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EXPLICATION DU PSAUME CX. 1. « SEIGNEUR, JE VOUS RENDRAI HOMMAGE DE TOUT MON COEUR. »
ANALYSE.
1. L'action de grâces est ce que Dieu exige surtout de nous.
2. La mort est utile; quelle est celle qui est mauvaise, quelle est celle qui est bonne.
3. Il est utile de contempler la création. Toutes les oeuvres de Dieu doivent éveiller en nous le désir de lui rendre grâces.
4. Si Dieu punissait les péchés à mesure qu'ils se commettent, il y a longtemps que le genre humain aurait cessé d'exister. Dieu fait encore des miracles.
5. Misericors et miserator Dominus escam dedit timentibus se. Virtutem operum suorum annuntiavit populo suo. Opera manuum ejus veritas et judicium.
6. Il y a différents genres de préceptes. Les lois humaines sont passagères et obscures, les lois divines sont claires et permanentes.
7. Quel est le principe de la sagesse. Définition de la sagesse. Il est nécessaire de joindre les oeuvres à la foi.
1. Pourquoi ces mots « de tout » mon coeur? c'est-à-dire avec tout le zèle possible , avec force, sans se préoccuper des soucis de cette vie, en élevant son âme à Dieu, en la tenant détachée des liens du corps. « De coeur, » c'est-à-dire non pas seulement des paroles, de la langue, et de la bouche, mais aussi de la pensée. C'est ainsi que Moïse, lorsqu'il formulait ses lois, a dit : « Tu chériras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur et de toute ton âme. » (Deut. VI, 5.) Il me semble qu'ici hommage est synonyme d'actions de grâces. Je chanterai des hymnes, dit le Prophète, je rendrai grâces au Seigneur. C'est à cela en effet qu'il a consacré sa vie entière, c'est par là qu'il débute, c'est par là qu'il finit : c'était sa préoccupation continuelle que de rendre grâces à Dieu tant pour les bienfaits qu'il en avait reçus que pour ceux qui avaient été accordés à d'autres hommes. Il n'y a rien à quoi Dieu tienne tant c'est le sacrifice, c'est l'offrande qu'il préfère, c'est la marque d'une âme reconnaissante, et c'est un coup sensible porté au diable : c'est par là que le bienheureux Job a mérité sa couronne et sa gloire, parce qu'il ne se laissa point déconcerter ni par les nombreux malheurs dont il fut frappé, ni par les conseils pernicieux de sa femme, et qu'il persista à rendre grâces au Seigneur pour tout ce qu'il faisait, et non-seulement alors qu'il était riche, mais encore au moment même où il était plongé dans la pauvreté: non-seulement alors qu'il était bien portant, mais encore au moment même où il était frappé dans sa chair : (118) non-seulement dans le cours de sa prospérité, mais encore au milieu du terrible orage qui fondit sur toute sa maison , et sur la nature même de son corps. C'est là le principal témoignage de reconnaissance que de remercier Dieu avec effusion au milieu de ses afflictions et de ses adversités , et de persister quand mémo à lui rendre grâces : pensée qui est aussi celle du Prophète , et qu'il nous fait entendre par ce qui suit. Comme beaucoup parmi les hommes rendent grâces au Seigneur quand ils sont dans la prospérité, pour s'irriter contre lui quand leur fortune, change, et que quelques-uns vont jusqu'à critiquer ses actes, le Prophète, pour nous montrer que cette conduite n'est pas une suite naturelle des événements, mais bien le fait d'une âme pervertie, ajoute ces paroles : «Dans le conseil des « justes et dans leur assemblée les oeuvres de Dieu sont grandes (2). » Il parle ainsi pour nous faire comprendre que pour un juge intègre, pour un tribunal incorruptible, il est évident que les oeuvres de Dieu sont grandes et pleines de merveilles. Elles sont grandes par elles-mêmes, mais elles ne peuvent paraître telles qu'à celui dont le jugement est sain. Ainsi, le soleil est brillant et lumineux par lui-même, et il éclaire de ses rayons la terre tout entière, et. cependant pour ceux dont les yeux sont malades, le soleil n'a rien de tout cet éclat. Est-ce la faute du soleil, ou n'est-ce pas plutôt celle de la maladie qui a affaibli leurs organes? Lors donc que vous verrez un homme blâmer les oeuvres de Dieu, que la perversité, de cet homme ne vous induise pas à les calomnier vous aussi, mais représentez-vous la grandeur et la providence de Dieu, et alors vous ne verrez dans les paroles de cet homme qu'un exemple remarquable d'inintelligence. Celui qui reproche au soleil d'être ténébreux, ne fait pas le procès à cet astre, mais bien à sa propre infirmité dont il donne une preuve évidente : celui qui se plaint de l'amertume du miel ne peut nous faire douter que le miel ne soit doux, mais en parlant ainsi il fait le procès à la maladie qui a dépravé chez lui le sens du goût : il en est de même de celui qui critique les oeuvres de Dieu. De même que les paroles de cet homme-là n'ont de prise ni sur les oeuvres de Dieu, ni sur l'idée qu'on s'en fait, et qu'elles ne servent qu'à faire ressortir son inintelligence, de même ceux qui ne jugent pas sainement des oeuvres de Dieu, ne reconnaissent même