ACTES XIV
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HOMÉLIE XIV. ALORS UN PHARISIEN, NOMMÉ GAMALIEL, DOCTEUR DE LA LOI, HONORÉ DE TOUT LE PEUPLE, SE LEVA DANS LE CONSEIL, ET ORDONNA DE LES FAIRE SORTIR UN INSTANT. VERS. 34, JUSQU'AU VERS. 7 DU CHAP. VI.)

 

 

ANALYSE. 1. Le pharisien Gamaliel, le maître de saint Paul, émet l'avis de renvoyer les apôtres, et d'abandonner leur entreprise à elle-même.

2. Institution des diacres.

3. Quand les prêtres et les diacres ont commencé dans l’Eglise.

4. Exhortation morale sur le mépris des injures.

 

1. Ce Gamaliel était le maître de Paul. Il est surprenant qu'étant judicieux et instruit dans la loi, il ne crût pas encore. Il n'était absolument pas possible qu'il restât incrédule; ses paroles, son conseil le prouvent : « Il ordonna de les faire sortir un instant». Voyez la prudence de l'orateur et comme il frappe d'abord d'épouvante ses auditeurs. Mais, pour ne pas être soupçonné de penser comme les apôtres, il s'adresse aux membres du conseil, comme s'ils étaient de son avis; son langage n'est pas violent, il semble traiter avec des hommes ivres de fureur, et dit : « Hommes d'Israël, prenez garde à ce que vous ferez à l'égard de ces hommes, c'est-à-dire, n'y allez pas au hasard et à la légère. Car avant ces jours-ci a paru Théodas se disant être quelqu'un, et auquel s'attacha un nombre d'environ quatre cents hommes; il a été tué, et tous ceux qui croyaient en lui ont été dispersés et réduits à rien ». C'est par des exemples qu'il cherche à les rendre sages, et, pour les consoler, il cite Théodas, qui avait séduit un grand nombre de partisans. Mais avant de rapporter des exemples, il leur dit : « Prenez garde à vous » ; et après les avoir rapportés, il exprime son avis en disant : « Et maintenant je vous le dis : ne vous occupez pas de ces hommes. Après Théodas, se leva Judas le Galiléen, dans le temps du recensement; il attira à sa suite une foule nombreuse; il périt à son tour et tous ceux qui s'étaient attachés à lui furent dispersés. Et maintenant je vous le dis : ne vous occupez pas de ces hommes et laissez-les. Si leur entreprise ou cette oeuvre est des hommes, elle tombera d'elle-même; niais si elle est de Dieu, vous ne pouvez la détruire ». Comme s'il disait : Attendez : s'ils se sont réunis d'eux-mêmes, rien ne les empêchera de se séparer : « Et peut-être vous vous trouveriez combattre contre Dieu ». L'impossibilité du succès, l'inutilité de leurs efforts, c'est ce qu'il objecte pour les détourner. Il ne dit point par qui les rebelles ont été tués , ruais seulement qu'ils ont été dispersés, croyant sans doute superflu d'en dire davantage. Mais, par ce qu'il ajoute, il leur fait comprendre que si l'oeuvre est de l'homme, il n'y a pas à s'en inquiéter; tandis que si elle est de Dieu, tous leurs efforts ne viendront pas à bout de la détruire. Et ce discours parut si sensé, qu'ils se déterminèrent à ne point faire mourir les apôtres, mais à les flageller. « Ils se rangèrent à son avis, et ayant rappelé les apôtres, ils les firent battre de verges et leur défendirent de parler au nom de Jésus, après quoi ils les renvoyèrent ». Voyez après quels prodiges on les flagelle. Et cependant la doctrine s'étendait de plus en plus, car ils enseignaient chez eux et dans le temple.

