ACTES XXIII
Précédente Accueil Remonter Suivante

 

ACTES I
ACTES II
ACTES III
ACTES IV
ACTES V
ACTES VI
ACTES VII
ACTES VIII
ACTES IX
ACTES X
ACTES XI
ACTES XII
ACTES XIII
ACTES XIV
ACTES XV
ACTES XVI
ACTES XVII
ACTES XVIII
ACTES XIX
ACTES XX
ACTES XXI
ACTES XXII
ACTES XXIII
ACTES XXIV
ACTES XXV
ACTES XXVI
ACTES XXVII
ACTES XXVIII
ACTES XXIX
ACTES XXX
ACTES XXXI
ACTES XXXII
ACTES XXXIII
ACTES XXXIV
ACTES XXXV
ACTES XXXVI
ACTES XXXVII
ACTES XXXVIII
ACTES XXXIX
ACTES XL
ACTES XLI
ACTES XLII
ACTES XLIII
ACTES XLIV
ACTES XLV
ACTES XLVI
ACTES XLVII
ACTES XLVIII
ACTES XLIX
ACTES L
ACTES LI
ACTES LII
ACTES LIII
ACTES LIV
ACTES LV

HOMÉLIE XXIII. LE LENDEMAIN, DIT LE TESTE, IL PARTIT AVEC EUX, ET QUELQUES-UNS DES FRÈRES DE LA VILLE DE JOPPÉ L'ACCOMPAGNÈRENT, ET VINRENT AVEC LUI A CÉSARÉE. CORNEILLE LES ATTENDAIT, AVEC SES PARENTS ET SES PLUS INTIMES AMIS QU'IL AVAIT ASSEMBLÉS CHEZ LUI. (CH. X, 23, 2-1, JUSQU'AU VERS. 43.)

 

ANALYSE. 1-3 Suite de l'histoire du centenier Corneille.

3 et 4. Contre la tiédeur. — Vertu du baptême. — Reconnaissance que nous devons à Dieu. — Ne pas mourir sans avoir fait effort pour s'acquitter envers Lui. — Combien la loi de Dieu est plus aimable que celle des hommes. — Contre la curiosité indiscrète et frivole qui cherche des problèmes à résoudre au lieu de chercher à bien vivre. — Contre la mollesse nonchalante.

 

1. Il rend ses devoirs à ses hôtes, d'abord; ensuite il sort avec eux. C'est bien. Il commence par les accueillir avec affabilité ; ils étaient fatigués du voyage; il fait leur connaissance en les recevant dans sa maison, et ce n'est qu'ensuite qu'il sort avec eux. « Le lendemain », dit le texte, « il partit avec eux et quelques-uns des frères ».  Il ne s'en va pas tout seul avec eux, d'autres frères l'accompagnent, et il y a là une certaine disposition de la Providence : ces frères devaient lui servir de témoins, plus tard, quand il aurait besoin de se justifier. « Corneille les attendait, avec ses parents et ses plus intimes amis, qu'il avait assemblés citez lui ». C'est le propre d'un homme rempli d'affection et de piété , lorsque de tels biens lui arrivent, de tenir vivement à en faire part à ses amis; Corneille a donc raison d'appeler ses intimes, ceux avec qui il ne craignait pas de (107) s'entretenir chaque jour sur des sujets qu'il aurait eu tort de traiter avec d'autres personnes. Il me semble, à moi, que les amis, les parents de Corneille vivaient sous sa direction. « Lorsque Pierre fut entré, Corneille vint au-devant de lui, et, se jetant à ses pieds, il l'adora. Mais Pierre, le relevant, lui dit :« Levez-vous , je ne suis qu'un homme (25, 26) ». Ce que fait Corneille prouve son humilité, prouve que c'est un homme d'un bon exemple, qui sait bénir Dieu ; Corneille montre aussi par là qu'indépendamment de l'ordre qu'il a reçu, il agit par un fonds considérable de piété qu'il porte en lui. Et maintenant, Pierre? « Levez-vous, je ne suis qu'un homme ». Voyez-vous comme les apôtres tiennent, avant tout, à prévenir la trop haute opinion que l'on pourrait se former d'eux? « Et s'entretenant avec lui, il entra dans la maison, où il trouva plusieurs personnes qui s'y étaient assemblées; alors , il leur dit : Vous savez que les Juifs ont en grande  horreur d'avoir quelque liaison avec un étranger, ou d'aller le trouver chez lui (27, 28) ». Voyez-le parler tout de suite de la bonté de Dieu , et montrer la grandeur des biens qu'il leur a départis. Et il ne faut pas seulement admirer ici les paroles qu'il fait entendre; mais, en même temps, la grandeur de ses paroles, et la modestie de sa conduite. En effet, il ne leur dit pas : Nous, qui ne daignons pas entretenir des rapports avec qui que ce soit, nous venons vers vous; mais que dit-il? « Vous savez (c'est l'ordre de Dieu, dit-il), qu'il est contraire à la loi, d'avoir des liaisons avec un étranger, ou d'aller le trouver chez lui ». Et ensuite, pour n'avoir pas l'air de faire à Corneille une faveur : « Mais Dieu m'a fait voir que je ne devais regarder aucun homme comme impur ou souillé ». Ce qu'il dit là, c'est pour ne pas avoir l'air d'adresser une flatterie à Corneille. « C'est pourquoi dès que vous m'avez demandé, je n'ai fait aucune difficulté de venir (29) ». Les apôtres ne voulaient pas que la chose parût défendue, et toutefois faite par égard pour Corneille qui était un personnage important. Pierre veut que le Seigneur seul paraisse avoir dirigé sa conduite. Voilà pourquoi il rappelle la défense, non-seulement d'avoir quelque liaison avec un étranger, mais encore d'aller le trouver chez lui.

