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HOMÉLIE XXIV. PIERRE PARLAIT ENCORE , LORSQUE LE SAINT-ESPRIT DESCENDIT SUR TOUS CEUX QUI ÉCOUTAIENT SA PAROLE; E LES FIDÈLES CIRCONCIS, QUI ÉTAIENT VENUS AVEC PIERRE, FURENT FRAPPÉS D'ÉTONNEMENT DE VOIR QUE LA GRACE DU SAINT-ESPRIT SE RÉPANDAIT AUSSI SUR LES GENTILS. CAR ILS LES ENTENDAIENT PARIER DIVERSES LANGUES, ET GLORIFIER DIEU. (CHAP. X, VERS. 44, 45, 46.)
Traduit par M. C. PORTELETTE.
ANALYSE. 1 et 2. Economie de la Providence dans la conversion des Gentils. Conduite de Pierre, qui ne fait rien de lui-même, Dieu seul opérant tout.
3 et 4. Développement pathétique de l'efficacité de la pénitence. Combien y en aura-t-il de sauvés dans tout ce peuple! Magnifique mouvement d'éloquence pressante, élevée, saisissante. Contre les spectacles.
1. Voyez la conduite de Dieu ! il n'a pas permis que le discours fût achevé, ni que le baptême fût donné par l'ordre de Pierre. Ils montraient une âme merveilleusement disposée; ils avaient reçu le commencement de la doctrine; ils regardaient le baptême comme la rémission des péchés, et aussitôt l'Esprit arriva. Ce qui avait lieu, en outre, parce que la providence de Dieu voulait ménager à Pierre de puissants moyens de défense. Non-seulement ils reçoivent l'Esprit, mais ils parlaient diverses langues; ce qui frappait d'étonnement les assistants. Pourquoi les choses se passent-elles ainsi ? A cause des Juifs, car ce prodige excitait toute leur haine. Aussi est-ce partout Dieu qui agit seul. Et Pierre est là, pour ainsi dire, par hasard, leur disant qu'il convient maintenant d'aller trouver les nations, qu'il convient qu'elles soient instruites. Et ne soyez pas surpris, en effet, si, après de si grandes marques, et à Césarée et à Jérusalem, il y a eu des disputes, que ne serait-il pas arrivé sans ces merveilles qui accompagnèrent les apôtres? Voilà pourquoi ces signes paraissent d'une manière éclatante. Et maintenant, voyez comment Pierre profite de l'occasion pour se justifier, et, pour preuve que sa réponse lui est inspirée par la circonstance, écoutez l'évangéliste : « Alors Pierre dit : Peut-on refuser l'eau du baptême à ceux qui ont déjà reçu le Saint.Esprit comme nous ? (47) ». Voyez jusqu'où il est arrivé, et quel était son désir d'aller plus, loin; c'était là depuis longtemps sa pensée : « Peut-on refuser », dit-il, « l'eau du baptême? » Il s'emporte, pour ainsi dire, contre ceux qui refuseraient, qui diraient que le baptême ne peut être donné aux gentils. Le plus nécessaire, dit-il, est accompli : ils ont reçu le baptême que nous avons reçu nous-mêmes. « Et il commanda qu'on les «baptisât, au nom du Seigneur Jésus-
« Après cela, ils le prièrent de demeurer quelques jours avec eux ». Il a donc raison de demeurer avec eux en toute confiance. « Les apôtres et les frères qui étaient dans la Judée apprirent que les gentils mêmes avaient reçu la parole de Dieu, et lorsque Pierre fut venu à Jérusalem, les circoncis disputaient contre lui, et lui disaient : Pourquoi avez-vous été chez des hommes incirconcis et avez-vous mangé avec eux? (
2. Voyez-vous que c'est l'Esprit qui fait la loi? « Ces six de nos frères que vous voyez, vinrent aussi avec moi ». Quoi de plus humble que Pierre, qui invoque, ici encore, le témoignage des frères! « Ces six de nos frères que vous voyez, vinrent aussi avec moi, et nous entrâmes dans la maison de cet homme, qui nous raconta comment il avait vu, dans sa maison, un ange qui s'était présenté devant lui, et lui avait dit : Envoyez à Joppé, et faites venir Simon, surnommé Pierre; il vous dira des paroles par lesquelles vous serez sauvé, vous et toute votre maison (13, 14) ». Il ne cite pas les paroles adressées par l'ange à Corneille : « Vos prières et vos aumônes sont montées jusqu'en présence de Dieu, et il s'en est souvenu » ; il ne veut pas les heurter, il ne cite que des paroles dont le sens n'a rien d'orgueilleux : « Il vous dira des paroles par lesquelles vous serez sauvé, vous et toute votre maison ». Voyez-vous comme il se hâte pour la raison que j'ai dite? Et il ne parle pas de la vertu de Corneille. Eh bien, voilà donc l'Esprit qui l'envoie, Dieu qui lui donne son ordre, qui, d'un côté, l'appelle par le ministère d'un ange, qui, d'un autre côté, le pousse encore; qui supprime tout obstacle