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SAINT FRANÇOIS *
François s'appela, d'abord Jean, mais, dans la suite; il changea de nom et s'appela François. Il paraît que ce fut pour plusieurs motifs que ce changement ut lieu. 1° Comme souvenir d'une chose merveilleuse; savoir: qu'il reçut de Dieu d'une manière miraculeuse le don de la langue française ; ce qui fait dire dans sa légende que, toujours, quand il était embrasé du feu de lEsprit Saint, il exprimait en français ses émotions brûlantes. 2° Afin que son ministère fût manifesté; c'est pour cela qu'il est dit dans sa légende que ce fut par un effet de la sagesse divine qu'il, fut ainsi appelé, afin due par ce nom singulier, que personne n'avait
* Cette légende est compilée d'après les Vies du Saint et les Chroniques de lOrdre de Saint-François.
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encore porté, le but de son ministère fût plus vite connu dans tout lunivers. 3° Pour indiquer les résultats qu'il devait obtenir; car, ainsi, on donnait à comprendre que, par lui et par ses enfants, il devait rendre francs et libres une quantité d'esclaves du péché et du démon. 4° A raison de sa magnanimité de cur, car franc vient de férocité; il y a, en effet., dans le caractère français; un instinct de férocité joint à la magnanimité. 5° En raison de la vertu de sa parole, qui tranchait dans le vice comme une francisque. 6° Pour la terreur que le démon ressentait quand François le mettait en fuite. 7° Pour sa sécurité dans la vertu, la perfection de ses oeuvres et lhonnêteté de sa manière de vivre. On dit, en effet, que les francisques étaient des insignes ayant la forme de haches, portées au-devant des consuls, comme marque .de terreur, de sécurité et d'honneur tout à la fois. François, le serviteur et lami du Très-Haut, né dans la ville d'Assise, et négociant, vécut dans la vanité jusqu'à lâge de près de vingt ans. Notre-Seigneur se servit du fouet de linfirmité pour le corriger et le changea subitement en un autre homme, en sorte que, dès cet instant, lesprit de prophétie commença à se faire remarquer en lui. Une fois, en effet, que pris avec beaucoup d'autres par des Pérousins, il avait été mis en une dure prison, quand tous ses compagnons étaient dans la tristesse, seul il entra dans des transports de joie ; et comme ils len reprenaient, il leur dit : « Vous saurez que si je me réjouis, c'est que je. serai honoré, comme un saint, du monde entier. » Un jour, dans un voyage qu'il faisait à Rome (149) par dévotion, il se dépouilla de ses habits et prenant ceux d'un pauvre, il s'assit au milieu des mendiants devant léglise de Saint-Pierre; il mangea avidement avec eux, comme lun d'entre eux; ce qu'il eût fait plus souvent s'il n'eût été retenu par respect pour lés personnes de sa connaissance. L'antique ennemi s'efforçait de le détourner de son bon propos, et lui rappela le souvenir d'une femme de son pays monstrueusement bossue, en le menaçant de le rendre comme elle, s'il ne se désistait de son entreprise ; mais le Seigneur qui le fortifia lui fit entendre ces paroles : « François, les choses amères, prends-les pour douces, et méprise-toi toi-même, si tu désires me connaître. » Il rencontra lors un lépreux, et quoique tous ceux qui sont affligés de cette maladie soient un sujet d'horreur, il se rappela loracle divin et courut embrasser ce lépreux, qui disparut aussitôt après. A linstant il se hâte d'aller dans les asiles des lépreux, leur embrasse les mains avec dévotion et leur donne de largent. II entre pour faire sa prière dans léglise de Saint-Damien, et une image du Christ lui adresse miraculeusement ces paroles : « François, va réparer ma maison, qui, comme tu le vois, s'écroule de toutes parts. » A dater de ce moment, son âme s'était comme fondue et la compassion pour J.-C. crucifié fut merveilleusement empreinte en son cur. Il mit tous ses soins à réparer léglise, et après avoir vendu ce qu'il avait, il voulait en donner largent à un prêtre; comme celui-ci refusait de le recevoir par crainte des parents de François, le saint jeta cet argent, en sa présence, comme une poussière méprisable. Ce fut alors que son (150) père le fit saisir et lier, mais François lui rendit le prix de la vente de ses biens, et se défit pareillement de son habit; dans cet état de nudité il se jeta dans les bras du Seigneur, et se revêtit d'un cilice. Le serviteur de Dieu appelle alors un simple particulier qu'il regarde comme son père en sollicitant ses bénédictions à la place de celui qui laccablait de malédictions. Son frère le rencontra, un jour d'hiver, couvert de haillons, et en. prières. En le voyant tout grelottant, il dit à quelqu'un : « Demande à François de te vendre une once de sueur. » Ce qu'entendant François, il répondit : « Vraiment j'en vendrai à mon Seigneur*.» Un jour qu'il avait entendu ces paroles adressées par Notre-Seigneur à ses disciples, quand il les envoya prêcher, à linstant il se mit en devoir de les pratiquer toutes à la lettre : il ôte ses souliers, se couvre d'une seule tunique, encore est-elle grossière et à la place d'une ceinture de cuir, il emprunte une corde. Par un temps de neige, et passant dans une forêt, il fut pris par des larrons; ils lui demandèrent qui il était, il répondit qu'il est le héraut de Dieu. Alors ils le prirent et le jetèrent dans la neige, en disant: « Dors, rustique héraut de Dieu. » Beaucoup de nobles et de roturiers, tant clercs que laïques, quittèrent les pompes du monde pour s'attacher à lui. Ce père en sainteté leur enseigna à pratiquer la perfection évangélique, à embrasser la pauvreté et à marcher dans: la voie de la sainte simplicité. Il écrivit en outre une règle évangélique pour lui et les
* Chronique de lOrdre de Saint-François, Ire p. l. I, c. v.
