MICHEL
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SAINT MICHEL, ARCHANGE

 

Michel veut dire : qui est semblable à Dieu ? et toutes les fois, ainsi le dit saint Grégoire, qu'il s'agit de choses merveilleuses, c'est Michel qui est envoyé, afin de laisser comprendre par ses actions comme par son nom que nul ne saurait faire ce que Dieu se réserve d'accomplir. De là vient qu'on attribue à saint Michel beaucoup d'actions extraordinaires. D'après Daniel, c'est lui qui, au temps de l’antéchrist, doit se lever pour défendre les élus en sa qualité de protecteur et de défenseur. C'est lui qui combattit contre le dragon et ses anges, et qui, en les chassant du ciel, remporta une grande victoire. C'est lui qui se disputa avec le diable au sujet du corps de Moïse, que le diable voulait produire au grand jour, afin que le peuple juif l’adorât à la place de Dieu. C'est lui qui reçoit les âmes des saints et qui les conduit jusqu'à la joie du paradis. C'était lui qui était autrefois le prince de la synagogue, mais qui est maintenant établi comme prince de l’Eglise. C'est lui, dit-on, qui frappa l’Égypte des sept plaies, qui partagea les eaux de la mer rouge, qui dirigea le peuple hébreu dans le désert, et qui l’introduisit dans la terre promise. C'est lui qui porte l’étendard de J.-C. au milieu des bataillons angéliques. C'est lui qui, par l’ordre du Seigneur, foudroiera l’Antéchrist résidant sur le mont des Olives. C'est encore à la voix de l’archange Michel que les morts ressusciteront. C'est lui enfin qui, au jour du jugement, présentera la croix, les clous, la lance et la couronne d'épines de Notre-Seigneur.

 

La sainte solennité de la fête de saint Michel, archange, se nomme Apparition, Dédicace, Victoire et Mémoire. Les apparitions de cet ange sont nombreuses. La première eut lieu sur le mont Gargan. C'est une montagne de la Pouille située auprès de la ville (112) de Siponto *. L'an du Seigneur 390, il y avait, dans Siponto, un homme, qui, d'après quelques auteurs, se nommait Gargan, du nom de cette montagne, ou bien cette montagne avait pris le nom de cet homme. Il possédait un troupeau immense de brebis et de boeufs; et un jour que ces animaux paissaient sur les flancs du mont, un taureau s'éloigna des autres pour monter au sommet, et ne rentra pas avec le troupeau. Le propriétaire prit un grand nombre de serviteurs afin de le chercher ; le trouva enfin au haut de la montagne, vis-à-vis l’entrée d'une caverne. Irrité de ce que ce taureau errait ainsi seul à l’aventure; il lança aussitôt contre lui une flèche empoisonnée; mais à l’instant la flèche, comme si elle eût été poussée,par le vent, revint sur celui qui l’avait lancée et le frappa. Les habitants effrayés vont trouver l’évêque et demandent son avis sur une chose si étrange. Il ordonna trois jours de jeune et leur dit qu'on devait en demander l’explication à Dieu. Après quoi saint Michel apparut à l’évêque, en lui disant : a Vous saurez que cet homme a été frappé de son dard par ma volonté : car je suis l’archange Michel, qui, dans le dessein d'habiter ce lieu sur la terre et de le garder en sûreté, ai voulu donner à connaître parce signe que je suis l’inspecteur et le gardien de cet endroit. » Alors l’évêque et tous. les citoyens allèrent en procession a la montagne : comme ils n'osaient entrer dans la caverne, ils restèrent en prières devant l’entrée. — La seconde apparition ** eut lieu ainsi       qu'il suit, vers l’an du

 

* Aujourd'hui Manfredonia, au royaume de Naples.

** Cf. Mabillon, Actes des saints; — Robert de Torigny, Chronique de saint Michel, année 708; — Aubert, évêque d'Avranches.

