ACTES XVIII
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HOMÉLIE XVIII. EN ENTENDANT CELA, ILS FRÉMISSAIENT  DE RAGE DANS LEUR CŒUR, ET ILS GRINÇAIENT DES DENTS CONTRE LUI. (CH. VII, 54, JUSQU'AU VERS. 25. DU CHAP. VIII.)

 

ANALYSE. 1. Martyre d'Étienne.

2. Dispersion de l'Église de Jérusalem. — L'Evangile prêché dans Samarie. — Simon le Magicien.

3. La différence qui avait paru autrefois entre les prestiges des magiciens de Pharaon et tes miracles de Moïse, se retrouve la même entre les oeuvres des apôtres et les enchantements de Simon le Magicien. — Saint Pierre le réprimande et ne le punit pas; pourquoi?

4 Saint Ch rysostome exhorte ceux qui ont des maisons à la campagne d'y faire construire des églises. — Il est plus beau et plus utile de bâtir une église qu'un tombeau.

5. Bonheur des campagnes qui possèdent une église.

 

1. Il est étonnant qu'ils n'aient pas pris de ces paroles occasion de le tuer, ruais que, dans la fureur où ils sont, ils cherchent encore un motif d'accusation. Ainsi les méchants sont toujours malheureux. Comme les princes des prêtres se disaient dans leur embarras : « Que  ferons-nous à ces hommes? » de même ceux-ci frémissent en eux -mêmes. Et pourtant c'était Etienne qui aurait dû s'irriter, lui gui n'avait point fait dé mal, et qui souffrait, et était calomnié comme s'il en eût fait. Mais les calomniateurs n'en sont que mieux confondus, tant j'avais raison de vous dire que mal faire c'est souffrir! Cependant il n'a rien avancé de faux, il a dit la vérité. Ainsi, quand on nous accuse sales raison, nous ne souffrons réellement pas. Ils voulaient le faire mourir, mais non sur-le-champ; il leur fallait un prétexte plausible pour voiler leur crime. Mais quoi ? L'affront qu'ils recevaient n'était-il pas un motif plausible? Non ; ce n'était pas une injure de la part d'Étienne, mais l'accusation du prophète. Ou peut-être différaient-ils volontairement l'exécution du crime, comme avec le . Ch rist, pour ne pas paraître le condamner, à cause dés accusations qu'il avait portées contre eux, mais à cause de son impiété. Et c'était la piété qui avait inspiré ses paroles ! C'est (76) pourquoi, après l'avoir fait mourir, cherchant encore .à détruire sa réputation, « ils frémissaient de rage » ; car ils craignaient qu'il n'arrivât quelque chose de nouveau à son occasion. Ils font donc à Etienne ce qu'ils avaient fait au Ch rist; et comme, lorsque celui-ci disait : « Vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la majesté », ils criaient au blasphème et en appelaient au témoignage de la foule; ainsi font-ils encore maintenant. Là ils déchirèrent leurs vêtements ; ici ils se bouchèrent les oreilles. « Mais comme il était rempli de l'Esprit-Saint, levant les yeux au ciel, il vit la gloire de Dieu et Jésus qui se tenait à la droite de Dieu, et il dit : Voilà que je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu. Eux alors poussant un  grand cri et se bouchant les oreilles, se précipitèrent tous ensemble sur lui. Et l'entraînant hors de la ville, ils le lapidèrent ».