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frères qu'il avait et qu'il aurait, règle qui fut confirmée par le pape Innocent III. Depuis lors, il commença à répandre avec plus de ferveur que jamais la semence de la parole de Dieu, et à parcourir les villes et les bourgs, animé d'un zèle admirable. Il y avait un frère qui, extérieurement, paraissait d'une éminente sainteté, toutefois il était fort original; il observait la règle du 'silence avec une telle rigueur qu'il ne se confessait que par signes et non de vive voix. Tout le monde le louait comme un saint, mais lhomme de Dieu vint dire : « Cessez, mes frères, de louer en lui des illusions diaboliques : Qu'on lavertisse de se confesser une fois ou d'eux par semaine; que s'il ne le fait pas, il y a tentation du diable et supercherie. » Quand les frères donnèrent cet. avis à cet homme, il mit un doigt sur sa bouche et secouant la tête, il fit signe qu'il ne se confesserait pas. Peu de jours après; il retourna à son vomissement et mourut après avoir passé sa vie dans des actions criminelles. Dans un voyage, le serviteur de Dieu fatigué allait monté sur un âne; son compagnon frère Léonard d'Assises, qui . était aussi fatigué, se mit à penser et à dire en lui-même : « Ses parents et les miens ne jouaient pas de pair ensemble. » A linstant lhomme de Dieu descendit de son âne et dit à son frère : « Il n'est pas convenable que j'aille sur un âne et que vous alliez à pied, car vous avez été plus noble que moi. » Le frère, stupéfait, se jeta aux pieds du père et lui demanda pardon. Il rencontra, un jour sur son passage, une femme noble qui marchait à pas précipités. Le saint eut pitié de sa fatigue et de létat d'oppression qui (152) en était la suite; il lui demanda ce qu'elle cherchait « Priez pour moi, mon père, lui dit-elle, parce que mon mari mempêche de mettre à exécution un salutaire propos que j'ai résolu de suivre; et il me gêne fort de servir J.-C. » Saint François lui dit : « Allez, ma fille, dans peu, vous en recevrez de la consolation, et vous lui annoncerez, de la part de Dieu tout-puissant et de la mienne, que c'est maintenant pour lui le temps du salut, plus tard, ce sera celui de la justice. » Cette femme rapporta ces paroles à son mari qui se trouva changé tout d'un coup et promit de garder la continence. Un paysan mourait de soif dans un lieu désert; le saint lui obtint au même endroit une fontaine par ses prières. Par linspiration du Saint-Esprit, il révéla le secret suivant à un des frères qui était de ses intimes : « Il existe aujourd'hui sur la terre un serviteur de Dieu, en faveur duquel, tant qu'il sera en vie, le Seigneur ne permettra pas que la famine sévisse sur les hommes. » Or, on raconte que la prédiction se réalisa effectivement : mais quand il fut mort, il en arriva tout autrement; car, après son heureux trépas, il apparut au même frère et lui dit « Voici la famine, que, tout le temps de ma vie, le Seigneur ne laissa pas venir sur la terre.» A la fête de Pâques, les frères grecs du désert avaient préparé la table d'une manière plus recherchée qu'à lordinaire, avec des nappes et des verres ; quand lhomme de Dieu eut vu cela, il se retira à linstant; il se mit sur la tête le chapeau d'un pauvre qui se trouvait là pour lors, et un bâton à la main, il sort dehors et va attendre à la porte. Pendant que les frères étaient à (153) table, il criait à la porte que, pour lamour de Dieu, ils donnassent laumône à un pèlerin pauvre et infirme. On appelle le pauvre, on le fait entrer : il s'assied par terre à lécart et pose son plat sur la cendre. Les frères, voyant cela, furent tout stupéfaits, et il leur dit «J'ai vu la table parée et ornée, je me suis aperçu que ce n'est pas là lordinaire de pauvres qui vont mendier de porte en porte. » Il aimait à tel point la pauvreté en lui et chez les autres qu'il appelait toujours la pauvreté sa dame mais quand il voyait quelqu'un plus pauvre que lui, il en était jaloux et craignait d'être dépassé en cela par autrui. En effet; un jour qu'il avait rencontré une pauvre femme, il dit à son compagnon : « Le dénument de cette personne nous