« Et eux sortaient du conseil pleins de joie (53) de ce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir un outrage pour le nom du Ch rist; et tous les jours ils ne cessaient d'enseigner et d'annoncer Jésus- Ch rist dans le temple et de maison en maison. Or en ces jours, comme le nombre des disciples augmentait, il s'éleva a chez les Grecs un murmure contre les Hébreux, parce que les veuves de ceux-là étaient dédaignées dans le service quotidien ». Il ne veut pas précisément parler de ce temps même, mais il suit l'usage de l'Ecriture de donner comme présent ce qui doit arriver dans la suite. Je pense que par grecs il entend ceux qui parlaient cette langue, bien qu'ils fussent hébreux. C'est donc une nouvelle tentation, et si vous y faites attention, vous verrez que dès le début il y a eu des guerres au dedans comme au dehors. « Mais les douze ayant convoqué la foule des disciples, dirent : Il n'est pas convenable que nous abandonnions la prédication pour vaquer au service des tables ». Très-bien : il faut en effet préférer le plus nécessaire au moins nécessaire. Mais voyez comme ils pourvoient à ce service, sans négliger la prédication. On choisit les plus respectables : « Frères, cherchez donc parmi vous sept hommes de bon témoignage, remplis de l'Esprit et de sagesse, à qui nous confierons ce service. Quant à nous, nous nous appliquerons à la prière et au ministère de la parole. La proposition fut agréée de toute la multitude; et ils choisirent Etienne, homme rempli de foi et du Saint-Esprit ». Ainsi ceux que l'on choisit sont remplis de foi, afin d'éviter ce qui est arrivé à l'occasion de Judas, d'Ananie et de Sapphire. « Et Philippe, et Prochore, et Nicanor, et Timon, et Parmena, et Nicolas, a prosélyte d'Antioche , qu'ils présentèrent aux apôtres; et ceux-ci, après avoir prié, leur imposèrent les mains. Et la parole du Seigneur s'étendait, et le nombre des disciples augmentait à Jérusalem ; beaucoup de a prêtres même obéissaient à la foi ». Mais revenons à ce qui a été dit plus haut : « Hommes, prenez garde à vous ! » Voyez comme Gamaliel leur parle avec douceur et en peu de mots; il ne leur rappelle point d'anciennes histoires, bien qu'il le pût, mais des faits récents plus propres à confirmer ce qu'il avance. Aussi s'enveloppe-t-il d'une espèce d'énigme : « Avant ces jours-ci» ; comme pour dire : Il y a peu de temps. S'il eût dit tout d'abord Renvoyez ces hommes, il eût éveillé des soupçons, et sa parole n'aurait pas eu autant de force, mais les exemples qu'il cite lui en donnent une particulière. C'est pourquoi il ne se contente pas d'un seul exemple, mais en cite un second. Il aurait pu en produire un troisième, et prouver ainsi surabondamment qu'il avait raison, en les détournant de leur projet homicide : « Ne vous occupez pas de ces hommes ».

2. Considérez aussi sa mansuétude. Il ne parle pas longuement, mais brièvement, et mentionne les rebelles sans colère : « Et tous ceux qui s'étaient attachés à lui furent dispersés». En disant cela, il ne blasphème point le Ch rist, mais il atteint son but : « Si l'œuvre est des hommes, elle tombera d'elle-même ». Il me semble faire ici un raisonnement et leur dire: « Comme elle n'est pas tombée, elle n'est donc pas de l'homme. Et peut-être vous vous trouverez combattre contre Dieu ». Pour les réprimer, il leur montre l'impossible, l'inutile