« Je vous prie donc de me dire pourquoi vous m'avez envoyé chercher ». Ce n'est pas par ignorance qu'il interroge ; Pierre savait tout, sa vision l'avait instruit. De plus, les soldats l'avaient averti. Mais il veut, avant tout, que ces gentils s'expriment et se montrent attachés à la foi. Que fait donc Corneille? Il ne répond pas : Est-ce que les soldats ne vous l'ont pas dit? Mais voyez la douceur, l'humilité de son langage : « Il y a maintenant quatre jours que, jeûnant et m'étant mis en prières, dans ma maison, à la neuvième heure, j'ai vu un homme qui est venu se présenter devant moi, vêtu d'une robe éclatante, et il m'a dit : Corneille, votre prière a été exaucée, et vos aumônes sont montées jusqu'en la présence de Dieu, et il s'en est souvenu (30, 34). M'étant mis en prière, dit-il, à la neuvième heure ». Qu'est-ce à dire? Cet homme me semble s'être fixé certains jours, pour mener une vie plus appliquée à la piété; et voilà pourquoi il dit : « il y a quatre jours ». Voyez le prix de la prière c'est pendant qu'il s'appliquait à un pieux devoir qu'un ange lui apparaît. Le jour présent, un; le jour où les envoyés de Césarée sont partis de Joppé, deux; le jour de l'arrivée à Joppé, trois; le jour de la vision de Corneille, quatre; de sorte que c'est le second jour en remontant , après le jour de la prière de Pierre : « Je vis un homme qui se présenta tout à coup devant moi, vêtu d'une robe éclatante : » Il ne dit pas, un ange, tant il évite de prononcer des paroles orgueilleuses. Et il me dit : « Corneille, votre prière a été entendue, et vos aumônes sont montées jusqu'à la présence de Dieu, et il s'en est souvenu. C'est pourquoi, envoyez à Joppé, et faites venir de là Simon, surnommé Pierre; il loge dans la maison de Simon, corroyeur, près de la mer. C'est lui qui vous dira ce qu'il faut que vous fassiez. J'ai envoyé à l'heure même vers vous, et vous m'avez fait la grâce de venir; nous voilà donc maintenant tous assemblés devant vous, pour entendre tout ce que le Seigneur vous a ordonné de nous dire (32, 33) ». Donc la question de Pierre : « Pourquoi m'avez-vous envoyé chercher? » n'était que pour motiver ces paroles de Corneille. « Alors Pierre, prenant la parole, dit: En vérité, je vois bien que Dieu n'a point d'égard aux diverses conditions des personnes, mais qu'en toute nation, celui qui le craint, et qui (108) pratique la justice, lui est agréable (34, 35) ». Ce qui veut dire : soit incirconcis, soit circoncis. Paul fait la même déclaration : « Car Dieu ne fait point acception des personnes. (Rom. II, 11.) Nous voilà donc maintenant tous as« sembles », dit Corneille, « en présence de « Dieu ». Voyez la grandeur de la foi, la grandeur de la piété ! il savait bien que Pierre ne disait rien au nom de l'homme; « Dieu m'a montré », dit Pierre, et voilà pourquoi Corneille répond : « Nous voilà donc maintenant tous assemblés, pour entendre tout ce que le Seigneur vous a ordonné de nous dire». Eh quoi ! le Persan est-il donc agréable au Seigneur? Il le sera, s'il le mérite par sa foi. Voilà encore pourquoi le Seigneur n'a pas dédaigné l'eunuque de l'Ethiopie. Et que direz-vous, m'objectera-t-on, des hommes religieux qui ont été dédaignés? Loin de nous cette pensée ! nul n'est dédaigné parmi ceux qui ont la piété en honneur; non, non. Il n'est pas possible qu'un tel homme soit dédaigné. « En toute nation » , dit l'apôtre, « celui qui craint Dieu, et qui pratique la justice ». Ce qu'il entend par justice, c'est la vertu tout entière.