a fait honte; c'est une critique achevée de notre pauvreté, car à la place de mes richesses, j'ai fait choix de la pauvreté pour ma dame et voici qu'elle reluit plus en cette femme qu'en moi *. » Un pauvre vint à passer devant lui, et lhomme de Dieu en fut touché d'une vive compassion; alors son compagnon lui dit : « Bien que cet homme . soit pauvre, peut-être aussi n'y en a-t-il pas dans tout le pays qui soit plus riche en désir. » L'homme de Dieu répliqua: « Dépouillez-vous vite de votre tunique, donnez-la à ce pauvre, jetez-vous à ses pieds et reconnaissez hautement la faute dont vous venez de vous rendre coupable. » Le compagnon obéit tout aussitôt. Une fois il rencontra trois femmes semblables en tout pour la figure et pour la manière d'être,
* Hist. ord. Min., Ire p., I. VI, c. CVII.
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et elles le saluèrent en ces termes : « Que dame pauvreté soit la bienvenue », et elles disparurent de suite, sans qu'on les ait plus jamais vues. En venant à Arezzo où une guerre intestine s'était émue, lhomme de Dieu vit du faubourg des démons qui se réjouissaient au-dessus de ce pays; et appelant son compagnon nommé Silvestre, il lui dit : « Allez à la porte de la ville, et, de la part de Dieu tout-puissant, commandez aux démons d'en sortir. » Silvestre se hâta d'aller à la porte, où il cria avec force : « De la part de Dieu et par lordre de notre père François, démons, sortez, tous. » Peu de temps après, la concorde se rétablit parmi les citoyens. Ce même Silvestre, n'étant encore que prêtre séculier, vit en songe sortir de la bouche de saint François une croix d'or dont le sommet touchait le ciel, et les bras étendus au large embrassaient lune et lautre partie du monde. Touché de componction, le prêtre quitta aussitôt le monde et devint un parfait imitateur de lhomme de Dieu. L'homme de Dieu était en oraison et le diable lappela trois fois par son nom. Le saint lui répondit, et le diable ajouta : « Il n'est dans ce monde aucun homme, tel pécheur qu'il soit, auquel le Seigneur ne fasse miséricorde, s'il se convertit ; mais celui qui se tuera par une dure pénitence, ne trouvera jamais miséricorde. » Aussitôt le serviteur de Dieu connut par révélation la malice de lennemi qui s'était efforcé de le faire tomber dans la tiédeur. Mais lantique ennemi voyant qu'il n'avait pas eu le dessus de cette manière, lui inspira une forte tentation de la chair ; en la ressentant, lhomme de Dieu se dépouilla de son habit et se frappa avec une corde très mince, très serrée, en disant Allons, frère lâne, garde-toi bien de remuer, voilà comment il faut subir le fouet. » Mais comme la tentation tardait à s'éloigner, saint François alla se précipiter tout nu dans une neige épaisse, puis prenant de cette neige, il en fit sept blocs cri forme de boule, et se les mettant sous les yeux, il parla à son corps « Vois, lui dit-il : celle-ci qui est plus grosse, c'est ta femme ; de ces quatre, deux sont tes fils et deux sont tes filles, les deux qui restent sont ton domestique et ta servante. » Hâte-toi de les revêtir toutes, car elles meurent de froid; mais si ces soins multipliés t'importunent, ne sers que le Seigneur avec sollicitude. » Aussitôt le diable confus se retira et le saint revint à sa cellule en glorifiant Dieu. Il logeait depuis quelque temps chez Léon, cardinal de Sainte-Croix, qui lavait invité. Une nuit les démons vinrent le battre avec la plus grande violence. Il appela alors son compagnon et lui dit : « Les démons sont des hommes d'affaires destinés par Notre-Seigneur pour punir nos excès : or, je ne me rappelle pas avoir commis une faute que je n'aie expiée avec la miséricorde de Dieu et par la satisfaction; mais peut-être que le majordome a permis que ses gens se ruent sur moi, parce que je demeure à la cour des grands; ce qui a pu fournir à mes pauvres petits frères loccasion de concevoir de mauvais soupçons, quand ils me voient vivre dans les
* Castaldus. Sic appellabant Longobardi locorum, praediorum ac villarum praefectos, rerum dominicarum actores, procuratores, administratores, villicos. Ducange,V° Castaldus.