« Mais si elle est de Dieu, vous ne pourrez ». Il ne dit pas : Si le Ch rist est Dieu, car l'œuvre même le prouvait ; il n'affirme point que l'œuvre soit humaine ni divine, mais il laisse au temps le soin de décider et de convaincre. Mais, dira-t-on, s'il a persuadé les juges, pourquoi ont-ils ordonné la flagellation ? Ils n'avaient, il est vrai, rien à objecter à ce langage si juste; néanmoins ils ont voulu satisfaire leur fureur, et d'ailleurs ils pensaient par là épouvanter les apôtres. En parlant en l'absence de ceux-ci, Gamaliel eut plus de facilité à gagner les juges ; la douceur de sa parole et ses raisonnements fondés sur la justice les persuadèrent. Il leur prêchait presque l'Evangile; bien plus, son langage si juste semblait leur dire : vous êtes bien convaincus que vous ne pouvez détruire cette oeuvre. Pourquoi n'avez-vous pas cru? Cette prédication est si grande, qu'elle a le témoignage même de ses ennemis. La première fois il y avait quatre cents hommes, la seconde fois une grande multitude ; ici les premiers étaient douze. Ne vous épouvantez donc pas de la foule qui s'y joint: « Car si l'oeuvre est des hommes, elle tombera d'elle-même ». Il aurait encore pu citer un autre fait qui s'était passé en Egypte; mais la preuve eût été superflue. Voyez-vous comme il conclut son discours en imprimant la crainte? Il ne se contente pas d'ouvrir simplement son avis, pour ne pas avoir l'air de défendre les apôtres; mais il raisonne d'après les événements. Il n'a pas osé affirmer que (54) l'oeuvre ne vient pas des hommes, ni qu'elle ne vient pas de Dieu; car s'il eût dit qu'elle venait de Dieu, on l'eût contredit; s'il eût affirmé qu'elle venait de l'homme, ils eussent été disposés à la combattre. Voilà pourquoi il leur conseille d'attendre la fin, en disant : « Ne vous occupez pas ». Eux font entendre de nouvelles menaces, bien persuadés qu'ils ne pourront rien, mais ils suivent leurs propres inclinations. Car c'est là le caractère de la malice, de tenter souvent l'impossible : «Après celui-là, se leva Judas ». Ceux qui voudront plus de détails, n'ont qu'à lire Josèphe, qui raconte fidèlement l'histoire de ses personnages; Voyez-vous quel courage il a eu à dire : « est de Dieu », quand la suite des événements a pu seule l'amener à la foi? Il y a là en effet une grande hardiesse de langage, et point d'acception de personnes : « Ils se rangèrent à son avis, et ayant appelé les apôtres, ils les firent fouetter de verges et les renvoyèrent ». Ils respectèrent l'opinion de cet homme ; par conséquent ils renoncèrent au projet de faire mourir les apôtres, et se contentèrent de les faire fouetter et de les renvoyer : « Mais eux sortirent du conseil pleins de joie de ce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir un outrage pour le nom du Ch rist » . Sur combien de prodiges ce prodige l'emporte ! Vous ne trouverez rien de semblable dans l'antiquité. Jérémie, il est vrai, fut flagellé pour la parole de Dieu ; Elie et d'autres encore furent menacés ; mais ici et par cela, comme par les signes miraculeux, ils manifestèrent la puissance de Dieu. On, ne dit pas qu'ils ne souffrirent point ; mais que la souffrance leur causa de la joie. Comment le voyons-nous? Par la liberté dont ils usèrent ensuite; même après la flagellation, ils se livrèrent à la prédication avec ardeur: « Ils ne cessaient d'enseigner et d'annoncer Jésus- Ch rist dans le temple et de maison en maison. Mais dans ces jours». Quels jours? Quand tout ceci se passait; quand on flagellait, quand on menaçait, quand le nombre des disciples augmentait; alors : « Un murmure s'éleva ». C'était peut-être à cause de la multitude, car il est difficile de maintenir l'ordre dans un si grand nombre : « Et beaucoup de prêtres obéissaient à la foi ». On insinue ici que beaucoup de ceux qui avaient comploté la mort du Ch rist, croyaient.

« Il s'éleva un murmure, parce que leurs veuves étaient dédaignées dans le service quotidien ». Il y avait donc un devoir quotidien à l'égard des veuves; vous voyez qu'il appelle cela service, et non d'abord aumône; c'est le moyen de relever ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. Peut-être cela provenait-il de la négligence de la foule , et non de la malice; il signale le mal (et il était grand), afin qu'il fût immédiatement guéri. Voyez-vous. que, dès le début, il y a des maux, non-seulement au dehors , mais au dedans ? Ne songez pas seulement à la guérison du mal , mais à sa grandeur. « Mes frères , choisissez sept hommes parmi vous ». Ils n'agissent pas d'après leur propre volonté , mais ils s'excusent d'abord aux yeux de la foule. Ainsi faudrait-il encore agir maintenant: « Il n'est pas convenable que nous abandonnions la parole de Dieu pour le service des tables ». Il parle d'abord d'inconvenance, en faisant voir que les deux devoirs ne pouvaient se concilier ; comme quand il s'agissait d'élire Mathias, il parlait de nécessité, vu qu'un apôtre avait défailli et qu'ils devaient être douze. Ici aussi ils démontrent qu'il y a nécessité ; mais avant d'agir, ils avaient attendu que le murmure s'élevât ; toutefois,. ils ne le laissèrent pas grandir.

