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HOMÉLIE XLVI. LE JOUR SUIVANT PAUL ENTRAIT AVEC NOUS CHEZ JACQUES; TOUS LES PRÊTRES ÉTAIENT PRÉSENTS. LORSQU'IL LES EUT SALUÉS, IL LEUR RACONTA UNE A UNE LES CHOSES QUE DIEU AVAIT FAITES PARMI LES NATIONS PAR SON MINISTÈRE. (CHAP. XXI, 18, 19, JUSQU'AU VERSET 16. DU CHAP. XXII.)
ANALYSE. 1 et-2. Paul visite les apôtres à Jérusalem. Paroles de saint Jacques. Les coutumes légales. Paul s'y soumet. Sédition des Juifs contre Paul. Nécessité des imposteurs pour faire triompher la foi.
3. un scandale. Quand il faut l'éviter, ou ne pas s'en occuper.
1. Celui-ci était le frère du Seigneur et évêque de Jérusalem, homme grand et admirable. Paul va vers lui, comme auparavant on l'a envoyé vers lui. Ecoutez comment : « Le jour suivant », dit l'auteur, « Paul entra chez Jacques avec nous ». Voyez comme Paul est ennemi dé la vaine gloire. « Tous les prêtres étaient présents. Lorsqu'il les eut salués, il leur raconta une à une les choses que Dieu avait faites parmi les nations par son ministère ». Il raconte de nouveau les choses qui ont rapport aux nations, non par vaine gloire, loin de là , mais pour montrer la clémence de Dieu et les remplir d'une grande joie. Remarquez comme les auditeurs glorifiaient Dieu. Ils ne glorifiaient pas Paul, et ne s'étonnaient pas de ce qu'il avait fait, mais ils glorifiaient Dieu ». Il racontait la chose de façon à lui attribuer la gloire. « Lorsqu'ils l'eurent entendu, ils glorifiaient Dieu, et lui dirent : Vous voyez, mon frère, combien de milliers de Juifs ont cru, et tous sont zélés pour la loi. Ils ont appris de vous que vous enseigniez l'éloignement de Moïse à tous les Juifs qui résident au milieu des nations, et que vous dites qu'il ne faut pas circoncire les enfants, ni suivre les coutumes (20) ». Voyez avec quelle grande modération ils parlent. Jacques parle, comme évêque, avec autorité ; on admet Paul à décider la question. Le discours de ces chrétiens est rempli de précautions bienveillantes, ils semblent dire : nous ne voulions point.parler. Remarquez-vous l'importance de l'affaire! « Vous voyez combien (233) de milliers de Juifs ont cru ». Ils ne disent pas : combien de milliers de Juifs nous avons instruits ; mais : combien il y en a qui ont cru. Et ceux-ci sont tous zélés pour la loi », dit-il. Deux causes, la multitude et son sentiment. En effet, s'ils étaient peu.nombreux, il faudrait les mépriser; et il n'y aurait pas beaucoup à s'en occuper, si, étant nombreux, ils n'eussent pas gardé la loi. Il se présente une troisième cause : « Tous ont appris de vous », dit Jacques, « que vous enseignez l'éloignement de Moïse à tous les Juifs qui habitent a parmi les nations, et que vous dites qu'il ne a faut pas circoncire les enfants, ni suivre les coutumes ». Ensuite il ajoute : « Qu'en est-il donc? La multitude va se réunir sans doute, car ils vont apprendre que vous êtes venu. Faites donc ce que nous vous disons ». Ils parlent ainsi pour lui donner un conseil et non pas un ordre. « Il y a parmi nous quatre hommes qui ont un voeu. Prenez ces hommes et purifiez-vous avec eux; faites pour eux la dépense ; qu'ils se rasent la tête, et que tous sachent que ce qu'ils ont appris sur vous n'est rien, et que vous marchez en gardant la loi ». Ils lui conseillent de faire son apologie en actions et non en paroles. « Qu'ils se rasent la tête, et que tous sachent que ce qu'ils ont appris sur vous n'est rien ». Ils ne disent pas : Vous enseignez; mais: « ils ont appris », signifiant par ce mot : ont été instruits ; « et que vous marchez », c'est-à-dire, que vous les observez vous-même amplement. On ne s'inquiétait pas seulement quil enseignait les coutumes aux autres, mais si lui-même les observait. Mais quoi, si les nations l'apprennent, ne se scandaliseront-elles pas? Non, puisque nous, docteurs des Juifs, « nous leur avons envoyé dire ceci : mais touchant ceux qui a parmi les nations ont cru, nous avons écrit et décidé qu'ils n'aient point à observer rien a de semblable, si ce n'est qu'ils doivent s'abstenir de ce qui a été immolé aux idoles, du sang