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HOMÉLIE LV. TROIS JOURS APRÈS, PAUL PRIA LES PRINCIPAUX D'ENTRE LES JUIFS DE LE VENIR TROUVER; ET QUAND ILS FURENT VENUS, IL LEUR DIT : « MES FRÈRES, QUOIQUE JE N'EUSSE RIEN COMMIS CONTRE LE PEUPLE, NI CONTRE LES COUTUMES DE NOS PÈRES, J'AI ÉTÉ FAIT PRISONNIER A JÉRUSALEM, ET MIS ENTRE LES MAINS DES ROMAINS QUI, M'AYANT EXAMINÉ, ME VOULAIENT METTRE EN LIBERTÉ, PARCE QU'ILS NE ME TROUVAIENT COUPABLE D'AUCUN CRIME QUI MÉRITAT LA. MORT. MAIS LES JUIFS S'Y OPPOSANT. J'AI ÉTÉ CONTRAINT D'APPELER A CÉSAR, SANS QUE J'AIE DESSEIN NÉANMOINS D'ACCUSER EN AUCUNE CHOSE CEUX DE MA NATION. C’EST POUR CE SUJET QUE JE VOUS AI PRIÉS DE VENIR ICI, AFIN DE VOUS VOIR ET DE VOUS PARLER ; CAR C'EST POUR L'ESPÉRANCE D'ISRAEL QUE JE SUIS LIÉ DE CETTE CHAÎNE ». (CHAP. XXVIII, VERS. 17-20; JUSQU'A LA FIN DU LIVRE DES ACTES.}

 

ANALYSE. 1 et 2. Paul s'entretient avec les Juifs de Rome. — Il leur démontre la vérité du Christianisme par les prophéties. 3. Eloge de saint Paul. — Comparaison de l'éloquence de d'apôtre avec la mer.

 

1. C'est bien à propos qu'il convie ainsi les principaux d'entre les Juifs à avoir un entretien avec lui. Il désirait à la fois se justifier lui-même et justifier les autres: lui-même, de peur qu'ils ne l'accusassent et que cela ne leur fît du tort; les autres, de peur qu'il ne semblât que c'était d'eux que dépendait l’issue de toute cette affaire, Car il est vraisemblable que le bruit s'était répandu, qu'il avait été livré par les Juifs; or, cette circonstance suffisait pour, frapper l’esprit des Juifs de Rome. Il va. donc au plus tôt au-devant de cette difficulté, et voyez avec quelle douceur il entame sa propre défense : « Mes frères , quoique je n'eusse rien commis contre le peuple ni contre les coutumes de nos pères, j'ai été fait prisonnier à Jérusalem, et mis entre les mains des Romains ». Après ces paroles, comme il était vraisemblable que quelques-uns de ceux qui l'entendaient allaient dire : « Mais comment croire qu'il ait été livré par eux sans raison ?» il ajoute : « Qui, m'ayant examiné, me voulaient mettre en liberté» ; comme s'il disait : Ils attestent mon. innocence, les magistrats des Romains, lesquels m'ont jugé et voulaient me mettre en liberté. — Mais pourquoi donc ne t'ont-ils pas mis réellement eu liberté? — «Les Juifs s'y opposant» , ajoute-t-il. Voyez-vous comme il atténue leurs fautes? Car s'il eût voulu les aggraver, il n'avait qu'à prendre., à leur sujet, un ton plus vif et plus véhément. Il se contente d'ajouter: «J'ai été contraint d'en appeler à César». Ainsi tout tourne à l'indulgence et art pardon. Ensuite, de peur que l'on ne dise : « Mais quoi ! est-ce donc pour avoir un prétexte de les accuser, que tu en as appelé ? » Il prévient tout malentendu, en ajoutant : « Sans que j'aie dessein néanmoins d'accuser en aucune chose ceux de ma nation ». C'est-à-dire, j'en ai appelé. à César, non pour avoir occasion de les accuser; criais pour échapper au danger qui me menaçait moi-même. Car c'est à cause de vous que je suis chargé de ces chaînes.

 

288

 

Tant s'en faut que je sois animé de sentiments de haine à votre égard, qu'au contraire c'est pour vous que je suis chargé de chaînes.