Pourtant s'il avait menti, il aurait fallu le renvoyer comme un fou. Mais il n'avait parlé ainsi que pour les attirer. Et comme, en mentionnant seulement la mort du Ch rist, il n'avait rien dit de la résurrection, c'est à propos qu'il en vient enfin à ce dogme. Il raconte comment le Ch rist lui a apparu, afin de leur faire accepter sa parole : car voyant qu'il leur avait déplu en disant qu'il était assis, il traite du sujet de la résurrection et dit qu'il est debout. Voilà pourquoi, je présume, son visage a été glorifié. Car Dieu dans sa bonté voulait les attirer par les moyens mêmes qui leur servaient à tendre des embûches, bien que le résultat n'ait pas été obtenu. « Et l'entraînant hors de la ville, ils le lapidèrent ». Le supplice a lieu hors de la ville, comme pour le Ch rist ; et c'est dans la mort que se fait la confession et la prédication. « Et les témoins  déposèrent leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme nommé Saul. Et ils lapidaient « Etienne, qui priait et disait : Seigneur Jésus- Ch rist, recevez mon esprit ». Par là, il leur montre et leur apprend qu'il ne meurt pas., « Puis, ayant fléchi les genoux, il cria d'une « voix forte : Seigneur, ne leur imputez point ce péché ». Comme pour se purger du reproche d'avoir d'abord parlé avec colère, il dit : « Seigneur »; ou peut-être parce qu'il voulait les attirer par là. Car leur pardonner la colère et la fureur avec laquelle ils commettaient le meurtre, montrer une âme exempté de passion, c'était certainement le moyen de faire accueillir sa parole. « Or Saul était consentant de sa mort. Mais il s'éleva en ce temps-là une grande persécution contre l'Eglise qui était à Jérusalem ». Cette persécution n'était pas sans- cause, mais elle arrivait, ce me semble, par 'les vues de la Providence. « Et tous, excepté les apôtres, furent dispersés dans les régions de la Judée et de la Samarie ». Voyez-vous comme Dieu permet de nouveau les épreuves? Mais voyez aussi comme les choses sont ménagées. Les miracles leur avaient attiré l'admiration, ils n'avaient point souffert de la flagellation; ils sont établis dans les diverses contrées, la parole se multiplie, et à la fin Dieu permet qu'un grand obstacle survienne. Et il s'élève une persécution extraordinaire, telle qu'ils prennent la fuite en même temps (car ils craignaient leurs ennemis devenus plus audacieux), et que chacun peut se convaincre que les Juifs sont hommes à craindre et à fuir. Ils soutirent persécution pour que vous ne puissiez pas dire qu'ils devaient leur succès uniquement à la grâce ; ils deviennent plus timides et leurs ennemis plus audacieux. « Et ils furent tous dispersés , excepté les apôtres ». J'avais donc raison de dire que cette persécution était l'oeuvre de la Providence ; car si elle n'eût pas eu lieu, ils n'auraient pas été dispersés. « Mais des hommes religieux ensevelirent Etienne, et firent ses funérailles avec un grand deuil ». Ils le pleurent parce qu'ils n'étaient pas encore parfaits, ou parce qu'Etienne était aimable et digne de respect. Ainsi, non-seulement la crainte, mais aussi la douleur et le deuil, font voir qu'ils sont hommes.

3. Et qui n'aurait pas pleuré cet agneau plein de douceur, lapidé et étendu mort? L'évangéliste lui a composé une digne épitaphe, en disant : « Puis, ayant fléchi les genoux, il cria d'une voix forte. Et ils firent ses funérailles avec un grand deuil». Mais reprenons ce qui a été dit plus haut: « Comme il était rempli de l'Esprit-Saint, levant les yeux au ciel, il vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu; et il dit. Voilà que je vois les cieux ouverts. Et ils se bouchèrent les oreilles et se précipitèrent tous ensemble sur lui ». Comment y avait-il là matière à accusation? Et cependant celui qui avait fait tant de prodiges, qui les avait tous vaincus par la parole, qui avait dit de si grandes choses, ils l'entraînent à leur gré et assouvissent sur lui leur (77) fureur. « Mais les témoins déposèrent leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme nommé Saul ». Voyez comme on raconte en détail tout ce qui regarde Paul, afin de vous faire voir l'oeuvre de Dieu qui s'accomplira plus tard en lui. En attendant, non-seulement il ne croit pas, mais il frappe Etienne par ces milliers de mains homicides; et c'est ce que ces mots indiquent : « Or Saul était consentant de sa mort». Et ce bienheureux ne se contente pas d'une simple prière, mais il prie avec attention : « Ayant fléchi les genoux », dit-on. Aussi sa mort fut-elle divine; car jusqu'alors il était accordé aux âmes d'habiter les limbes. « Et tous furent dispersés dans les régions de la Judée et de la Samarie ». C'est sans crainte qu'ils se mêlent aux Samaritains, eux qui ont entendu dire: « N'allez point vers les gentils ». « Excepté les apôtres ». Par là on indique que, pour attirer les Juifs, les apôtres n'avaient point quitté la ville, ou qu'ils voulaient inspirer de la confiance aux autres.

