ACTES XI
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HOMÉLIE XI. AYANT ÉTÉ RENVOYÉS, ILS REVINRENT VERS LES LEURS ET LEUR RACONTÈRENT TOUT CE QUE LEUR AVAIENT DIT LES PRINCES DES PRÊTRES ET LES ANCIENS. (CHAP. IV, 23, JUSQU'AU VERS. 35.)

 

ANALYSE. 1. Courage des apôtres. — Union admirable des premiers fidèles.

2. Sens du mot main dans l'Ecriture. — Les miracles étaient nécessaires pour prouver la résurrection.

3. Saint Ch rysostome propose aux cent mille chrétiens de Constantinople de renouveler la vie en commun des premiers chrétiens.

4. Contre les serments.

 

1. Ils racontent, mais non par vaine gloire comment cela serait-il? Ils font simplement voir des preuves de la grâce du Ch rist. Ils racontent donc tout ce qu'on leur a dit; et s'ils passent sous silence ce qu'ils ont dit eux-mêmes, ils n'en sont cependant pas moins devenus plus bardis. Et voyez comme ils reviennent au véritable secours, à leur invincible auxiliaire! comme ils y reviennent, dis-je, d'un même coeur et avec ardeur: car la prière qu'ils font n'est pas une prière ordinaire. « Ceux-ci ayant entendu., élevèrent « unanimement la voix vers Dieu et dirent » Voyez comme leurs prières sont déterminées et précises ! Quand ils demandaient que le ciel désignât un homme digne de l'apostolat, ils disaient : « Seigneur, qui connaissez le coeur « de tous les hommes, faites-nous connaître». (Là, en effet, la prescience était nécessaire.) Mais ici, comme il s'agissait de fermer la bouche à leurs adversaires, ils insistent sur l'idée de domination, et voici comme ils commencent « Seigneur Dieu, qui avez fait le ciel et la terre et la mer, et tout ce qu'ils renferment; qui avez dit par la bouche de votre serviteur David: « Pourquoi les nations ont-elles frémi, et les peuples ont-ils formé de vains projets? Les rois se sont levés et les princes se sont réunis contre le Seigneur et contre son Ch rist ». (Ps. XXI.) Ils rappellent cette prophétie comme pour réclamer de Dieu l'exécution des traités, et aussi pour se consoler eux-mêmes par l'inutilité des projets ennemis. Le sens de leurs paroles est donc celui-ci : Menez tout cela à terme et faites voir que leurs projets sont vains. « Car Hérode et Ponce-Pilate se sont réellement ligués dans cette ville avec les gentils et le peuple d'Israël contre votre saint Fils, Jésus, que vous avez consacré par votre onction, afin d'accomplir tout ce qui avait été décrété par votre main et dans votre conseil. Et maintenant, Seigneur, regardez leurs menaces ». Voyez-vous cette sagesse? Ils ne souhaitent point de mal , ils ne spécifient même. pas les menaces; ils se contentent de dire qu'on les a menacés; car l'écrivain ne parle qu'en abrégé. Voyez encore : ils ne disent point : brisez-les, renversez-les. Que disent-ils donc? « Donnez à vos serviteurs d'annoncer votre parole en toute liberté ». Apprenons à prier de la sorte. Quelle ne serait pas la colère d'un homme à la vie duquel on aurait attenté ou que l'on aurait menacé de mort? De quelle haine ne serait-il pas rempli? Il n'en est pas ainsi de ces saints. « En étendant votre main pour que des guérisons, des signes et des prodiges s'opèrent au nom de votre saint Fils Jésus ». Si par ce nom des miracles se font, la liberté de notre langage sera grande , veut-il dire. « Après qu'ils eurent prié, le lieu où ils étaient assemblés, s'ébranla». Preuve qu'ils avaient été exaucés et que Dieu les visitait. « Et ils  furent tous remplis du Saint-Esprit ». Qu'est-ce (37) que cela : « Ils furent remplis? » C'est-à-dire : ils furent embrasés par l'Esprit; car c'était la grâce qui brûlait en eux. « Et ils annonçaient avec confiance la parole de Dieu. Or, la multitude des fidèles n'avait qu'un coeur et qu'une âme ». Voyez-vous qu'avec la grâce de Dieu ils faisaient encore tout ce qui dépendait d'eux? c'est ce qu'il faut remarquer partout, qu'avec la grâce de Dieu , ils déploient tout ce qui est en eux; ce qui fait dire à Pierre : « Je n'ai ni or ni argent ». Ainsi ce qui a été dit plus haut : que tous étaient « dans le même sentiment » est répété ici : « La multitude des fidèles n'avait qu'un coeur et qu'une âme ». Après avoir dit qu'ils furent exaucés , l'écrivain fait voir leur vertu. En effet, il est sur le point d'aborder l'histoire de Sapphire et d'Ananie : et avant de raconter leur crime, il parle d'abord de la vertu des autres. Dites-moi , je vous prie, est-ce la charité qui produit le désintéressement, ou le désintéressement qui produit la charité? Il me semble que la charité produit le désintéressement qui resserre davantage ses liens. Ecoutez ce qui est dit : « Tous n'avaient qu'un coeur et qu'une âme ». Mais le coeur et l'âme sont la même chose. « Aucun d'eux n'appelait sien ce qu'il possédait, mais tout était en commun parmi eux. Et les apôtres rendaient avec une grande force témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus- Ch rist ». L'auteur s'exprime comme s'il s'agissait d'une mission à remplir par eux ou d'une dette à payer; c'est-à-dire ils rendaient à tous avec liberté témoignage du royaume de Dieu. « Aussi , une grande grâce était en eux tous; car il n'y avait point d'indignes parmi eux ». C'était comme dans la maison paternelle où tous les enfants sont égaux. Et on ne pouvait pas dire qu'ils nourrissaient les autres, quoique telles fussent leurs dispositions. Mais la merveille était que, renonçant à toute propriété, ils semblaient les nourrir, non plus de leurs biens particuliers, mais du bien commun. « En effet, tous ceux qui possédaient des champs ou des maisons les vendaient, en apportaient le prix, et le déposaient aux pieds des apôtres, et on distribuait à chacun selon ses besoins ». C'était un grand honneur que le prix fût déposé, non dans les mains, mais aux pieds des apôtres « Or, Joseph, surnommé par les apôtres Barnabas, ce qui est interprété fils de Consolation ».