et de ce qui a été étouffé, et de la fornication ». Il parle ainsi en forme d'avertissement. Ce qu'il dit signifie : de même que nous l'avons réglé pour eux, quoique nous prêchions les Juifs; ainsi vous, quoique vous prêchiez aux gentils, travaillez avec nous. Considérez Paul; il ne dit pas : Je puis amener Timothée que j'ai circoncis, et je puis, par ce discours, les persuader certainement; mais il leur obéit et fit tout ce qu'on lui conseillait; et en effet, c'était le plus expédient. Ce n'était pas la même chose de faire son apologie en paroles, et de faire ces choses sans que personne ne sût rien. Payer pour eux n'était pas de nature à faire naître les soupçons. « Alors Paul ayant pris ces hommes, et, le jour suivant, s'étant purifié avec eux, il entra dans le temple en «,annonçant l'accomplissement des jours de la purification lorsqu'il offrirait l'oblation pour chacun d'eux (21 , 26.) ». « Annonçant », c'est-à-dire, déclarant : de sorte que c'était lui-même qui se faisait connaître, mais « lorsque les sept jours furent écoulés ». 2. Remarquez le temps qu'il donne à ces choses. « Les Juifs d'Asie ayant vu Paul dans le temple , soulevèrent la foule entière, et mirent la main sur lui en criant : Hommes d'Israël, aidez-nous: c'est là L'homme qui enceigne en tout lieu contre le peuple, contre la loi et contre ce lieu; de plus il a introduit des gentils dans le temple et violé ce lieu saint». Voyez leurs moeurs partout turbulentes : ils crient témérairement dans le temple. « En effet, ils avaient vu avec lui dans la ville Trophime d'Ephèse, qu'ils pensaient avoir été introduit dans le temple. par Paul. La ville tout entière fut troublés, il se fit un rassemblement de peuple ; et s'étant saisis de Paul, et ils l'arrachèrent du temple , et aussitôt les portes furent. fermées ». Les Juifs mettent ici en avant ce qui les tourmentait le plus : « le temple et la loi ». Paul, quoiqu'il souffrît de telles injures , n'accusa pas les apôtres d'être la cause de ce qui lui arrivait, tant il avait un grand coeur. « Et ils le poussaient hors du temple; et les portes furent fermées ». Ils voulaient le tuer, et pour cela ils le tiraient hors du temple, pour commettre ce crime en toute liberté. « Comme ils cherchaient à le tuer , la nouvelle arriva au tribun de la cohorte , que Jérusalem tout entière était bouleversée. Celui-ci prit avec lui aussitôt des soldats et des centurions , et marcha contre eux. Voyant le tribun et les soldats, ils cessèrent de frapper Paul. Alors le tribun s'étant approché, s'empara de lui, ordonna de le lier avec deux chaînes; et il demandait qui était cet homme, et ce qu'il avait fait. Ils criaient dans la foule, l'un ceci, l'autre cela ». Et pourquoi, puisqu'il venait l'interroger, ordonna-t-il de le lier avec deux chaînes? Pour calmer la fureur du peuple. « Et comme, à cause du tumulte, il ne pouvait (234) savoir la vérité, il ordonna de le conduire dans le camp. Lorsqu'il fut arrivé près des a degrés, il se trouva qu'il était porté par les soldats à cause de la violence du peuple : La foule suivait, en effet, en criant: Otez-le». Que signifie : « Otez-le? » C'était l'habitude des Juifs de parler ainsi contre ceux qu'ils condamnaient , comme ils le firent contre le Christ, lorsqu'ils crièrent : « Otez-le », cest-à-dire : faites-le disparaître du nombre des vivants. D'autres disent que Otez-le » signifie ce qui se dit parmi nous suivant la coutume romaine : « Jetez-le aux enseignes. Et lorsque Paul allait entrer dans le camp, il dit au tribun : s'il m'était permis de vous dire quelque chose?» Porté sur les degrés, il demande à parler au tribun. Voyez avec quelle douceur : « S'il m'était permis de vous dire quelque chose? » dit-il. « Celui-ci lui dit : Savez-vous le grec? N'êtes-vous pas cet Egyptien qui, il y a quelques jours, a excité du tumulte, et a entraîné après lui au désert quatre mille sicaires ? » Cet Egyptien était un homme séditieux et novateur. Paul se lave de cette accusation, et, par ce qu'il dit, détruit ce soupçon. Reprenons. « Il y. a parmi nous quatre hommes qui ont un voeu; prenez-les