 

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Seigneur 710. Dans un lieu appelé Tumba, près de la, mer, et éloigné de six milles de la ville d'Avranches, saint Michel apparut à l’évêque de cette cité : il lui ordonna de construire une église sur cet endroit, et d'y célébrer la mémoire de saint Michel, archange, ainsi que cela se pratiquait sur le mont Gargan. Or, comme l’évêque était incertain de la place sur laquelle il devait bâtir l’église, l’archange lui dit de la faire élever dans l’endroit ou il trouverait un taureau que des voleurs avaient caché. L'évêque étant encore embarrassé sur les dimensions qu'il devait donner à cette construction, reçut l’ordre de lui donner les proportions que les vestiges des pieds du taureau auraient tracées sur le sol. Or, il se trouvait là deux rochers qu'aucune puissance humaine ne pouvait remuer. Saint Michel apparut alors à un homme et lui donna l’ordre de se transporter là et d'enlever ces deux rochers. Quand l’homme y fut arrivé, il remua le roc avec une telle facilité qu'il semblait n'avoir pas la moindre pesanteur. Lors donc que l’église fut bâtie, on y apporta du mont Gargan une partie du parement que saint Michel y plaça sur l’autel, ainsi qu'un morceau de marbre sur lequel il se posa. Mais comme on était gêné de n'avoir point d'eau dans ce lieu, de l’avis de, l’ange, on perça un trou dans une roche très dure et il en sortit une si grande quantité d'eau qu'aujourd'hui encore, elle suffit à tous les besoins. Cette apparition en ce lieu se célèbre solennellement le 17 des calendes (114) de novembre. On raconte qu'il se fit encore là un miracle digne d'être rapporté: Cette montagne est entourée de tous les côtés par les eaux de l’Océan ; mais cieux fois, le jour de saint Michel, la mer se retire et laisse le passage libre: Or, comme une grande multitude de peuple se rendait à l’église, une femme enceinte et prête d'accoucher se trouvait sur le chemin avec les autres, quand tout à coup, les eaux reviennent ; la foule saisie de frayeur s'enfuit au rivage, mais la femme grosse ne put fuir, et même fut prise par les flots de la mer. Alors saint Michel préserva cette femme, de telle sorte qu'elle mit au monde un fils au milieu de la mer; elle prit son enfant entre ses bras et lui donna le sein, et la mer lui laissant de nouveau un passage, elle sortit pleine de joie avec son fils.

La troisième apparition est celle qu'on rapporte avoir eu lieu du temps de saint Grégoire. Ce pape avait institué les litanies majeures, à cause de la peste inguinale ; et comme il adressait de ferventes prières pour le salut du peuple, il vit sur un château qui s'appelait autrefois la Mémoire d'Adrien, l’ange du Seigneur essuyant un glaive ensanglanté et le remettant dans le fourreau. Saint Grégoire comprit par là que ses prières avaient été exaucées du Seigneur. Il fit donc construire en ce lieu une église en l’honneur des Anges : de là vient le nom de Château-Saint-Ange que porte aujourd'hui ce fort. Or, cette apparition se célèbre le 8 des ides de mai, en même temps que celle du Mont-Gargan, qui eut lieu lors d'une victoire que l’archange fit remporter par les Sypontins.