Il ne me semble pas que ce soit le Joseph dont est question à propos de l'élection de l'apôtre Mathias : lequel s'appelait Joseph Barsabas, et fut ensuite surnommé le Juste. Celui-ci a reçu des apôtres le surnom de Barnabas, fils de Consolation. Ce surnom me paraît lui avoir été donné à cause de sa vertu, comme s'il eût eu une disposition particulière à consoler. « Lévite, cypriote d'origine, ayant un champ, le vendit, en apporta le prix et le déposa aux pieds des apôtres ».

2. Observez ici, je vous prie, comment il fait voir que là loi est annulée, comment il nous dit : « Lévite, cypriote d'origine ». En changeant de patrie, les lévites gardaient donc leur nom. Mais reprenons ce qui a été dit plus haut. « Ayant été renvoyés, ils vinrent près des leurs et leur racontèrent tout ce que leur avaient dit les princes des prêtres et les anciens ». Voyez l'humilité et la sagesse des apôtres. Ils ne vont point çà et là se vanter et dire comment ils ont réfuté les prêtres; ils ne cherchent pas dans leurs récits la vaine gloire, mais ils retournent vers les leurs et racontent simplement ce que les anciens leur ont dit. Par là, nous apprenons qu'ils ne se sont point jetés témérairement dans les épreuves, mais qu'ils les ont soutenues avec courage quand elles se sont présentées. Tout autre, appuyé sur la multitude, aurait peut-être dit des injures, proféré mille choses pénibles à entendre. Il n'en est pas ainsi de ces sages. ils font tout avec douceur et calme. « Ayant entendu cela, ils élevèrent tous ensemble la voix vers Dieu ». C'est le cri de la joie et d'une grande ferveur. Voilà les prières efficaces; celles qui sont pleines de sagesse, qui ont de tels objets, qui partent de telles sources, qui se font en de telles circonstances et de telle manière; les autres sont maudites et impures. Voyez comme il n'y a rien de superflu : ils ne parlent que de la puissance de Dieu; ou plutôt, comme le Ch rist disait aux Juifs: « Si je parle dans l'Esprit de Dieu », de même les disciples parlent « par le Saint-Esprit». Et voilà que le Sauveur aussi parle dans l'Esprit. Mais écoutez ce qu'ils disent : « Seigneur Dieu, qui avez dit par la bouche de votre serviteur David : Pourquoi les nations ont« elles frémi? » L'usage de l'Ecriture est de parler d'une seule chose comme si elle parlait de plusieurs. Ils veulent donc dire : Ils ont été impuissants; mais vous, vous avez tout fait, vous qui dirigez et menez toute chose (38) à bon terme, vous l'habile et le sage par excellence, vous qui vous servez de vos ennemis pour accomplir vos desseins. Ils parlent de l'habileté et de la sagesse de Dieu pour montrer que c'était bien en qualité d'ennemis et d'adversaires et dans des vues homicides que les Juifs s'étaient ligués; mais, ô Dieu ! la conjuration n'a pas eu d'autre résultat que l'accomplissement de vos desseins, « de tout ce qui avait été décrété par a votre main et par votre conseil ». Qu'est-ce à dire: « Par votre main? » Votre main signifie ici, ce me semble, votre puissance et votre volonté. Il suffit, dit-il, que vous ayez voulu; car ce n'est pas la puissance qui prévoit. « Par « votre main » veut donc dire : tout ce que vous avez commandé ou tout ce que vous avez fait. Comme alors ils n'ont formé que de vains projets, faites qu'il en soit de même encore aujourd'hui.

« Et donnez à vos serviteurs », c'est-à-dire que leurs menaces n'aient pas d'effets. Et ils font cette prière, non pour détourner d'eux les périls, mais en faveur de la prédication. En effet, ils ne disent pas : arrachez-nous aux dangers. Que disent-ils donc? « Donnez à vos serviteurs d'annoncer votre parole en toute liberté ». Vous qui avez mené ces choses à bon terme, menez-y encore celles-ci. « Que vous avez consacré par votre onction ». Voyez comme dans leur prière ils font la part de la passion du Ch rist; comme ils lui rapportent tout et lui attribuent la liberté dont ils jouissent ! Voyez-vous aussi comme ils demandent tout pour Dieu et rien par ambition et pour leur propre gloire? De leur part, ils promettent de ne point se laisser effrayer; mais ils demandent des signes. « En étendant votre main pour que des guérisons, des miracles et des prodiges s'opèrent ». Bien : sans cela, en effet, déployassent-ils une immense ardeur, ils n'aboutiraient à rien. Dieu exauça leur prière, et le prouva en ébranlant le lieu où ils étaient. « Après qu'ils eurent prié, le lieu fut ébranlé ». Et pour vous convaincre que telle était la cause de ce mouvement, écoutez le prophète : « Lui qui regarde la terre et la fait trembler » ; et encore : « La terre a été ébranlée à l'aspect de Dieu, à l'aspect du Dieu de Jacob ». (Ps. CIII, 32, et CXIII, 7.) Et Dieu fait cela pour imprimer une plus grande terreur, pour les fortifier après les menaces et leur inspirer une plus grande liberté. En effet, c'était au commencement; ils avaient besoin de signes sensibles pour opérer la foi : ce qui ensuite ne se reproduisit plus. Ils retirèrent donc une grande consolation de leur prière.