pas les merveilles qui s'offrent à leurs regards, tandis qu'une âme droite et non pervertie sera étonnée devant les prodiges que recèlent même les choses qui nous paraissent le plus pénibles. Et en effet, dans tout ce que fait Dieu, qu'y a-t-il qui ne soit merveilleux? Si vous le voulez, laissons de côté tout le reste pour ne nous occuper que de ce qui paraît aux hommes pénible et fâcheux, de la mort, de la maladie, de la pauvreté et des autres choses de ce genre. Eh bien! pour un coeur droit, il n'y a là rien qu'il ne doive approuver, admirer. Si la mort est le fruit du péché originel, cependant la puissance de Dieu, -sa bonté, sa providence sont telles qu'il a su la tourner à l'avantage du genre humain. Qu'a la mort de si pénible, dites-moi? Ne nous délivre-t-elle pas de nos peines? ne nous débarrasse-t-elle pas de nos soucis ! ne savez-vous pas que Job en fait l'éloge et qu'il dit : « La mort est le moment du repos pour l'homme, et ses voies lui sont cachées (Job, III, 23)? » N'est-ce pas l'écueil du vice? En effet, si un homme est pervers, les oeuvres de sa perversité sont interrompues par sa mort: « Car celui qui est mort, est délivré du péché (Rom. VI, 7), » c'est-à-dire il ne commet plus de péchés. Si c'est un homme de bien qui quitte cette vie, les oeuvres de sa vertu seront pour toujours en sûreté et conservées dans un asile inviolable. La mort, dites-moi, ne rend-elle pas les vivants plus sages et plus humains? N'avez-vous pas souvent observé ces riches si fiers dont le sourcil est relevé, quand ils rencontrent un convoi funèbre, et qu'ils voient étendu ce corps muet et immobile, qu'ils voient les enfants orphelins, la femme dans le veuvage, les amis dans le chagrin, les esclaves en vêtements noirs, et tout ce sombre attirail d'une maison en deuil? comme ils rentrent en eux-mêmes! comme ils s'humilient! comme ils sont contrits l Eux qui ont entendu tant de fois prêcher la sainte parole sans en tirer aucun profit, les voilà devenus sages tout d'un coup à la vue de ce spectacle : ils comprennent combien est peu de chose et combien est peu durable cette nature humaine, combien est vermoulue et peu stable cette puissance dont ils sont fiers, et dans les malheurs qui frappent les autres, ils voient les changements qui les attendent eux-mêmes. 2. La mort est là, et cependant que de rapines, quelle cupidité . ne dirait-on pas que (119) c'est comme chez les poissons où le plus fort dévore le plus faible ? Eh bien ! que serait-ce si la mort n'était pas prête à nous frapper? Où s'arrêterait la cupidité ? Si tes hommes, sachant qu'ils ne jouiront pas du fruit de leurs rapines et qu'ils devront bon gré mal gré le laisser en d'autres mains, n'en sont pas moins en proie à ce vertige et à cette rage, comment pourrait s'éteindre la flamme de leurs mauvais désirs, s'ils pouvaient les satisfaire en toute sécurité? Eh quoi ! Les couronnes du martyre, n'est-ce pas la mort qui les tresse ? Et saint Paul, ne s'est-il pas élevé d'innombrables trophées, lui qui disait: « Il n'y a point de jour que je ne meure, j'en atteste la gloire que je reçois de vous? » (I Cor. XV, 31. ) La mort n'est pas un mal, ce qui est un mal c'est la mauvaise mort. Aussi le Prophète dit-il : « La mort de ses saints est précieuse devant Dieu (Ps. CXV, 15), » et ailleurs : « La mort des pécheurs est mauvaise, » appelant mauvaise la mort de ceux qui sortent de la vie avec une mauvaise conscience, une conscience qu'accablent le poids et le souvenir de nombreux péchés. Tandis que celui dont la conscience est pure, en sortant de cette vie court s'emparer des récompenses et de la couronne qui lui sont réservées. Afin de comprendre que ce n'est pas la nature même des choses, ruais l'opinion des hommes, qui nous trouble lorsque nous songeons à la mort, écoutez ce que dit saint Paul quand il s'occupe de ce sujet « Car tandis que nous sommes dans cette tente nous gémissons, attendant l'effet de l'adoption divine, la rédemption et la délivrance de nos corps. » (II Cor. V, 1; Rom. VIII, 23.) C'est pour nous prouver la même chose qu'il dit ailleurs : « Mais quand même je devrais répandre mon sang sur la victime et le sacrifice de votre foi , je m'en réjouirais en moi-même, et je m'en conjouirais avec vous tous: et vous devriez aussi vous en réjouir, et vous en conjouir avec moi. » (Philip. II, 17, 18.) Si la mort loin d'être un objet d'horreur, est désirable pour ceux qui vivent vertueusement, combien plus doit-il en être de même de la pauvreté et de tout le reste. « Les oeuvres ont été méditées de manière à satisfaire toutes ses volontés. » Un autre, « ont été soignées. » Ici le Prophète me semble parler des créatures, et proclamer la sagesse de Dieu. Plus haut il nous parlait des actes de sa Providence quoique nous ayons, pour nous mettre à la portée de la faiblesse d'esprit de ceux qui nous écoutaient, donné encore un autre sens à ses paroles) il nous parlait des prodiges, des merveilles, qu'il a si souvent accomplis dans le gouvernement de