La quatrième apparition est celle des Hiérarchies (115) des Anges eux-mêmes. La première se nomme Epiphanie,  c'est-à-dire l’apparition supérieure ; la moyenne se nomme Hyperphanie, c'est-à-dire moyenne apparition ; la dernière s'appelle Hypophanie, c'est-à-dire apparition inférieure. Le mot hiérarchie vient de hierar, qui signifie sacré, et de archos, prince, équivalant à principauté sacrée. Chaque hiérarchie renferme trois ordres ; la première contient les Séraphins, les Chérubins et les Trônes; la moyenne renferme, d'après la distribution de saint Denys, les Dominations, les Vertus et les Puissances ; la dernière, suivant le même auteur, renferme les Principautés, les Anges et les Archanges. Cet ordre et cette distribution offrent une certaine analogie avec ce qui se voit chez les puissances de la terre. Car, parmi les ministres d'un monarque, il y en a dont les fonctions se rapportent immédiatement à la personne royale; comme sont les chambellans, les conseillers et les assesseurs, qui représentent la première hiérarchie. D'autres ont des charges pour gouverner le royaume, sans être attachés spécialement à telle ou telle province, comme les généraux d'armée et les juges de la cour. Ils représentent les ordres de la seconde hiérarchie.. D'autres enfin sont placés à la tête d'une partie du royaume, comme les prévôts, les baillis et les fonctionnaires inférieurs. Ils représentent les ordres de la troisième hiérarchie. Les trois premiers ordres de la première hiérarchie sont ceux qui se tiennent auprès de Dieu et qui le contemplent. Pour cela, trois qualités leur sont nécessaires : 1° un amour éminent; ce qui appartient au chœur des Séraphins, dont le (116) nom veut dire enflammés; 2° une connaissance parfaite : elle est la part des Chérubins, dont le nom signifie plénitude de science; 3° une compréhension perpétuelle ou jouissance : ce qui convient aux Trônes, dont la signification est siège, parce que ce sont les sièges de Dieu et le lieu de son repos, tandis qu'il les fait se reposer en lui. Les trois ordres de la hiérarchie moyenne sont à la tête de la communauté humaine en général et la gouvernent. Cette action de gouverner consiste en trois choses: 1° à présider ou à Ordonner: cela regarde le choeur des Dominations, qui ont la prééminence sur les inférieurs; les dirigent dans l’accomplissement du service de Dieu, et leur transmettent tous les ordres, ce que semble indiquer ce passage du prophète Zacharie (II) où un ange dit à un autre ange : « Courez, parlez à ce jeune homme et lui dites... » ; 2° à agir : c'est le propre des Vertus, pour lesquelles il n'y a rien d'impossible à exécuter de ce qu'on leur commande, parce que à eux fut donné le pouvoir d'accomplir toutes choses, telles difficiles qu'elles soient, de ce qui regarde le service de Dieu, et c'est la raison pour laquelle on leur attribue les miracles ; 3° à lever tous les obstacles et les empêchements : ce qui est du ressort des Puissances, qui doivent tenir à l’écart des puissances ennemies : qualité signalée au livre de Tobie (ch. VIII). Où il est dit que Raphaël alla lier le démon dans le désert de la Haute-Egypte. Les trois ordres de la dernière hiérarchie ont des fonctions déterminées et limitées. Quelques-uns, en effet, parmi eux, sont à la tête d'une province. Ce sont ceux de l’ordre des (117) Principautés : tel le prince qui était à la tête des Perses. Il en est question dans Daniel (ch. X). D'autres sont préposés pour gouverner une communauté, comme une ville, par exemple : et ce sont les Archanges ; quelques autres dirigent une personne en particulier, et ceux-là ont reçu le nom d'anges. C'est pour cela qu'on les dit chargés d'annoncer des choses minimes, parce que leur ministère est limité à un seul homme. On dit que les Archanges annoncent les grandes choses, parce que le bien général l’emporte sur celui d'un particulier. Dans le partage des fonctions des ordres de la première hiérarchie, saint Grégoire et saint Bernard sont d'accord avec saint Denys, parce qu'ils reconnaissent dans ces chœurs la jouissance qui consiste dans l’amour, quant aux Séraphins; dans la connaissance plénière, quant aux Chérubins, - et dans la possession continue, quant aux Trônes. Mais dans les fonctions qu'ils assignent aux deux ordres de la seconde et de la troisième hiérarchie, savoir aux Principautés et aux Vertus, ils semblent partagés d'opinion. En effet, saint Grégoire et saint Bernard considèrent la chose à un autre point de vue, en ce sens que la seconde hiérarchie possède la prééminence, et la dernière le ministère. La prééminence dans les Anges est de trois sortes : car les Anges ont la prééminence sur les esprits angéliques, et ce sont ceux qu'on appelle les Dominations : ils ont la prééminence sur les hommes de bien, ce sont les Principautés : ils ont la prééminence sur les démons, et on les appelle alors les Puissances. Leur rang et le degré de leur dignité sont ici évidents. Leur (118) ministère est de trois genres : il consiste dans les oeuvres, dans l’instruction, soit des grandes soit des petites choses. Le premier est rempli par les Vertus, le second par les Archanges, le troisième par les Anges.

La cinquième apparition est celle qu'on lit dans l’Histoire tripartite *. Auprès de Constantinople se trouve un endroit où autrefois était adorée la déesse Vesta, et sur l’emplacement duquel a été érigée, depuis, une église en l’honneur de saint Michel. Ce lieu a reçu le nom de Michaelium. Un homme, nommé Aquilin, était atteint d'une fièvre très forte, causée par des éruptions cholériques sanguinolentes **. Dans un accès les médecins lui donnèrent une potion qu'il vomit, et à la suite il rejetait le manger et le boire. Réduit à la dernière extrémité, il se fit conduire à l’église de saint Michel, dans la pensée qu'il y mourrait ou qu'il y serait guéri. Saint Michel lui apparut et lui (lit de faire une potion composée de miel, de vin et de poivré, dans laquelle il devait tremper tout ce qu'il mangerait, et qu'il serait délivré de sa maladie. Il le fit et fut entièrement guéri, quoique, d'après les règles de la médecine, il semble que l’on ne doit pas donner des remèdes échauffants aux cholériques.