matériel; que fallait-il faire? Pierre ne dit rien de tout cela, il s'appuie sur ce qui a suivi, et qui fournissait une preuve irrésistible. Et pourquoi, dira-t-on, le dernier lait ne s'est-il pas produit seul? Dieu a tout ménagé de manière à prouver (115) surabondamment que le commencement n'est pas le fait de l'apôtre. S'il était parti de lui-même, sans que rien fût arrivé, les Juifs auraient été tout à fait choqués. Il commence par se les rendre favorables en disant : « A ceux qui ont déjà reçu le Saint-Esprit comme nous». Et encore: « Quand j'eus commencé à leur parler, le Saint-Esprit descendit sur eux comme il était descendu sur nous au commencement (15) ». Et non content de ce qu'il vient de dire, il rappelle la parole du Seigneur : « Alors je me souvins de cette parole du Seigneur : Jean a baptisé dans l'eau, mais vous serez baptisés dans le Saint-Esprit (XVI; Matth. III, 11) ». C'est pourquoi il n'est rien arrivé de nouveau ; c'est une prédiction qui s'est accomplie, filais, dira-t-on, le baptême n'aurait pas dû être donné; remarquons que le baptême était un fait accompli, puisque le Saint-Esprit était descendu. Aussi Pierre ne dit-il pas : J'ai ordonné d'abord de les baptiser; que dit-il? « Peut-on refuser l'eau du baptême? » montrant par là qu'il n'a rien fait de son propre mouvement. Ce que nous avions, ils l'ont reçu. « Puis donc que Dieu leur a donné la même grâce qu'à nous, qui avons cru au Seigneur Jésus-
3. C'est ainsi que nous devons, nous aussi, dans les biens qui arrivent au prochain, glorifier Dieu, au lieu de proférer des paroles insultantes comme le font un grand nombre des nouveaux baptisés, quand ils en voient d'autres aussitôt après le baptême partir de cette vie. Il faut glorifier Dieu, même de ce qu'il ne permet pas de rester. Car, si vous le voulez, vous avez reçu, vous, un plus grand don, je ne parle pas du baptême (car lautre le partage avec vous) , mais vous avez reçu le temps d'ajouter à votre glorification. L'autre a revêtu la robe, et il ne lui a pas été permis de s'y distinguer; mais, à vous, Dieu a donné un pouvoir considérable pour faire un noble usage de vos armes, pour les essayer ici-bas. L'autre s'en va, n'ayant que le salaire de la foi; vous, vous restez dans le stade et vous pouvez recevoir beaucoup de récompenses pour vos oeuvres, et paraître un jour surpasser cet autre, autant que le soleil surpasse la plus petite des étoiles, autant que le général surpasse le dernier des soldats; disons mieux, de toute la différence entre le dernier des soldats et l'empereur. Donc n'accusez que vous-mêmes; ou plutôt ne vous accusez pas, mais corrigez-vous toujours. Car il ne suffit pas d'accuser, il faut lutter. Vous êtes renversés ? Vous avez reçu de cruelles blessures ? Relevez - vous, rentrez en possession de vous-mêmes ; vous êtes encore sur le stade, vous êtes encore sur le théâtre. Ne voyez-vous pas combien de combattants, jetés par terre dans la mêlée, ont recommencé la bataille? Seulement ne tombez pas volontairement, vous portez envie à celui qui est parti? Félicitez-vous vous-mêmes bien plus que lui. Celui-là est affranchi du péché; mais vous, vous n'avez qu'à vouloir, et, non-seulement vous expierez vos fautes, mais, de plus, vous vous enrichirez de bonnes oeuvres ; ce qui, pour l'autre, est impossible. Nous pouvons nous exciter nous-mêmes. Ils sont grands, les remèdes de la pénitence, que nul donc ne désespère. Il n'y a réellement de désespéré que celui qui désespère de lui-même; celui-là ne peut plus attendre de salut. L'affreux malheur, ce n'est pas de tomber dans un abîme de maux, mais d'y rester étendu, après y être tombé; l'impiété, ce n'est pas de tomber dans l'affreux abîme, mais d'y rester dans l'insouciance, après y être tombé. Est-ce ainsi que ce qui doit éveiller toutes vos inquiétudes, ne fait qu'ajouter à votre insouciance? Mais vous avez, dans votre chute, reçu tant de blessures ! Aucune blessure de l'âme n'est incurable; le corps en a d'incurables; l'âme, pas une. Le corps est-il blessé , nous prenons mille soins qui nous fatiguent; les blessures de. l'âme nous laissent pleins de nonchalance. Ne voyez-vous pas le peu de temps qu'il a fallu au larron pour tout réparer? Ne voyez-vous pas le peu d'instants qui suffisent aux martyrs, pour consommer leur victoire? Mais ce n'est plus le temps des martyrs? Mais c'est toujours le temps des combats, je le redis sans cesse, nous n'avons qu'à vouloir. « Car ceux qui veulent », dit l'apôtre, « vivre dans la piété en Jésus-