la race humaine. Quel est le sens de ces paroles : « Ses oeuvres ont été méditées de manière à satisfaire toutes ses volontés? » Elles sont faites avec soin, comme le dit un autre interprète, elles sont préparées, agencées, elles sont faites, complétées, de manière à satisfaire pleinement ses volontés, de manière à pro .ver sa puissance, elles rie sont pas imparfaites, elles ne sont pas au-dessous de leur fin qui est de concourir à l'accomplissement de ses ordres. C'est aussi ce que le Prophète dit ailleurs : « Le feu, la grêle, la neige, les vents et les tourbillons, tout sert à l'exécution de ses plans (Ps. CXLVIII, 8), » c'est-à-dire à l'exécution de ses ordres. C'est encore dans te même sens qu'il a dit : « Il a fait la lune pour marquer les temps, le soleil connaît l'heure de son coucher : vous amenez les ténèbres, et la nuit se fait. » (Ps. CIII, 19-20.) Dieu ne s'est pas contenté d'organiser .toutes choses pour suivre immuablement l'ordre que nous leur voyons observer : même quand il leur ordonne le contraire, elles lui obéissent docilement. Il donne un ordre à la mer, et la voilà qui, non-seulement n'engloutit pas les Juifs, comme il eût été dans sa nature de le faire, mais qui étend et aplanit ses vagues, présente une surface plus solide que la pierre et les transporte sur la rive opposée. (Exode, XIV, 22.) Non-seulement la fournaise ne brûla pas, mais encore elle produisit de la rosée avec des sifflements. (Dan. III, 24) Non-seulement les bêtes féroces ne dévorèrent pas Daniel , mais encore elles lui servirent de gardes du corps. (Id. 22.) Non-seulement la baleine ne dévora pas Jonas, mais encore elle le conserva sain et sauf comme un dépôt qui lui aurait été confié. (Jon. II.) Non-seulement la terre refusa de porter Dathau et Abiron, mais encore elle se montra plus terrible que la ruer lorsqu'elle s'ouvrit pour les engloutir et les dévorer et les faire disparaître devant le peuple assemblé. (Nombres, XVI, 32.) On pourrait encore voir bien d'autres merveilles dans la création, et qui devraient convaincre ceux qui sont assez insensés pour défier la Nature, que la création n'obéit pas fatalement à ses lois , mais que tout cède et fléchit devant la (120) volonté de Dieu. La nature est l'oeuvre de cette même volonté qui dispose et organise toute la création à son gré, et qui, tantôt conserve immobile les limites qu'elle lui a posées, tantôt les déplace facilement, selon qu'il lui plaît, et renverse l'ordre naturel des choses. « Les oeuvres ont été méditées de manière à satisfaire toutes ses volontés, » c'est-à-dire de manière à réa
3. Et l'abeille même s'entretiendra avec vous, elle vous dira de ne pas admirer à première vue la beauté du corps , quand la vertu ne s'y joint pas, et de ne point mépriser la laideur , quand l'âme est belle. C'est aussi la même recommandation que nous fait l'auteur des Proverbes, lorsqu'il dit: « L'abeille est petite entre tout ce qui vole, et son fruit l'emporte sur les fruits les plus doux. » (Eccli. II, 3.) Observez les oiseaux, et ce spectacle vous offrira aussi d'utiles enseignements. Ce qui, faisait dire au Christ: « Considérez les oiseaux du ciel. Ils ne sèment point, ils ne moissonnent point, et votre Père céleste les nourrit. » (Mat. VI, 26.) Si des êtres privés de raison ne s'inquiètent pas de leur nature, quelle excuse aurez-vous à présenter, vous qui ne montrez pas, pour les choses de ce monde, autant de dédain que les oiseaux? Si vous voulez vous habituer à mépriser la parure , les fleurs des champs vous enseigneront le goût de la simplicité. C'est ce que le Christ nous montre par ces paroles : « Considérez les lis des champs; ils ne travaillent point, ils ne filent point; et cependant je vous le dis en vérité , Salomon même dans toute sa gloire n'a jamais été vêtu comme l'un d'eux. » (Matth. VI, 28, 29.) Lors donc (121) que vous vous préoccuperez de la beauté de vos vêtements, songez que, malgré tous vos efforts , vous trouverez parmi l'herbe des champs, des fleurs qui feront pâlir votre luxe, et avec lesquelles vous ne pourrez riva
C'est-à-dire , à la magnificence de chacune de ses oeuvres, car il ne s'agit point ici d'une uvre seulement. Un autre interprète a dit : « Il faut louer et célébrer ses oeuvres, » et le premier: « Il faut rendre hommage, » c'est-à-dire, il faut rendre grâces à Dieu et le glorifier. Chacune des choses que nous voyons suffit à éveiller en nous le désir de lui rendre grâces, de lui chanter des hymnes, de le bénir et de le glorifier. Il n'est pas permis de dire: Pourquoi ceci? à quoi bon cela? Les ténèbres et le jour, la disette et l'abondance, le désert et les pays inhabitables, les terres grasses et profondes, la vie et la mort, en un mot tout ce que nous voyons suffit pour exciter, chez ceux qui savent s'en rendre bien compte, le désir de rendre grâces au Seigneur. C'est ce que Dieu lui-même nous démontre lorsque, parlant par la bouche d'un de ses prophètes, il fait voir que ses vengeances sont autant de bienfaits: « Je