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HOMÉLIE XIV. ALORS UN PHARISIEN, NOMMÉ GAMALIEL, DOCTEUR DE LA LOI, HONORÉ DE TOUT LE PEUPLE, SE LEVA DANS LE CONSEIL, ET ORDONNA DE LES FAIRE SORTIR UN INSTANT. VERS. 34, JUSQU'AU VERS. 7 DU CHAP. VI.)
ANALYSE. 1. Le pharisien Gamaliel, le maître de saint Paul, émet l'avis de renvoyer les apôtres, et d'abandonner leur entreprise à elle-même.
2. Institution des diacres.
3. Quand les prêtres et les diacres ont commencé dans lEglise.
4. Exhortation morale sur le mépris des injures.
1. Ce Gamaliel était le maître de Paul. Il est surprenant qu'étant judicieux et instruit dans la loi, il ne crût pas encore. Il n'était absolument pas possible qu'il restât incrédule; ses paroles, son conseil le prouvent : « Il ordonna de les faire sortir un instant». Voyez la prudence de l'orateur et comme il frappe d'abord d'épouvante ses auditeurs. Mais, pour ne pas être soupçonné de penser comme les apôtres, il s'adresse aux membres du conseil, comme s'ils étaient de son avis; son langage n'est pas violent, il semble traiter avec des hommes ivres de fureur, et dit : « Hommes d'Israël, prenez garde à ce que vous ferez à l'égard de ces hommes, c'est-à-dire, n'y allez pas au hasard et à la légère. Car avant ces jours-ci a paru Théodas se disant être quelqu'un, et auquel s'attacha un nombre d'environ quatre cents hommes; il a été tué, et tous ceux qui croyaient en lui ont été dispersés et réduits à rien ». C'est par des exemples qu'il cherche à les rendre sages, et, pour les consoler, il cite Théodas, qui avait séduit un grand nombre de partisans. Mais avant de rapporter des exemples, il leur dit : « Prenez garde à vous » ; et après les avoir rapportés, il exprime son avis en disant : « Et maintenant je vous le dis : ne vous occupez pas de ces hommes. Après Théodas, se leva Judas le Galiléen, dans le temps du recensement; il attira à sa suite une foule nombreuse; il périt à son tour et tous ceux qui s'étaient attachés à lui furent dispersés. Et maintenant je vous le dis : ne vous occupez pas de ces hommes et laissez-les. Si leur entreprise ou cette oeuvre est des hommes, elle tombera d'elle-même; niais si elle est de Dieu, vous ne pouvez la détruire ». Comme s'il disait : Attendez : s'ils se sont réunis d'eux-mêmes, rien ne les empêchera de se séparer : « Et peut-être vous vous trouveriez combattre contre Dieu ». L'impossibilité du succès, l'inutilité de leurs efforts, c'est ce qu'il objecte pour les détourner. Il ne dit point par qui les rebelles ont été tués , ruais seulement qu'ils ont été dispersés, croyant sans doute superflu d'en dire davantage. Mais, par ce qu'il ajoute, il leur fait comprendre que si l'oeuvre est de l'homme, il n'y a pas à s'en inquiéter; tandis que si elle est de Dieu, tous leurs efforts ne viendront pas à bout de la détruire. Et ce discours parut si sensé, qu'ils se déterminèrent à ne point faire mourir les apôtres, mais à les flageller. « Ils se rangèrent à son avis, et ayant rappelé les apôtres, ils les firent battre de verges et leur défendirent de parler au nom de Jésus, après quoi ils les renvoyèrent ». Voyez après quels prodiges on les flagelle. Et cependant la doctrine s'étendait de plus en plus, car ils enseignaient chez eux et dans le temple. « Et eux sortaient du conseil pleins de joie (53) de ce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir un outrage pour le nom du
2. Considérez aussi sa mansuétude. Il ne parle pas longuement, mais brièvement, et mentionne les rebelles sans colère : « Et tous ceux qui s'étaient attachés à lui furent dispersés». En disant cela, il ne blasphème point le