2. Voyez-vous comme Pierre rabaisse l'orgueil par ces paroles : « En toute nation, celui qui craint Dieu, lui est agréable ? » c'est comme s'il disait : Dieu ne rejette personne; il agrée tous ceux qui ont la foi. Ensuite, comme Pierre ne veut pas que ceux à qui il s'adresse, se croient au nombre des rejetés, il ajoute : « Dieu a fait entendre sa parole aux enfants d'Israël, en leur annonçant la paix par Jésus- Ch rist, qui est le Seigneur de tous (36) ». Ces paroles ont pour but de persuader les personnes présentes; il s'exprime ainsi pour faire parler Corneille : « Dieu a fait entendre », dit-il, « sa parole aux enfants d'Israël ». Voyez ! il leur donne, en parlant ainsi, la prérogative; ensuite il les produit comme témoins, en disant : « Vous savez la parole qui s'est fait entendre dans toute la Judée, en commençant par la Galilée, après le baptême que Jean a prêché ». Ce qu'il confirme parles paroles suivantes : « Comment Dieu a oint de l'Esprit-Saint et de force Jésus de Nazareth (37, 38) ». Il ne dit pas : Vous connaissez Jésus (car ils ne le connaissaient pas), mais il raconte ce que Jésus a fait. « Qui a passé, en faisant du bien, et en guérissant tous ceux qui étaient sous la puissance du démon ». Ces paroles montrent toutes les possessions des démoniaques, les convulsions sous l'action de Satan. « Parce que Dieu était avec lui ». Il abaisse ensuite son langage, non sans dessein, à mon sens, mais parce qu'il parle à des hommes : « Et nous sommes témoins de toutes les choses qu'il a faites dans la Judée et dans Jérusalem (39) ». Et vous, dit-il, et nous. « Ils l'ont fait mourir en l'attachant à une croix ». Ici, il prêche la passion. « Mais Dieu l'a ressuscité le troisième jour, et a voulu qu'il se montrât, non pas à tout le peuple, mais aux témoins fixés d'avance par Dieu; à nous, qui avons mangé. qui avons bu avec lui, après sa résurrection d'entre les morts ». Voilà la plus forte preuve de la résurrection. « Et il nous a commandé de prêcher et d'attester devant le peuple que c'est lui qui a été établi de Dieu pour être le juge des vivants et des morts (39, 40, 41, 42) ». Voilà encore un grand argument pour montrer que les apôtres sont dignes de foi. Il rend donc témoignage, en disant : « Tous les prophètes lui rendent témoignage, que tous ceux qui croiront en lui, recevront, par son nom, la rémission de leurs péchés (43) ». Il prédit ainsi ce qui arrivera; il confirme cette prédiction en citant à propos les prophètes.