Et eux, que disent-ils? Ils sont tellement gagnés par ce discours, qu'ils parlent comme s'ils cherchaient à se justifier eux-mêmes vis-à-vis de lui, et non-seulement eux-mêmes, mais encore leurs compatriotes. « Ils lui répondirent : Nous n'avons point reçu de lettres de Judée sur votre sujet, et il n'est venu aucun de nos frères de ce pays-là qui nous ait dit du mal de vous. Mais nous voudrions bien que vous nous dissiez vous-même vos sentiments ; car ce que nous savons de cette secte, c'est. qu'on la combat partout (21-22». Comme s'ils disaient : Ni par lettres, ni verbalement, ils ne nous ouf dit aucun mal de vous : toutefois nous voulons vous entendre vous-même à ce sujet. Et ils prennent, les devant quant à la manifestation de leurs propres sentiments, en ajoutant : Ce que nous savons de cette secte, c'est qu'on la combat partout ». Ils ne disent pas : « Nous la combattons », mais « on la combat», se justifiant ainsi de tout reproche d'opposition. « Ayant donc pris jour avec lui, ils vinrent en grand nombre le trouver dans sa demeure, et il leur prêchait le royaume de Dieu, leur confirmant ce qu'il leur disait par plusieurs témoignages; et depuis le matin jusqu'au soir, il tâchait de leur persuader la foi de Jésus par la loi de Moïse et par les.prophètes. « Les uns croyaient ce qu'il disait, et les autres ne le croyaient pas ». Avez-vous remarqué qu'il ne leur répond pas immédiatement, mais qu'il leur fixe un jour pour venir l'entendre? Et quand ils sont venus, c'est la loi de Moïse, ce,sont les prophètes, qui sont le point de départ et le fondement de ses discours : « Et les uns croyaient, les autres ne croyaient pas. Et ne pouvant s'accorder entre eux, ils se retiraient. Ce qui donna sujet à Paul de leur dire cette parole : C'est avec grande raison que le Saint-Esprit, qui a parlé à nos pères par le prophète Isaïe, a dit : Allez vers ce peuple, et.lui dites : Vous écouterez, et en écoutant, vous n'entendrez pas; vous verrez, et en voyant, vous ne verrez point. Car le coeur de ce peuple s'est appesanti, et leurs oreilles sont devenues sourdes; et ils ont bouché leurs yeux de peur que leurs yeux ne voient, que leurs oreilles n'entendent, « que leur coeur ne comprenne, et que, s'étant convertis, je ne les guérisse (23-27) ». Pendant qu'ils se retiraient en disputant.les uns contre les autres, il leur cite Isaïe, non pour injurier ceux qui ne croient pas, mais pour confirmer dans leur foi ceux qui croient. Que dit Isaïe? Vous écouterez, et en écoutant, « vous n'entendrez point ». Voyez-vous comme implicitement il montre qu'ils sont indignes de tout pardon, puisque; ayant un prophète qui, d'avance, il y a tant de siècles, leur a avancé tout cela, ils. ne se sont pats convertis? Par ces mots : « C'est avec grande raison », il fait voir que c'est bien justement qu'ils ont été exclus du pardon; de sorte qu'il n'a été donné qu'aux gentils de connaître ce mystère. Et quant à la résistance et à l'endurcissement des Juifs, ils n'ont rien qui doive nous surprendre: Ils avaient été prédits, il y a bien longtemps. Cherchant toutefois à faire naître en eux une sainte.jalousie à la pensée de la conversion des gentils, il ajoute : « Sachez donc que ce salut de Dieu est envoyé aux gentils, et qu'ils le recevront. Lorsqu'il leur eût dit ces choses, les Juifs s'en allèrent, ayant de nouveau de grandes conversations entre eux. Paul ensuite demeura deux ans entiers dans une maison qu’il avait louée, et où il recevait tous ceux qui le venaient voir, prêchant le royaume de Dieu, et enseignant ce qui regarde le Seigneur Jésus-Christ avec toute liberté, sans que personne l'en empêchât. Ainsi soit-il (28, 31) ». Ainsi éclate au grand joule la liberté dont il jouit . lui qu'on avait empêché de prêcher en Judée, prêche à Rome sans. aucun obstacle, puisqu'il y demeure deux ans s'y livrant sans relâche à la prédication.

