de sa lampe, comment ces deux qualités doivent se faire mutuellement valoir, et, par leur action réciproque, acquérir l'une et l'autre de nouveaux charmes à nos yeux. Or, notre Martin fut humble de coeur et pauvre d'esprit, comme on peut s'en convaincre, avec la dernière évidence, par les effets de la grâce d'en haut, que Dieu ne lui aurait certainement point accordée avec cette abondance s'il n'avait trouvé en lui un grand fonds d'humilité. 14. Pour me borner dans le récit de ses vertus, rappelez-vous combien saint Hilaire l'a trouvé pauvre d'esprit, lorsque, voulant l'élever aux fonctions du diaconat, il ne put réussir à les lui faire accepter, tant il protestait avec force qu'il n'était pas digne de les remplir. Il le fit exorciste, et, en cela, il semble qu'il lui fit une sorte de violence, car il savait bien qu'il ne refusait point un ordre moins élevé encore. Il fut pauvre, ses vêtements étaient négligés, sa barbe inculte, et sa figure fort peu soignée. Des esprits malveillants lui en firent même une sorte de reproche quand on l'élut évêque, mais, après son élection, il ne changea rien à ses habitudes, comme on le voit dans son histoire. En un mot, Martin s'étant, montré vraiment pauvre d'esprit, a mérité d'être appelé humble autant que pauvre. Quant à sa don ceux, écoutez ce qu'en dit son historien Sulpice. « Il montra une telle patience dans les injures , qu'étant évêque, il souffrit celles des clercs de l'ordre même le moins élevé, sans les punir, et sans jamais, je ne dis point les priver de leur poste à cause de cela, mai, même sans leur faire perdre quoi que ce soit de son affection, autant qu'il fut en lui (Sulpic. Dial. III, chap. 20), » comme le prouve bien l'histoire de Brice, que vous n'avez point oubliée, je pense. Car de tous ces clercs, c'est celui qu'il choisit pour lui succéder, en l'avertissant des adversités qui lui étaient réservées après lui. Il avait fini par le sanctifier par sa foi et par sa douceur (Eccli. XLV, 4), car il l'avait entendu faire cette réponse à quelqu'un qui lui demandait où il pourrait le voir : Vous cherchez ce fou? regardez là-bas, le voilà qui a les yeux levés au ciel, selon son habitude, comme un insensé. En effet, il arrivait souvent à un homme de Dieu, qui ne ressentait que du mépris pour la terre, de lever les yeux au ciel, car il savait que ce n'est pas pour une autre raison, comme je l'ai dit plus haut, que l'homme a reçu un corps qui se tient debout. Il savait que, c'était là haut qu'était son trésor, là haut que le Christ est assis à la droite de son Père, et que, tant qu'il n'y serait pas lui-même, il n'aurait point ce qui faisait l'objet de tous ses désirs. Voilà pourquoi il se mit peu en peine qu'on l'appelât fou sur la terre, puisque sa vie toute entière était dans les cieux, et que ses yeux étaient dans sa tète. C'est de là aussi que coulaient sur ses joues ces larmes abondantes qu'il versait ordinairement sur les péchés de ceux qui semblaient être ses détracteurs. 15. On peut juger de sa soif de la justice par toutes les autres actions de sa vie, mais particulièrement par son zèle à poursuivre le culte des idoles, à renverser les temples et les statues des dieux, et à détruire leurs bois sacrés, car il ne craignit point de s'exposer souvent au danger pour faire disparaître toutes ces occasions d'un péché tel que l'idolâtrie. Quant à sa charité envers les pauvres, le Sauveur même en faisait l'éloge devant les anges, en leur montrant la moitié du manteau qu'il avait reçue de lui. Plaise à Dieu que, auprès du souverain juge, qui l'a reçu dans ses tabernacles admirables, il daigne faire preuve, pour nous qui sommes des pauvres aussi, de la même charité que celle qu'il montra quand il passa, dit-on, la moitié de la nuit à la porte d'un juge de la terre pour arracher des condamnés aux tourments qui les attendaient, et à la mort à laquelle ils étaient destinés. En effet, comment ne serait-il pas entendu aujourd'hui de Celui qui fit autrefois écouter sa voix. On peut reconnaître la pureté de son coeur, surtout à ce fait qu'il n'a point été confondu lorsque parlant à son ennemi à la porte de l'éternité (Psal. CXXVI, 5), il lui disait : « Méchant, tu ne trouveras rien en moi, le sein d'Abraham s'ouvre pour me recevoir. » En effet, il eut le bonheur de terminer ses travaux par nue oeuvre de pacification, car bien qu'il sût que sa fin était proche, il ne se rendit pas moins auprès de clercs que la discorde tenait séparés, les réconcilia, et ensuite s'endormit en paix. 16. Quant, aux persécutions qu'il souffrit pour la justice, il serait trop long de les rapporter en détail. Avec quelle intrépidité il se montra supérieur à la crainte, en face de Julien Auguste, dans la cité de Worms, lorsqu'il fut jeté en prison pour se voir exposé le lendemain sans armes et sans défense aux attaques des barbares! Quel sang-froid, un autre jour, quand, au milieu des Alpes, il vit un brigand lever sa hache sur sa tète ! Quelle patience, quand l'arien Auxence, après l'avoir poursuivi avec acharnement et couvert d'injures, le chassa enfin de la ville de Milan ; quand, avant cela, dans un autre endroit, après avoir lutté avec une rare constance contre la perfidie des prêtres, il se vit battu de verges dans la place publique, et forcé de se retirer ensuite ! Un autre jour qu'il assistait à la destruction d'un temple idolâtre , un païen fond sur lui le glaive, à la main. Martin présente sa tête