3. Voyez encore : ils leur laissent le choix et préfèrent ceux qui plaisent à tout le monde et reçoivent de tous un bon témoignage. Quand il s'agissait de proposer Mathias : « Il faut », dirent-ils, « choisir un de ceux qui ont toujours été avec nous ». Ici, ils ne tiennent plus ce langage ; la question n'était pas la même. Aussi n'abandonnent-ils point le choix au sort, et quoiqu'ils pussent eux -mêmes choisir sous l'inspiration de l'Esprit, cependant ils s'en abstiennent; ils préfèrent s'en rapporter au témoignage de la foule. Ils se réservent, il est vrai, de fixer le nombre , de régler l'élection, d'en déterminer le but: mais ils abandonnent à la multitude la désignation des sujets, pour ne pas paraître faire des faveurs, quoique Dieu eût permis à Moïse de choisir des vieillards de sa connaissance. Dans de tels offices il faut une grande sagesse. N'allez pas croire que,parce qu'ils ne sont pas chargés de prêcher, ils n'ont pas besoin de sagesse; il leur en faut, et beaucoup. « Pour nous, nous nous appliquerons à la prière et au ministère de la parole ». Au commencement comme à la fin, ils s'excusent. « Nous (55)  nous appliquerons». Il le fallait; ce n'était point assez d'y aller à la légère et comme au hasard ; l'application était nécessaire. « La proposition fut agréée de toute la multitude » : c'était le juste effet de leur sagesse, tous approuvèrent la proposition, parce qu'elle était raisonnable. « Et ils choisirent » (c'est le second choix qu'ils font) « Etienne , homme plein de foi et du Saint-Esprit, et Philippe, et Prochore, et Nicanor, et Timon , et Parména, et Nicolas, prosélyte d'Antioche, et les présentèrent aux apôtres. Et ceux-ci ayant prié, leur imposèrent les mains ». Ceci nous apprend que c'est la foule qui les a elle-même désignés et comme tirés de son sein, et non les apôtres. Voyez aussi comme l'écrivain est bref; il ne dit point comment ils ont été ordonnés, tuais simplement qu'ils l'ont été par la prière ; car c'était une ordination. Un homme impose la main ; mais c'est Dieu qui fait tout, c'est sa main qui touche la tête de l'ordonné, si l'ordination se fait comme il faut. « Et la parole de Dieu s'étendait, et le nombre des disciples augmentait ». Ceci n'est point dit sans raison, mais pour montrer la puissance de l'aumône et du bon ordre. Du reste, devant raconter ce qui regarde Etienne, ]'écrivain en donne d'abord les motifs : « Et beaucoup de prêtres », dit-il, « obéissaient à la foi ». En voyant le chef et le docteur, parler ainsi , ils pouvaient encore juger par les œuvres. Ce qu'i][ y a d'étonnant , c'est que le peuple ne se soit pas divisé dans l'élection et n'ait pas désapprouvé les apôtres.