J'ai entendu dire à nos pères (je ne désire pas que notre âge subisse cette épreuve, car il nous est défendu de désirer les tentations) , qu'autrefois c'était au sein de la persécution que l'on pouvait voir de vrais chrétiens. Car nul alors ne s'inquiétait de fortune, de femme, d'enfants, de famille, de patrie; tous n'avaient qu'un désir unique, le salut de leur âme. Ou se cachait, les uns, dans les tombeaux, dans les sépultures ; les autres, dans les solitudes. Et non-seulement des hommes , mais des femmes tendres et délicates allaient y chercher une retraite pour y lutter sans cesse avec la faim. Eh bien, je vous le demande, pensait-elle beaucoup à la vie somptueuse, pensait-elle aux délices, aux plaisirs, cette femme cachée dans un tombeau , attendant la servante qui lui apportait son repas, ayant peur d'être prise, et demeurant dans ce tombeau . comme dans un four? Désirait-elle les délices de la vie ? Savait-elle seulement qu'il y a une vie délicieuse, qu'il y a un monde? Ne comprenez-vous pas que si la persécution est terrible, c'est lorsque nos passions s'élancent Burnous comme des bêtes fauves? C'est, n'en doutez pas, c'est lorsqu'on s'imagine qu'il n'y a pas de persécution ; c'est alors assurément que la persécution doit frapper d'épouvante. Et ce qui rend cette guerre redoutable entre toutes, c'est que l'on se croit en paix. Nous ne prenons pas les armes, nous ne sommes pas debout, pour repousser l'ennemi ; personne n'a peur, personne ne tremble. Si vous ne me croyez pas, demandez aux gentils, qui nous persécutent; quand le christianisme était-il le plus prospère ? Quand les chrétiens se sont-ils couverts de plus de gloire? C'est quand ils étaient en petit nombre. C'est qu'alors aussi les âmes étaient riches en vertus. Qu'importe, répondez-moi, l'abondance d'une herbe inutile, quand on peut la remplacer par des pierres précieuses? Ce n'est pas la multitude, c'est l'éclat de la vertu qui seul a du prix. Elie était seul, mais le monde n'était pas digne de lui. Le monde renferme des milliers de milliers d'êtres, mais ces milliers d'êtres ne sont rien , puisque tous ces êtres ensemble n'en valent pas un. « Mieux vaut un seul homme faisant la volonté du Seigneur, que mille adonnés à l'injustice ». (Eccl. XXI, 3.) C'est ce qu'un sage insinue encore par ces paroles : « Ne désirez pas la multitude des fils inutiles ». (Ibid. I.) Ils servent uniquement à provoquer contre Dieu plus de blasphèmes que s'ils n'étaient. pas chrétiens : Qu'ai-je besoin de la multitude? aliment plus considérable pour le feu de l'enfer. Vous apprendriez de votre corps la même vérité, il vous dirait que mieux vaut une nourriture modérée, et la santé, que des mets délicats, et la maladie. La première nourriture est préférable à l'autre; la première est une nourriture, l'autre est un poison. La guerre encore enseignerait la même chose, savoir : que mieux vaut une dizaine d'hommes résolus, et expérimentés , que des milliers de gens ne sachant rien faire. Ceux-ci, non-seulement ne combattent pas, ils gênent les combattants. La navigation vous dit encore : mieux vaut n'être que deux matelots habiles, qu'une foule innombrable sans habileté. Cette troupe innombrable fera sombrer le navire. 4. Ce que j'en dis, ce n'est pas par aversion contre vous, contre ce peuple innombrable, mais je voudrais vous voir tous hommes, d'une vertu éprouvée , et vous défiant du grand nombre. Bien plus nombreux sont ceux qui tombent dans la géhenne , mais plus grande est la royauté du ciel, quoiqu'elle ait peu d'élus. La multitude du peule juif était comme le sable de la mer. Il n'y eut qu'un seul homme, pour sauver tout ce peuple: Le seul Moïse était plus puissant que tous les Juifs; le seul Jésus était plus puissant que tant de milliers. Inquiétons-nous moins de rassembler des chrétiens nombreux, que des chrétiens véritables. Ayons de bons chrétiens et le grand nombre viendra aussi. Il n'est personne qui veuille tout de suite rendre sa demeure spacieuse; on la veut d'abord solide et bien éprouvée; ensuite on la rend spacieuse. Nul ne jette des fondations de manière à se rendre ridicule.