Mais reprenons ce qui a été dit plus haut de Corneille. « Il envoya », dit le texte, « à Joppé pour faire venir Pierre ». C'est parce qu'il avait la certitude que Pierre viendrait qu'il l'envoya chercher. « Et Pierre s'entretenant avec lui », dit le texte. De quoi s'entretenait-il? Sans doute, j'imagine, de ce qui a été dit plus haut. « Et, se jetant à ses pieds, il l'adora ». Vous voyez partout un entretien sans adulation, et plein d'humilité; c'est un mérite que nous avons déjà remarqué dans l'eunuque; « il commanda », dit le texte, « à Philippe, de monter et de s'asseoir dans le char », quoiqu'il n'ignorât pas quel homme c'était; et qu'il ne sût que ce qu'il venait de lire dans le prophète. Celui-ci fait plus : il tombe, il se jette aux pieds de l'apôtre. Voyez-vous ces moeurs sans aucune espèce de faste? Mais maintenant considérez comment Pierre montre qu'il vient de la part de Dieu, lorsqu'il dit: « Vous savez qu'il n'est pas permis aux Juifs d'avoir quelque liaison avec un étranger, ou d'aller le trouver chez lui ». Mais pourquoi n'a-t-il pas tout de suite parlé de sa vision? Parce qu'il était tout à fait étranger aux (109) sentiments de la vaine gloire. Il se dit envoyé de Dieu ; comment a-t-il été envoyé ? Il ne l'explique pas; mais, quand la nécessité le commande. Voici comment il s'exprime: «Vous savez qu'il n'est pas permis aux Juifs d'avoir quelque liaison avec un étranger, ou d'aller le trouver chez lui ». Voyez comme il est loin de la vaine gloire! En parlant ainsi, il se fait, de ce qu'ils savent eux-mêmes, une garantie.

Eh bien, maintenant, Corneille ? « Nous voilà », dit-il, « maintenant en la présence de Dieu, pour entendre tout ce que le Seigneur vous a ordonné de nous dire ». Il ne dit pas : En présence d'un homme, mais en la présence « de Dieu », montrant, par ces paroles, en quelle disposition on doit s'approcher des serviteurs de Dieu. Comprenez-vous cette ferveur? Comprenez-vous combien cet homme était digne de cette grande distinction ? « Alors Pierre », dit le texte, « prenant la parole, dit : En vérité, je vois bien que Dieu n'a point d'égard aux diverses conditions des personnes ». Cette observation, Pierre l'adresse aux Juifs présents ; c'est pour sa défense. Au moment de révéler la- parole aux gentils, il commence par présenter comme sa défense. Quoi donc ? Auparavant, Pierre faisait-il donc acception des personnes? nullement. Même auparavant, il était toujours le même. « Tout homme », dit-il, « qui craint Dieu, et dont les oeuvres sont justes, lui est agréable ». C'est ce que déclare Paul dans ses lettres : « Lors donc que les gentils, qui n'ont point la loi, font les choses que la loi commande ». (Rom. II, 14.) Voilà le dogme et la conduite de Dieu. Si Dieu n'a dédaigné ni les mages, ni l'Ethiopien, ni le larron, ni la courtisane, à bien plus forte raison, ne méprisera-t-il pas ceux qui opèrent la justice et qui la veulent. Mais quoi ? S'ils sont doux et bons, ceux qui ne veulent pas croire ? Eh biefs, vous venez de donner la raison, c'est qu'ils ne veulent pas croire. Maintenant, l'homme bon ici, ce n'est pas celui qui a la douceur en partage, mais celui qui opère la justice, c'est-à-dire celui qui, dans toutes ses actions, est agréable au Seigneur, et, pour être agréable, il faut craindre Dieu. Or, un homme de ce- caractère, Dieu seul le connaît. Voyez comment le centenier s'est rendu agréable. A peine a-t-il entendu la parole, il a obéi ; aujourd'hui, me direz-vous, un ange viendrait, que personne ne l'écouterait. Mais aujourd'hui les signes sont beaucoup plus considérables qu'autrefois, et cependant combien d'incrédules ? Pierre communique ensuite la doctrine, et il a soin de conserver aux Juifs, leur noble prérogative. « Dieu a fait entendre sa parole aux enfants d'Israël, en leur annonçant la paix, par Jésus- Ch rist, qui est le Seigneur de tous ». Il parle d'abord de la domination, et il le fait en termes tout à fait élevés, parce qu'il s'adresse à une âme déjà élevée, et qui reçoit avec chaleur ce qu'on lui annonce. Ensuite, pour prouver comment c'est le Seigneur de tous, il a soin de dire : « Dieu a fait entendre sa parole, en leur annonçant la paix», c'est-à-dire, en les appelant au bonheur, non pas au jugement.