« Mais si elle est de Dieu, vous ne pourrez ». Il ne dit pas : Si le
« Il s'éleva un murmure, parce que leurs veuves étaient dédaignées dans le service quotidien ». Il y avait donc un devoir quotidien à l'égard des veuves; vous voyez qu'il appelle cela service, et non d'abord aumône; c'est le moyen de relever ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. Peut-être cela provenait-il de la négligence de la foule , et non de la malice; il signale le mal (et il était grand), afin qu'il fût immédiatement guéri. Voyez-vous. que, dès le début, il y a des maux, non-seulement au dehors , mais au dedans ? Ne songez pas seulement à la guérison du mal , mais à sa grandeur. « Mes frères , choisissez sept hommes parmi vous ». Ils n'agissent pas d'après leur propre volonté , mais ils s'excusent d'abord aux yeux de la foule. Ainsi faudrait-il encore agir maintenant: « Il n'est pas convenable que nous abandonnions la parole de Dieu pour le service des tables ». Il parle d'abord d'inconvenance, en faisant voir que les deux devoirs ne pouvaient se concilier ; comme quand il s'agissait d'élire Mathias, il parlait de nécessité, vu qu'un apôtre avait défailli et qu'ils devaient être douze. Ici aussi ils démontrent qu'il y a nécessité ; mais avant d'agir, ils avaient attendu que le murmure s'élevât ; toutefois,. ils ne le laissèrent pas grandir. 3. Voyez encore : ils leur laissent le choix et préfèrent ceux qui plaisent à tout le monde et reçoivent de tous un bon témoignage. Quand il s'agissait de proposer Mathias : « Il faut », dirent-ils, « choisir un de ceux qui ont toujours été avec nous ». Ici, ils ne tiennent plus ce langage ; la question n'était pas la même. Aussi n'abandonnent-ils point le choix au sort, et quoiqu'ils pussent eux -mêmes choisir sous l'inspiration de l'Esprit, cependant ils s'en abstiennent; ils préfèrent s'en rapporter au témoignage de la foule. Ils se réservent, il est vrai, de fixer le nombre , de régler l'élection, d'en déterminer le but: mais ils abandonnent à la multitude la désignation des sujets, pour ne pas paraître faire des faveurs, quoique Dieu eût permis à Moïse de choisir des vieillards de sa connaissance. Dans de tels offices il faut une grande sagesse. N'allez pas croire que,parce qu'ils ne sont pas chargés de prêcher, ils n'ont pas besoin de sagesse; il leur en faut, et beaucoup. « Pour nous, nous nous appliquerons à la prière et au ministère de la parole ». Au commencement comme à la fin, ils s'excusent. « Nous (55) nous appliquerons». Il le fallait; ce n'était point assez d'y aller à la légère et comme au hasard ; l'application était nécessaire. « La proposition fut agréée de toute la multitude » : c'était le juste effet de leur sagesse, tous approuvèrent la proposition, parce qu'elle était raisonnable. « Et ils choisirent » (c'est le second choix qu'ils font) « Etienne , homme plein de foi et du Saint-Esprit, et Philippe, et Prochore, et Nicanor, et Timon , et Parména, et Nicolas, prosélyte d'Antioche, et les présentèrent aux apôtres. Et ceux-ci ayant prié, leur imposèrent les mains ». Ceci nous apprend que c'est la foule qui les a elle-même désignés et comme tirés de son sein, et non les apôtres. Voyez aussi comme l'écrivain est bref; il ne dit point comment ils ont été ordonnés, tuais simplement qu'ils l'ont été par la prière ; car c'était une ordination. Un homme impose la main ; mais c'est Dieu qui fait tout, c'est sa main qui touche la tête de l'ordonné, si l'ordination se fait comme il faut. « Et la parole de Dieu s'étendait, et