avec vous, et purifiez-vous avec eux ». Paul n'oppose rien à cela et se laisse persuader. D'où. l'on voit clairement qu'il n'était pas obligé de suivre ce conseil, mais que ce fut prévoyance et indulgence de sa part. Cela n'était pas un empêchement à la prédication, puisque les apôtres eux-mêmes gouvernaient les Juifs suivant les coutumes légales. Quoique Paul tienne ici lui-même.cette conduite , cependant plus tard il accuse Pierre; mais ce n'était pas une accusation pure et simple. En effet, ce qu'il avait fait lui-même dans le cas présent, Pierre, dans l'occasion à laquelle je fais allusion, le fit en se taisant pour .l'établissement de la doctrine véritable (1). Ils ne dirent pas: Il ne faut, pas enseigner. cela aux gentils; n : Il suffit que l'on ne le pêche pas ici; mais ils disent: Il faut faire quelque chose de plus, les persuader que vous gardez la loi. Ce n'est là qu'une condescendance : ne craignez rien. Envoyez : les apôtres ne le persuadent point avant de lui avoir montré la prévoyance qu'il y a à agir de la sorte et le gain qu'on en peut retirer. Il était supportable
1 Voyez tome IV, page 167.
d'agir de la sorte à Jérusalem. Faites cela ici, et hors de cette ville vous ferez autrement. « Alors Paul prit le lendemain ces hommes », dit l'auteur. Il ne différa pas, mais montra par l'action qu'il était persuadé. Il prend donc ceux avec qui il devait se purifier; tant la prévoyance inspire de ferveur ! Et comment, direz-vous, les Juifs d'Asie le virent-ils dans le temple ? Il est vraisemblable qu'ils étaient venus passer quelques jours à Jérusalem. Voyez comment l'événement est préparé. En effet, après que les Juifs ont été persuadés, alors ils s'insurgent contre Paul ; et cela se passe ainsi pour que ces derniers ne s'insurgent pas en même temps contre lui. « Aidez-nous, hommes d'Israël » , disent-ils. Comme si quelqu'un de difficile à saisir et à vaincre était tombé entre leurs mains. « Aidez-nous », disent-ils. « Cet homme est celui qui enseigne partout à tous », non-seulement ici, mais partout. L'accusation tirée des circonstances présentes avait encore plus de gravité. «Il a même de plus profané le temple en y introduisant les gentils ». Cependant, au temps du Christ, les gentils montèrent au temple pour y adorer; mais ils parlent .de ceux qui étaient venus sans vouloir adorer. « Et s'étant emparés de Paul, ils le poussaient dehors». Considérez qu'ils le chassent du temple; ils se, passaient bien de lois et de tribunaux. C'est pourquoi ils le frappaient; ainsi en tout, ils sont audacieux et pétulants. Mais lui ne se défendit pas alors, mais seulement plus tard ; avec raison, car alors ils ne l'auraient pas écouté Et pourquoi criaient-ils donc: « Otez-le? » Ils craignaient qu'il ne s'enfuît. Mais voyez avec quelle modération Paul parle au tribun ! Que dit-il donc? S'il m'était permis de vous- dire quelque chose n. Il était tellement humble qu'il parlait toujours avec modestie. « N'êtes-vous pas cet égyptien? » 3. Voyez la malignité: du démon. Cet homme était un imposteur et un magicien ; et le démon espérait, par son moyen , pouvoir jeter de l'ombre sur le Christ et les apôtres, et les faire passer pour les complices de ses crimes. Mais il ne put rien ; la vérité n'en éclata que mieux; bien loin de souffrir des machinations du démon. S'il n'y eût pas eu d'imposteurs , le triomphe des apôtres eût peut-être provoqué quelques soupçons. Ce qui rend ce triomphe plus admirable, c'est qu'il s'est accompli malgré les imposteurs qui ont paru. Il (235) n'est pas mis d'empêchement à l'apparition des imposteurs pour que les apôtres brillent davantage, ainsi que Paul dit ailleurs: « Afin que ceux qui ont été éprouvés soient distingués ». (I Cor. XI, 19.) Gamaliel disait quelque chose de semblable: « Il y a peu de temps s'est élevé Théodas ». (Act. V, 36.) Quant aux sicaires, les uns disent que c'étaient des voleurs, qu'on appelait ainsi à cause des épées qu'ils portaient, et qu'on appelait chez les Romains « sica », un poignard ; d'autres pensent que leur nom leur vient d'une secte juive. Il y a en effet, chez. les