JOSSE
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SUPPLÉMENT A LA LÉGENDE DORÉE

SAINT JOSSE *

 

Saint Josse, fils de Judicaël, roi des Bretons, eut pour frère aîné saint Judaël, qui succéda au trône de son père. Ces deux frères, ou plutôt ces deux joyaux du ciel; furent contemporains de Dagobert, avec lequel Judicaël fit un traité de paix après de graves dissensions, et ce roi des Francs le combla. de grands avantages. Rentré en Bretagne, il songea à abandonner le royaume de la terre, afin de gagner le royaume du ciel, en menant la vie monastique. Afin de pouvoir mettre son projet à exécution et de jouir du bonheur d'habiter: avec les moines, il fit appeler par-devant lui son frère cadet Josse, pour lui confier les rênes du gouvernement. Mais Josse, aussi fervent que son frère dans l’amour de Dieu, sollicita un délai de huit jours pour aviser. Durant cet intervalle, il se mit fort en peine, le jour et la nuit, de trouver un moyen pour renoncer au trône, en fuyant aussi sa patrie et rendre inutiles les bonnes dispositions de son frère à son

 

* La vie de saint Josse a été donnée par Mabillon, en son livre Sur le benedictus. Orderic Vital la rapporte ainsi que ses miracles.

 