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délices et, labondance. » Il se leva de grand matin et s'en alla. Il était en oraison, un jour qu'il entendit sur le toit de la maison, des troupes de démons qui couraient avec grand bruit : aussitôt il sortit et faisant sur lui le signe de la croix, il dit : « De la part du Dieu tout-puissant, je vous dis, démons, de faire sur mon corps tout ce qui vous est permis : je suis disposé à tout supporter, parce que n'ayant pas de plus grand ennemi que mon corps, vous me vengerez de mon adversaire, pendant qu'à ma place, vous exercerez vengeance contre lui. » Alors les démons confus s'évanouirent. Un frère, le compagnon de lhomme de Dieu, vit, en extase, parmi les trônes du ciel, un de ces trônes très remarquable et brillant d'une gloire extraordinaire. Plein d'admiration il se demandait à qui ce siège éclatant était réservé, et il entendit qu'on lui disait : « Ce siège a appartenu à un des princes chassés du ciel et maintenant il est préparé à lhumble François. » Après sa prière, il demanda à lhomme de Dieu : « Que pensez-vous de vous-même, père? » « Je me considère, répondit le saint, comme un très grand pécheur. » Et aussitôt lEsprit dit dans le coeur du frère « Sache que ce que tu as vu est véritable; parce que lhumilité élèvera le plus humble de tous au trône qui a été perdu par lorgueil. » Dans une vision, le serviteur de Dieu aperçut au-dessus de lui un séraphin crucifié qui imprima les marques de sa crucifixion d'une manière si évidente sur François que le saint paraissait avoir été lui-même crucifié. Ses mains, ses pieds et son côté, furent marqués du caractère de la croix; mais il cacha ces (157) stigmates à tous les yeux avec grand soin. Quelques-uns cependant les virent de son vivant; mais à sa mort, il y en eut beaucoup qui les considérèrent. L'existence réelle de ces stigmates fut confirmée par de nombreux miracles, dont il suffira d'en rapporter deux qui eurent lieu après son décès. Dans la Pouille, un homme appelé Roger, qui avait sous les yeux limage de saint François, se mit à penser ceci en lui-même: «Serait-il vrai qu'il eût été honoré d'un pareil miracle; ou bien serait-ce une pieuse illusion, ou même une fourberie inventée par ses frères ? » Tandis qu'il roulait cela dans son esprit, tout à coup il entendit, un bruit semblable à celui d'un javelot lancé, par une baliste, et se sentit grièvement blessé à la main gauche; mais comme il n'y avait aucune déchirure à son gant, il lôta et trouva sur la paume de sa main une blessure profonde faite comme par une flèche. Il en résultait une chaleur si vive qu'il semblait devoir entièrement défaillir de douleur et de chaleur. Alors il se repentit et témoigna croire à la réalité des stigmates de saint François ; deux jours après, ayant prié le saint par ses stigmates, il fut aussitôt guéri. Au royaume de Castille, un homme dévot, à saint François allait à complies, et fut la victime innocente d'embûches dressées pour faire mourir un autre que lui ; il fut mortellement blessé et laissé pour mort. Après quoi, sort cruel meurtrier lui enfonça une épée dans la gorge et ne pouvant la retirer, il s'enfuit. On accourt, de toutes parts, on s'écrie et on le pleure comme un homme mort. Or, à minuit, comme la cloche des frères sonnait les matines, sa femme se mit à lui crier: «Mon (158) maître, lève-toi et va aux matines ; voici la cloche qui t'appelle. » Aussitôt le blessé lève la main et semble faire signe à quelqu'un d'extraire lépée, quand, aux yeux de tous, voici lépée qui saute en lair comme si elle eût été lancée par un poignet très vigoureux : à linstant cet homme se leva parfaitement guéri en disant: « Le bienheureux François est venu à moi, et apposant ses stigmates sur mes blessures, il en a rempli chacune d'elles . d'une onction suave et les a guéries miraculeusement par ce contact: comme il voulait se retirer, je lui faisais signe d'ôter lépée, parce que je ne pouvais parler autrement. Il la saisit et la jeta avec force et aussitôt il guérit entièrement ma gorge, en passant doucement ses stigmates dessus. » Saint François et saint Dominique, ces deux lumières du monde, se trouvaient à Rome en compagnie du cardinal d'Ostie qui fut dans la suite souverain pontife. Cet. évêque leur dit : « Pourquoi ne faisons-nous pas de vos frères des évêques et des prélats qui