mie air coup qui le menace, mais le païen en levant le bras pour frapper, tombe à la renverse. Une autre fois, un homme s'approche avec la pensée de lui donner un coup de couteau, mais à l'instant le fer lui tourbe des mains, et il lui est impossible de le retrouver On ne saurait douter qu'il reçut de nombreuses couronnes pour toutes ces épreuves, puisque, s'il ne consomma jamais, en effet, son sacrifice, cependant il n'en fut pas moins un grand nombre de fois véritablement martyr par les pieuses dispositions de son âme. Mangez donc à présent, mes amis, buvez, enivrez-vous, mes bien-aimés (Cant. V, 1). Voilà ce qui s'appelle vivre; et c'est en cela que consiste votre vie, à moins que Dieu n'ait appelé bienheureux ceux qui ressuscitent les morts, rendent la vie aux aveugles, guérissent les malades, rendent saine la chair des lépreux, redonnent le mouvement aux membres paralysés, commandent aux démons, prédisent l'avenir, brillent par leurs miracles, plutôt que ceux qui sont pauvres d'esprit, qui sont doux, qui pleurent, qui ont faim et soif de la justice qui sont miséricordieux, qui ont le coeur pur, qui sont pacifiques et qui souffrent la persécution pour la justice. 17. Pardonnez-moi, mes frères, j'ai un peu négligé de vous parler de ses exemples d'obéissance, et pourtant, d'après le dessein que j'avais formé, c'était la vertu que je voulais surtout vous montrer en Martin. Sans doute, je vous retiens ici déjà depuis longtemps, mais il me semble qu'il est bon pour nous que nous nous arrêtions sur ce point; d'ailleurs, j'ai un peu tardé à vous parler de Martin aujourd'hui. « Seigneur, s'est-il écrié, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse pas de travailler, que votre volonté soit faite (Sulp. Epis. m. ad Bassul). » Quelle âme vraiment très-sainte ! quelle inestimable charité ! quelle obéissance unique ! Tu as combattu le bon combat, tu as consommé ta course, tu as conservé la foi, il né te reste plus maintenant qu'à attendre la couronne de justice que de te rendre aujourd'hui le juste Juge, et tu t'écries encore : Je ne refuse pas de travailler, que votre volonté soit faite! Tu as offert aussi en entier le sacrifice de ton Isaac, et, autant qu'il a dépendu de toi, tu as égorgé 1e fils, unique objet de ton amour; tu as immolé avec une pieuse dévotion ion unique joie, en t'offrant à retourner au milieu des périls, à recommencer la lutte, à reprendre ton travail, à souffrir encore les tribulations, à prolonger l'épreuve enfin, à voir différée encore la félicité suprême, et la société si ardemment désirée des esprits bienheureux, pour retomber de nouveau, du seuil de la gloire, dans les épreuves de relie vie mortelle; enfin, et c'est ce qui surpasse tout le reste, tu consens à demeurer plus longtemps éloigné de ton Christ, si telle est sa volonté à lui. Qui pourrait jamais douter que celui qui se montre dispose, avant même d'avoir reçu aucun ordre, à faire la volonté du maître, ait plus de mérite que celui qui attend de la connaître pour s'y soumettre? Assurément, anges saints, votre obéissance est bien grande, mais si vous me le permettez, et si j'ose le dire, je ne sais s'il s'en est jamais trouvé parmi vous un seul qui fût disposé à être envoyé un jour pour exercer un ministère, pendant lequel il dût cesser de contempler la face du Père. Sans doute, c'était grand à vous, ô Pierre, de tout laisser pour suivre le Seigneur; mais je vous ai entendu vous écrier sur la montagne ou il se transfigura devant vous : « Seigneur, nous sommes bien ici, faisons-y trois tentes (Matt. XVII, 4). » Ce n'est pas là dire, si je suis encore nécessaire à votre peuple, je ne refuse point de travailler. Ton âme est prête, ô Martin, oui ton âme est prête, soit à demeurer dans son corps, soit à le voir se dissoudre et à aller rejoindre le Christ. 18. Sa sécurité dans les horreurs de la mort fut bien grande, elle fut grande aussi dans ou désir de jouir de la vision de Jésus-Christ, et c'est même dans la ferveur unique avec laquelle il avait ce désir que se trouve la perfection; mais tout cela se trouvait en toi, ô Martin, dans une mesure qui dépassait tontes mesures, car, tout en ne craignant pas la mort, que dis-je, en désirant si ardemment jouir de la présence du Seigneur, cependant, tu ne refuses pas de vivre et de retomber dans les rudes épreuves de l'attente. En quoi aurait-il pu ne point se montrer obéissant, celui qui, dans de pareilles conjonctures, s'écriait avec tant de dévotion : «Que votre volonté soit faite ! » Eh bien, mes frères, dans le festin qui nous est servi aujourd'hui, que ce soit là notre lot, regardons d'un oeil attentif ce plat de l'obéissance, servi sur la table de ce pauvre, ou plutôt de ce riche, et sachons que voilà le plat qu'on exige que nous rendions à notre tour , que nous avons à préparer, et disons les uns et les autres : « Seigneur, je suis tout prêt, et je ne suis point troublé, je anis tout prêt à garder vos commandements (Psal. CXVIII, 60). » Je ne suis pas prêt seulement une fois, ou à moitié, mais mon coeur est prêt, ô mon Dieu, mon coeur est tout prêt ; oui, il est tout disposé aux choses les plus opposées, et ne veut en rien s'imposer votre volonté. Peut-être désiré-je ceci en particulier et avec une grande force, mais je aie refuse point cela. Que ce que vous voulez dans les cieux se fasse ici-bas. Je soupire après le repos, mais je ne refuse pas le travail que votre volonté soit faite.
|