Mais quelle dignité conféra-t-on aux élus? Quelle ordination reçurent-ils? C'est ce qu'il faut savoir. Etait-ce celle de diacres? Elle n'existait pas encore dais les églises; toute l'administration, reposait sur les prêtres; il n'y avait même pas encore d'évêques, excepté les apôtres. Ainsi, je ne vois pas que le nom de diacres ni de prêtres fût alors clairement connu et admis; et pourtant, c'est dans ce but qu'ils furent ordonnés. On ne se contente pas de leur confier la fonction, ruais on prie pour qu'ils en aient le pouvoir. Et je vous demande si ces sept hommes en avaient besoin, au milieu d'une telle abondance d'argent , d'une telle multitude de veuves. Aussi ce ne sont pas de simples prières, triais de longues supplications; c'était ici le moyen d'action comme dans la prédication ; car ils faisaient presque tout par la prière. Ainsi les apôtres préféraient les choses spirituelles, ainsi ils étaient envoyés en mission, ainsi eux-mêmes avaient reçu ordre de prêcher. L'auteur ne dit pas cela, ne les loue pas, mais se contente de dire qu'il n'était pas convenable d'abandonner la fonction qui leur était confiée. Moïse avait aussi réglé que ceux qu'il choisissait ne se chargeraient point de tout. C'est encore pour cela que Paul dit : « Seulement nous devions nous ressouvenir des pauvres ». (Gal. XI, 10.) Mais voyez comme ceux-ci ont surpassé ceux-là. Ils jeûnaient , ils persévéraient dans la prière. C'est ce qu'il faudrait encore faire aujourd'hui. On ne dit pas seulement qu'ils sont spirituels , mais remplis de l'Esprit et de sagesse : indiquant par là qu'il fallait beaucoup de sagesse pour supporter les accusations des veuves. A quoi sert que le dispensateur ne vole pas, s'il dissipe tout, ou s'il est orgueilleux. et porté à la colère ? Sous ce rapport Philippe était admirable; car on dit de lui : « Nous sommes entrés dans la maison de Philippe l'évangéliste, qui était un des sept, et nous y avons séjourné ». (Act. XXI, 5.) Rien d'humain, vous le voyez. « Et le nombre des disciples augmentait à Jérusalem ». Le nombre augmentait à Jérusalem ! Il est étonnant que la prédication s'étende là où le Ch rist avait été mis à mort. Ainsi, non-seulement aucun des disciples ne se scandalisa de voir les apôtres flagellés, de voir les uns menacer, les autres tenter le Saint-Esprit, les autres murmurer; mais le nombre des croyants augmentait, tant le sort d'Avanie les avait rendus sages et les avait remplis de frayeur! Et voyez comment ce nombre augmente : c'est après les épreuves, et non auparavant. Considérez ici la bonté de Dieu. Parmi ces princes des prêtres qui excitaient la foule à demander la mort, qui s'écriaient et disaient : « Il a sauvé les autres et il ne peut se sauver lui-même »; parmi ceux-là, dis-je : « Beaucoup obéissaient à la foi».