3. Par là, il déclare que la parole a été envoyée par Dieu, d'abord aux Juifs. Il en donne ensuite la démonstration, par les événements qui se sont accomplis dans toute la Judée. « Vous savez ce qui est arrivé dans toute la Judée ». Et voici qui est admirable : « Qui a commencé par la Galilée, après le baptême que Jean a prêché ». Il a d'abord parlé de l'oeuvre glorieuse du Seigneur; ce n'est qu'après qu'il a assez d'assurance pour parler de sa patrie: « Jésus de Nazareth ». Pierre n'ignorait pas que la seule patrie était une occasion de scandale. « Comment Dieu a oint de l'Esprit-Saint et de force », seconde preuve. On aurait pu dire, qui le démontre? Pierre ajoute : « Qui passait, en faisant le bien, et en guérissant tous ceux qui étaient sous la puissance du démon ». Il montre ensuite la grandeur du pouvoir unie à ses bonnes couvres; pour surmonter le démon il fallait que ce pouvoir fût grand. On en donne la cause : « Parce que Dieu était avec lui ». Voilà pourquoi les Juifs aussi disaient : « Nous savons , maître, que vous êtes venu de la part de Dieu, car personne ne saurait faire les miracles que vous faites, si Dieu n'est avec lui ». (Jean, III, 2.) Et maintenant, après avoir montré qu'il est envoyé de Dieu, il ajoute qu'il a été tué, pour prévenir l'égarement des pensées. Remarquez-vous que, nulle part, il ne cache le supplice de la croix? au contraire, il se hâte de le mentionner. « Cependant ils l'ont fait mourir », dit-il, « en l'attachant à une croix; et Dieu a voulu qu'il se montrât vivant, non à tout le peuple, mais aux témoins que Dieu avait choisis, avant tous les temps (39, 40) ». C'était le Ch rist qui les avait choisis lui-même; (110) mais l'apôtre attribue cela à Dieu : « Ch oisis, avant tous les temps », dit-il. Voyez comment il prouve la résurrection ; par le repas en commun. Pourquoi le Ch rist ressuscité ne fait-il aucun miracle, se bornant à manger et à boire ? c'est que la résurrection, toute seule, était, d'elle-même, un assez grand miracle; et impossible d'en trouver une plus grande preuve que ce fait, que le ressuscité buvait et mangeait. « Pour attester », dit-il. Ces paroles ont une énergie terrible; impossible de prétexter l'ignorance. Et l'apôtre ne dit pas C'est le Fils de Dieu, mais, ce qui était de nature à épouvanter le plus les Juifs : « C'est lui qui a été établi de Dieu, pour être le juge des vivants et des morts (42) ». Suit une preuve imposante prise des prophètes, lesquels étaient en grande estime: « Tous les prophètes lui rendent témoignage (43) ». Après avoir inspiré la crainte, il mentionne le pardon, annoncé non par lui, mais par les prophètes; ce qui est terrible, vient de lui, ce qui est plus doux, vient des prophètes. O vous tous, qui que vous soyez, qui avez obtenu cette rémission des péchés, vous tous, tant que vous êtes, qui avez trouvé la foi, après avoir appris la grandeur du don, je vous en conjure, veillez sur vous-mêmes, n'outragez pas le bienfaiteur. Si nous avons obtenu la rémission des péchés, ce n'est pas pour dégénérer, mais pour nous élever bien plus haut vers la perfection.