Combien y en a-t-il, suivant vous, dans notre ville qui obtiendront leur salut? Les paroles que je vais faire entendre sont pénibles , toutefois je les dirai : Parmi tant de (118) milliers d'hommes, il n'y a pas cent chrétiens qui obtiendront leur salut. Et ceux-là même l'obtiendront-ils ? Je n'en sais rien. Quelle corruption, répondez-moi, parmi les jeunes gens ! Quel relâchement parmi les vieillards ! Nul ne s'inquiète d'élever son fils comme il devrait le faire; nul, à la vue d'un vieillard, ne songe à l'imiter. Les modèles ont disparu, et voilà pourquoi il n'y a plus de jeunes gens que l'on puisse admirer. Ne me dites pas : nous formons une multitude; réflexion d'hommes insensés. Et supposez que pour les hommes cette réflexion eût quelque valeur; pour Dieu, qui n'a pas besoin de nous, elle n'en a plus. Mais, tenez, écoutez donc ce (:lui prouve que cette réflexion , même pour les hommes, est sans valeur: un homme a un grand nombre de serviteurs; si ces serviteurs sont corrompus, que de maux ne souffrira-t-il pas ! Celui qui n'a pas même un serviteur, se trouve à plaindre de n'être pas servi; mais celui qui a des serviteurs pervers, se précipite avec eux dans la perdition, et sa perte est plus déplorable. S'il est triste de n'avoir personne à son service, ce qui est bien plus triste, c'est d'avoir des ennemis , pour lutter contre eux , pour leur faire la guerre. Ce que je dis, c'est afin de prévenir l'admiration qui considère dans l'Eglise la multitude; je voudrais nous voir tous jaloux de rendre cette multitude vertueuse, chacun de nous s'emparant d'un autre membre, dont il ferait son affaire personnelle ; chacun de nous, attirant au bien , non-seulement ses amis, non-seulement ses parents; ce que je redis et redis sans cesse; non-seulement les voisins , mais encore les étrangers. Par exemple : on fait la prière et tous sont là pêle-mêle, jeunes gens, vieillards, qui n'ont rien dans la tête; des balayures, et non des jeunes gens, riant, plaisantant, conversant, (je dis ce que j'ai entendu), ils sont à genoux, se renvoyant les uns aux autres des quolibets. Eh bien ! vous qui êtes là, jeune homme ou vieillard, à ce spectacle, réprimandez, et sévèrement, et, si l'on ne vous écoute pas, appelez le diacre; menacez, faites ce qui dépend de vous. Et si l'on osait vous répondre par des violences, certes vous trouveriez des soutiens en foule. Qui donc aurait assez peu de raison pour ne pas partager votre colère contre de pareils désordres, pour refuser de se mettre de votre côté? Sachez vous ménager, au sortir l'église le salaire de votre prière. Dans une maison de maître, les meilleurs serviteurs sont ceux qui tiennent le mieux tout en ordre. Vous verriez, dans une maison , un vase d'argent égaré, vous auriez beau n'être pas chargé d'en prendre soin, ne reporteriez-vous pas ce vase dans cette maison? Je suppose un vêtement qui va se perdre , et peu vous importe à vous, et vous êtes l'ennemi de l'intendant de la maison; cependant, comme vous aimez le maître, ne vous. ferez-vous pas un devoir de lui reporter ce vêtement? Eh bien, c'est à présent ce que je vous demande. Je vous parle de nos vases à nous. Si vous les voyez en désordre, rangez-les; venez me trouver, je ne m'y oppose pas; parlez-moi, avertissez-moi, je ne peux pas tout voir; il faut me pardonner. Voyez la corruption dont la terre est infectée. Avais-je tort de dire que nous ne sommes qu'un amas d'herbes inutiles, une mer pleine de confusion ? Je ne dis pas que tous commettent de pareils désordres, mais tel est l'assoupissement répandu sur ceux qui entrent dans l'église, qu'ils ne préviennent rien, qu'ils ne redressent rien. Maintenant j'en vois d'autres qui continuent leurs conversations et restent debout pendant la prière; d'autres comprennent