Juifs, trois sectes principales : les Pharisiens , les Saducéens et les Esséniens, qui sont aussi appelés les saints (car le nom Esséniens signifie cela), à cause de la pureté de leur vie. On les appelait aussi les sicaires, parce qu'ils étaient zélés. Ne nous affligeons donc pas qu'il y ait des hérésies, puisque de faux christs voulurent tendre des embûches au Christ, afin d'obscurcir sa gloire, avant et après l'événement dont nous nous occupons. Mais la vérité brille et resplendit partout. Il en arriva de même du temps des prophètes. Il y avait de faux prophètes , et les prophètes brillaient par la comparaison. En effet, la maladie fait briller la santé; les ténèbres font remarquer la lumière; la, tempête fait aimer le. calme. Les païens ne peuvent pas dire que les apôtres furent des fourbes et des imposteurs, car les imposteurs furent convaincus. Cela arriva à Moïse. Dieu permit qu'il y eût des magiciens, afin que Moïse ne passât pas pour l'être; il permit qu'ils montrassent jusqu'à quel point la magie peut faire illusion; au delà ils né purent tromper, mais ils avouèrent leur défaite. Les imposteurs ne nuisent en rien; bien plus, ils rendent meilleurs ceux qui sont attentifs. Comment donc, direz-vous, si nous partageons leur gloire ? Les imposteurs ne sont pas glorifiés parmi nous, mais seulement par ceux qui n'ont pas de discernement. Ne nous occupons pas de la clameur de la coule, n'y attachons pas plus d'importance qu'il ne faut. Vivons pour Dieu et non pour lés hommes; vivons en citoyens du ciel et non de la terre; là sont les prix et les récompenses de nos travaux , là nous recevrons des louanges, là nous recevrons des couronnes. Ne nous occupons des hommes qu'autant qu'il est nécessaire pour ne pas leur donner prise sur nous. Si, sans que nous y ayons donné lieu ils veulent nous accuser témérairement et au hasard, rions et ne pleurons pas. Faites le bien devant Dieu et devant les hommes; si l'ennemi vous poursuit lorsque vous faites le bien, ne vous en occupez même pas. Vous avez des exemples dans les Ecritures : « Est-ce que j'obéis aux hommes ou bien à Dieu ? »(Gal. I,10) dit Paul; ,et ailleurs : « Nous persuadons les hommes , mais Dieu nous connaît ». (II Cor. V, 11.) Et le Christ disait de ceux qui se scandalisaient : « Laissez-les, ce sont des aveugles que conduisent des aveugles » (Matth. XV, 14) ; et ailleurs : « Malheur à vous lorsque tous les hommes diront du bien de vous » (Luc, VI, 26) ! et encore: « Que vos oeuvres brillent de sorte qu'elles soient vues des hommes , et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux ». (Matth. V, 16.) Ne vous étonnez pas s'il dit ailleurs : « Si quelqu'un scandalise l'un de ces petits, il est bon pour lui qu'on lui attache la meule d'un âne au cou, et qu'on le précipite au fond de la mer ». Car ces paroles ne sont en rien contraires, elles s'accordent parfaitement. Si cela arrive parmi nous, malheur à nous ! si cela. n'arrive pas parmi nous, il en est autrement. Et ailleurs Paul dit : « Malheur à vous, par qui le nom de Dieu est blasphémé ! » (Rom. II , 24.) Mais quoi ! si je fais ce qu'il faut faire et qu'un autre blasphème ? Ce n'est pas votre affaire, c'est la sienne ; car c'est lui qui blasphème. Mais comment se peut-il que l'on fasse ce que l'on doit et qu'on donne prise aux autres? D'où voulez-vous que je tire des exemples? du temps passé ou du temps d'aujourd'hui ? De peur de sembler amoureux de vaine gloire, voulez-vous que nous parlions de ce qui se présente. aujourd'hui sous notre main? Paul judaïsait à Jérusalem et non à Antioche. Il judaïsait et on se scandalisait; mais les Juifs ne se scandalisaient pas avec raison. On dit qu'il salua l'échanson et la concubine de Néron. Combien eussent-ils dit de paroles contre lui à cause de cela, mais injustement! S'il avait salué par libertinage ou pour quelque mauvaise cause , on eût parlé justement contre lui ; mais s'il a salué pour une bonne cause, pourquoi l'en blâmer? Je rapporterai quelque chose arrivé à l'un de mes amis. Dans un moment où Dieu faisait sentir sa colère, lorsqu'il était jeune, dans l'ordre