le nombre des disciples augmentait ». Ceci n'est point dit sans raison, mais pour montrer la puissance de l'aumône et du bon ordre. Du reste, devant raconter ce qui regarde Etienne, ]'écrivain en donne d'abord les motifs : « Et beaucoup de prêtres », dit-il, « obéissaient à la foi ». En voyant le chef et le docteur, parler ainsi , ils pouvaient encore juger par les uvres. Ce qu'i][ y a d'étonnant , c'est que le peuple ne se soit pas divisé dans l'élection et n'ait pas désapprouvé les apôtres. Mais quelle dignité conféra-t-on aux élus? Quelle ordination reçurent-ils? C'est ce qu'il faut savoir. Etait-ce celle de diacres? Elle n'existait pas encore dais les églises; toute l'administration, reposait sur les prêtres; il n'y avait même pas encore d'évêques, excepté les apôtres. Ainsi, je ne vois pas que le nom de diacres ni de prêtres fût alors clairement connu et admis; et pourtant, c'est dans ce but qu'ils furent ordonnés. On ne se contente pas de leur confier la fonction, ruais on prie pour qu'ils en aient le pouvoir. Et je vous demande si ces sept hommes en avaient besoin, au milieu d'une telle abondance d'argent , d'une telle multitude de veuves. Aussi ce ne sont pas de simples prières, triais de longues supplications; c'était ici le moyen d'action comme dans la prédication ; car ils faisaient presque tout par la prière. Ainsi les apôtres préféraient les choses spirituelles, ainsi ils étaient envoyés en mission, ainsi eux-mêmes avaient reçu ordre de prêcher. L'auteur ne dit pas cela, ne les loue pas, mais se contente de dire qu'il n'était pas convenable d'abandonner la fonction qui leur était confiée. Moïse avait aussi réglé que ceux qu'il choisissait ne se chargeraient point de tout. C'est encore pour cela que Paul dit : « Seulement nous devions nous ressouvenir des pauvres ». (Gal. XI, 10.) Mais voyez comme ceux-ci ont surpassé ceux-là. Ils jeûnaient , ils persévéraient dans la prière. C'est ce qu'il faudrait encore faire aujourd'hui. On ne dit pas seulement qu'ils sont spirituels , mais remplis de l'Esprit et de sagesse : indiquant par là qu'il fallait beaucoup de sagesse pour supporter les accusations des veuves. A quoi sert que le dispensateur ne vole pas, s'il dissipe tout, ou s'il est orgueilleux. et porté à la colère ? Sous ce rapport Philippe était admirable; car on dit de lui : « Nous sommes entrés dans la maison de Philippe l'évangéliste, qui était un des sept, et nous y avons séjourné ». (Act. XXI, 5.) Rien d'humain, vous le voyez. « Et le nombre des disciples augmentait à Jérusalem ». Le nombre augmentait à Jérusalem ! Il est étonnant que la prédication s'étende là où le
4. Soyons donc les imitateurs de Dieu. Il les a reçus, et non rejetés. Traitons ainsi les ennemis qui nous ont accablés de maux. Si nous avons quelque bien, faisons-leur-en part; ne les oublions jamais, dans nos bienfaits. Si nous calmons leur fureur en souffrant les mauvais traitements, à bien plus forte raison en leur faisant du bien ; ce dernier point est moins grand que l'autre. Car il n'y a pas de parité entre faire du bien à un ennemi et (56) désirer souffrir davantage; mais par l'un nous arriverons à l'autre. C'est là la dignité des disciples du
