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CONCEPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE *

 

Anselme, archevêque de Cantorbéry, pasteur des Anglais, à ses évêques, et à tous les orthodoxes, salut

 

* Dom Gerberon soulève des difficultés de toute espèce contre cette pièce qu'il place parmi les spuria de son édition des oeuvres de saint Anselme. La plus forte est tirée des noms des personnages cités dans ce récit, où il trouve du vrai, du faux et du fabuleux.

 

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et perpétuelle bénédiction dans le Seigneur. Veuillez, mes très chers- frères; écouter le récit que j'entreprends de vous faire sur la manière dont on doit célébrer, comme il a été ordonné, la vénérable conception de Marie, mère de Dieu et toujours vierge, d'après les miracles qui ont eu lieu en Angleterre, en France et dans d'autres pays.

Quand il a plu à la bonté divine de punir la nation anglaise pour ses péchés, et de l’astreindre à pratiquer les devoirs de la vertu avec plus d'exactitude, l’illustre duc es Normands, Guillaume, la soumit par la force des armes, et employa la peine du talion contre le roi du pays nommé Eralde, tyran impie, persécuteur du clergé et destructeur de l’honneur dû à l’Église. Quand ce dernier eut été tué, Guillaume dut à la protection de Dieu et à sa valeur d'être élevé à la dignité royale, et rendit à l’Église tout l’honneur que comporte sa dignité. Jaloux de ses pieuses intentions, le diable ennemi de tout bien s'efforça souvent de paralyser ses succès par les fourberies de ses gens et par les incursions des étrangers, mais aidé de la protection divine, le méchant fut réduit à d'impuissance. Les Daciens, ayant appris que l’Angleterre avait été soumise par les Normands, furent gravement irrités d'être dépouillés d'un royaume qui leur appartenait par droit. d'héritage. Ils courent aux armes, équipent une flotte dans l’intention: d'aller les chasser d'une patrie que Dieu leur avait donnée. Guillaume, informé de leur dessein, agit en prince rempli de prudence : il envoya en Dacie un saint abbé de Ramesey, Helsin, pour s'assurer de ce qui se tramait. Ce personnage d'une (525) intelligence consommée exécuta les ordres du roi avec habileté. Sa mission achevée, voulant revenir en Angleterre, il se mit en mer, et déjà il avait fait heureusement la majeure partie de sa route, quand, tout à coup, une bourrasque affreuse souleva une tempête qui troubla le ciel et la mer. Les matelots à bout d'efforts sont réduits à l’impuissance, les rames sont cassées, les cordages rompus, les voiles en lambeaux, tout espoir de salut avait disparu, et on n'avait plus qu'à attendre le moment où l’on serait englouti. Dans le désespoir de sauver son corps, chacun recommandait à grands cris son âme à Dieu et envoyait la bienheureuse Marie, mère de Dieu, comme le refuge des malheureux, lorsque l’on vit apparaître subitement de l’onde et près du vaisseau un personnage d'un extérieur vénérable, revêtu d'habits épiscopaux. Il appela l’abbé Helsin et lui adressa ces mots : « Vous voulez, lui dit-il, échapper au péril ? Vous voulez rentrer sains et saufs dans votre patrie? » Sur la réponse de l’abbé en larmes, que c'était là d'unique désir qu'il" avait au fond du coeur : « Sachez, ajouta-t-il, que c'est Notre-Dame, Marie, mère de Dieu, dont vous avez réclamé l’assistance, qui  m’envoie vers vous; et si vous voulez exécuter ce que je vais vous dire; vous échapperez avec vos compagnons au naufrage qui vous menace. » Il promet aussitôt d'obéir en tout, s'il échappe au danger. « Promettez à Dieu et à moi, reprit l’évêque, que vous célébrerez le jour de la conception et de la création de la mère de J. C. et que, dans vos prédications, vous porterez à fêter ce jour. » L'abbé plein de prudence répliqua.: «Mais quel jour doit-on (526) célébrer cette fête? » « Le 6 des ides de décembre; répondit l’évêque. » « Et quel office devra-t-on récitera demanda l’abbé? » « On dira, reprit l’évêque, tout l’office qu'on récite au jour de la Nativité; si ce n'est qu'au lieu du mot nativité,, on dira conception. » A, ces mots il disparut; la tempête avait cessé plus vite qu'il est possible de le dire ; l’abbé poussé avec ses gens par un vent favorable aborda sain et sauf en Angleterre, et raconta à qui il put le dire, ce qu'il avait vu  et entendu: Il statua qu'on ferait une fête solennelle, de la conception dans son monastère de Ramesey, et durant sa vie, il la célébra avec la plus grande dévotion.