« Cependant Saul ravageait l'Église; entrant dans les maisons et entraînant des hommes et des femmes, il les jetait en prison». C'était là une grande fureur : être seul et entrer dans les maisons, tant il était prêt à donner sa vie pour la loi ! « Traînant des hommes et des femmes ». Voyez donc quelle licence! quelle injure ! quelle folie! Enhardi par le meurtre d'Étienne, il maltraite en mille manières ceux qui tombent entre ses mains. « Et ceux donc qui avaient été dispersés, passaient d'un lieu dans un autre, en annonçant la parole de Dieu ». «Or Philippe étant descendu dans la ville de Samarie, leur prêchait le Ch rist. Et la foule était attentive à ce que disait Philippe, l'écoutant .unanimement et voyant les miracles qu'il faisait. Car des esprits impurs sortaient d'un « grand nombre d'entre eux en poussant de grands cris, et beaucoup de paralytiques et de boiteux furent guéris. Il y eut donc une grande joie dans cette ville. Or un certain homme, nommé Simon, qui auparavant avait exercé la magie dans la ville, séduisait « le peuple de Samarie, se disant être quelqu'un de grand. Et tous, du plus petit jus« qu'au plus grand, l'écoutaient disant : Celui-ci est la grande vertu de Dieu ». Observez une autre tentation, celle de Simon : « Et la foule s'attachait à lui , parce que depuis longtemps il leur avait troublé l'esprit par ses enchantements. Mais quand ils eurent cru à Philippe qui leur annonçait la parole de Dieu, ils furent baptisés, hommes et femmes. Alors Simon lui-même crut aussi, et lorsqu'il eut été baptisé, il s'attachait à Philippe. Mais voyant qu'il se faisait des prodiges et de grands miracles , il était frappé d'étonnement et d'admiration. Or les apôtres qui  étaient à Jérusalem, ayant appris que Samarie avait reçu la parole de Dieu, leur envoyèrent Pierre et Jean, qui, étant venus, prièrent pour eux , afin qu'ils reçussent  l'Esprit-Saint; car il n'était pas encore descendu sur aucun d'eux, mais ils avaient seulement été baptisés au. nom du Seigneur Jésus. Alors ils leur imposaient les mains et ils recevaient l'Esprit-Saint. Or Simon voyant que, par l'imposition des mains des apôtres, l'Esprit-Saint était donné, il leur a offrit de l'argent disant : Donnez-moi aussi ce pouvoir, afin que tous ceux à qui j'imposerai les mains, reçoivent l'Esprit-Saint ».

Comment, direz-vous, ceux-ci n'avaient-ils point reçu l'Esprit-Saint? Ils avaient reçu l'Esprit de rémission, mais pas encore celui des miracles. Et la preuve qu'ils n'avaient pas reçu l'Esprit des miracles, c'est que Simon , témoin de ses effets, vint le demander. Quoique la persécution sévît alors , le Seigneur les en sauva néanmoins, en leur faisant comme un rempart de prodiges. Bien loin d'abattre leur courage, la mort d'Étienne n'avait fait que l'augmenter; c'est pourquoi les maîtres se dispersent, afin de mieux propager la doctrine. Et voyez encore comme ils jouissent, comme ils sont heureux. « Il y avait une grande joie dans la ville », quoique le deuil fût grand aussi. C'est ainsi que Dieu a coutume d'agir, mêlant la joie à la tristesse, afin de se faire mieux admirer. Mais la maladie de Simon était déjà vieille; voilà pourquoi elle ne se guérit pas. Et comment l'a-t-on baptisé? Comme le Ch rist a choisi Judas. Voyant les prodiges qui s'opéraient, il est saisi de stupeur; mais il n'ose pas demander la grâce des miracles, parce qu'il sait que les autres ne l'ont pas encore reçue. Pourquoi ne l'a-t-on pas frappé de mort , comme Ananie et Sapphire? Parce que celui qui avait « jadis » recueilli du bois ayant été puni de mort pour l'instruction des autres , personne ne subit ensuite le même supplice. Ainsi se conduit Pierre, qui ayant. frappé Ananie et Sapphire , (78) ne frappa point Simon, mais se contente de lui dire : « Que ton argent périsse avec toi, parce que tu as cru que le don de Dieu s'achète avec de l'argent ! »