les ai détruits, comme Dieu a détruit Sodome et Gomorrhe; je les ai frappés de fièvres brûlantes et de maladies de foie. » (Amos, IV, 11.) Dans une autre circonstance, il s'exprime ainsi par la bouche d'un autre prophète : « Je les ai ramenés de la terre d'Egypte, et je les ai rachetés de la maison de la servitude (Mich. VI, 4) ; » et montre le bienfait caché sous le châtiment. Il en est de même de ce que nous voyons : c'est autant de bienfaits pour nous , autant de sages et instructifs enseignements destinés à combattre le vice. Les hommes agissent tantôt pour faire du bien aux autres, tantôt dans un esprit de haine et d'aversion tandis que Dieu fait tout dans un esprit de bienveillante, ainsi ce fut pour son bien qu'il plaça le premier homme dans le paradis terrestre , pour son bien aussi qu'il l'en chassa : ce fut pour le bien des hommes qu'il fit le déluge, et pour leur bien qu'il lança sur Sodome le feu qui la consuma. Considérez chacune de ses actions, et vous verrez qu'il a tout fait en vue du bien. C'est pour notre bien qu'il nous a menacés de la géhenne: si les pères, lorsqu'ils frappent leurs enfants, sont tout aussi bien leurs pères que lorsqu'ils les caressent, et tout aussi bons pères dans un cas que dans l'autre, pourquoi n'en serait-il pas de même de Dieu? Ce qui faisait dire à saint Paul: « Quel est le fils que son père ne châtie pas? » (Héb. XII, 7.) Et à Salomon : « Le Seigneur châtie celui qu'il aime, il corrige avec le fouet tous ceux de ses enfants qu'il veut instruire. Sa justice subsiste dans les siècles des siècles. » (Prov. III, 12.) 4. Il me semble que dans ce passage Salomon s'adresse à ceux qui sont scandalisés à la vue des malheurs qui frappent ceux qu'on ne croirait pas devoir en être frappés, c'est à peu près comme s'il parlait en ces termes : ne vous troublez pas en voyant des hommes faussement accusés, à qui l'on nuit et que l'on maltraite sans qu'ils l'aient mérité: car il leur reste un tribunal incorruptible , il leur reste ur. juge intègre qui donne à chacun selon son mérite. Si maintenant vous voulez demander compte à ce juge de ses décisions, prenez garde d'attirer sur vous une sentence de condamnation. Car si , à chacun de nos péchés, Dieu devait répondre par un châtiment, si, à chacune de nos fautes il devait infliger la condamnation qu'elle mérite, il y a longtemps que le genre humain aurait disparu de dessus la terre. Et pourquoi parlé-je de tel ou tel? Pour vous prouver ce que j'avance, je vais amener devant vous cet homme supérieur à tous les hommes, ce Paul dont la voix a été entendue de toute la terre, qui fut ravi au troisième ciel, qui fut transporté dans le paradis, que Dieu a initié à ses mystères redoutables, ce vase d'élection, ce paranymphe du Christ, cet homme quia mené la vie d'un ange, qui est arrivé à un tel degré de perfection. Si Dieu n'avait pas voulu patienter avec lui , s'il n'avait pas voulu le supporter à l'époque de ses erreurs, de ses blasphèmes et de ses persécutions, et s'il l'eût arrêté dans sa course en le frappant de la condamnation qu'il méritait, ne l'eût-il pas privé dès l'abord de tout moyen de se repentir? Et saint Paul le savait bien, lui qui disait: « Je rends grâces à notre Seigneur Jésus-Christ, qui m'a fortifié, de ce qu'il ma jugé fidèle en m'établissant dans son ministère; moi qui étais auparavant un blasphémateur, un persécuteur et un ennemi (122) outrageux. Mais j'ai reçu miséricorde, afin que je fusse le premier en qui Jésus-Christ fit éclater son extrême patience et que j'en devinsse comme un modèle et un exemple à ceux qui croiront en lui pour acquérir la vie éternelle. » (I Tim. XII, 13-16.) Et la femme prostituée, s'il l'eût châtiée, quand aurait-elle changé? Et s'il avait puni le publicain Matthieu, à l'époque où il était encore publicain et où il ne s'était pas encore converti, ne lui aurait-il pas enlevé tout moyen de se repentir? Oh peut en dire autant du bon larron, autant des mages, autant de chacun de ces célèbres pécheurs. Dieu retient sa colère, il retarde la vengeance que demande sa justice pour appeler les hommes à la pénitence; que s'ils demeurent incorrigibles, ils subiront infailliblement la peine due à leurs péchés. Aussi le prophète, pour consoler ceux qui sont victimes de l'injustice, et pour imposer plus de réserve à Ceux qui la font, a-t-il ajouté : « Sa justice subsiste dans les siècles des siècles. » Ce qu'il veut nous faire entendre par ces paroles, le voici : O vous qui souffrez l'injustice, ne désespérez pas, si la mort vous frappe, d'obtenir la justice qui tous est due, car, après volve départ de ce monde, vous recevrez pleinement la récompense de vos peines, et vous, qui ravissez les biens des autres, qui vous les appropriez , qui semez partout le désordre, si vous venez à finir vos jours en paix, n'en soyez pas plus rassuré: car, après voire départ de ce mondé, vous rendrez compte de tout ce que vous avez fait, et vous subirez la peine due à votre perversité. Car Dieu subsiste