2. Mais reprenons. « C'est. pour ce sujet, dit-il, que je vous ai priés de venir ici, afin de vous.voir », c'est-à-dire, j'ai désiré vous voir, afin d'empêcher que le premier vend ne m'accusât devant vous, en vous disant ce qui lui passerait par l'esprit sur les vrais motifs qui m'ont amené ici. Croyez bien que je n'y suis pas venu pour faire du mal aux autres , en évitant moi-même d'en recevoir. Eux lui répondirent : « Nous voudrions bien que vous nous dissiez vous-même vos sentiments ». Voyez comme ils lui parlent ici avec plus de douceur. «Nous voudrions bien», disent-ils; et ils sont disposés à.rendre compte eux-mêmes de leurs propres sentiments sur ces mêmes choses, et c'est pour cela qu'ils sont venus au jour marqué. Mais c'est là une (289) preuve qu'ils se condamnent. formellement eux-mêmes, qu'ils n'ont eu eux-mêmes aucune confiance. S'ils avaient eu cette confiance; ils se seraient .concertés entre eux pour s'emparer de lui; mais comme cette; assurance leur manque, ils mettent une certaine lenteur à se rendre auprès de lui. Et ce qui prouve bien que le coeur leur manquait, c'est qu'ils furent obligés de s'y prendre, à cet égard, à plusieurs reprises. « Et les uns a croyaient ce qu'il disait, et les autres ne le croyaient pas, et ne pouvant s'accorder entre a eux, ils se retiraient » ; c'est-à-dire, que ceux qui refusaient de croire s'en allaient. Remarquez qu'en ce moment ils n'ourdissent pas de complots pour leur tendre des embûches , comme ils l'avaient fait en Judée où ils étaient soumis au joug de la tyrannie. Pourquoi donc Dieu avait-il arrêté dans ses desseins qu'il se rendrait ici, pourquoi lui avait-il crié: « Hâte-toi, sors promptement de Jérusalem? » Pour faire éclater leur méchanceté et la vérité de la prophétie du Christ qui avait annoncé qu'ils ne voudraient pas recevoir ses envoyés; pour que tout le monde sût que Paul était prêt à souffrir; et enfin pour que la manière dont il était traité à Rome en ce moment, servît de consolation aux frères qu'il avait laissés en Judée où il avait souffert tant de maux. Et s'il a été exposé à tous ces maux en développant certains points de la doctrine judaïque, comment auraient-ils toléré qu'il leur prêchât tout ce qui concerne la gloire du Christ?

On ne le supportait pas, quand il se soumettait aux purifications légales.: comment l'eût-on supporté, s'il eût annoncé l'Evangile du Christ ? — Il s'est contenté de se montrer, et cette vue seule les a exaspérés. C'est donc à bon droit que le salut a été procuré aux gentils; c'est à bon droit que l'apôtre a été envoyé dans les pays lointains pour que les gentils reçussent sa parole. Examinez ce qui se passe : il appelle d'abord à lui les Juifs, et ce n'est qu'après qu'il leur a fait connaître sa mission, qu'il se rend chez les gentils. Ces expressions dont il se sert : «Le Saint-Esprit a dit »,n'ont rien qui doive nous surprendre; car les paroles mêmes du Seigneur sont sou vent mises dans la bouche d'un ange : « C'est avec grande raison que l'Esprit-Saint à dit ». Cette expression est permise ici ; elle ne l'est pas quand il s'agit d'un ange. Lorsque nous exposons les paroles qui ont été prononcées par un ange, nous ne disons pas: «C'est avec grande raison que l'ange a dit », mais: « C'est avec grande raison que le Seigneur a dit ». — Ici nous lisons: «C'est avec grande raison que l'Esprit-Saint a dit » ; comme s'il voulait dire : Ce n'est pas à moi que vous refusez de croire, mais à l'Esprit, et c'est ce que, depuis longtemps, Dieu avait prédit. « M'ayant examiné, dit-il, ils voulaient me mettre en liberté » ; c'est-à-dire qu'ils voulaient me renvoyer absous, n'ayant rien trouvé en moi qui fût digne de condamnation. Et alors qu'il aurait fallu qu'ils l'arrachassent des nains des Romains, tout au contraire ils le leur livrent. Il lui restait encore tant de liberté, qu'ils n'ont pas eu le pouvoir de le condamner, et qu'ils se contentent de le livrer encore tout chargé de chaînes.