Ils ont raison de demander la grâce des miracles; autrement, ils n'eussent jamais pu démontrer la résurrection. Ils ne demandaient pas seulement un motif de sécurité pour eux, mais encore à ne pas être couverts de confusion et à pouvoir parler en liberté. Le lieu fut ébranlé, mais ils n'en furent que plus affermis. C'est quelquefois un signe de colère, quelquefois un signe de visite et de providence ; ici, c'est un signe de colère. Lors de la passion du Sauveur, le fait se produisit d'une manière étrange et surnaturelle; car alors toute la terre fut ébranlée. Et le Sauveur lui-même avait dit : « Il y aura des famines et des pestes et des tremblements de terre en divers lieux ». Du reste, c'était aussi un signe de colère contre les Juifs : mais il remplit les apôtres de l'Esprit. Voyez ! c'est après la prière que les apôtres sont remplis de l'Esprit. « Et la grâce était grande en eux tous : car il n'y avait point de pauvre parmi eux ». Vous voyez que la puissance de l'Esprit était grande où et quand il le fallait. Il s'agit encore de la question des biens, qu'il rappelle une seconde fois pour porter au mépris des richesses. Plus haut, il a dit : « Nul ne regardait comme étant à lui rien de ce qu'il possédait»; ici il dit : « Qu'il n'y avait point de pauvre parmi eux ».

3. Et ce n'était pas là uniquement l'effet des miracles, mais aussi de leur volonté, comme le prouve l'histoire de Sapphire et d'Avanie. Ils rendaient témoignage de la résurrection non-seulement par la parole, mais aussi par la vertu, selon ce que dit Paul : « Ma prédication a consisté, non dans les paroles persuasives de la sagesse humaine; mais dans la manifestation de l'Esprit et de la vertu », non-seulement de la vertu, mais d'une grande vertu. Il a raison de dire : « La grâce était en eux tous ». C'était la grâce parce qu'il n'y avait pas de pauvres; c'est-à-dire il n'y avait point de pauvres à cause de la générosité de ceux qui donnaient. Car ils ne donnaient pas une partie pour conserver l'autre; ou encore ils ne donnaient pas le tout comme étant leur bien propre. Toute inégalité avait disparu , ils vivaient dans une grande abondance; et ils donnaient en témoignant leur respect pour les (39) apôtres. Car ils n'osaient pas déposer leurs dons dans les mains des apôtres, ils ne les leur présentaient pas avec ostentation, mais ils les mettaient à leurs pieds, les en constituaient dispensateurs et maîtres, afin que tout fût pris dans le trésor commun et non dans le leur. Par là ils n'étaient point exposés à la vaine gloire. S'il en était encore ainsi, nous serions tous, riches et pauvres, bien plus contents, et les. riches n'en seraient pas moins heureux que les pauvres. Dépeignons, si cela vous plaît, cet état en paroles et goûtons-en le charme, puisque nous ne pouvons pas le faire en réalité. Ce qui s'est passé alors démontre jusqu'à l'évidence qu'ils ne s'appauvrissaient pas en vendant, mais qu'ils enrichissaient les pauvres.