Et nous, mes bien aimés frères, si nous voulons aborder au port du salut, célébrons, comme il con-, vient, l’office de la création et de la conception de la mère de Dieu afin de recevoir une juste récompense, de son Fils qui, avec le Père et le Saint-Esprit, vit et; règne dans les siècles des siècles. Amen.

On raconte d'une autre manière l’établissement, de cette fête. Du temps de l’illustre Charles, roi des Français, un clerc attaché à l’ordre des Lévites, qui était parent du roi de Hongrie; plein de dévotion pour la mère de J.-C., avait coutume de réciter son office. Pressé par ses parents, il voulut se marier avec une toute jeune fille. Il avait reçu la bénédiction nuptiale et la messe était achevée, quand il se rappelle qu'il n'avait pas récité ce jour-là les heures, de Notre-Dame, comme il le faisait d'ordinaire. Il fait sortir tous les assistants, de l’église, envoie son épouse à la maison, et resté seul devant l’autel. En récitant seul les heures (527) de la Mère du Seigneur, il en vint à cette antienne Pulchra es et decora, quand tout à coup lui apparut la bienheureuse Mère de Dieu, accompagnée de deux anges dont l’un lui tenait la main droite, et l’autre la gauche : « Si je suis belle et gracieuse, pourquoi donc  m’abandonnes-tu et prends-tu une autre épouse ? Ne suis-je pas plus belle qu'elle ? Ne suis-je pas la beauté par excellence ? Ne suis-je pas bien gracieuse? Où en as-tu vu une plus belle ? » « Votre éclat, Madame, répondit-il, surpasse tout ce qu'il y a de beau au monde; vous êtes élevée au-dessus des trônes et des chœurs des anges; vous êtes plus élevée que les cieux des cieux. Que voulez-vous donc que je fasse?» Elle répondit : « Si, pour l’amour de moi, tu quittes l’épouse charnelle à laquelle lu veux t'attacher, tu  m’auras pour épouse dans le royaume céleste, et si tu célèbres chaque année la fête de ma conception, le 6 des ides de décembre; et que tu enseignes à la solenniser, tu seras couronné avec moi dans le royaume de mon Fils unique. » En disant ces mots, Notre-Dame disparut. Le clerc, décidé a ne pas rentrer chez lui, alla aussitôt, sans consulter ses parents, dans une abbaye prendre l’habit monastique. Peu après, par les mérites de la Sainte Vierge, qui toujours récompense ceux qui l’aiment, qui les comble d'honneurs et de biens, il devint évêque patriarche d'Aquilée, où il célébra tant qu'il vécut, annuellement et au jour marqué, la fête de la Conception avec octave, et recommanda de la solenniser.

On raconte ailleurs, différemment encore, l’origine de cette fête. Dans un bourg de France; un chanoine (528) prêtre avait soin de réciter les matines de la Sainte Vierge. Une fois, qu'il revenait d'une maison de campagne où il avait commis un péché avec une femme mariée, il voulut passer la Seine pour rentrer chez lui, et, étant entré seul dans une barque, il se mit à réciter en ramant les matines de Notre-Dame. Il commençait l’invocation : Ave  Maria, gracia plena, Dominus tecum; et se, trouvait au milieu du fleuve, quand voici une foule de démons qui l’engloutissent avec sa barque et entraînent son âme aux enfers, comme il l’avait mérité. Trois jours. après, la bienheureuse vierge Marie vint à l’endroit où les démons le tourmentaient; elle était suivie d'une multitude de saints.: «.Pourquoi, dit-elle aux démons, maltraitez-vous injustement l’âme de mon serviteur? » « Nous avons droit à l’avoir, dirent-ils, puisqu'elle a été saisie quand il faisait notre oeuvre. » « Si elle doit appartenir, reprit la Vierge, à celui dont. elle faisait l'oeuvre, elle doit être à nous, puisqu'elle chantait nos matines quand vous l’avez fait périr. Vous êtes donc encore plus coupables, puisque c'est à moi que vous avez manqué. » Quand elle eut parlé de la sorte, les démons s'enfuirent d'un côté et d'autre, et la très Sainte Vierge ramena l’âme du chanoine à son corps puis, prenant par le bras cet homme qui avait échappé à une doublé condamnation, elle commanda à l’eau de rester comme un mur, à droite et à gauche, et, du fond du fleuve, elle le conduisit sain et sauf sur le rivage. Alors le chanoine,plein de joie, se prosterna à ses pieds et lui dit : « Ma Dame bien chérie, Vierge remplie de bontés, que vous rendrai-je pour tant de bienfaits dont vous (529)  m’avez comblé? » « Je demande, répondit la Mère de Dieu, que tu ne retombes plus dans le péché d'adultère, et que tu célèbres et prêches de célébrer, solennellement la fête de ma conception, le 6 des ides de décembre. » A peine avait-elle ainsi parlé, que le prêtre la vit monter au ciel. Quant à lui, il embrassa la vie érémitique, et raconta à qui voulait l’entendre ce qui lui était arrivé. De plus, il célébra cette fête et travailla toute sa vie à la faire célébrer. C'est pourquoi, mes très chers frères, de notre autorité épiscopale, nous confirmons cette fête, et nous ordonnons que personne de vous, sous prétexte d'en être empêché par les soins des affaires temporelles ou pour toute autre mauvaise raison, ne s'exempte de célébrer chaque année la conception vénérable de la bienheureuse vierge Marie, et de réciter ses heures tous les jours, à moins que ce ne soit le dimanche et une fête à neuf leçons. Remarquez encore ici que  si quelqu'un, entraîné par le désespoir que lui causent ses péchés, ne veut pas célébrer l’office divin, il se rend doublement coupable; d'abord par rapport au péché qu'il a commis, et ensuite parce qu'il a refusé de servir Dieu pour l’expiation de son péché. Aussi, le Seigneur a-t-il dit à saint Pierre : « Si vous vous regardez comme pécheur; il ne faut pas vous éloigner de Dieu. Or, c'est s'éloigner de Dieu, de ne vouloir pas faire une bonne oeuvre à cause de son péché. Si nous nous reconnaissons pécheurs, il est de notre intérêt d'avoir la Mère de Dieu pour médiatrice et pour auxiliatrice auprès de son Fils. Si le Souverain Juge est irrité contre nous, par rapport à (530) nos forfaits, elle qui l’a mis au monde, peut nous le rendre favorable. Il n'est si grand pécheur sur la terre qui ne puisse obtenir son pardon pour le siècle futur, si elle prie son Fils pour lui. Tout ce qu'elle demande à son Fils, il est certain qu'elle l’obtiendra. Voyez l’exemple de Théophile. (Ici est reproduite la légende de Théophile, telle qu'elle se trouve au 8 septembre, fête de la Nativité de Notre-Dame.)