« J'ai été contraint d'en appeler à César, sans que j'aie dessein néanmoins d'accuser en aucune chose ceux de ma nation ». C'est-à-dire : ce n'est pas pour attirer de mauvais traitements sur la tête des autres, mais. pour m'en délivrer moi-même que j'ai agi ainsi, et cela, non de mon propre gré, mais contraint et forcé. Voyez quelle familiarité respire dans ses paroles : loin de s'aliéner leurs coeurs, il les attire au contraire à lui par ce mot : « de ma nation ». Par là il se ménage un accès dans leur esprit pour la propagation de sa doctrine. Et il ne leur dit pas : Je n'accuse pas, mais « sans que j'aie dessein d'accuser », bien qu'il eût tant souffert de leur part en Judée. Voilà pourquoi il ne s'explique pas ouvertement , mais se contente de quelques allusions, et passe outre; car, en ce moment, tout ce qu'il s'attachait à montrer, c'est que les Juifs de Judée l'avaient livré enchaîné aux Romains. Et maintenant c'était à eux (aux Juifs de Rome) à condamner cette conduite; c'était à eux, du moins, à l'accuser, et bien plutôt ils les défendent ; mais par les choses mêmes qu'ils mettent en avant pour cette défense, en réalité ils les accusent. « Ce que nous savons, disent-ils, de cette secte, c'est qu'on la combat partout ». — Mais bien que les choses se passent ainsi, vous n'en croyez pas moins partout ». — « Auxquels il exposait le royaume de Dieu..... par la loi et par les prophètes ». Remarquez qu'ici encore ce n'est pas par des miracles, mais par la loi et les prophètes, qu'il leur ferme la bouché, et que c'est ainsi qu'il fait partout, bien qu'il (290) pût faire des miracles; mais ils n'eussent plus été un objet de foi, et c'était un bien grand miracle que de leur prouver sa doctrine parla loi et les prophètes. Ensuite, pour que vous ne considériez pas comme étrange que les Juifs persistent dans 1eur incrédulité, remarquez qu'il leur cite cette prophétie : « Vous écouterez, et en écoutant vous n'entendrez point; vous verrez, et en voyant vous ne verrez point ». — Et ces deux choses, semble-t-il leur dire, sont l'une et l'autre encore plus vraies qu'elles ne l'étaient alors. — Ces paroles 's'adressent à ceux qui refusaient de croire, et elles n'avaient rien d'injurieux elles se bornaient à prévenir le scandale. « Sachez donc que ce salut de Dieu est envoyé aux gentils, et qu'ils le recevront ». Pourquoi donc avez-vous voulu nous parler? Est-ce que vous ne saviez pas cela d'avance ? — Oui, sans doute, mais je vous rends compte de tout, pour essayer de vous convaincre et pour ôter tout prétexte de m'attaquer moi-même. « Et Paul demeura deux ans entiers..... enseignant avec toute liberté, sans que personne l'en empêchât ». Ce n'est pas sans raison que ces derniers mots sont ajoutés, car la prédication à parfois lieu librement, bien qu'avec certaines gênes. Rien donc ici ne fait obstacle à la liberté de Paul : il parlait sans aucune espèce d'empêchement. « Et Paul demeura deux ans

entiers dans la maison qu'il avait louée », tant il était appliqué et assidu dans l'accomplissement de sa mission, ou, pour mieux dire, tant il avait à coeur d'imiter son Maître en toutes choses, pourvoyant à son logement à l'aide de soir travail, et non par le travail d'autrui; car c'est là ce. que signifient ces mots : « dans la maison qu'il avait louée ». Et que notre divin Maître n'ait pas eu de maison lui appartenant, c'est ce qui ressort de ces paroles qu'il adresse à celui qui lui a dit (sans trop savoir ce qu'il disait) : Je vous suivrai partout où vous irez : « Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel ont des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête ». (Matth. VIII, 20.) Et c'est ainsi qu'il a enseigné par son propre exemple à venir posséder , et à ne pas attacher son coeur aux biens de ce monde. « Et il y recevait tous ceux qui le venaient voir , prêchant le royaume de Dieu». — Remarquez qu'il ne dit mien des choses présentes, et ne parle que du royaume de Dieu. Avez-vous fait attention à la marche que suit ici la divine providence? L'historien arrête ici son récit, et laissé son lecteur tourmenté, pour ainsi dire, par la soif, et obligé de chercher en lui-même ce qu'il veut savoir. C'est ainsi qu'agissent aussi les auteurs profanes ; car, lorsqu'on sait tout, l'esprit se laisse aller à .une sorte de mollesse et de somnolence. C'est donc ainsi que procède l'historien sacré : il ne raconte rien des choses qui out suivi, jugeant cela inutile à ceux qui liront les auteurs qui en ont parlé, et qui y trouveront. Le moyen de suppléer à ce qui manque ici. Car ce qui a suivi devait être en parfait accord avec ce qui a précédé. Ecoutez Paul lui-même écrivant quelque . temps après aux Romains : « Lorsque je ferai le voyage d'Espagne, j'irai vers vous ». (Rom. X, 24.)