lemporteraient sur les autres par leur enseignement et leurs exemples ? » Ce fut à qui répondrait le premier. L'humilité de saint François lui donna la victoire en ne s'avançant pas : saint Dominique remporta aussi la victoire en répondant le premier par obéissance. Saint Dominique répondit donc : « Seigneur, s'ils veulent le reconnaître, mes frères ont été élevés à une position convenable; et tant que cela sera en mon pouvoir, je ne souffrirai pas qu'ils obtiennent d'autre marque de dignité. » Après quoi saint François prit la parole et répondit : « Seigneur, mes frères ont été appelés mineurs, afin qu'ils n'eussent pas la présomption de (159) devenir majeurs. » Saint François, qui avait la simplicité d'une colombe, invitait toutes les créatures à lamour du Créateur; il prêchait les oiseaux qui lécoutaient, qui se laissaient toucher par lui et qui ne se retiraient qu'après en avoir reçu la permission. Des hirondelles babillaient tandis qu'il prêchait, elles se turent immédiatement après qu'il leur eut donné ordre de le faire. A la Portioncule, une cigale qui restait sur un figuier, vis-à-vis de sa cellule, chantait souvent. L'homme de Dieu étendit la main et lappela en disant : « Ma soeur la cigale, viens à moi. » L'insecte obéissant monta aussitôt sur la main de saint François qui lui dit « Chante, ma soeur la cigale, et loue ton. Seigneur. Elle se mit aussitôt à chanter et ne se retira qu'après avoir été congédiée. Il ne touchait ni aux lanternes, ni aux lampes, ni aux chandelles, car il ne voulait pas en ternir léclat avec sa main. Il marchait sur les pierres avec révérence par considération, pour celui qui s'appelle Pierre. Il ôtait les vers de dessus le chemin de crainte qu'ils ne fussent écrasés sous les pieds des passants. Afin que les abeilles ne mourussent pas au milieu du froid de lhiver, il leur faisait donner du miel et ce qu'il y a de meilleur en vin. Tous les animaux il les appelait ses frères. Rempli d'une joie merveilleuse et ineffable dans son amour pour le Créateur, il contemplait le soleil, la lune et les étoiles et les invitait à aimer le Créateur. Il empêchait qu'on ne lui fît une grande couronne en disant: « Je veux que mes frères simples aient part en mon chef. » Un homme fort mondain, ayant rencontré le serviteur de Dieu François qui prêchait à Saint-Séverin, vit, par une (160) révélation divine, deux épées très brillantes placées en travers sur le saint en forme de croix; lune allait de la tête aux pieds et la seconde s'étendait d'une main à lautre en passant transversalement par sa poitrine. Or, il n'avait jamais vu François, mais il le reconnut à cette marque: alors il fut touché, entra dans lordre des frères Mineurs où il mourut heureusement. Les larmes qu'il versait constamment. lui firent contracter une maladie aux yeux; on lui conseilla alors de cesser de pleurer; mais il répondit : « Ce n'est pas par amour pour cette lumière qui nous est commune avec les mouches qu'il faut renoncer à voir la lumière éternelle. » Ses frères le pressaient de se laisser faire une opération à cause de son mal d'yeux, et le chirurgien avait en main un instrument de fer rougi au feu; alors lhomme de Dieu dit : « Mon frère, le feu, sois doux et courtois pour moi. Je prie le Seigneur qui t'a créé de tempérer pour moi ta chaleur. » Et en disant cela il fit le signe de la croix sur linstrument qui fut enfoncé dans la chair vive depuis loreille jusqu'au sourcil, sans qu'il en ressentît aucune douleur; il le témoigna lui-même. Le serviteur de Dieu était attaque d'une très grave maladie à lermitage de Saint-Urbain. Sentant lui-même que la nature était en défaillance, il demanda à boire du vin, mais il n'y en avait point: on lui apporta de leau qu'il bénit en faisant le signe de la croix ; et à linstant elle fut changée en un vin excellent. La pureté du saint homme lui fit obtenir ce que la pauvreté d'un lieu désert n'avait pu lui procurer : il n'en eut pas plutôt goûté qu'il entra de suite en convalescence. Il préférait les mépris aux (161) louanges : et lorsque les peuples exaltaient les mérites de sa sainteté, il commandait à quelque frère de lui lancer aux oreilles des paroles de nature à lavilir. Et quand le frère, bien malgré lui, lappelait rustique, mercenaire, maladroit et inutile, saint François tout égayé lui disait : « Que le Seigneur vous bénisse, parce