Donc, gardons-nous bien de dire que la cause de nos malheurs, c'est Dieu, parce qu'il ne punit pas, parce qu'il n'inflige pas de châtiment ; car enfin, répondez-moi : un meurtrier est pris, le prince le relâche, les meurtres qui suivront, seront-ils imputés au prince? Non, assurément; et comment se peut-il que notre langue impie outrage Dieu sans épouvante, sans un frisson d'horreur? Quels discours n'entendons-nous pas? Quel bruit de paroles ! C'est Dieu lui-même qui a permis les crimes, répète-t-on. Il fallait châtier les coupables; honneurs, couronnes, dignités, il ne leur fallait rien de tout cela, il en fallait tirer satisfaction et vengeance. Que fait Dieu au contraire ? il les honore et les rend tels qu'ils sont. Je vous en prie, je vous en conjure, qu'aucun de nous jamais ne fasse entendre de pareilles paroles. Mieux vaudrait mille fois être enfoui dans la terre , que de proférer, contre Dieu, de pareils discours. Les Juifs aussi disaient : « Toi qui détruis le temple de Dieu, et qui le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même »; et encore : « Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix ». (Matth. XXVII, 40.) Mais ces blasphèmes d'aujourd'hui sont plus affreux que ceux-là; qu'il ne soit pas dit que nous l'appelons un docteur d'iniquités; n'allons pas, par de pareils blasphèmes, nous exposer à l'éternel supplice. Car, dit l'apôtre, « vous êtes cause que le nom de Dieu est blasphémé parmi les nations ». (Rom. II, 24.) Appliquons-nous à faire dire le contraire; menons une vie conforme à notre vocation; approchons-nous du baptême de l'adoption, car elle est vraiment grande, la puissance du baptême, qui admet les hommes régénérés au partage des dons célestes; qui ne souffre pas que les hommes restent simplement des hommes. Faites en sorte que le grec ait foi dans la grande puissance de l'Esprit,, puissance qui transforme, puissance qui régénère. Pourquoi attendre ainsi l'heure de vos derniers soupirs, comme un fugitif, comme un méchant, comme un être qui ne doit pas vivre pour Dieu ? Pourquoi cette disposition de votre coeur, comme si votre Dieu était sans entrailles, était un maître féroce? Quoi de plus froid, quoi de plus misérable, que de recevoir ainsi le baptême ? Dieu a fait de vous son ami; il vous a gratifié de tous ses dons, afin que vous-même vous lui montriez tout ce qu'on attend d'un ami. Répondez-moi : je suppose un homme à qui vous auriez fait mille injures, mille outrages, vous tomberiez entre ses mains, et cet homme se vengerait de vous en partageant, avec vous, tous ses biens; pour les injures qu'il aurait reçues de vous, il vous admettrait au nombre de ses amis, il vous couronnerait, il dirait que vous êtes son propre fils, et ensuite, tout à coup, il viendrait à mourir. Ne regarderiez-vous pas sa mort comme un malheur? ne diriez-vous pas : Je voudrais le voir vivant, afin de m'acquitter envers lui, afin de le payer de retour, afin de ne pas paraître ingrat envers mon bienfaiteur? Voilà certes quelles seraient vos dispositions envers un homme; et, quand il s'agit de Dieu, vous pensez à partir sans vous acquitter envers celui qui vous a fait tant de dons? Ah ! croyez-moi, approchez-vous de lui, quand vous pouvez encore le payer de retour. Pourquoi fuir? Sans doute, me répond-on, mais je ne suis pas maître de moi. Donc Dieu nous a commandé l'impossible ? Voilà ce qui (111) bouleverse tout; voilà d'où vient, sur la terre, la corruption; nul ne se propose de vivre selon Dieu. Les zélés catéchumènes n'ont aucun souci de mener une vie droite. Et voilà comment ceux qui ont déjà reçu le baptême ont été baptisés : les uns, c'est quand ils n'étaient encore que des enfants; les autres, c'est dans leurs maladies, après de nombreux délais, parce qu'ils ne sentaient pas en eux le désir de vivre selon Dieu; et ceux-là n'ont aucun zèle. Et ceux qui ont reçu le baptême en parfaite santé, montrent à leur tour aussi peu de zèle; ils sortent du baptême pleins d'ardeur, mais ils sont bientôt les premiers à éteindre leur feu. Et ne pouvez-vous donc pas vous livrer à vos affaires? Et, est-ce que je vous sépare de votre femme ? C'est de la fornication que je veux vous séparer. Est-ce que je vous interdis l'usage de votre fortune? C'est l'avarice que je vous interdis, et la rapine. Est-ce que je veux vous contraindre à vous dépouiller de tout? Un peu de ce que vous avez, voilà tout ce que je vous demande pour les indigents. « Votre abondance », dit l'apôtre , « supplée à leur pauvreté ». (II Cor. VIII, 14.) Dans cette mesure même nous ne réussissons pas à vous persuader. Est-ce que nous vous forçons au jeûne ? C'est l'ivresse que nous voulons réprimer, avec la gourmandise. Ce que nous retranchons, c'est ce qui vous déshonore, c'est ce que vous-mêmes, vous trouvez plus affreux que la géhenne, plus redoutable, plus odieux. Est-ce que l'on vous interdit le plaisir et la joie? Non , mais ce qui est honteux, ce qui est indigne.