4. Soyons donc les imitateurs de Dieu. Il les a reçus, et non rejetés. Traitons ainsi les ennemis qui nous ont accablés de maux. Si nous avons quelque bien, faisons-leur-en part; ne les oublions jamais, dans nos bienfaits. Si nous calmons leur fureur en souffrant les mauvais traitements, à bien plus forte raison en leur faisant du bien ; ce dernier point est moins grand que l'autre. Car il n'y a pas de parité entre faire du bien à un ennemi et (56) désirer souffrir davantage; mais par l'un nous arriverons à l'autre. C'est là la dignité des disciples du Ch rist. Ils avaient crucifié celui qui était venu leur faire du bien ; ils avaient flagellé le maître des disciples, et néanmoins, il les appelle au même honneur que ses disciples, il leur communique des biens comme à eux. Soyons, je vous en prie, les imitateurs du Ch rist; c'est en cela qu'il faut l'imiter, par là nous serons égaux à Dieu ; c'est une chose plus qu'humaine. Pratiquons l'aumône : c'est à son école que s'apprend cette philosophie. Celui qui sait avoir pitié du malheureux , saura aussi oublier les injures; et celui qui sait oublier les injures, pourra aussi faire du bien à ses ennemis. Apprenons à compatir aux maux du prochain, et nous saurons aussi supporter ses mauvais traitements. Demandons à celui qui est mal disposé à notre égard, s'il ne se condamne pas lui-même, s'il ne voudrait pas être sage, s'il ne dit pas que tout est l'effet de la colère, de la bassesse, de l'infortune, s'il n'aimerait pas mieux être du côté de ceux qui supportent l'injure en silence que du côté de ceux qui la font dans un accès de fureur, s'il n'admire pas celui qui souffre. Et ne croyez pas que cette conduite rende méprisable. Rien ne rend méprisable comme de commettre l'injure; rien ne rend respectable comme de la supporter. Par l'un on est injuste , par l'autre on est philosophe ; l'un ravale au-dessous de l'homme, l'autre met au niveau de l'ange. Quand même l'injurié serait moindre que celui qui l'injurie, il pourrait encore s'en venger, s'il le voulait. En tout cas l'un excite la compassion de tout le monde, l'autre est un objet de haine. Quoi ! Le premier n'est-il pas de beaucoup meilleur que l'autre? Tous regarderont l'un comme un furieux et l'autre comme un homme sensé. Quand donc on veut vous forcer à dire du mal de quelqu'un , répondez : Je ne puis médire de cet homme, car je ne sais s'il est tel que vous le dites. Gardez-vous surtout d'en penser du mal ou d'en dire à un autre, ou d'en demander à Dieu contre lui. Si vous le voyez accuser, défendez-le; dites: c'est la passion qui a parlé, et non l'homme; c'est le courroux, et non l'amitié; c'est la colère, et non l'âme. Pour chaque faute raisonnons ainsi. N'attendez pas que le feu s'allume ; étouffez-le dès l'abord ; n'irritez pas la bête féroce et ne la laissez pas s'irriter; car vous ne seriez plus le maître d'éteindre l'incendie. Qu'a-t-il dit? Fou? insensé? Mais lequel est responsable du mot, de celui qui le dit ou de celui qui l'entend ? Celui qui le dit, fût-il sage , passera pour un fou ; celui à qui on l'adresse, fût-il insensé, passera pour un sage et un philosophe. Lequel, dites-moi , est insensé, de celui qui avance des faussetés, ou de celui qui n'en est pas même ému ? Car s'il est d'un sage de ne pas s'émouvoir même quand on l'excite ; de quelle folie taxera-t-on celui qui s'émeut sans cause? Je ne parle pas encore des supplices réservés à ceux qui injurient ou outragent leur prochain. Mais quoi ! il a traité son semblable de méprisable parmi les méprisables, de vil parmi les vils? Encore une fois, l'injure retombe sur sa tête. C'est lui qui paraît réellement vil , tandis que l'autre passera pour honorable et digne de respect; car faire un crime à quelqu'un de telles choses, je veux parler de l'obscurité de la naissance, est l'indice d'une âme basse. Mais celui-là est vraiment grand, vraiment admirable, qui regarde ces injures comme rien et les écoute avec autant de plaisir que si on lui attribuait quelque qualité. Mais on l'accuse d'adultère et d'autres crimes de ce genre? C'est le cas de rire alors : quand la conscience ne reproche rien , il n'y a pas lieu dé se fâcher. Même en songeant aux paroles méchantes et impures qu'il profère, vous ne devez pas vous affliger. Il n'a fait que révéler d'avance ce qui aurait été connu plus tard de chacun; il se montre aux yeux de tous comme indigne de confiance, lui qui ne sait pas cacher les défauts du prochain ; il se nuit donc plus qu'à un autre, il se ferme le port, et se prépare un compte terrible au dernier jugement. Il sera bien plus repoussé que l'autre, lui qui a révélé ce qui devait rester secret. Quant à vous, taisez ce que vous savez , si vous voulez avoir une bonne réputation. Non-seulement vous détruirez ce qui a été dit et vous ne le révélerez pas; mais vous obtiendrez encore un autre avantage : vous échapperez à toute condamnation. Un tel a dit du mal de vous? Dites : S'il savait tout, il ne se serait pas borné à cela.