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égard. Il se retira donc dans un monastère où il avait étudié les belles-lettres, et il s'y livrait à de fréquentes prières, quand passèrent par là douze pèlerins, qui avaient l’intention pieuse d'aller visiter les tombeaux des saints apôtres Pierre et. Paul. Il s'entendit en secret avec eux, et vint. à Paris dans leur société, mais il hésita à les suivre plus loin. D'après l’inspiration de l’Esprit-Saint qui dirigeait chacun de ses pas, il les quitta et les laissa poursuivre leur route, et vint en toute hâte vers les limites du Ponthieu, où se trouvaient de vastes forêts habitables seulement pour les animaux et les bêtes farouches. Heureux de rencontrer une solitude aussi profonde, il résolut de s'y construire une habitation sur les rivés de l’Authie mais le comte Haymon, seigneur du pays, l’empêcha pendant sept ans de réaliser son dessein. Il passa ce temps à se perfectionner dans les lettres, et reçut les saints ordres. Après avoir été ordonné prêtre, il leva des fonts sacrés le fils du comté, qui avait conçu à son égard la plus grande vénération. Au bout de sept ans; il, embrassa la vie solitaire, dans un endroit entouré de tous côtés par la rivière d'Authie, où il bâtit une église et une petite maison. Entre les miracles que, Dieu opéra. par son entremise, on peut relater que. les poissons et les oiseaux de tous genres se laissaient toucher par lui, et venaient recevoir de ses mains sacrées leur nourriture, puis ils se retiraient comme des animaux apprivoisés. Un jour, qu'il n'avait qu'un petit pain pour sa nourriture et celle de son disciple, Notre-Seigneur vint, sous la figure d'un pauvre, demander l’aumône. L'homme de Dieu ordonna de (497) couper le pain en quatre et de donner un quart au mendiant. A peine celui-ci était-il sorti, que le Seigneur redent; sous la figure d'un autre mendiant mourant de faim; on l’assista en lui donnant un second quart du pain. Presque aussitôt, il revient comme exténué et défaillant, et on lui délivra le troisième morceau. Un instant après, Notre-Seigneur apparaît, sous les dehors d'un- nouveau mendiant, comme les trois fois précédentes. Mais il ne restait plus à manger que le demi-quart. Josse, en homme de Dieu, commanda encore de le donner. « Mais, lui dit son disciple, voulez-vous qu'il nous reste quelque chose ? » « Non, répondit le saint, donnez tout à celui qui a faim; car Notre-Seigneur a la puissance de pourvoir encore aujourd'hui à ce qui nous est indispensable. » Notre-Seigneur venait à peine de se retirer, et le serviteur de Die consolait encore son disciple agacé d'avoir distribué tout le pain, quand, on vit, à travers la fenêtre arriver quatre barques pleines, de vivres qu'on déchargea, sans qu'on sache encore aujourd'hui qui les avait amenées, ni ce qu'elles devinrent. Ces miracles et d'autres encore; que Dieu daigna opérer en ce lieu par son serviteur, excitèrent au loin le besoin, de venir le visiter, pour solliciter ses prières. Après huit ans écoulés, ne pouvant plus supporter le concours du peuple, il, se retira, sous la conduite du Seigneur, dans un autre désert oit, après avoir construit un oratoire en l’honneur de saint Martin, ainsi qu'une toute petite maison; il eut à subir les assauts du démon, l’espace de quatorze ans qu'il vécut en ce lieu. En faisant le signe de la croix, il fit tomber du haut des (498) airs un aigle qui lui enleva son coq et onze poules, l’une après l’autre; le coq lui revint sain et sauf. Peu de temps après, le diable, changé en une horrible couleuvre, lui mordit gravement le pied. Cette blessure lui fut un avertissement du Saint-Esprit de passer en un autre endroit. Accompagné du comte Haymon, il parcourait un grand désert pour trouver un lieu d'habitation, quand le comte fut pris d'une soif ardente ; accablé de tant de fatigue, il s'endormit. Alors le serviteur de Dieu, saint Josse, fit une prière, puis s'étant levé, semblable à un autre Moïse, il ficha en terre le bâton qui lui servait de soutien ; l’eau jaillit et coula comme d'une source abondante. Pleins de joie, le comte et sa suite apaisèrent l’ardeur de leur soif, et aujourd'hui encore, cette fontaine fournit de l’eau en quantité suffisante pour désaltérer les passants. De là, le saint s'étant dirigé vers la mer, il gravit une petite colline, près d'une vallée ombragée, et, charmé du site, il s'écria : « C'est ici le lieu où je dois rester, comme dans un repos, pour ma vie. » Le comte revint chez lui, et l’homme de Dieu construisit de ses propres mains, en cet endroit, deux oratoires, l’un dédié à saint Pierre, le prince des apôtres, et l’autre à saint Paul, le docteur des gentils. Peu de temps après, il partit pour Rome, où l’avait appelé le bienheureux Martin, souverain pontife, qui désirait, depuis longues années, le voir et profiter de ses saints entretiens. Il en fut reçu avec les honneurs qu'il méritait, et très bien traité. Le Saint-Esprit, qui était en toutes choses son guide et son maître, l’avertit à Rome de revenir en l’ermitage qu'il avait choisi sur (499) la terre pour sa demeure, en le prévenant que bientôt il devait eu sortir, pour entrer