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SAINT AGATHON, ABBÉ *
Agathon, abbé, conserva pendant trois ans une pierre dans la bouche, pour, apprendre à se taire. Un frère, étant entré en communauté, se dit en lui-même : « Toi et lâne, c'est tout un. Or, comme lâne est battu et ne parle pas, supporte les injures et ne répond rien, fais de même. » Un autre frère fut chassé de table et ne répondit rien. Comme on lui en demandait la raison il répondit: « Je me suis mis dans le coeur cette pensée que je suis semblable à un chien. Quand on le poursuit, il se sauve. » On demandait à labbé Agathon quel mérite il y avait à travailler, il répondit : « Je pense que travailler ne vaut pas autant que prier Dieu; car ses ennemis ne s'attachent qu'à détruire la prière. Dans les autres travaux, lhomme
* Vies des Pères du désert.
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peut prendre quelque relâche, mais, «celui qui prie fait une Oeuvre de longue haleine. » Un frère demanda à labbé Agathon comment il devait se comporter avec les frères: il répondit : « Comme le premier jour, et ne te fies pas à toi-même, car il n'est pas de passion pire que la confiance: c'est la mère de tous les vices. » Il dit encore : « L'homme colère, quand bien même il ressusciterait des morts, ne plaît à personne, pas même à Dieu à cause de son penchant à la colère. » Un frère qui était irascible se dit à part soi « Si je restais seul, je ne me mettrais pas si vite en colère. » Une fois qu'il emplissait d'eau un petit vase, il le renversa ; il lemplit une seconde fois et le renversa encore ; une troisième fois il le remplit, et le renversa; alors il s'irrita et brisa le vase: Enfin, revenu à lui-même, il reconnut avoir été le jouet du démon de la colère, et dit : « Me voici seul, et cependant la colère memporte: je retournerai donc à la communauté, car partout il y a labeur, partout patience, et il est nécessaire d'avoir Dieu pour aide. » D'un autre côté, deux frères avaient vécu longues années ensemble et n'avaient jamais pu se fâcher. Une fois lun dit à lautre : « Disputons-nous, comme les hommes font dans. le monde. » L'autre répondit : « Je ne sais pas comment on se dispute.. » Et le frère lui dit: « Voici une petite brique que je mets entre nous deux; et je dis : « Elle est à moi. » Vous au contraire dites : « Non, mais elle est à moi », et ainsi commencera la dispute. » Ils mirent donc cette brique entre eux. Alors le premier dit : « Ceci est à moi. » « Non, (412) répartit le second, mais c'est à moi. » Oui, reprit le premier, c'est à vous, prenez donc et allez. » Et ils se retirèrent sans pouvoir se fâcher lun contre lautre. Or, labbé Agathon était d'une intelligence rare et sage, infatigable au travail, et ménager dans ses habits et sa nourriture. Il disait : « Je n'ai jamais voulu mendormir en conservant dans le coeur une méchanceté contre quelqu'un : je n'ai jamais laissé dormir personne qu'il eût quelque chose contre moi. » Étant près de mourir, Agathon resta pendant trois jours immobile, les yeux ouverts. Les frères le poussèrent; alors il dit : « J'assiste au jugement de Dieu. » Ils répondirent : « Est-ce que vous craignez aussi ? » « J'ai travaillé comme je lai pu, reprit-il, à garder les commandements, par la grâce de Dieu; mais je suis homme, et ne sais si mes oeuvres ont plu au Seigneur. » Ils lui dirent : « Est-ce que vous n'avez pas confiance que vos oeuvres sont selon Dieu? » Je ne présume rien, jusqu'au moment où je serai venu devant lui; car autres sont les jugements de Dieu, autres sont les jugements des hommes. » Et comme ils voulaient encore lui adresser quelques questions, il dit : « Faites preuve de charité, et ne me parlez pas, car je suis occupé. » En disant cela, il rendit lesprit avec joie, Ils le voyaient en effet se recueillir comme quelqu'un qui salue ses plus chers amis.
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