des diacres, il se trouva que l'évêque était absent en ce moment, et qu'aucun des prêtres ne s'occupait d'instruire ; ils baptisaient à la hâte, en une seule nuit, une foule (236) immense de plusieurs milliers de personnes, et tous étaient simplement baptisés sans être instruits. Ce jeune homme, prenant alors en particulier cent et deux cents personnes, leur parlait, et ne leur enseignait rien autre chose que les mystères, de sorte qu'il ne laissait approcher que des initiés. Beaucoup crurent. qu'il ne faisait cela que parce qu'il désirait le commandement. Mais il ne prit pas garde à ce qu'ils pensaient; il ne continua pas cependant; il cessa immédiatement. Quoi donc? Celui-ci fut-il une cause de scandale? Je ne le pense pas; en effet, s'il avait agi sans aucun motif, on eût pu lui faire à bon droit des reproches, et aussi s'il avait continué. Lorsque l'on est empêché par le scandale d'autrui de faire ce qui plait. à, Dieu, on n'en doit faire aucun cas; mais il faut y faire attention, lorsque nous le pouvons sans offenser Dieu. Lorsque nous parlons, et raillons les ivrognes, si quelqu'un se scandalise, faudra-t-il, dites-moi, cesser notre discours? Ecoutez le Christ: « Voulez-vous aussi », dit-il, « vous en aller?» (Jean, VI, 68.) Ainsi on ne doit ni.prendre trop de souci de la faiblesse de la multitude, ni la mépriser trop. Ne voyons-nous, pas les médecins agir ainsi? Lorsque cela se peut, ils sont prêts à satisfaire aux désirs de leurs malades ; si, au contraire, leur condescendance peut porter préjudice aux malades, ils n'accèdent plus à ce qu'ils désirent? En tout il faut observer la mesure convenable. Plusieurs personnes poursuivaient d'injures une belle jeune fille à cause de son assiduité à l'instruction ; ils l'assaillaient et injuriaient même ceux qui l'instruisaient. Mais, quoi ? Fallait-il que ses maîtres cessassent à cause de cela? En aucune façon ; car ils ne faisaient rien de contraire à la volonté de Dieu, mais bien au contraire, une oeuvre très-agréable à Dieu. Ne considérons donc pas si quelques-uns se scandalisent, mais bien s'ils le font justement et si ce n'est pas pour nous perdre. « Si ce que je mange scandalise un frère », dit Paul, « je ne mangerai plutôt jamais de chair». (I Cor. VIII, 13.) Il dit cela à bon droit, car ce n'était pas une chose nuisible de n'en pas manger; si toutefois quelqu'un se scandalise de ce que je veux renoncer, il ne faut plus faire attention à son scandale? Mais qui, direz-vous, peut se scandaliser de cela? Beaucoup, je le sais. Lors donc que la chose qui fait scandale est indifférente, abstenons-nous-en ; si nous voulons nous placer à ce point de vue, il faudra s'abstenir de beaucoup de choses; au contraire, si nous ne donnons aucune attention au scandale , beaucoup périront par notre faute. Paul s'est précautionné contré le scandale en disant : « De peur que personne ne puisse rien nous reprocher sur le sujet de cette aumône abondante dont nous sommes les dispensateurs ». (II Cor. VIII, 20.) Ce .n'était pas une close nuisible de détruire le soupçon. Lorsque nous sommes dans une telle nécessité, qu'à cause du scandale que l'on voudrait éviter, il peut arriver de grands maux , ne nous occupons point de ce scandale. C'est celui qui se scandalise qui est à soi-même la cause de scandale, mais nous ne sommes plus responsables; on ne peut sans danger lui céder. Beaucoup se sont offensés de ce que quelques fidèles couchaient dans les temples, comme si on ne devait pas y coucher; mais c'est à- tort. Il n'y a aucun mal à cela. On s'offensait de ce que Pierre mangeait avec les gentils; mais il s'en abstint: Paul ne fit pas de même. Partout il convient, en suivant les lois de Dieu , de veiller avec grand soin à ne pas fournir occasion au scandale, afin de se conserver innocent; afin aussi de mériter la miséricorde de Dieu, par la grâce et la charité du Fils unique, avec qui appartiennent,. au Père et à l'Esprit-Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, pendant les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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