3. Voyez-vous comme elle sait tout prévoir cette âme sainte, et, pour ainsi dire, divine de Paul, qui, transporté par la sublimité de son génie , au-delà. même des cieux, est capable d'embrasser en même temps toutes choses, de ce Paul dont le nom seul, pour ceux qui le connaissent, suffit pour exciter l'âme à la vigilance, pour la réveiller du plus profond assoupissement? Rome l'a reçu chargé de chaînes, au moment où il vient de traverser les mers; sauvé du naufrage,. il vient pour la délivrer , d'un autre naufrage, celui de l'erreur. Car c'est, pour ainsi dire, comme un roi victorieux à la suite d'un combat sur mer, qu'il a fait son entrée dans cette splendide et royale cité: C'est de cela qu'il voulait parler, quand il écrivait : « Je viendrai, et nous jouirons d'une consolation mutuelle dans la plénitude de la consolation de l'Evangile ». (Rom. XV, 29.) Et,encore : « Je m'en vais, à Jérusalem pour remplir mon ministère envers les saints ». (Ibid. V, 25.) C'est-à-dire, comme il 1'a dit dans notre texte : « Je suis venu pour faire des aumônes à ma nation »: (Act. XXII, 17.) Mais déjà approchait le moment où il devait recevoir la couronne promise : Rome l'a reçu chargé de chaînes : elle le. verra couronné, elle entendra son nom proclamé avec honneur. « Là, dit-il, nous jouirons d'une consolation rituelle » (Rom. XV, 32) ; en ce moment je pars pour remplir à Jérusalem mon ministère. Tel est le point de départ de la nouvelle carrière qu'il va parcourir glorieusement, et où, invincible par la foi, il élèvera trophées sur trophées. Corinthe le retint deux (291) ans, l'Asie trois ans, et deux ans à Rome, où il était venu pour la seconde fois, quand il y termina sa vie mortelle. « La première fois, dit-il, que j'ai défendu ma cause, nul ne m'a assisté ». (II Tim. IV, 16.) Nous venons devoir comment il échappa à ses ennemis : ce ne fut qu'après qu'il eût. rempli l'univers entier de la parole évangélique, qu'il vint y finir sa vie.

Que voulez-vous apprendre touchant les choses qui ont suivi ? Elles ne sont pas différentes de celles qui précèdent : des chaînes, des tortures, des combats, des prisons, des embûches, des .délations, les bourreaux faisant, chaque jour, de nouvelles victimes. N'avez-vous pas aperçu déjà une petite partie de ce tableau? Représentez-vous tout le reste d'après cela.

Si vous attachez vos regards sur une partie déterminée du ciel, en quelque lieu que vous alliez ensuite, vous apercevrez la même chose. De même, si vous ne voyiez qu'en partie les rayons du soleil, vous pourriez, d'après cette impression, vous représenter l'image de cet astre. Ainsi en est-il de Paul. Vous avez vu une partie de ses actes : tous les autres leur ressemblent; c'est-à-dire qu'en tous vous ne ,trouvez qu'angoisses et périls. Paul était comme un autre ciel, bien supérieur au nôtre, puisqu'il était tout illuminé par le soleil de justice qu'il portait en lui, et non par ce soleil vulgaire. Croyez-vous donc que ce soit là peu de chose? Pour moi, je ne le.crois pas. Lorsqu'on parle de l'apôtre , immédiatement tout le monde songe à Paul; lorsqu'on parle de « Baptiste », tout le monde songe à Jean. A quoi pourrait-on comparer son éloquence ? A la mer, à l'océan? Mais il n'y a aucune parité. Les flots de sa parole sont bien plus pressés, ils sont bien plus limpides, et en même temps bien plus profonds que ceux de la mer. Pour donner une idée de l'âme de Paul, il faudrait la comparer à la fois au ciel et à; la mer, à l'un pour sa pureté, à l'autre pour sa profondeur. Cette mer ne sert pas à porter les navigateurs d'une ville dans une autre; elle les porte de la terre au ciel; et celui qui se confie à ses flots sera sûr de naviguer avec un vent favorable. Sur cette mer les vents ne se déchaînent pas; à leur place, c'est le souffle divin du Saint-Esprit qui enfle les voiles et conduit les âmes au port. Il n'y a ici ni soulèvement des vagues, ni écueils, ni monstres