Traçons donc ce tableau. Supposons que tous vendent ce qui leur appartient, et en mettent le prix en commun ; c'est une simple supposition : que personne ne se trouble, ni riche ni pauvre. Quelle serait, pensez-vous, la quantité de l'or qui se recueillerait? Je conjecture (car il n'est pas possible d'arriver ici à une parfaite exactitude), que si tous et toutes se dépouillaient de leur argent et livraient leurs terres, leurs propriétés, leurs maisons (je ne parle pas des esclaves, car alors on ne les vendait pas, mais on leur donnait sans doute la liberté), on parviendrait peut-être à la somme d'un million de livres d'or, ou de deux fois, trois fois cette somme. Car, dites-moi, à quel nombre s'élève la population mêlée de cette ville? Combien y supposez-vous de chrétiens Voulez-vous cent mille, et le reste composé de gentils et de Juifs? Combien y recueillerait-on de millions de livres d'or? D'autre part, quel est le nombre des pauvres? Je ne pense pas qu'il dépasse cinquante mille. Que faudrait-il pour les nourrir chaque 'jour ? S'ils mangeaient en commun , s'ils s'asseyaient à la même table, la dépense ne serait pas énorme. Mais, dites-vous, que ferions-nous quand tout serait dépensé ? Eh ! pensez-vous qu'on en, viendrait jamais à bout? La grâce de Dieu ne serait-elle pas mille fois plus abondante? Ne se répandrait-elle pas avec largesse? Quoi ! n'aurions-nous pas fait de la terre un ciel ? Si parmi trois mille et cinq mille qu'ils étaient alors, on obtint un tel succès que personne ne se plaignait de la pauvreté, à. combien plus forte raison n'arriverait-on pas au même résultat dans une si grande multitude ? Et quel étranger refuserait d'y contribuer? Pour démontrer que la division des richesses amène un surcroît de dépenses et engendre la pauvreté, supposons une maison où il y a dix enfants, un homme et une femme : celle-ci, ouvrière en laine, celui-là apportant ses profits du dehors; dites-moi, cette famille mangeant en commun et habitant la même maison, dépenserait-elle plus que si elle était divisée? Il est évident qu'elle dépenserait plus si elle était divisée; car si ces dix enfants étaient séparés, il faudrait dix maisons, dix tables, dix domestiques, et des revenus en conséquence. Quoi encore ! Là où il y a une multitude de serviteurs, ne vivent-ils pas tous à la même table, afin de diminuer la dépense? La division entraîne donc toujours une diminution, tandis que l'union et la concorde produisent un accroissement. Ainsi les habitants des monastères vivent comme autrefois les fidèles. Et là, qui meurt de faim? Qui ne vit pas dans une grande abondance? Mais aujourd'hui les hommes ont plus.peur de cela que de tomber dans une mer sans fond et sans bord. Cependant , si nous avions fait l'expérience de ce genre de vie , nous l'embrasserions sans crainte. Et quelle grâce ne serait-ce pas? Car si, dans ce temps-là, quand il n'y avait que trois mille, que cinq mille fidèles, quand on avait pour ennemi le monde entier, quand on n'avait de consolation à attendre d'aucun côté, si alors, dis-je, on entra courageusement dans cette voie, à combien plus forte raison ne le pourrait-on pas aujourd'hui, où, par la grâce de Dieu, les fidèles remplissent le monde ? Et dans ce cas combien resterait-il de gentils? aucun, selon moi; nous les aurions bientôt tous gagnés et attirés à nous. Oui, si nous entrions dans cette voie, j'ai confiance en Dieu qu'il en serait ainsi. Croyez-moi seulement, et tout réussira comme je le dis; et si Dieu nous conserve la vie, j'espère que nous embrasserons bientôt cette règle.