Secondement. La solennité de saint Michel a le nom

 

* Livre II, c. XIX.

** Les textes ne s'accordent pas ici. Une version porte rubris choleris mota, et les ms. disent rubris coloribus nota, ce qui voudrait dire connu sous le nom de couleurs rouges, ou bien qui se manifestait par des taches rouges. On voit plus bas reparaître le mot cholericis, qui indiquerait la première version comme la meilleure.

 

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de Victoire. On trouve un grand nombre de victoires remportées par saint Michel archange et parles anges. La première est celle que l’archange Michel fit remporter aux Sipontins; de la manière suivante, quelque temps après la découverte rapportée plus haut. Les Napolitains, encore païens, guerroyèrent avec une armée en bon ordre contré les Sipontins et les Bénéventins (Naples est cependant éloignée de cinquante milles de Siponto). Ces derniers, de l’avis de l’évêque, demandèrent une trêve de trois jours, afin de pouvoir vaquer au jeûne et invoquer à leur secours leur patron saint Michel. Or, la troisième nuit, l’archange apparaît à l’évêque, lui dit que les prières ont été exaucées, promet la victoire, et ordonne d'attaquer l’ennemi à la quatrième heure du jour. Lorsqu'on en vint aux mains, le mont Gargan est ébranlé d'un immense tremblement; la foudre ne cesse de sillonner les airs, et un brouillard épais couvre le sommet entier de la montagne, de sorte que 600 ennemis tombent percés sous le fer des chrétiens et par la foudre. Le reste reconnut la puissance de l’archange, abandonna l’idolâtrie et se soumit à la foi chrétienne aussitôt après. La seconde victoire est celle que l’archange Michel remporta quand il chassa du ciel le dragon, c'est-à-dire Lucifer avec tous ceux de sa suite. Le fait est raconté dans l’Apocalypse : « Il se livra un grand combat dans le ciel, Michel y combattit avec ses anges; etc.,» Lucifer voulait s'égaler à Dieu, l’archange Michel, le porte-étendard de l’armée céleste, vint et chassa du ciel ce Lucifer avec sa suite entière, et le repoussa dans l’air caligineux pour qu'il  (120) y restât jusqu'au jour du jugement. Il ne leur fut pas permis d'habiter le ciel, ni la partie supérieure de l’air, parce que c’est un endroit clair et agréable, ni de rester sur la terre avec nous, parce qu'ils nous incommoderaient trop ; mais ils résident dans l’air, entre le ciel et la terre, afin qu'en regardant au-dessus d'eux et en voyant la gloire qu'ils ont perdue, ils en ressentent de la douleur, et qu'en regardant en bas et en voyant l’humanité au ciel d'où ils sont tombés, ils en soient souvent tourmentés d'envie. Cependant Dieu permet souvent qu'ils descendent auprès de nous pour nous éprouver, et il a été montré à quelques saints personnages qu'ils voltigent souvent autour de nous comme des mouches. Ils sont innombrables, et l’air en est rempli comme -par ces insectes. C'est ce qui fait dire à Haymon : « Ainsi que l’ont avancé les philosophes et nos docteurs, l’air qui nous environne est rempli de démons et d'esprits malins, comme le rayon de soleil l’est des plus minces atomes. » Quoiqu'ils soient en aussi grand nombre, cependant, d'après le sentiment d'Origène, leurs bataillons diminuent quand nous les avons vaincus ; en sorte que celui d'entre eux qui a été vaincu par un saint ne peut plus le tenter pour le vice à l’égard duquel il a été vaincu. La troisième victoire est celle que les anges remportent tous les jours contre les démons,quand ils nous délivrent des mauvaises tentations en combattant pour nous contre nos ennemis. Or, ils nous délivrent de la tentation en trois manières : 1° en maîtrisant la puissance du démon (Apocalypse) 2° l’ange qui lie le démon et le jette dans l’abîme (121) (Tobie (VIII), le diable lié dans le désert), ce qui n'est autre chose que la puissance du démon enchaînée; 3° en refroidissant la concupiscence, effet signalé dans la Genèse (c. XXXII) où il est dit que l’ange toucha le nerf de Jacob et il se sécha aussitôt; 4° en rappelant à notre souvenir la passion de Notre-Seigneur. L'Apocalypse l’indique en disant (VII) : « Ne frappez ni la terre, ni la mer, ni les arbres avant que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu. » Et dans Ezéchiel (IX) : « Marquez un Thau sur le front des hommes qui gémissent. » La lettre Thau a la forme d'une croix, et ceux qui en ont été marqués n'ont plus à craindre les coups de l’ange. Il est encore écrit au même livre : « Celui sur lequel vous verrez le Thau, ne le tuez point. » — La quatrième victoire est celle que l’archange Michel doit remporter sur l’antéchrist quand il le tuera. « Alors est-il dit dans Daniel (XII), Michel, le grand prince s'élèvera ! lui qui est le protecteur et le soutien des êtres, il se posera vigoureusement contre l’antéchrist. Après quoi l’antéchrist (d'après la glose sur ce passage de l’Apocalypse (XIII) : « Je vis une des têtes de la bête, blessée à mort ») simulera qu'il est mort, et pendant trois jours il se cachera; puis il apparaîtra en disant qu'il est ressuscité. Par des procédés magiques, les démons le prendront et le transporteront dans les airs, et tout le monde, dans l’admiration, l’adorera. Enfin il gravira le mont dés Olives, ainsi que le dit la glose sur ce passage de la IIe épître aux Thessaloniciens (II) : « Le Seigneur Jésus le détruira par le souffle de sa bouche », et tandis qu'il sera dans son pavillon, et sur le trône (122) qui lui aura été préparé en ce lieu, d'où le Seigneur est monté au ciel, Michel viendra et le tuera. C'est de ce tombât et de cette victoire qu'il est question, d'après saint Grégoire, dans ces paroles de l’Apocalypse (XII): « alors il se donna une grande. bataille dans le ciel. » Paroles qui ont rapport aux trois batailles de saint Michel : à celle qu'il livra contre Lucifer quand il le chassa du paradis ; à celle qu'il livre aux démons qui nous incommodent, et à celle enfin dont il est ici question, et qui sera livrée à la fin du monde contre l’antéchrist.