4. Que craignez-vous, que redoutez-vous , pourquoi tremblez-vous ? Là où se trouve le lien conjugal , la vraie jouissance des richesses, la tempérance, quelle est l'occasion de pécher? Vos maîtres, en dehors de l'église, d'un ton qui commande , exigent de vous bien autre chose , et vous les écoutez. Ce n'est pas seulement une petite part de ce que vous avez qu'ils réclament, mais ils vous disent: Il faut donner tant, et, quand vous objecteriez votre pauvreté, peu importe, ils insistent encore. Le Ch rist au contraire ne parle pas ainsi : il vous dit : Selon ce que vous avez, donnez , et je vous mettrai au premier rang. Ces étrangers vous disent encore : Voulez-vous de la gloire? Abandonnez père, mère, parents, proches, et résidez dans les palais des rois, pour y être fatigués, affligés, esclaves, en proie à des douleurs sans nombre. Le Ch rist au contraire ne parle pas ainsi , il vous dit Restez chez vous, avec votre femme et vos enfants; vivez tranquilles, à l'abri des dangers. Sans doute, me direz-vous ; mais le roi promet des richesses. Mais Dieu promet la royauté, et, de plus, des richesses avec la royauté; car il dit: « Ch erchez premièrement le royaume des cieux, et toutes ces choses vous seront données par surcroît ». (Matth. VI, 33.) Le roi de la terre ne donne rien par surcroît, tandis que Dieu donne d'avance. « J'ai été jeune », dit le Psalmiste, « et je suis vieux maintenant; mais je n'ai point encore vu le juste abandonné, ni sa race cherchant son pain ». (Ps. XXXVI , 25.) Commençons donc, pratiquons les premières vertus ; ne nous attachons qu'à la vertu seule, et vous verrez quels biens elle conquiert. Est-ce donc sans fatigue que vous gagnez les biens de la terre; vous qui montrez tant de mollesse à la poursuite des biens du ciel? Oui , me direz-vous , on a ceux d'ici-bas sans peine , sans fatigue; c'est pour les biens d'en-haut qu'il faut se fatiguer. Tout au contraire , mille fois non; mais si nous voulons dire la vérité , ces biens d'en-bas ne s'acquièrent qu'au prix des fatigues et des sueurs; les biens d'en-haut, nous n'avons qu'à vouloir, s'obtiennent facilement.