Vous avez admiré ce que j'ai dit? vous en avez été frappés ? mais il faut le mettre en pratique. C'est pour cela que nous vous citons les paroles des infidèles; non que les Ecritures n'en renferment un grand nombre de semblables, mais parce que celles-là sont plus (57) propres à faire rougir. Ensuite, l'Ecriture elle-même dit à notre honte: « Les païens n'en n font-ils pas autant? » (Matth. V, 47.) Le prophète Jérémie nous montre les enfants de Rachel refusant de transgresser la loi de leur père. Marie dit du mal de Moïse; mais aussitôt Moïse prie pour faire cesser son châtiment et ne veut pas même qu'on sache qu'il a été vengé. Ce n'est pas ainsi que nous agissons nous voulons surtout qu'on sache que l'injure que nous avons reçue n'est pas restée impunie. Jusqu'à quand n'aurons-nous que des pensées terrestres? Tout combat suppose deux parties. Si vous tirez des deux côtés les hommes qui sont en fureur, vous les irritez davantage ; si vous les tirez à gauche ou à droite, vous calmez leurs transports. Si celui qui frappe rencontre un homme impatient, il en devient plus emporté ; s'il rencontre un homme qui lui cède , il se calme plus tôt et les coups retombent sur lui. Car un adversaire exercé à toutes sortes de combats ne triomphe pas aussi facilement de son antagoniste que l'homme qui se laisse injurier sans répondre. Alors l'insulteur se retire couvert de honte et condamné d'abord par sa conscience , puis par tous les témoins. C'est un proverbe que : qui honore, s'honore; donc aussi : qui injurie, s'injurie.

Personne, je le répète, ne pourra nous nuire, si nous ne nous nuisons nous-mêmes ; personne ne m'appauvrira, si je ne m'appauvris le premier. Examinons un peu , je vous prie : J'ai l'âme pauvre, et tout le inonde s'épuise en dons pour moi : à quoi cela me sert-il ? Tant que mon âme ne sera pas changée , c'est parfaitement inutile. Que j'aie l'âme grande , au contraire , et que tout le monde m'enlève ce que je possède : je n'ai rien perdu. Que je mène une vie impure et que tout le monde dise le contraire : quel profit en tiré-je? On dit, mais on ne croit pas. Au contraire , que ma vie soit pure et que tout le monde dise le contraire : qu'importe? Leur propre conscience les condamne; ils ne croient point ce qu'ils disent. Il ne faut donc admettre ni l'éloge ni le blâme. Et pourquoi dis-je cela? Parce que, si nous le voulons, personne ne pourra nous tendre des embûches, ni nous envelopper dans une accusation. Examinons encore : Quelqu'un est traîné devant un tribunal, calomnié, si vous le voulez même, condamné à mort : Eh bien ! qu'est-ce que ces souffrances d'un moment, quand on est innocent ? Mais c'est là qu'est le mal , direz-vous. Et moi je dis que c'est là le bien : souffrir innocemment. Quoi ! voudriez-vous qu'on fût coupable? Encore un mot: Un philosophe païen ayant appris qu'un tel était mort, et un de ses disciples disant : Hélas ! et il est mort innocent; le philosophe se retourna et lui dit voudriez-vous qu'il fût mort coupable ? Et Jean n'est-il pas mort injustement? Lequel plaignez-vous le plus de celui qui meurt coupable ou de celui qui meurt innocent? N'appelez-vous pas l'un malheureux, et n'admirez-vous pas l'autre ? En quoi la mort nuit-elle à celui qui y fait un profit immense loin d'y rien perdre? Si elle rendait mortel un être immortel, peut-être lui ferait-elle tort : mais si elle ne fait que tirer avec gloire de cette vie un homme mortel et qui, d'après la loi de sa nature , devait bientôt mourir; où est le dommage? Que notre âme soit en règle et rien du dehors ne pourra lui nuire. Mais vous n'êtes pas dans la gloire? Qu'importe? Il en est de la gloire comme des richesses. Si j'ai l'âme grande, je n'ai besoin de rien; si je suis avide de vaine gloire, plus j'acquerrai, plus j'aurai besoin. Mais si je méprise la gloire, je deviendrai plus éclatant et plus glorieux. Puisque nous savons cela, rendons grâces au Ch rist, notre Dieu, qui nous a accordé une telle vie et embrassons-la pour sa gloire : car c'est à lui qu'appartient la gloire, avec le Père qui n'a pas de commencement, et son Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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