que vous dites les choses les plus vraies : elles sont telles que je dois en entendre. » Le serviteur de Dieu ne voulut pas tant être supérieur qu'inférieur, ni tant commander qu'obéir. Aussi il se démit du généralat et demanda nu gardien à la volonté duquel il serait soumis en tout. Il promit et pratiqua toujours lobéissance à légard du frère avec lequel il avait coutume d'aller. Un frère ayant commis un acte de désobéissance, en témoignait du repentir ; cependant lhomme de Dieu, pour inspirer de la crainte aux autres, fit jeter le capuce de ce frère dans le feu. Après que le capuce fut resté quelque temps, en plein foyer, il ordonna, de lôter et de le rendre au frère. On ôte donc le capuce du milieu des flammes, saris qu'il y eût la moindre trace de brûlure. Un jour qu'il se promenait dans les marais de Venise, il trouva une énorme multitude d'oiseaux qui chantaient, et il dit à son compagnon : « Mes frères les oiseaux louent leur Créateur, allons au milieu d'eux chanter les heures canoniales. » Quand il pénétra dans cette volée, les oiseaux ne furent pas effrayés, mais le saint et son compagnon ne pouvant s'entendre lun lautre à cause du gazouillement excessif de ces animaux, François dit : « Mes frères les oiseaux, cessez de chanter jusqu'à ce que (162) nous ayons terminé notre office de Laudes. » Les oiseaux se turent aussitôt, et quand les Laudes furent achevées, il leur donna la permission de chanter et à linstant ils continuèrent leur ramage comme à lordinaire. Il avait été invité par un chevalier auquel il dit : « Frère hôte, suivez mes avis, et confessez vos péchés, car bientôt vous mangerez ailleurs. » Le chevalier consentit; il régla ses affaires domestiques, et reçut une pénitence salutaire. Or, comme ils entraient pour se mettre à table, lhôte mourut subitement. Il avait rencontré une multitude d'oiseaux et il les avait salués comme des créatures douées de raison. « Mes frères les oiseaux, leur dit-il, vous devez beaucoup de louanges à votre Créateur qui vous a revêtus de plumes; il vous a donné des ailes pour voler, il vous a départi les régions de lair et il vous gouverne sans aucune sollicitude de votre part. » Les oiseaux se mirent alors à allonger le cou, à battre de laile, à ouvrir le bec et à regarder le saint attentivement. En passant au milieu d'eux, il les touchait avec sa robe et cependant aucun ne changea de place jusqu'à ce que leur en ayant donné la permission, ils s'envolèrent tous à la fois. Au château d'Alviane, pendant une prédication, on ne pouvait lentendre à cause: du gazouillement des hirondelles dont le nid était proche. Et il leur dit : « Mes soeurs les hirondelles, c'est à moi de parler maintenant ; vous avez assez dit ; gardez le silence jusqu'à ce que la parole du Seigneur soit achevée. » Aussitôt elles lui obéirent et Se turent. Un jour que lhomme de Dieu voyageait dans la Pouille, il trouva sur le chemin une grande bourse (163) toute grosse d'argent. En la voyant, son compagnon voulut la prendre, pour en faire largesse aux pauvres ; mais le saint s'y opposa formellement. « Il n'est pas permis, dit-il, mon fils, de prendre le bien d'autrui. » Mais comme le frère insistait fortement, François, après une courte oraison, lui commanda de ramasser la bourse qui au lieu d'argent ne renfermait plus qu'une couleuvre. A cette vue le frère eut peur, mais comme il voulait obéir et exécuter lordre qu'il avait reçu, il prit la bourse avec les mains, et il en sortit un grand serpent. Alors le saint dit : « L'argent, pour les serviteurs de Dieu, n'est rien autre chose que diable et serpent venimeux. » Un frère, fortement tenté, se mit dans lesprit que s'il avait sur lui quelque papier avec lécriture du saint, la tentation cesserait aussitôt. Mais comme il n'osait pas lui manifester son désir, il arriva que lhomme de Dieu lappela : « Apportez-moi, lui dit-il, mon fils, du papier et de lencre, car je veux écrire quelque chose à la louange de. Dieu. » Et après avoir écrit, il dit: « Prenez ce papier et gardez-le soigneusement jusqu'au jour de votre mort. » Et aussitôt toute tentation s'éloigna de lui. Ce même frère, lorsque le saint était malade, se mit à penser : « Voilà que le Père est près de mourir, et ce serait pour moi grande consolation, si; après sa mort, j'avais la tunique de mon Père. » Peu après, saint François lappelle et lui dit : «Je