Ne nous éloignons pas, je vous en prie, des divins mystères; ne remarquez pas que celui qui avant vous a été baptisé est devenu un méchant, est déchu de ses espérances ; ne vous relâchez pas. Que voyons-nous dans la milice? Les timides d'une part; de l'autre, les braves qui se couvrent de gloire ; ne regardons pas les lâches ; rivalisons avec les vaillants. En outre , considérez combien d'hommes, après le baptême, sont devenus des anges ; redoutez l'avenir incertain. La mort vient comme un voleur de nuit, et ce n'est pas assez dire, comme un voleur; elle nous surprendra pendant notre sommeil; pendant que nous sommes nonchalamment couchés, la voilà qui nous prend, qui nous emporte. Si Dieu a fait l'avenir incertain , c'est pour que l'attente continuelle de cette heure incertaine nous attache à la vertu. Mais Dieu est bon, me direz-vous; combien de temps encore répéterons-nous cette froide et ridicule parole ? Eh bien, moi je dis et je ne cesserai pas de redire, non-seulement que Dieu est bon,. mais que rien ne surpasse sa bonté, et qu'il dispose toutes (112) choses pour notre utilité. Combien d'hommes ne voyez-vous pas souffrant toute leur vie de l'éléphantiasis? Combien d'hommes, depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse, toujours aveugles; d'autres, devenus aveugles après coup ; d'autres, victimes de la pauvreté; d'autres languissant dans les fers ; d'autres , dans les mines; d'autres, enterrés vivants; d'autres, emportés par la guerre? Ne sont-ce pas là des marques de la divine bonté, je vous le demande? Dieu ne pouvait-il pas prévenir ces maux, s'il l'eût voulu? Au contraire, il les a permis. Oui, me direz-vous. Eh bien, dites-moi , pourquoi des aveugles de naissance? Je ne répondrai pas tant que vous ne me promettrez pas que vous serez baptisés, et que, baptisés, vous conformerez votre vie à la sagesse. C'est un problème qu'il ne vous appartient pas de résoudre, et la parole n'a pas pour but le plaisir. Supposez cette question résolue, il en viendra une autre, car l'Ecriture est un abîme de questions. C'est pourquoi non-seulement ne vous faites pas une habitude de résoudre des  problèmes, mais ne cherchez jamais de problème à résoudre. Les questions d'ailleurs se succéderaient sans fin. Pour. une solution que vous auriez trouvée, je vous proposerais mille autres questions à résoudre. Apprenons par conséquent plutôt à chercher la sagesse qu'à chercher des solutions. Supposons que nous les ayons trouvées, nous ne les trouvons pas toutes. Il n'est pour de telles questions qu'une solution possible, la foi, qui croit que Dieu fait tout avec justice, avec bonté, avec utilité pour nous, et que sa raison est incompréhensible. Voilà l'unique solution, et il n'en est. pas de meilleure; car, quelle est, répondez-moi , la solution par excellence ? C'est de ne plus chercher de solution , parce que tout est expliqué. Si vous êtes bien persuadés que tout est administré par la divine Providence , qui permet certaines choses, par des raisons qu'elle seule connaît, et qui en opère certaines. autres, vous êtes affranchis de toute recherche , et vous jouissez du profit de la solution. Mais revenons à notre sujet; puisque vous voyez tant de supplices, Dieu permettant toutes ces choses, servez-vous de la santé de votre corps , pour assurer la santé de votre âme. Mais, direz-vous, qu'ai-je besoin de fatigues et d'affliction, puisque je puis, sans fatigues, acquitter toute ma dette? Assurément voilà qui n'est pas évident, car non-seulement il arrive que vous ne pouvez pas vous acquitter sans fatigues, mais il.peut arriver aussi que vous partiez chargés de tout ce qui pèse sur vous. D'ailleurs, quand ce que vous dites serait de toute évidence , vos paroles seraient encore difficiles à supporter. Dieu vous a appelés dans les combats; il vous a donné des armes d'or; au lieu de les prendre et de vous en servir, vous voulez conserver votre vie sans gloire, n'opérant aucune bonne action. Répondez-moi ; je suppose que la guerre nous menace; l'empereur est là; vous voyez les uns s'élancer au milieu des phalanges, porter des coups à l'ennemi , distribuer d'innombrables blessures ; vous en voyez d'autres qui se livrent à des combats singuliers; d'autres bondissent; d'autres encore s'élancent sur leurs chevaux, et l'empereur leur décerne des éloges, et on les admire; et les applaudissements les saluent, on les couronne; tandis qu'il en est qui ne veulent s'exposer à aucun coup et qui restent au dernier rang? Bientôt la guerre est terminée; les uns, on les appelle , on les comble de nobles récompenses; leurs noms sont dans toutes les bouches; les autres, au contraire, restent avec leurs noms ignorés; ils ont la vie sauve; voilà leur seule récompense : à laquelle de ces deux classes d'hommes voudriez-vous appartenir? Fussiez-vous de pierre, fussiez-vous plus lâches que les êtres insensibles, inanimés, ne préféreriez-vous pas mille fois être rangés parmi les braves? Oui, certes, et je vous en prie, et je vous en conjure, quand vous devriez tomber en combattant , n'est-ce pas là le sort qu'il faudrait résolument choisir? Ne voyez-vous pas quel éclat accompagne ceux qui tombent dans les combats , quelle illustration, quelle gloire? Et pourtant une fois qu'ils sont morts, ils ne peuvent plus attendre les honneurs que l'empereur décerne; au contraire, dans cette guerre dont je parle, il n'est rien de pareil : votre gloire sera d'autant plus grande que vos blessures seront nombreuses. Puissions-nous tous en avoir à montrer, sans les recevoir des persécutions, en Jésus- Ch rist Notre-Seigneur, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, l'empire, l'honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

 

Haut du document

 

Précédente Accueil Remonter Suivante