 

 

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Miracles arrivés en confirmation de la Conception de la très bienheureuse Vierge Marie.

 

On trouve le récit de plusieurs miracles, arrivés en confirmation de la vérité de la conception de la très sainte Vierge, dans un livre intitulé : Defensorium Virginis, qui reste attaché avec des chaînes dans,plusieurs bibliothèques, et qui a été composé vers l’an du Seigneur 1390. Un bachelier de l’ordre des Carmes, prêt à prendre ses grades, dans une thèse soutenue à Paris, rapporta à un frère Prêcheur que, du temps que maître Jean de Tolède était chancelier, un frère Prêcheur de la Bohême avait eu l’audace de prêcher, à Cracovie, que la glorieuse Vierge avait été conçue dans le péché; mais il s'affaissa subitement. On le transporta chez lui, où il mourut peu après. IL rapportait cela, d'après le témoignage des honorables docteurs en théologie, Henri de Hassia, Henri de Huta, et maître Jean de Bologne, docteur en médecine et bachelier en théologie, qui avaient été les témoins oculaires du fait. Ce bachelier en concluait que l’opinion de la conception immaculée était pour (531) lui un article de foi, à cause de ces miracles éclatants. —  Le vénérable docteur Girold de Piscaria, de l’ordre des frères Mineurs, était un adversaire déclaré de ce sentiment. Ayant prêché un jour, dans un sermon sur la conception, contre la Sainte Vierge, il alla immédiatement célébrer la sainte messe avec beaucoup de dévotion. Après l’élévation, la Sainte Vierge se montra à lui, et les saintes espèces du pain et du vin disparurent : « De quel front, lui dit-elle, oses-tu , prendre un corps tiré de moi, mauvais frère, qui aujourd'hui, de propos délibéré, vient de me salir en paroles et en actions ? » Il demanda alors, avec de grands gémissements, pardon de sa faute, et l’eucharistie lui fut rendue ; il acheva la messe, et monta de suite au pupitre, rétracta ce qu'il avait dit d'abord contre la Sainte Vierge, en racontant tout au long le miracle qui venait de s'opérer. Je tiens ce, fait de plusieurs témoins dignes de foi. — Dans la ville d'Ydoni, un frère Prêcheur du pays viennois devait, répondre, par devant Odonius de Champagne, de l’ordre de Notre-Dame, sur la conception. Le peuple était rassemblé en foule dans l’église cathédrale des moines de cette ville. Ce frère allait exposer sa thèse; quand il fut frappé de la main de Dieu; il devint comme muet et hébété. Ses frères le portèrent dans le monastère, où il mourut au bout de huit jours, sans que son esprit lui revînt. C'est ce que  m’ont raconté des personnes qui étaient présentes.

 

FIN.

 

 

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