3. Et pourquoi, étant baptisés, n'ont-ils pas reçu l'Esprit-Saint? C'est, ou parce que Philippe n'osait pas le donner , réservant cet honneur aux apôtres , ou (et cette opinion est préférable), parce qu'il n'avait pas un aussi grand pouvoir, bien qu'il fût des sept. Je pense que ce Philippe était certainement un des sept, le second après Etienne. Voilà pourquoi il baptise. Il ne donnait point l'Esprit à ceux qu'il baptisait; car il n'en avait pas le pouvoir ! Ce don n'appartenait qu'aux douze. Observez bien : les apôtres n'étaient pas sortis, mais on avait réglé que les disciples sortiraient, eux qui étaient inférieurs en grâce , puisqu'ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit-Saint. Ils avaient reçu le pouvoir de faire des miracles, mais non celui de donner l'Esprit aux autres. C'était là le privilège des apôtres ; aussi voyons-nous qu'eux seuls, les Coryphées, et non les autres, l'exerçaient. « Or, Simon voyant que par l'imposition des mains des apôtres, l'Esprit-Saint était donné ». Il n'eût pas ainsi parlé s'il n'y avait pas eu quelque chose de sensible. Paul en fit autant quand ils parlaient les langues. Avez-vous vu la perversité de Simon? Il offre de l'argent; et cependant il n'avait pas vu Pierre opérer à prix d'argent; il n'agissait donc pas par ignorance, mais comme tentateur et afin d'établir une accusation. Aussi lui répond-on : « Il n'y a pour toi ni part ni sort dans tout ceci ; car ton coeur n'est pas droit devant Dieu ». Encore une fois il révèle la pensée, quand Simon croyait se cacher. « Fais donc pénitence de cette méchanceté, et prie le Seigneur qu'il te pardonne, s'il est possible, cette pensée de ton coeur. Car je vois que tu es dans un fiel d'amertume et dans des liens d'iniquité. « Simon répondant, dit : Priez vous-mêmes le Seigneur pour moi, afin qu'il ne m'arrive rien de ce que vous avez dit ». Quand il aurait dû se repentir du fond de son coeur et pleurer, il ne le fait que par manière d'acquit. « Qu'il te pardonne, s'il est possible ». Cela ne vent pas dire que la faute n'eût pas été pardonnée, si le coupable eût vergé des larmes ; mais c'est la coutume , même chez les prophètes, de ne point parler de pardon , de dénoncer d'une manière absolue le châtiment futur, et non de dire: Si vous faites telle chose, vous obtiendrez votre pardon.

Pour vous , admirez comme au milieu du malheur, ils s'attachent à la prédication , loin de la négliger; et comment, ainsi que du temps de Moïse, la distinction s'établit entre les prodiges. La magie était pratiquée, et néanmoins les vrais miracles faciles à distinguer, bien qu'il ait dû n’y avoir aucun possédé du démon, puisque depuis longtemps Simon troublait leur esprit par ses enchantements ; mais comme il y avait beaucoup de possédés, beaucoup de paralytiques, ces signes n'étaient donc pas vrais. Or, Pierre n'attirait pas seulement par les miracles, mais aussi par la parole, en prêchant le royaume du Ch rist. Simon ayant été baptisé, s'attachait, dit-on, à Philippe. Ce n'était pas par esprit de foi qu'il s'y attachait , mais pour devenir semblable à lui. « Etant venus, ils prièrent pour eux, afin qu'ils reçussent l'Esprit-Saint; car il n'était encore descendu sur aucun d'eux. Alors ils leur imposaient les mains et ils recevaient l'Esprit-Saint».Voyez-vous qu'il faut une grande puissance pour donner l'Esprit-Saint? Car ce n'est pas la même choie d'obtenir la rémission et de recevoir tin si grand pouvoir. « Mais Simon voyant que par l'imposition des mains des apôtres, l'Esprit-Saint était donné , il leur offrit de l'argent ».