toujours ainsi que sa justice dont rien, pas même la mort, n'interrompt le cours, pas plus quand il s'agit de récompenser les peines endurées par l'homme vertueux, que quand il faut infliger nu vice le châtiment qui lui est dû. « Il a perpétué la mémoire de ses merveilles (4). » Quel est le sens de ces paroles, « il a perpétué la mémoire de ses merveilles ? » C'est-à-dire il n'a pas cessé. d'en faire, et il en fait toujours. Car ces mots « il a perpétué la mémoire,» signifient qu'il n'a pas cessé, qu'il ne s'est pas désisté pendant toutes les générations de produire des merveilles, et de réveiller l'attention des esprits épais par la vue des prodiges qu'il opérait. L'homme sage et d'un esprit élevé n'aura pas besoin de miracles: « Bienheureux,» en effet, « ceux qui n'ont pas vu et qui ont a cru ! » (Jean, XX, 29.) Comme Dieu se préoccupe non-seulement de ces hommes, mais encore de ceux dont l'intelligence est moins ouverte, il ne cesse pas de faire des miracles presque à chaque génération. La création telle que nous la voyous est déjà une merveille, cependant pour faire une plus vive impression sur l'esprit engourdi de la multitude il a produit beaucoup de miracles soit en public, soit en particulier, comme par exemple le déluge, la confusion des langues, la destruction de Sodome, ce qu'il a fait pour Abraham, pour Isaac, pour Jacob, pour les Juifs pendant leur séjour en Egypte, et pendant leur sortie de ce pays, pendant qu'ils étaient au désert, ce qu'il a fait pour eux en Palestine , à Babylone, au retour de la captivité, au temps des Macchabées, après que le Christ eut passé sur cette terre, et pendant qu'il y était, puis ce qu'il a fait jusqu'à nos jours, la ruine de Jérusalem, l'établissement de l'Eg
5. Vous savez aussi ce qui se passa dans la Palestine à cette époque. Quand les Juifs voulurent relever ce temple que Dieu avait condamné à la destruction, le feu jaillissant des fondations, chassa tous les travailleurs, et le travail resté inachevé en est une preuve. « Le (123) Seigneur est plein de bonté et de miséricorde. Il a donné la nourriture à ceux qui le craignent (5). » Le Prophète, après avoir proclamé les bienfaits de Dieu, bienfaits manifestés par ses miracles et par ses oeuvres, après avoir dit le soin qu'il avait pris de nous, donne encore plus de poids à ses paroles en montrant que si Dieu a fait tant et de si grandes choses pour le salut des hommes, s'il a employé et s'il emploie tous les moyens pour former leur coeur et leur esprit et les préparer à le connaître et à pratiquer la vraie sagesse, s'il protège et soutient leur existence, il le fait non pas parce qu'il le doit, mais (ce qui doit porter au comble notre reconnaissance) par pitié pour nous et par bienveillance, non pas parce qu'il a besoin de le faire, mais par pure bonté. « Il a donné la nourriture à ceux qui le craignent. » Pourquoi parler ici de ceux qui le craignent? Ce ne sont pas ceux-là seuls qu'il nourrit. Car il dit dans l'Evangile « qu'il fait lever le soleil pour les bons et pour les méchants, qu'il fait pleuvoir pour ceux qui sont justes et pour ceux qui ne le sont pas. » (Matth. X, 45.) Comment donc le Prophète a-t-il pu dire « à ceux qui le craignent? » Il me semble qu'ici il parle non pas de ta nourriture du corps, mais de celle de l'âme. Aussi ne parle-t-il que de ceux qui craignent le Seigneur, car c'est à ceux-là qu'elle est destinée. L'âme veut sa nourriture comme le corps. Et pour preuve, écoutez ces paroles : « L'homme ne vivra pas seulement de pain, il vivra aussi de toute parole sortie de la bouche de Dieu. » (Matth. IV, 4.) C'est donc de cette nourriture que parle le Prophète, de celle que Dieu a donnée de préférence à ceux qui le craignent, il parle des enseignements du Verbe divin et de ses préceptes où se résume toute sagesse. « Il se souviendra toujours de son alliance. » Afin de rabattre le sot orgueil des Juifs, et de leur enlever tout sujet de vanité, surtout afin de montrer que tous les biens dont ils ont joui ils les ont dus, non à leurs propres mérites, mais à l'affection que Dieu avait pour leurs pères et à l'alliance qu'il avait contractée avec eux, il dit : « Il se souviendra toujours de son alliance. » Et c'était là suivant les recommandations de Moïse, ce que les Juifs devaient se répéter entre eux et ce qu'ils devaient méditer à l'époque où ils pénétraient dans la terre de promission. Car il disait : « Si tu viens à bâtir de belles villes, si tu viens à t'entourer de trésors, ne va pas dire : cela m'est arrivé à cause de ma justice, mais : cela m'est arrivé à cause de l'alliance contractée avec mes pères. » (Deut. IX, 4, 5.) Rien de pire qu'une folle présomption; aussi Dieu la frappe-t-il sans relâche, toujours, et de toute manière. « Il manifestera à son peuple la force de son bras (6), pour lui donner l'héritage des nations (7). » De l'ensemble le Prophète descend aux détails : des événements qui intéressent l'univers, il descend à ceux qui ne concernent que les Juifs. Et