Troisièmement, cette solennité se nomme Dédicacé parce que l’archange Michel révéla que cet endroit; sur le mont Gargan, avait été dédié par lui-même à pareil jour *. Quand les Sipontains furent revenus après le carnage de leurs ennemis sur lesquels ils avaient remporté une victoire si éclatante, ils conçurent des doutes s'ils devaient entrer dans cet endroit ou en faire la dédicace. Alors l’évêque envoya consulter à cet égard le pape Pélage, lequel répondit : « Si c'était un homme qui dût faire la dédicace de cette église, il le faudrait faire certainement au jour où la victoire a été accordée. Si au contraire saint. Michel est d'un avis opposé, il faut là-dessus s'enquérir de sa volonté.» Quand le pape, l’évêque et les citoyens de Siponto, eurent passé trois jours dans la prière et le jeûne, saint. Michel apparut à l’évêque en ce jour et lui dit : « Vous n'avez pas besoin de dédier l’église que j'ai édifiée. Je l’ai dédiée comme je l’ai bâtie moi-même. »

 

* Siméon Métaphraste; — Bréviaire romain.

 

123

 

Il lui ordonna de s'y rendre le lendemain avec le peuple, d'y faire leur prière et qu'on ressentirait alors qu'il était leur patron spécial. Ensuite il lui donna un signe auquel il reconnaîtrait que l’église avait été consacrée : c'était d'y monter du côté de l’orient par un sentier de traverse : ils y devaient trouver les pas d'un homme empreints sur le marbre. Le lendemain matin l’évêque et tout le peuple vinrent, à cet endroit et étant entrés dans une grande crypte, ils trouvèrent trois autels, dont deux étaient placés, au midi et le troisième qui se trouvait du côté de l’orient était magnifique et enveloppé d'une couverture rouge. La messe y fut célébrée solennellement et tous ayant. reçu la. sainte communion, revinrent chez eux remplis d'une joie extraordinaire. L'évêque y établit des prêtres et des clercs pour célébrer continuellement l’office divin. Il coule dans cette caverne une source d'eau limpide et fort agréable au goût. Le peuple en boit après la communion et divers malades en sont guéris. Alors le souverain pontife, ayant appris ces merveilles, établit qu’en ce jour on célébrerait par tout l’univers la fête de saint Michel et de tous les esprits bienheureux.