Avait-il vu faire cela aux autres? L'avait-il vu faire à Philippe? Pensait-il que les apôtres ne connaissaient pas le motif de sa démarche? Aussi Pierre a-t-il raison d'appeler cela un don, quand il dit : « Que ton argent périsse avec toi, parce que tu as estimé que le don de Dieu peut s'acquérir pour de l'argent ! » Voyez-vous comme ils sont exempts de toute attache à l'argent? « Il n'y a pour toi ni part ni sort en ceci ; car ton coeur n'est pas droit devant Dieu ». Il agissait en tout par malice et il fallait être simple. « Fais donc pénitence, car je vois que tu es dans un fiel d'amertume et dans des liens d'iniquité ». Ces paroles sont pleines d'indignation. Il ne le punit point, pour que la foi ne fût pas imposée par nécessité, pour que la chose ne parût pas trop dure, pour produire des sentiments de pénitence, ou encore parce que pour le corriger il suffisait de l'avoir confondu, d'avoir révélé le fond de sa pensée et de l'avoir forcé de convenir qu'il était surpris. En effet, ces paroles « Priez vous-mêmes pour moi », sont un (79) interdite et un aveu. Voyez comment, malgré sa perversité, il croit quand il est confondu, et comment il s'humilie quand on le reprend une seconde fois. « En voyant les signes qui se faisaient il était frappé d'étonnement » ; montrant par là que tout ce qu'il faisait lui-même était supercherie. On ne dit pas qu'il s'approcha , mais qu'il « fut frappé d'étonnement ». Et pourquoi ne vint-il pas tout d'abord? Parce qu'il espérait rester caché , parce qu'il attribuait à l'art les miracles qui s'opéraient; mais quand il vit qu'il ne pouvait échapper aux apôtres , il s'approcha. « Car des esprits impurs sortaient d'un grand nombre de possédés, en jetant de grands cris ». C'était le signe de leur sortie; chez les magiciens c'était tout le contraire ; ils ne faisaient que serrer les liens. « Beaucoup de paralytiques et de boiteux étaient guéris ». Ici aucune supercherie : il fallait marcher et agir. « Et tous l'écoutaient en disant : Celui-ci est « la vertu de Dieu ». Ainsi s'accomplit la parole du Ch rist : « Il s'élèvera beaucoup de faux « christs et de faux prophètes en mon nom ». Et pourquoi ne l'ont-ils pas confondu tout d'abord? C'était assez pour eux qu'il se condamnât lui-même; il y avait là dedans une instruction. Mais ne pouvant résister, il dissimule comme les magiciens qui disaient: « Le doigt de Dieu est là ». Et pour ne pas être repoussé une seconde fois, il s'attachait à Philippe et ne le quittait plus.