cependant, à y regarder de près, on peut placer ceux-là au rang de ceux qui intéressent tout l'univers. Car les événements survenus chez eux étaient un enseignement pour les autres: leurs guerres, leurs trophées et leurs victoires suffisaient à tenir lieu de prédication pour ceux qui en auraient fait l'objet de leurs méditations. La succession de ces événements est en dehors et au-dessus de la logique humaine. Quelle explication logique donner de la chute des murs de Jéricho, quand sonnèrent les trompettes des Juifs ! des succès et du triomphe de cette femme qui commandait des armées ! de la victoire de ce petit garçon qui mit fin avec sa fronde aux attaques des ennemis ! et combien d'autres événements aussi extraordinaires ! C'est ainsi, c'est par une telle série de prodiges que les Juifs vainquirent leurs adversaires et les chassèrent de la Palestine. Lors donc que le Prophète dit : « Il manifestera à son peuple la force de son bras, pour lui donner l'héritage des nations, » il n'a en vue qu'une chose, c'est de montrer la puissance du Seigneur qui, non content de repousser les nations ennemies des Juifs, employait pour en arriver là des moyens tels que ce peuple ne pouvait manquer de connaître (et pour cela les événements antérieurs suffisaient déjà), que c'était le bras divin qui frappait les ennemis, et que c'était parce que Dieu se faisait leur général, que les Juifs triomphaient de leurs adversaires. Il les instruisait par des paroles et surtout par des laits, par leurs chaussures et leurs vêtements qu'il conservait, par la nourriture qu'il leur envoyait, par la nuée qui les éclairait la nuit et les guidait le jour, par les guerres, par la paix, par leurs victoires, par le labourage, par les pluies, en un mot, toute chose prenait une voix pour proclamer l'action du Maître suprême, et pour aiguillonner leur intelligence émoussée, et en (124) aucun temps Dieu ne cessa de leur donner des preuves de sa puissante protection. « Les oeuvres de ses mains sont la vérité et la justice. » Après avoir parlé de la puissance de Dieu, le Prophète nous entretient aussi de l'équité de ses jugements, car les actions du Seigneur témoignaient non-seulement de sa puissance, mais encore de sa justice. Il ne se contenta pas de chasser les nations des territoires où il voulait établir les Juifs, il se montra juste même en cela. Aussi Moïse dit-il autre part : « Les péchés des Amorrhéens n'ont pas encore comblé la mesure. » (Gen. XV, 16.) On peut dire cela non-seulement des Juifs et des événements qui les concernent, mais aussi de tous les autres événements en général. En toutes choses, Dieu procède suivant la vérité et avec discernement, c'est-à-dire avec justice. Bien souvent l'Ecriture célèbre son esprit de vérité et de bonté. Par là, elle veut dire que sa conduite à notre égard est un mélange de bonté et de justice. Car s'il n'eût fait que ce qui était juste, toutes choses auraient péri. 6. Aussi le même Prophète dit-il ailleurs : « N'entrez pas en jugement avec votre serviteur, car nul homme, vivant ne sera justifié en votre présence (Ps. CXLII, 2), » et ailleurs encore : « Si vous tenez compte de toutes nos iniquités, Seigneur, Seigneur, qui subsistera devant vous? » (Ps. CXXIX, 3.) Justice et bonté, tels sont les deux principes, qui guident le Seigneur dans tout ce qu'il fait. S'il s'en fût tenu à la stricte justice, tout eût péri : s'il n'eût employé que la bonté, les hommes se seraient, pour la plupart, encore plus relâchés. Et c'est. afin de varier nos moyens de salut, et de nolisa mener au bien qu'il s'inspire à la fois de sa justice et de sa bonté. « Tous ses commandements sont fidèles (8). » Ici le Prophète, comme il l'a déjà fait souvent, part de la sagesse et du soin qui éclatent dans les merveilles si, diverses de la création, pour nous entretenir des lois que Dieu a établies et pour traiter encore de sa providence sous cet aspect particulier. Car ce n'est pas seulement par la manière dont il a disposé cette création si belle et si grande qu'il a fait le bonheur du genre humain, mais aussi par les lois qu'il lui a données. Dans le psaume XVIII, le Prophète, parlant du Seigneur à ces deux points de vue, commence par dire : « Les cieux racontent la gloire de Dieu; » arrivé au milieu du psaume, et après avoir décrit les splendeurs de la création, il ajoute : « La loi du Seigneur est irréprochable, elle convertit les âmes les commandements du Seigneur portent au loin la lumière, ils éclairent les yeux. » (Ps. XVIII, 8, 9.) De même après avoir, dans le présent psaume, dit les prodiges, les merveilles et les oeuvres de Dieu, il en vient à parler de ses commandements, et s'exprime ainsi: « Tous ses commandements sont fidèles, ils sont affermis à jamais, ils sont le résultat de la vérité et de la droiture. » Ce n'est pas sans intention qu'il se sert du mot « tous, » s'il emploie cette expression, c'est qu'il veut peindre les commandements du Seigneur dans toute leur variété. Car, parmi ces commandements, on peut