Quatrièmement cette solennité a reçu le nom de Mémoire : Nous y faisons en effet la mémoire de tous les saints anges en général. Ils ont droit à nos. louanges et à nos honneurs pour plusieurs motifs. Ils sont nos gardiens, nos directeurs, nos frères et nos concitoyens : ce sont eux qui portent nos âmes au ciel; ils présentent nos prières à Dieu, ce sont les plus nobles soldats du roi éternel, et les consolateurs des affligés. 1° Vous devons les honorer, parce qu'ils (124) sont nos gardiens. A chaque homme sont donnés deux anges, un mauvais pour l’exercer, et un bon pour le garder. L'homme est gardé par un bon ange dès le sein de sa mère, dès sa naissance, et aussitôt qu'il voit le jour, et il l’est encore quand il est devenu grand. Or, dans ces trois états, l’homme a besoin de la garde de l’ange : car quand il est tout petit dans le sein de sa mère, il peut être tué et être damné; hors du sein de sa mère, avant l’âge adulte il peut être empêché de recevoir le baptême; parvenu à l’âge adulte, il peut être entraîné à commettre différents péchés; le diable séduit la raison de l’adulte par ses artifices; il allèche sa volonté par des caresses, il opprime sa vertu par la violence. Il était donc nécessaire qu'il y eût un bon ange chargé de garder l’homme pour l’instruire, le protéger contre les tromperies, l’exhorter, et le pousser au bien malgré les caresses et enfin le défendre de toute pression contre la violence. On peut assigner quatre résultats que l’homme obtient de la protection de son ange gardien. Le premier, c'est de faire avancer l’homme dans l’acquisition de la grâce l’ange le fait en trois manières : 1° en écartant tout ce qui empêche d'opérer le bien. Ceci est indiqué dans l’Exode (XII) où il est dit que l’ange frappa les premiers-nés de l’Egypte. 2° En chassant la paresse, comme il est dit dans le livre du Prophète Zacharie (IV): « L'ange du Seigneur me réveilla comme un homme qu'on réveille de son sommeil. » 3° En le conduisant dans la voie de la pénitence et en le ramenant: ce qui est signifié par l’ange qui conduisit et ramena Tobie (V). Le second, c'est de l’empêcher de tomber en faute : (125) ce que l’ange fait de trois manières : 1° En empêchant par avance que le péché ne soit commis, cè qui est indiqué au livre des Nombres (XXII) où il est dit que Balaam qui allait pour maudire Israël en fut empêché par un auge. 2° En reprenant du péché passé afin de s'en corriger : comme au livre des Juges (II) où l’on voit que quand l’ange reprit les enfants d'Israël de leur prévarication, ils élevèrent leurs voix et se mirent à pleurer. 3° En faisant pour ainsi dire violence afin de quitter le péché actuel : ainsi que cela est signifié dans la violence apportée par l’ange pour chasser Loth et sa femme de Sodome, c'est-à-dire, de l’habitude du péché. Le troisième, c'est de s'élever après la chute: l’ange l’obtient en trois manières : 1° En excitant à la contrition : fait signalé dans le livre de Tobie (XI) où d'après les ordres de l’ange ; le jeune Tobie enduisit du fiel du poisson (ce qui signifiait la contrition) les yeux de son père, c'est-à-dire, les yeux du coeur. 2° En purifiant les lèvres pour se confesser dignement, comme Isaïe (VI) eut les lèvres purifiées par un ange. 3° En faisant accepter avec joie la satisfaction : d'après ce passage de saint Luc (XV) qu'il y aura une plus grande joie dans le ciel pour un seul pécheur qui fait pénitence que pour quatre-vingt-dix-neuf justes restant dans la persévérance. Le quatrième résultat, c'est que l’homme ne succombe ni si souvent, ni en tant de maux, chaque fois que le diable l’y porte et l’y entraîne. Ce que l’ange fait, de trois manières : «En mettant un frein à la puissance du démon. 2 ° En affaiblissant la concupiscence. 3° Et en gravant dans nos coeurs le souvenir de la passion de Notre-Seigneur. (126) Ce qui a été dit ci-dessus suffit pour le prouver.