4. Considérez avec moi les conséquences providentielles de la mort d'Etienne. Les fidèles sont dispersés dans les pays de la Judée et de la Samarie , ils annoncent la parole, ils prêchent le Ch rist, ils opèrent des prodiges , peu à peu l'on reçoit le don. Il y a ici double signe : donner aux uns , refuser à l'autre, c'était un très-grand signe. « Et eux , après avoir rendu témoignage et prêché la parole de Dieu, revinrent à Jérusalem et « évangélisaient beaucoup de contrées des Samaritains ». C'est avec raison qu'on dit : « Après avoir rendu témoignage ». Peut-être le rendent-ils à cause de Simon , afin que les fidèles ne soient -plus trompés, qu'ils soient en sécurité et ne se laissent plus entraîner par l'inexpérience. « Ils revinrent à Jérusalem ». Pourquoi reviennent-ils là où domine la tyrannie, où est le principe du mal , où règne le goût du sang? Ils font ce que font les généraux d'armées, qui se portent au point le plus menacé. Remarquez qu'ils ne sont d'abord pas venus à Samarie, mais bien les disciples, qui avaient été chassés, comme sous le Ch rist; et qu'enfin les apôtres sont envoyés aux fidèles de cette ville. « Or les apôtres qui étaient à Jérusalem ayant appris cela leur envoyèrent Pierre et Jean». Pourquoi sont-ils envoyés? l'ourles délivrer de la magie et leur rappeler la doctrine qu'ils avaient reçue du Ch rist, lorsqu'ils commencèrent à croire. Quand donc Simon aurait dû au contraire demander à recevoir l'Esprit-Saint , il n'en a souci et demande de pouvoir le donner aux autres, quoique ceux-là ne l'eussent pas reçu de façon à le donner; mais il voulait l'emporter sur Philippe qui était un des disciples : « Que ton argent périsse avec toi ! » Ce m'est pas une malédiction , mais une leçon. Comme Simon ne savait pas employer son argent à propos , l'apôtre lui dit: Puisque tu es tel, qu'il te reste ; à peu près comme s'il disait : Qu'il périsse avec ta mauvaise volonté, puisque tu estimes assez peu le don de Dieu pour le croire une chose tout humaine : ce qui n'est pas. S'il s'était présenté comme il l'aurait dû, il aurait été reçu et non repoussé comme un fléau. Voyez-vous que celui qui se fait une idée basse des grandes choses commet une double faute Simon reçoit deux ordres : « Fais pénitence et prie Dieu qu'il te pardonne, s'il est possible, cette pensée de ton coeur ». Tant cette pensée était coupable ! Et comme l'apôtre le savait incorrigible , il dit : « Te pardonne , s'il est possible ». Et Simon, craignant la foule, n'osa nier. — Certainement s'il n'eût pas été troublé , il aurait dit : Je ne savais pas , j'ai agi sans réflexion ; mais il avait été frappé d'abord des miracles et ensuite de ce qu'on avait mis au jour le fond de sa pensée. C'est pourquoi il s'en alla au loin , à Rome, comme si l'apôtre n'eût pas dû y arriver avant lui. « Ils évangélisaient beaucoup de contrées des Samaritains ».

Voyez combien les voyages leur donnaient d'occupation ; mais ils ne les entreprenaient pas sans motifs. Nous devrions en faire de pareils. Mais que parlé-je de voyages? Beaucoup ont des villages et des campagnes et ne s'en inquiètent nullement. Ils déploient la plus grande sollicitude à se créer des salles de bains, à augmenter leurs prix, à se faire construire des cours et des maisons; quant à savoir comment les âmes sont cultivées, ils (80) n'en ont nul souci. Quand vous voyez des épines dans un champ, vous employez le fer et le feu, vous détruisez pour débarrasser la terre de cette peste; mais quand vous voyez les âmes des laboureurs pleines d'épines que vous n'arrachez pas, ne tremblez-vous pas, dites-moi, ne craignez-vous pas celui qui doit un jour vous en demander compte ? Ne faudrait-il pas que chaque fidèle construisît une église , eût un docteur pour conférer et avant tout travaillât à ce que tout le monde fût chrétien ? Comment, de grâce, un laboureur sera-t-il chrétien , quand il vous voit négliger ainsi votre propre salut? Vous ne pouvez pas- faire des prodiges et par là gagner les âmes? Soit :, mais employez les moyens qui sont à votre disposition : la bonté, l'autorité, la douceur, les caresses et le reste.

Beaucoup construisent des marchés publics et des bains, mais point d'églises. Tout plutôt qu'une église. C'est pourquoi je vous exhorte et vous supplie, je vous demande comme une grâce, ou plutôt je vous impose comme une loi, de n'avoir aucune maison de campagne qui ne soit pourvue d'une église. Ne me dites pas: Il y en a une tout près, dans le voisinage; la dépense serait grande et j'ai peu de revenus. Si vous avez quelque chose à donner aux pauvres, employez-le là; cela vaudra mieux. Nourrissez un docteur, un diacre, une assemblée de prêtres. Soyez à l'égard de l'Eglise comme vous seriez à l'égard d'une femme ou d'une fiancée, ou comme si vous mariiez votre fille: faites-lui une dot. Par là votre campagne sera comblée de bénédictions. Et en effet, quel bien lui manquera? Est-ce peu de chose, dites-moi, que le pressoir soit béni? Est-ce peu de chose que Dieu ait sa part et les prémices de tous vos fruits? Cela contribue à tenir les laboureurs en paix. Le prêtre en deviendra respectable : ce qui est utile à la sécurité du lieu. Il y aura là pour vous des prières continuelles, des hymnes, des communions, l'oblation tous les dimanches. Lequel est le plus admirable que d'autres construisent de magnifiques tombeaux pour que la postérité sache qu'un tel les a construits, ou que vous bâtissiez des églises? Pensez que jusqu'à l'arrivée du Ch rist vous serez récompensé pour avoir élevé un autel à Dieu.