4. En attendant, observez et maintenez avec force la loi sur le serment. Que celui qui l'observe dénonce celui qui la viole, qu'il l'accuse et le réprimande vertement. Car le temps fixé approche, où je ferai l'enquête et retrancherai et exclurai le prévaricateur. Puissions-nous n'en découvrir aucun parmi nous ! Puissent tous avoir été fidèles à observer ce pacte spirituel ! Qu'il en soit ici comme à l'armée, où le mot d'ordre distingue le soldat de l'étranger. En réalité , nous sommes maintenant en (40) guerre, et il est nécessaire de reconnaître nos frères. Et quel avantage n'est-ce pas d'avoir ce signe distinctif,.et chez nous et hors de chez nous? Quelle arme n'avons-nous pas contre les ruses du démon? Car une bouche qui ne sait pas jurer attirera promptement Dieu par la prière, et frappera le démon d'un coup mortel; une bouche qui ne sait pas jurer ne saura pas non plus proférer l'injure. Repoussez, jetez ce feu hors de votre langue comme hors de votre maison. Laissez-la un peu respirer, et diminuez la plaie. Je vous y exhorte vivement, afin de pouvoir vous donner un autre enseignement; car tant que ce succès ne sera pas obtenu, je n'ose passer à un autre sujet. Corrigez-vous donc entièrement sur ce point, saisissez d'abord toute l'importance du résultat, et alors je traiterai d'autres lois, ou plutôt ce ne sera pas moi, mais le Ch rist. Plantez cette vertu dans votre âme , et bientôt vous deviendrez le paradis de Dieu, paradis bien préférable au paradis terrestre. Car il n'y aura plus parmi vous ni serpent, ni arbre de mort, ni autre chose de ce genre. Enracinez profondément en vous cette habitude. Si vous le faites, le profit n'en sera pas pour vous seuls, qui êtes ici présents, mais pour tous les hommes, et non-seulement pour les hommes qui vivent aujourd'hui, mais pour ceux qui viendront dans la suite. Car une bonne habitude une fois établie et observée par tout le monde, se perpétue pendant de longs siècles, et le temps ne peut plus la détruire. Si un homme fut lapidé pour avoir ramassé du bois un jour de sabbat, quel ne sera pas le châtiment de celui qui commet une faute bien plus grave que de ramasser du bois, d'un homme qui amasse tout un fardeau de péchés, c'est-à-dire une multitude de serments? Quel ne sera pas son supplice? Si vous vous corrigez là-dessus, vous obtiendrez de grands secours de Dieu. Si je vous dis : n'injuriez pas, vous m'objecterez votre colère; si je vous dis : ne portez pas envie, vous trouvez une autre excuse. Ici vous, n'avez rien de pareil à dire. C'est pourquoi j'ai commencé par les choses faciles, comme il est d'usage dans tous les arts. On n'aborde les choses difficiles qu'après avoir d'abord appris les choses faciles. Vous verrez combien celle-ci l'était, quand, vous étant corrigés par la grâce de Dieu , vous recevrez d'autres prescriptions.