Secondement, nous devons les honorer parce qu'ils sont nos directeurs. Car tous les anges, dit l’épître aux, Hébreux (I), sont des esprits qui tiennent lieu de serviteurs et de ministres. Tous ont une mission par rapport à nous ; les supérieurs sont envoyés à ceux du second rang, ceux-ci aux derniers, et ces derniers à nous. Or, cette mission est bien en rapport : 1° Avec la bonté de Dieu. Car cette divine bonté est manifeste en tant qu'elle veut et aime notre salut quand elle envoie et nous transmet les plus nobles esprits qui lui sont intimement unis, pour nous donner les moyens d'être sauvés. 2° Avec la charité des anges; parce que c'est la fin d'une charité parfaite de désirer ardemment le salut des autres. C'est pourquoi Isaïe dit

« Me voici, Seigneur, envoyez-moi. » Or, les anges peuvent nous aider parce qu'ils nous voient privés de leurs secours et attaqués par les mauvais anges. S'ils sont envoyés vers nous, c'est que la loi de la charité angélique l’exige. 3° Avec l’indigence de l’homme: car les bons anges sont envoyés : 1° Pour enflammer notre coeur d'amour. Le char de feu qui les porte en est la figure. 2° Pour éclairer l’intelligence dans la connaissance de ses devoirs. Ceci est figuré dans l’ange de l’Apocalypse (X) qui avait un livré à la main. 3° Pour fortifier notre faiblesse jusqu'à la fin. Ce qui est indiqué dans le IIIe livre des Rois (XIX) où on lit qu'un ange porta à Elie un pain cuit sous la cendre et un vase d'eau. Alors ce prophète mangea et marcha, après s'être fortifié par cette nourriture, jusqu'à Oreb, la montagne de Dieu. Troisièmement, nous devons les (127) honorer parce qu'ils sont nos frères et nos concitoyens. Tous les élus, en effet, sont appelés à faire partie des chœurs des anges ; quelques-uns des supérieurs, quelques autres des inférieurs un certain nombre sont choisis pour rester avec ceux qui occupent une place intermédiaire, selon leurs mérites ; mais la bienheureuse Vierge est au-dessus de tous. Saint Grégoire paraît n'être pas de ce sentiment dans une de ses homélies. a Il y en a, dit-il, qui ne conçoivent que peu de choses, mais qui cependant ne laissent pas d'en faire part à leurs frères : ceux-ci sont mis au rang des Anges. Il v en a qui parviennent à comprendre et à manifestera ce qu'il y a de plus sublime dans les secrets du ciel ; ils sont au rang des Archanges. Il y en a qui opèrent des miracles prodigieux et dont les oeuvres sont marquées au coin de la puissance ; ils sont avec les Vertus. Il yen a qui, par la force de leurs prières. et par l’effet de la puissance qu'ils ont reçue, mettent en fuite les esprits malins ; ils 'sont avec les Puissances. Il y en a qui, par les vertus qu'ils ont reçues, surpassent les élus en mérite, et sont à la tète de ceux qui sont élus comme eux ; ils partagent alors les prérogatives des Principautés. Il y en a encore qui exercent un tel empire en eux-mêmes sur tous les vices, qu'en raison de cette pureté, ils reçoivent des hommes le nom de Dieux; ainsi qu'il est dit à Moïse: « Voici que je t'ai établi le Dieu de Pharaon » (Exode, VII) : ceux-là sont avec les Dominations. Il y en a d'autres dans la personne desquels le Seigneur, comme sur son trône, juge les actes des autres, et qui, en gouvernant la sainte Eglise, jugent devoir être admis au (128) nombre des élus la plupart de ceux qui la composent et dont les actions pourraient être attribuées à la faiblesse ; ce sont ceux qui se trouvent avec les Trônes. Il y en a qui sont remplis plus que d'autres de l’amour de Dieu et du prochain et qui ont mérité de partager le rang des Chérubins, parce que chérubin veut dire plénitude de science et que, d'après saint Paul, la plénitude de la loi c'est l’amour. Il s'en trouve encore qui, enflammés par l’amour de la contemplation des choses du ciel, tendent de tous leurs efforts vers leur créateur, ne désirent plus rien de ce qui est ici-bas, se rassasient de l’amour seul de l’éternité, méprisent tout ce qui est de la terre, s'élèvent en esprit au-dessus de ce qui appartient au temps, aiment et brûlent, en même temps qu'ils trouvent le repos dans leur amour, qui brûlent en aimant, qui embrasent par le feu de leurs paroles, et dont le langage a la vertu d'embraser de suite de l’amour de Dieu ceux auxquels ils s'adressent, et alors ils n'ont pu être appelés ailleurs que dans le chœur des Séraphins. »