distinguer ceux auxquels obéissent la création, le soleil et la lune, la nuit et le jour, et les étoiles, et la terre et la nature, ceux qu'il a imposés dès l'origine à la nature, lorsqu'il forma le genre humain, et c'est de ceux-là que saint Paul dit : « Lorsque les Gentils qui n'ont pas la loi, font naturellement les choses que la loi commande, n'ayant point la loi, ils se tiennent à eux-mêmes lieu de loi (Rom. II, 14), » et qu'il dit ailleurs : « Car je me plais dans la loi de Dieu selon l'homme intérieur. » (Rom. VII, 22.) Il y a de ces commandements qui sont écrits. Et tous ces commandements subsistent. S'ils ont changé, ce n a pas été en mal, mais en mieux. Ce commandement : « Tu ne tueras point » n'a pas été supprimé, mais étendu; et cet autre : « Tu ne commettras pas l'adultère » n'a pas été effacé, mais affirmé avec plus d'énergie. C'est ce qui a fait dire au Sauveur : « Je ne suis point venu pour détruire la loi ou les prophètes, mais pour les compléter. » (Matth. V,17.) Car celui qui s'abstient de se mettre en colère, s'abstiendra encore plus du meurtre, et celui dont les regards ne sont pas impurs est encore plus éloigné de commettre l'adultère. Le caractère essentiel de la loi de Dieu c'est l'éternelle durée, qu'il s'agisse de la création, de la nature, de la sagesse ou du Nouveau Testament. Aussi le Christ a-t-il dit : « Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront point (Matth.V, 17), » montrant par là qu'elles sont inébranlables. Car tout ce que le Seigneur veut faire subsister subsiste sans interruption et sans que rien en interrompe la durée. « Ils sont le résultat de la vérité et de la droiture. » Qu'entend le (125) Prophète par ces mots : « le résultat de la vérité et de la droiture? » Dans ces commandements, dit-il, il n'y a ni ambages, ni faux-fuyants, ni obscurité, il n'y arien qui témoigne de la partialité ou de la haine, tous ils n'ont qu'un but, notre utilité et notre avantage. Ce n'est pas comme les lois des hommes qui durent si peu, qui sont si peu claires et qui se ressentent tant de leur origine. Car parmi ces lois, combien sont l'oeuvre des passions humaines! C'est pour se venger de ses ennemis ou pour complaire à ses amis que le législateur les a composées. Il n'en est pas ainsi des lois de Dieu, elles sont plus claires que le soleil, elles n'ont en vue que l'intérêt de ceux à qui elles s'adressent, elles les conduisent à la vertu, à la vérité et non à ces mensonges, je veux parler de la richesse et de la grandeur qui ne sont que mensonges, tandis que les oeuvres de Dieu ne sont que vérité ; elles apprennent non à s'enrichir, non à se procurer les biens d'ici-bas, mais à jouir des biens que nous réserve l'autre vie. Elles ne nous parlent, ces lois, que de la réalité, que de la vérité, de la vérité pure. « Tous ses commandements sont fidèles. » Comment « fidèles ? » Ils sont stables, durables. Si on les transgresse, le châtiment suit la désobéissance et on ne peut y échapper, et si les hommes négligent de les faire observer, Dieu est là prêt à les venger. N'allez donc pas dire que les paroles de Dieu ne sont que des menaces exagérées à dessein. Jamais un législateur ne se contente de menaces, il veut aussi corriger. Si vous ne croyez pas fermement à ce que l'avenir nous destine, songez aux événements passés et qu'ils vous servent de leçon. Le déluge de Noé, l'incendie de Sodome, Pharaon et son armée engloutis sous les eaux, les Juifs exterminés, leurs captivités, leurs guerres, étaient-ce là de simples menaces ou des menaces suivies d'effet? Si ces événements, qui ne sont qu'une image affaiblie de ceux que recèle la vie future se sont accomplis de la sorte, que sera-ce plus tard ? La réalité sera d'autant plus terrible que les hommes auront montré plus de perversité en se livrant au péché après avoir été l'objet de tant de soins et d'une protection si efficace. «Le Seigneur a envoyé la rédemption à son peuple (9). » Selon l'histoire, le Prophète parle de la délivrance des Juifs, selon le sens anagogique de la délivrance de l'univers, sens confirmé par ce qui suit : « il a conclu avec lui une alliance éternelle. » Il s'agit ici du Nouveau Testament. Il fait mention de ses commandements et de sa loi, mais comme elle a été violée et qu'un tel acte doit exciter la colère du Seigneur, il dit « qu'il a envoyé la rédemption à son peuple, » ainsi que le Seigneur l'a dit lui-même : « Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver. » (Jean, XII, 47.) Puisque la loi transgressée frappe le coupable d'un châtiment, « c'est la loi, » dit-il, « qui provoque le châtiment, car là où il n'y a pas de loi, on ne transgresse pas la loi. » (Rom. IV, 15.) Et ailleurs : « Tous ont péché, et sont devenus indignes de la gloire de Dieu, mais il les justifie par un effet de sa grâce. » (Ibid. III, 23, 24.) Voilà pourquoi le Prophète s'exprime en ces termes : « Il a envoyé la rédemption à son peuple. » 7. Cependant il ne se contente pas de nous envoyer la rédemption, mais