Vous avez admiré ce que j'ai dit? vous en avez été frappés ? mais il faut le mettre en pratique. C'est pour cela que nous vous citons les paroles des infidèles; non que les Ecritures n'en renferment un grand nombre de semblables, mais parce que celles-là sont plus (57) propres à faire rougir. Ensuite, l'Ecriture elle-même dit à notre honte: « Les païens n'en n font-ils pas autant? » (Matth. V, 47.) Le prophète Jérémie nous montre les enfants de Rachel refusant de transgresser la loi de leur père. Marie dit du mal de Moïse; mais aussitôt Moïse prie pour faire cesser son châtiment et ne veut pas même qu'on sache qu'il a été vengé. Ce n'est pas ainsi que nous agissons nous voulons surtout qu'on sache que l'injure que nous avons reçue n'est pas restée impunie. Jusqu'à quand n'aurons-nous que des pensées terrestres? Tout combat suppose deux parties. Si vous tirez des deux côtés les hommes qui sont en fureur, vous les irritez davantage ; si vous les tirez à gauche ou à droite, vous calmez leurs transports. Si celui qui frappe rencontre un homme impatient, il en devient plus emporté ; s'il rencontre un homme qui lui cède , il se calme plus tôt et les coups retombent sur lui. Car un adversaire exercé à toutes sortes de combats ne triomphe pas aussi facilement de son antagoniste que l'homme qui se laisse injurier sans répondre. Alors l'insulteur se retire couvert de honte et condamné d'abord par sa conscience , puis par tous les témoins. C'est un proverbe que : qui honore, s'honore; donc aussi : qui injurie, s'injurie. Personne, je le répète, ne pourra nous nuire, si nous ne nous nuisons nous-mêmes ; personne ne m'appauvrira, si je ne m'appauvris le premier. Examinons un peu , je vous prie : J'ai l'âme pauvre, et tout le inonde s'épuise en dons pour moi : à quoi cela me sert-il ? Tant que mon âme ne sera pas changée , c'est parfaitement inutile. Que j'aie l'âme grande , au contraire , et que tout le monde m'enlève ce que je possède : je n'ai rien perdu. Que je mène une vie impure et que tout le monde dise le contraire : quel profit en tiré-je? On dit, mais on ne croit pas. Au contraire , que ma vie soit pure et que tout le monde dise le contraire : qu'importe? Leur propre conscience les condamne; ils ne croient point ce qu'ils disent. Il ne faut donc admettre ni l'éloge ni le blâme. Et pourquoi dis-je cela? Parce que, si nous le voulons, personne ne pourra nous tendre des embûches, ni nous envelopper dans une accusation. Examinons encore : Quelqu'un est traîné devant un tribunal, calomnié, si vous le voulez même, condamné à mort : Eh bien ! qu'est-ce que ces souffrances d'un moment, quand on est innocent ? Mais c'est là qu'est le mal , direz-vous. Et moi je dis que c'est là le bien : souffrir innocemment. Quoi ! voudriez-vous qu'on fût coupable? Encore un mot: Un philosophe païen ayant appris qu'un tel était mort, et un de ses disciples disant : Hélas ! et il est mort innocent; le philosophe se retourna et lui dit voudriez-vous qu'il fût mort coupable ? Et Jean n'est-il pas mort injustement? Lequel plaignez-vous le plus de celui qui meurt coupable ou de celui qui meurt innocent? N'appelez-vous pas l'un malheureux, et n'admirez-vous pas l'autre ? En quoi la mort nuit-elle à celui qui y fait un profit immense loin d'y rien perdre? Si elle rendait mortel un être immortel, peut-être lui ferait-elle tort : mais si elle ne fait que tirer avec gloire de cette vie un homme mortel et qui, d'après la loi de sa nature , devait bientôt mourir; où est le dommage? Que notre âme soit en règle et rien du dehors ne pourra lui nuire. Mais vous n'êtes pas dans la gloire? Qu'importe? Il en est de la gloire comme des richesses. Si j'ai l'âme grande, je n'ai besoin de rien; si je suis avide de vaine gloire, plus j'acquerrai, plus j'aurai besoin. Mais si je méprise la gloire, je deviendrai plus éclatant et plus glorieux. Puisque nous savons cela, rendons grâces au
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