5. Dites-moi : si un roi vous ordonnait de bâtir une maison où il dût loger, ne mettriez-vous pas tout en couvre ? Or, l'église que vous bâtissez est un palais pour le Ch rist. Ne regardez donc pas à la dépense, mais songez au fruit que vous en recueillerez; les laboureurs cultivent la terre, vous, cultivez leurs âmes; ils vous apportent des fruits, vous, menez-les au ciel. Celui qui pose le principe, est l'auteur de toutes les conséquences. Vous serez donc cause qu'il y aura des catéchumènes dans les lieux voisins. A coup sûr, les établissements de bains rendront les paysans plus mous, les cabarets les rendront plus voluptueux; et cependant vous en fondez par amour de la gloire. Les marchés, les fêtes, les rendront plus insolents; mais ici, il en est tout autrement. Quel beau spectacle que celui d'un vieillard, marchant sur les traces d'Abraham, blanchi par l'âge, les reins ceints, bêchant, travaillant de ses mains ! Quoi de plus aimable qu'untel champ? C'est là que la vertu est plus grande. Là, point d'impudicité, car on la repousse; là, point d'ivrognerie, point de volupté, car on l'élimine; là, point de vaine gloire, car on l'éteint; là, la bienveillance emprunte le plus vif éclat de la simplicité. Quel bonheur de sortir et d'entrer dans la maison de Dieu, de voir qu'on l'a construite, de prendre son repos , puis d'assister aux chants de la nuit et du matin, d'avoir un prêtre à sa table, de s'entretenir avec lui, et de voir les autres se rendre au saint lieu! Voilà le rempart, voilà la sécurité de la campagne. Voilà le champ dont il est dit: « L'odeur d'un champ rempli, que le Seigneur a béni ». Que si la,campagne est déjà agréable à cause du repos et des larges loisirs dont on y jouit, que sera-ce quand cet avantage s'y rencontrera encore ! Une campagne où il y aune église ressemble au paradis de Dieu. Là, oint de cri, point de tumulte, point d'ennemis d'aucune sorte, point. d'hérésies; tous y sont amis et partagent les mêmes croyances. Le repos vous amène à la philosophie; le prêtre, vous prenant à ce point de départ, vous guérira sans peine. Ici, la place publique fait oublier tout ce que nous disons; là, ce que vous entendrez restera gravé dans votre esprit. Par l'influence du. prêtre, vous deviendrez tout autre à la campagne; il sera le chef de tous, il en sera le gardien par sa présence et par l'ordre qu'il établira parmi eux. Dites-moi : à combien se monte la dépense? Faites d'abord un petit bâtiment en guise de temple; votre successeur y fera un portique, un autre y (81) ajoutera autre chose, et ainsi tout vous sera attribué. Voua aurez peu donné et vous recevrez la récompense du tout. Commencez, jetez les fondements : bien plus, excitez-vous les uns les autres; piquez-vous d'émulation. Maintenant, s'il s'agit de construire des magasins pour y déposer de la paille, du blé ou toute autre chose de ce genre,on s'y prête facilement; mais, quand il s'agit de récolter des âmes, on ne s'en inquiète pas; et les fidèles sont obligés de faire de longues routes, d'entreprendre. de longs voyages pour trouver une église.