marins : le calme le plus profond y règne. Cette mort est plus tranquille et plus sûre que quelque port qu'on puisse imaginer ; les flots qu'elle roule ont l'éclat et la transparence même du soleil : cette mer ne renferme, dans ses abîmes, ni des pierres précieuses, ni le mollusque, non moins précieux, dont on extrait la pourpre ; elle renferme des trésors bien plus riches. Celui qui veut descendre au fond de cette mer, n'a pas besoin de plongeur ; ni de quelque autre artifice que ce puisse être : il n'a besoin que d'une grande philosophie : il y trouvera tous les biens que renferme le royaume des cieux. Que dis-je ? Il pourra lui-même devenir roi, étendre sa domination surie monde entier, et monter au faîte des plus grands honneurs. Sur cette mer, le navigateur n'éprouvera aucun naufrage, parce qu'il saura tout, et dans la perfection.

Mais il arrive, sur cette mer comme sur l'autre, que ceux qui s'y risquent sans aucune expérience, y trouvent la mort; c'est en effet le sort qui attend, les hérétiques qui tentent ce qui est au-dessus de leurs forces. Il faut connaître la profondeur de cette mer avant. de rien tenter. Avant donc de nous y embarquer, ceignons . nos reins avec le plus grand soin. « Je n'ai pu, dit-il; vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des personnes encore charnelles ». (I Cor. III, 1.) Que celui qui manque de patience, n'entreprenne pas cette navigation. Ayons soin de nous pourvoir d'avance de tout ce qui est nécessaire, je veux dire : du zèle, de la ferveur, des prières; ce n'est que par ces moyens que nous pourrons tranquillement traverser les eaux vives de cette mer. Celui qui tient en main, pour sa défense, un glaive d'acier fortement trempé, est, pour ainsi dire, inexpugnable ; il en est ainsi de celui qui connaît Paul : son âme est si fortement trempée, qu’elle résiste à toutes les attaques. Mais ce n'est qu'à l'aide d'une vie pure que l'on peut comprendre les pensées de Paul. Voilà pourquoi il a dit lui-même : « Vous êtes comme des personnes à qui on ne devrait donner que du lait, parce que vous êtes devenus faibles et lents pour entendre ». (Hébr. V, 11, 12.) Il existe, en effet, pour l'entendement une sorte d'infirmité. De même que l'estomac, quand il est malade , ne saurait recevoir les aliments, quelque sains qu'ils soient, s'ils sont de difficile digestion, de même l'âme enflée par (292)  l'orgueil, énervée, frappée de.stérilité , devient incapable de recevoir la parole spirituelle. Vous vous rappelez que les disciples disaient à Notre-Seigneur : « Ce discours est dur; qui donc pourra l'entendre?» (Jean, VI, 61.) Mais si l'âme était forte, si elle était dans un état sain, tout lui deviendrait léger, tout lui deviendrait facile; ses facultés s'exalteraient; elle s'élèverait jusqu'à d'incommensurables hauteurs. Convaincus de cette vérité, donnons à notre âme cette belle santé : qu'une sainte émulation nous anime à imiter Paul, cette âme vaillante; cette âme de diamant ; afin que, marchant sur ses traces, nous puissions traverser cet océan de la vie présente, aborder à ce port dont rien ne trouble la tranquillité, et obtenir ainsi les biens promis à ceux qui vivent d'une manière digne du Christ, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ avec lequel, gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-Esprit , maintenant et toujours, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

Ces six dernières Homélies ont été traduites par M. RICARD.

 

FIN DES HOMÉLIES SUR LES ACTES DES APÔTRES.

 

 

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