après la rédemption, la loi reprend son cours, afin que par notre conduite nous nous montrions dignes de la grâce dont nous avons été l'objet. « Son nom est saint et terrible (10). » Le Prophète, à la vue des preuves éclatantes que Dieu a données de sa protection et de sa providence soit dans l'Ancien, soit dans le Nouveau Testament, soit par ses oeuvres, soit par ses commandements, soit par ses prodiges, soit par ses miracles, est saisi d'enthousiasme : il admire la grandeur de Dieu , il le glorifie et chante un hymne en l'honneur de Celui qui a fait toutes ces choses. « Son nom est saint et terrible, » c'est-à-dire son nom commande l'étonnement et l'admiration. Si cela est vrai de son nom, combien plus de Dieu lui-même? Comment son nom est-il saint et terrible ? Les démons le redoutent , les maladies en ont peur, c'est à lui, c'est à ce même nom que les Apôtres ont dû leurs succès sur cette terre. C'est à ce nom que David eut recours comme à une arme au moment de combattre, et il terrassa l'étranger qui menaçait sa patrie; ce nom a fait réussir mille et mille entreprises, c'est sous les auspices de ce nom que nous sommes initiés aux mystères sacrés. Le Prophète, après avoir repassé en lui-même tous les prodiges accomplis par ce nom, tous les bienfaits que nous lui devons, ses triomphes sur ceux qui le reniaient, sa protection efficace assurée à ceux qui le respectaient, après avoir médité ces événements supérieurs aux lois de la nature, (126) supérieurs même aux méditations de l'intelligence humaine, le Prophète dit : «Son nom est saint et terrible. » Or s'il est saint,il exige de ceux qui veulent le célébrer dans leurs hymnes, une bouche sainte, une bouche sainte et pure. « La crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. La véritable intelligence est en ceux qui l'éprouvent (10). » Que signifie ce mot « commencement ? » C'est-à-dire que la crainte du Seigneur est la source, est la racine, est la basé de la sagesse. Après avoir parlé avec tant de pompe et de solennité du Maître de la terre et montré combien il était frappé de crainte et de respect, le Prophète en vient naturellement à prononcer les paroles que je viens de citer, pour nous prouver que celui qui craint le Seigneur est rempli de toute sagesse et possède la véritable intelligence. Ensuite, afin qu'on ne croie pas qu'il suffit pour être sage de connaître Dieu, il ajoute : « La véritable intelligence est en ceux qui l'éprouvent. » La foi ne suffit point, si notre conduite n'est d'accord avec elle. Comment se fait-il que la crainte du Seigneur soit le commencement de la sagesse ? C'est qu'elle chasse de notre coeur tous les vices pour mettre à la place toutes les vertus. Par sagesse, le Prophète n'entend pas la sagesse des paroles, mais celle des actions, car ceux-là même qui n'appartiennent pas à l'Eg
Dans ce passage, ce que veut le Prophète, ce n'est pas seulement un auditeur, mais un homme qui pratique. « La véritable intelligence est en ceux qui l'éprouvent, » c'est-à-dire ceux qui pratiquent la sagesse et qui le montrent par leurs actions, ceux-là ont la véritable intelligence. « La bonne et véritable intelligence, » dit-il, car il y a la fausse et mauvaise intelligence, comme lorsqu'il lit : « Ils sont sages pour faire le mal, mais ne savent pas faire le bien. » (Jérém. IV, 22.) Ce qu'il veut, c'est que l'intelligence soit mise au service de la vertu. « Sa louange subsiste dans les siècles des siècles. » En quoi consiste cette louange , dites-moi ? Elle consiste dans nos actions de grâces, dans sa glorification , glorification éternelle qui procède de ses oeuvres et qui même les précède, et qui est un de ses attributs essentiels. Car Dieu est éternel, et par lui-même infiniment louable, il est louable quand on considère sa grandeur et toutes ses autres qualités, il est louable aussi à cause de ses oeuvres, quand on sait distinguer sa sagesse dans le spectacle de la création. Si le Prophète parle ainsi, c'est pour nous exhorter à rendre à Dieu des actions de grâces, et pour nous montrer qu'ils sont indignes de tout pardon, même de ce pardon banal que l'on prodigue à toutes sortes de fautes, ceux qui murmurent contre ce qu'il fait. En effet, puisqu'il est si évident, si clair, si manifeste qu'il a droit à nos louanges, à nos actions de grâces et à nos hommages, puisque sa gloire est assise sur des fondements tellement solides, tellement inébranlables, qu'elle défie les atteintes de la mort et qu'elle ne connaît ni limites, ni fin, ne pouvons-nous pas dire de ceux qui osent blasphémer contre elle, qu'ils nient ce qui est plus évident que le soleil, et qu'ils se rendent volontairement aveugles. Car la gloire de Dieu n'est pas une gloire passagère qui puisse excuser leur ignorance, elle n'est ni douteuse, ni obscure : non, non, elle est manifeste, elle est durable, elle est immortelle et reste toujours immortelle, et n'aura jamais de fin.
Traduit par M. A. BOUCHERIE
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