vous donne cette tunique et après ma mort, elle vous appartiendra de plein droit. » Il avait reçu lhospitalité à Alexandrie, en Lombardie, chez. un honnête homme, qui le pria, pour observer lévangile, de manger de tout ce (164) qu'on servirait. Le saint ayant consenti au pieux désir de son hôte, celui-ci courut lui préparer un chapon de sept ans pour le repas. Pendant qu'ils étaient à table, un infidèle demanda laumône pour lamour de Dieu. Aussitôt le saint homme, entendant bénir le nom de Dieu, fit passer au mendiant un morceau de chapon. Le malheureux infidèle conserve. ce, qui vient de lui être donné, et le lendemain, tandis que le saint prêchait, il le montre en disant : « Voici, quelle sorte de viande mange ce frère que vous honorez comme un saint : c'est ce qu'il ma donné hier soir. » Mais. le morceau de chapon parut à tout le monde être du poisson. Alors linfidèle, traité d'insensé par toute lassemblée, ayant appris ce qu'il en était, resta confus et demanda pardon. Le morceau reparut être de la chair quand le prévaricateur fut rentré en lui-même *. Une fois que le saint était à table et qu'il y avait conférence sur la pauvreté de la Bienheureuse Vierge et de son Fils, aussitôt lhomme de Dieu quitta 1a table en poussant des sanglots de douleur et couvert de larmes il mange sur la terre nue le morceau de pain qui lui reste. Il voulait qu'on témoignât une grande révérence pour les mains des prêtres à qui a été confié le pouvoir de faire le sacrement du corps de N.-S. Aussi disait-il souvent : « Si je rencontrais un saint venant du ciel et un pauvre prêtre, j'irais au plus tôt embrasser les mains du prêtre, et je dirais au saint « Attendez-moi, saint Laurent, parce que les mains que voici touchent le verbe de vie, et elles possèdent quelque chose de surhumain. »
* Saint Antonin, tit. XXIV, ch. II, § 2. Wading.
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Sa vie fut illustrée par de nombreux miracles. En effet, des pains qu'on lui présenta à bénir guérirent beaucoup de malades; il changea de leau en vin, et un malade qui en goûta récupéra aussitôt la santé;, il fit encore beaucoup d'autres miracles. Quand il approcha de sa fin, bien que réduit par une longue maladie, il se fit mettre sur la terre nue et appela auprès de lui tous les frères qui se trouvaient dans la maison. Imposant alors les mains sur eux tous, il les bénit, et, comme à la Cène du Seigneur, il donna à chacun une petite bouchée de pain. Il invitait, suivant la coutume, toutes les créatures à louer Dieu ; la mort elle-même, qui est si terrible pour tous et si odieuse, il linvitait aussi; il laccueillit avec joie, et la priait de venir en son hôtellerie, en disant : « Qu'elle soit la bienvenue, ma sueur la mort.» Quand , fut arrivée sa dernière heure, il s'endormit dans le Seigneur. Un frère vit son âme, sous la forme d'une étoile semblable à la lune en grandeur et brillante, comme le soleil. Le supérieur des frères dans la terre de Labour, appelé Augustin, qui était à lextrémité, et qui avait déjà perdu depuis longtemps lusage de la parole, s'écria subitement : « Attendez-moi, père, attendez ; je vais avec vous. » Comme les frères lui demandaient ce qu'il voulait dire, il répondit : « Ne voyez-vous pas notre père François qui va au ciel? » Et, au même instant, il s'endormit en paix et suivit le père. Une dame qui avait été fort dévouée à saint François vint à mourir. Les clercs et les prêtres étaient autour de sa bière pour ses funérailles, quand tout à coup cette femme se lève sur le lit funèbre, et (166) appelant un des prêtres qui étaient là, elle lui dit « Mon frère, je veux me confesser. J'étais morte et j'étais destinée à rester dans une dure prison, parce que je n'avais pas encore confessé un péché que je vous découvrirai; mais saint François ayant prié pour moi, il ma été accordé de revenir à mon corps, afin qu'après avoir déclaré ce péché, je pusse en obtenir le pardon. Et je ne vous laurai pas plus tôt dit, que sous vos yeux je reposerai en paix. » Elle se confessa donc, reçut labsolution ; après quoi, elle s'endormit dans le Seigneur. Les frères de Vicéra demandèrent à un homme de leur prêter son chariot; il répondit, tout indigné : « J'aimerais mieux écorcher, deux d'entre vous et saint François en même temps, que de vous prêter mon chariot. » Mais, rentré en lui-même, il se