Donnez-moi confiance et devant les gentils et devant les Juifs, et surtout devant Dieu. Je vous en conjure au nom de la charité, par les douleurs dans lesquelles je vous ai enfantés, « vous, mes petits enfants ». Je n'ajouterai point ce qui suit : « Que j'enfante de nouveau » ; ni je ne dirai : « Jusqu'à ce que le Ch rist soit formé en vous ». Car j'ai la confiance que le Ch rist est formé en vous. Mais j'ajouterai : « Mes frères bien-aimés et chéris, ma joie et ma couronne ». (Gal. IV, 19, et Philip. IV, 1.) Croyez bien que je ne tiendrai pas un autre langage. Quand on me mettrait sur la tête mille couronnes royales ornées de pierreries, je ne me réjouirais pas comme je me réjouis de votre avancement; bien plus, je ne crois pas qu'un roi goûte une joie comme celle que je ressens à votre occasion. Que dis-je? Quand même il reviendrait vainqueur de tous ses ennemis; quand, à sa propre couronne, il en ajouterait un grand nombre d'autres et des diadèmes, symboles de son triomphe, je ne crois pas que ces trophées lui procureraient autant de satisfaction que m'en procure votre avancement. En effet, je suis fier comme si j'avais mille couronnes sur la tête, et non' sans raison; car si, par la grâce de Dieu, vous contractez cette habitude , vous aurez remporté mille victoires plus difficiles que celles de ce souverain; vous aurez lutté et combattu contre les méchants démons, contre les esprits pernicieux, non par l'épée, mais par la langue et là volonté. Et voyez quel succès que celui-là, si vous le remportez ! D'abord vous aurez rompu une mauvaise habitude; secondement, vous aurez détruit un faux raisonnement, source de tous les maux, en vertu duquel la chose est regardée comme indifférente et sans danger; troisièmement, vous aurez vaincu la colère; quatrièmement, l'avarice; car ce sont là les suites du serment. De plus, vous puiserez là une grande ardeur pour d'autres progrès. Comme les enfants qui apprennent les lettres, non-seulement les apprennent, mais par elles se forment insensiblement à lire; ainsi en sera-t-il de vous; le faux raisonnement ne vous trompera plus; vous ne direz plus que c'est une chose indifférente , vous ne parlerez plus par habitude , mais en toutes choses vous vous tiendrez fermes , afin qu'ayant pratiqué en tout la vertu selon Dieu , vous jouissiez des biens éternels, par la grâce et la bonté du Fils unique, avec qui, au Père, et en (41) même temps au Saint-Esprit, sont la gloire la force , l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

 

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