Et quel avantage pourtant qu'au milieu d'un repos parfait un prêtre vienne dans une église, s'approche de Dieu, et prie chaque jour pour la maison, pour le domaine ! Est-ce peu de chose, dites-moi, que votre nom soit prononcé dans les saintes oblations, que chaque jour des prières montent vers Dieu en faveur de la localité? Quel profit pour vous et pour, les autres ! Peut-être y a-t-il des propriétaires voisins qui ont des intendants ; vous êtes pauvre et aucun d'eux ne daigne venir chez vous; mais ils pourront inviter le prêtre et le faire asseoir à leur table. Voyez-vous que de biens en résulteront? en attendant, votre demeure sera exempte de tout soupçon; on n'y accusera personne d'homicide, de vol; on n'y soupçonnera rien de semblable. Autre consolation encore, en cas de maladie ou de mort. L'amitié qui unira les membres de ces assemblées ne sera pas de circonstance et de hasard; ces assemblées elles-mêmes seront beaucoup plus agréables que celles qui ont lieu dans les solennités publiques. Non-seulement les réunions, mais ceux qui y président deviendront plus respectables à cause du prêtre. Vous entendez tout le monde dire que dans l'antiquité Jérusalem était plus honorée que toutes les autres villes, et non sans cause : la piété y régnait alors. En effet, partout où Dieu est honoré, il n'y a rien de mauvais; comme, au contraire, partout où il n'est pas honoré, il n'y arien de bon. Ce sera une grande sécurité devant Dieu et devant les hommes. Je vous en prie donc: mettez la main à l'oeuvre, non avec lenteur, mais avec zèle. Si celui qui sépare une chose précieuse d'une chose vile est comme la bouche de Dieu (Jér. XV, 19), quelle ne sera pas la bonté divine à l'égard de celui qui rend service à tant d'âmes, qui les sauve même et dans le temps présent et dans les temps à venir, jusqu'à l'avènement du Ch rist?

Formez un rempart contre le démon, et ce rempart c'est une église. Que de là sortent les mains qui doivent travailler, mais qu'avant d'aller au travail elles s'élèvent pour la prière. Ainsi le corps se fortifiera, l'agriculture sera féconde et on se délivrera de tous les maux. Il  n'est pas possible d'expliquer un tel bonheur, à moins de l'avoir éprouvé. Ne dites pas que cela ne donne aucun revenu. Quelque décidé que vous soyiez, ne mettez pas la main à l'oeuvre si vous n'êtes pas convaincu que le profit en vaut mieux pour vous que toute la propriété ; n'entreprenez rien, si ce ne sont point là vos dispositions, si vous ne regardez cette tâche comme préférable à toutes les autres. Quel profit plus grand, que d'introduire des âmes dans l'aire céleste? Hélas ! vous ne savez donc pas ce que c'est que de gagner des âmes ! Ecoutez ce que le Ch rist dit à Pierre : « Si tu m'aimes, pais mes brebis ». (Jean, XXI, 15.) Si vous voyiez les brebis ou les chevaux du roi exposés aux embûches faute d'étable, que vous leur en construisissiez une et leur donnassiez un berger, quelle récompense te roi ne vous accorderait-il pas ? Et maintenant que vous recueillez le troupeau du Ch rist et que vous lui donnez un berger, vous ne croiriez pas faire quelque chose de grand? Que dis-je? Si celui qui scandalise un seul homme, est menacé d'un si grand supplice, celui qui en. sauve un si grand nombre ne sera-t-il pas sauvé? Cela est de toute évidence. Quelque péché qu'il ait commis ou doive commettre dans la suite, ne l'efface-t-il pas? Mesurez, sur le supplice de celui qui scandalise, la récompense de celui qui sauve. Si Dieu n'attachait pas tant d'importance au salut d'une seule âme, il ne s'irriterait pas autant de sa perte. Convaincus de ces vérités, attachons-nous à cette oeuvre spirituelle ; que chacun m'appelle, et nous nous y appliquerons ensemble dans la mesure du possible. S'il y a trois propriétaires, qu'ils s'entendent entre eux; s'il n'y en a qu'un, les voisins se laisseront gagner par son exemple. Tendez à ce but unique, je vous en prie, afin que, agréables à Dieu en toutes choses, nous obtenions les biens éternels, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus- Ch rist, en qui appartiennent au Père, en union avec l'Esprit-Saint, la gloire, la force, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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