dans la compagnie des anges. Après de longs et fréquents entretiens sur les affaires de l’éternité, et des prières mutuelles entre le Souverain Pontife. et Josse, le saint revint, avec des . reliques bien précieuses, sur les confins du. Ponthieu, où il fut accueilli avec une extrême joie dans tout le pays. C'est là, sur la montagne qui lui servait de demeure, que repose le corps du saint. D'après le conseil de ses parents, une jeune fille née sans yeux fut amenée alors à saint Josse, et, selon qu'elle en avait été instruite dans une vision, elle se lava la figure et l’endroit où devaient être ses yeux avec l’eau dont le saint homme s'était lavé les mains, et à l’instant les  yeux parurent, et elle commença à voir clair. En présence du comte Haymon et d'une foule innombrable de peuple accouru pour recevoir saint Josse, celui-ci déposa, avec tout le respect convenable, les précieuses reliques qu'il avait rapportées, dans leur nouvelle église bâtie récemment en pierres, de taille, en l’honneur de saint Martin. Puis, l’homme de Dieu se prépara à célébrer les saints mystères, revêtu d'une chasuble blanche comme la neige. Il était à l’autel le 3 des ides de juillet; et célébrait la messe avec une piété extraordinaire, quand on vit la main divine apparaître en l’air, entre les saints mystères et lui ; alors une voix se fit entendre et lui assura la propriété de son ermitage et les bénédictions éternelles, en disant : « Puisque tu as méprisé les richesses de la terre et refusé le trône de ton père, pour choisir la pauvreté et vivre caché dans ce lieu désert, je t'ai préparé une (500) couronne dont tu seras ceint au milieu des chœurs angéliques; quant à ce lieu, où tu rendras le dernier soupir, j'en serai le défenseur et le gardien à toujours, et dans le cours des âges, tous ceux qui viendront visiter cette habitation, avec piété et pureté de coeur, seront, en mémoire de ton nom, comblés de la grâce divine et parviendront aux joies éternelles. » Dès cet instant, saint Josse, quoique revêtu d'un corps mortel, semblait plutôt vivre comme un ange que comme un homme. Aux ides de décembre, il s'endormit dans le Seigneur qui manifesta sa présence et le concours des anges par une lumière extraordinaire, dont les yeux ne pouvaient supporter l’éclat, et par une odeur céleste d'une incomparable douceur. Son corps, resté vierge et exempt de toute souillure charnelle, resta sain et entier dans son tombeau pendant 40 ans, comme si la vie l’animait encore, et les gardiens lui coupaient, tous les samedis, les ongles des mains et des pieds, les cheveux et la barbe qui croissaient comme durant' sa vie: ce qui Aura jusqu'au jour où le Successeur d'Haymon, moins respectueux et oubliant ces paroles de l’Écriture : « Tu ne violeras pas le sanctuaire du Seigneur », accourut violer, avec ses satellites, l’endroit où reposait cette relique sacrée ; mais il n'eut pas plutôt vu le miracle, qu'il fut à l’instant frappé de cécité et s'écria comme un insensé: « Ah! ah ! saint Josse. » Il resta sourd et muet jusqu'à sa mort. Nous ne saurions écrire ni raconter la quantité de miracles que le Seigneur a daigné opérer par les mérites du saint en faveur des fidèles et dont nous avons été les témoins oculaires; comme la (501) résurrection de plusieurs morts qui avaient été pendus et noyés, et des bienfaits accordés par son intercession pour obtenir des biens temporels. Un homme, plein de vénération pour saint Josse; avait un fils au berceau ; un incendie enveloppe sa maison de toutes parts: l’enfant fut préservé miraculeusement par saint Josse, quoique les langes qui l’enveloppaient et le berceau lui-même fussent réduits en cendre et eh poussière, pour qu'il fût évident que la flamme, qui avait été assez violente pour consumer la pierre et le bois, n'avait pu nuire à un tendre enfant placé sous la protection de saint Josse. Plus tard, cet enfant se fit novice dans le monastère du saint. Compter le nombre de sourds, de boiteux, de paralytiques et d'autres malades qui obtinrent d'être guéris, serait impossible. Le bienheureux, après sa mort, ne voulut conserver d'autre témoignage de sa dignité royale que, celui de ne permettre qu'aucune autre matière que de la cire brûlât dans le lieu où repose son saint corps. Trois moines en firent une funeste expérience en voulant en vain faire brûler des chandelles de suif. Deux furent frappés de mort subite pour leur témérité et le troisième fut puni d'une contraction de la bouche qui lui dura jusqu'à sa mort. Les fêtes en l’honneur de saint Josse sont célébrées ainsi qu'il suit : la première, au jour de saint Barnabé, qui est l’anniversaire de l’apparition de la main divine au-dessus de lui pendant la sainte messe. (Ce miracle se reproduisit plusieurs fois en faveur de quelques saints, pour confirmer la vérité du grand mystère de l’Eucharistie et pour affermir les cours chancelants dans la foi.) La seconde a lieu au (502) jour de saint Jacques, apôtre, frère de saint Jean l’évangéliste : c'est celle de l’invention de son corps. La troisième se célèbre le jour de sainte Lucie qui est celui de sa mort.

 

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