mieux la décence, ce n'est pas seulement pendant la prière, mais quand le prêtre bénit. Est-ce pousser assez loin l'audace? Espérez donc le saint l Com. ment parviendrons-nous à apaiser Dieu ! Entrez dans une salle d'exercices et de jeux, vous verrez tout le monde formant un choeur bien ordonné, on n'aura rien négligé. De même que, dans, une lyre bien accordée, la variété des parties forme un tout harmonieux d'où résulte une symphonie ravissante, de même ici nous devrions, tous tant que nous sommes, nous unir, ne formant qu'un seul choeur d'une parfaite harmonie. Car nous ne sommes qu'une Eglise, nous ne sommes que les membres harmonieusement agencés d'une seule tête ; nous ne sommes tous qu'un seul corps; négliger un membre quel qu'il soit, c'est négliger le corps entier, qui se meurt. Voilà comment le bon ordre du grand nombre est en péril par le désordre d'un seul. Et ce qu'il y a d'effrayant , c'est qu'ici vous ne venez pas à un divertissement, à une danse pour danser, et vous apportez le désordre! Ignorez-vous donc que vous êtes avec les anges? que c'est avec les anges que vous faites entendre vos (119) chants et vos hymnes, et vous passez le temps à rire ! Si la foudre ne tombe pas, non-seulement sur ces malheureux, mais sur nous, n'y a-t-il pas lied d'en être surpris? car voilà qui est fait pour attirer la foudre. Le souverain est là; son armée vous voit; et vous, bravant tous ces regards, vous riez ou laissez rire ? Mais à quoi bon ces reproches ? à quoi bon ces réprimandes? Ces fléaux, ces pestes, ces empoisonneurs infectant l'Eglise de mille souillures; chassez-les. Quand s'abstiendront-ils de rire, ceux qu'on voit rire à l'heure redoutable? Quand cesseront-ils de faire des plaisanteries, ceux qui prennent le temps de la bénédiction pour causer et converser? Comment ! nul respect pour les assistants, nulle crainte de Dieu ! Eh quoi ! ne nous suffit-il pas du secret engourdissement de notre esprit, de la divagation de nos pensées dans la prière? Y faut-il joindre encore l'indécence du rire et des plaisanteries? Sommes-nous au théâtre ici ? Oui , c'est le théâtre, pour dire ce que j'en pense , qui produit tout cela; en voilà les fruits : indiscipline et dérèglement. Ce que nous édifions ici, on le détruit là-bas: et ce n'est pas tout, ajoutez-y nécessairement encore l'infection de mille autres souillures. Supposez une place qu'on voudrait purifier, et , plus élevée que ce champ , une source y répandant de la vase ; plus vous purifiez la terre , et plus la vase la recouvre. C'est ce qui se montre ici. Ceux que les théâtres nous envoient souillés, nous les purifions, ils y retournent, et nous reviennent plus souillés encore : on dirait qu'ils ne vivent que pour accroître notre tâche; ils nous viennent portant la corruption dans leurs moeurs, dans leurs gestes, dans leurs paroles, dans leur rire, dans leur nonchalance. Et nous, de notre côté, nous raclons ces ordures , et il semble que ce que nous voulons , c'est uniquement les purifier, pour les voir revenir avec plus de fumier. Aussi, je vous remets entre les mains de Dieu. Et je conclus, et je vous signifie , à vous qui êtes bien portants, que ce sera pour vous votre jugement, votre condamnation, que d'avoir vu ces désordres, ces conversations, surtout à une telle heure, sans avoir fait entendre votre voix pour avertir, pour corriger. Cette correction a plus de mérite que la prière même. Cessez de . prier, réprimandez ; ce sera pour le coupable un service , et pour vous un profit. Et ainsi nous pourrons tous, tant que nous sommes, être sauvés, et obtenir le royaume des cieux. Puissions-nous tous en jouir , par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-
Traduit par M. C. PORTELETTE.
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