Quatrièmement, on doit honorer les anges parce qu'ils portent nos âmes au ciel ; ce qu'ils font en trois manières : 1° En leur préparant la voie (Malach., III). « Je vais vous envoyer mon ange qui préparera ma voie devant ma face.» 2° En les portant au ciel sur la voie qui a été préparée (Exod., XXIII) : « Je vais envoyer mois ange qui te gardera en route et qui t'introduira dans la terre que j'ai promise à tes pères. » 3° En les plaçant dans le ciel (Luc, XVI) : « Il arriva que le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d'Abraham. »

 

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Cinquièmement, nous devons honorer les Anges; parce qu'ils présentent eux-mêmes nos prières à Dieu : 1° Ils offrent eux-mêmes nos prières à Dieu, comme il est dit au livre de Tobie (XII) : « Lorsque vous priiez avec larmes et que vous ensevelissiez les morts, j'ai présenté moi-même vos prières au Seigneur. » 2° Ils s'interposent en notre faveur, ainsi qu'on le voit au livre de Job (XXXIII) : « Si l’ange choisi entre mille parle pour l’homme et qu'il annonce au Seigneur l’équité de cet homme, Dieu aura compassion de lui. » Le prophète Zacharie dit encore (I) : « L'ange du Seigneur parla ensuite et dit : Seigneur des armées, jusqu'à quand différerez-vous de faire miséricorde à Jérusalem et aux villes de Juda contre lesquelles votre colère est émue ? Voici déjà la soixante et dixième année de leur ruine. » 3°  Ils nous apportent les ordres de Dieu. Daniel (IX) rapporte que Gabriel vola vers lui pour lui dire: « Dès le commencement de votre prière, j'ai reçu cet ordre de Dieu (la Glose), et je suis venu pour vous découvrir les choses dont le Seigneur  m’a chargé de vous instruire, parce que vous êtes un homme de désirs. » Saint Bernard parle ainsi sur ces trois fonctions des anges dans son livre sur le Cantique des Cantiques: « L'ange court du bien-aimé à la bien-aimée, offrant les voeux, rapportant les présents. Il émeut celle-ci et apaise celui-là. »  Sixièmement, il faut les honorer parce qu'ils sont les nobles soldats du roi éternel, d'après ce qu'il est dit dans Job (XXV) : « Peut-on compter le nombre de ses soldats? » Parmi les soldats du roi, nous en voyons qui demeurent à sa cour, l’accompagnent (130) et se livrent à des chants en son honneur pour le distraire; quelques-uns gardent les villes et les places fortes du royaume ; d'autres combattent ses ennemis; il en est de même des soldats de J.-C. dont nous venons de parler ; toujours à la cour céleste, c'est-à-dire au ciel empirée, ils accompagnent le Roi des rois, et. en son honneur ils chantent constamment des cantiques de liesse et de gloire en disant: « Saint, saint, saint : Bénédiction, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et force à notre Dieu dans les siècles des siècles. » (Apoc., VII.) D'autres sont préposés à la garde des villes, des banlieues, des campagnes et des camps. Ce sont ceux qui sont établis pour nous garder, qui sont les gardiens des vierges, des continents, des mariés et des communautés religieuses : « Jérusalem, est-il dit au ch. XIII d'Isaïe, j'ai établi des gardiens sur tes murs. » D'autres enfin combattent les ennemis de Dieu, c'est-à-dire les démons. « Il y eut, dit l’Apocalypse, un grand combat dans le ciel, c'est-à-dire d'après une explication, dans l’église militante. Michel et ses anges combattaient avec le dragon. » Septièmement enfin, on doit honorer les anges, parce qu'ils sont les consolateurs des affligés. « L'ange, dit Zacharie (I),  m’adressait de bonnes et consolantes paroles.» L'ange dit à Tobie (V) : « Ayez bon courage. » Ils exécutent cette fonction de trois manières : 1° en donnant de la vigueur et de la force. Daniel était tombé de frayeur, quand l’ange le toucha et lui dit (X) : « Ne craignez pas; la paix soit avec vous : reprenez vigueur et soyez ferme. » 2° En préservant de l’impatience. « Le Seigneur, dit (131) le Psaume  XC a ordonné à ses anges de vous garder dans toutes vos voies ; ils vous porteront sur leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre la pierre. » 3° En calmant et affaiblissant la tribulation elle-même : Daniel l’indique (III) quand il rapporte que l’ange du Seigneur descendit avec les trois enfants dans la fournaise et excita au milieu d'elle un vent frais et une douce rosée.

 

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