reprocha sa conduite et se repentit de son blasphème, par la peur de la colère de Dieu. Peu après, son fils devint malade et, fut réduit à lextrémité. Quand il vit son fils mort, il se roulait par terre, pleurait, et évoquait saint François, en disant : « C'est moi qui ai péché, c'est moi que vous auriez dû frapper. Rendez, ô saint, à celui qui vous supplie dévotement, ce que vous avez ravi à celui qui a blasphémé indignement. » Bientôt, son fils ressuscita, et fit cesser ses pleurs, en disant : « Quand je fus mort, saint François ma mené par un chemin long et obscur, jusqu'à ce, qu'il meût placé dans un verger des plus beaux, et ensuite il ma dit : « Retourne vers « ton père je ne veux pas te retenir davantage. » Un pauvre devait une certaine somme d'argent à un riche, qu'il pria, pour lamour de saint François, de (167) proroger son terme. Ce riche lui répondit avec orgueil : «Je t'enfermerai dans un endroit où ni saint François, ni personne ne pourra t'aider. » Et aussitôt il fit enfermer cet homme dans une prison obscure, après lavoir enchaîné. Peu après, saint François vint, brisa la prison, rompit les chaînes de cet homme et le ramena sain et sauf à la maison. Un soldat, qui se moquait des oeuvres de saint François et de ses miracles, jouait un jour aux dés, et, rempli de folie et d'incrédulité, il dit aux assistants : « Si François est saint, qu'il vienne un coup de dix-huit. » Et aussitôt les trois des apportèrent le nombre six, et jusqu'à neuf fois de suite; à chaque coup, il amena sur les trois dés le nombre six. Mais ce soldat, ajoutant folie sur folie, dit encore : « S'il est vrai que ce François soit saint, que mon corps aujourd'hui tombe percé d'un coup d'épée; mais, s'il n'est pas saint, que je men retire sain et sauf. » Quand la partie fut finie,: afin que sa prière aggravât son iniquité, il insulta son neveu qui, saisissant une épée, la plongea dans les entrailles de son oncle et le tua incontinent*. Un homme avait une jambe perdue, au point qu'il, ne pouvait faire aucun mouvement. Il invoqua saint François, en disant : « Saint François, venez à mon aide ; souvenez-vous de mon dévouement et des services que je vous ai rendus, car je vous ai porté sur mon âne; j'ai baisé vos saints pieds et vos mains, et voici que je meurs dans les tourments les plus affreux. » Aussitôt le saint lui apparut avec un petit
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bâton qui avait la forme d'un thau ; il toucha lendroit malade, et un abcès creva; alors, il fut guéri, mais la marque du thau resta toujours en cet endroit. C'était avec ce caractère que saint François avait coutume de signer ses lettres. A Castro-Pomérélo, dans les montagnes de la Pouille, une jeune fille unique vint à mourir. Sa mère, qui avait de la dévotion à saint François, était abîmée dans une tristesse profonde. Or, le saint lui apparut: «Ne pleurez pas, lui dit-il; car la lumière de votre, lampe, que vous pleurez comme éteinte, vous sera rendue à mon intercession. » La mère reprit donc confiance et ne laissa pas emporter le cadavre de sa fille, mais elle invoqua le nom de saint François, et prenant sa fille toute morte, elle la leva rendue à la vie. Dans la ville de Rome, un petit enfant, tombé d'une fenêtre d'un palais, avait été, tué sur le coup. On invoque saint François, et lenfant est aussitôt rendu à la vie. Dans la ville de Sezza, une maison en s'écroulant écrasa un jeune homme, et déjà son cadavre était posé sur un lit pour être enseveli. La mère invoquait saint François, avec toute la dévotion dont elle pouvait être capable, quand, vers minuit, lenfant bâilla, puis il se leva guéri et il s'épancha en paroles de louanges. Frère Jacques de Riéti avait passé un fleuve dans une nacelle avec des frères, et déjà ses compagnons étaient descendus sur la rive; il se disposait lui-même à sortir du bateau, quand, la barque' venant à chavirer, il tomba au fond du fleuve. Les frères se mirent à invoquer saint François pour la délivrance du noyé qui, lui-même, implorait, selon (169) son pouvoir et de tout coeur, le secours du bienheureux. Alors ce noyé, marchant au fond de leau comme sur la terre ferme, prit la nacelle submergée et vint avec elle au rivage. Ses vêtements ne furent même pas mouillés, et pas une goutte d'eau n'atteignit sa tunique.
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