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EXPLICATION DU PSAUME CXLVIII. 1. « LOUEZ LE SEIGNEUR, O VOUS QUI ÊTES DANS LES CIEUX, LOUEZ-LE DANS LES PLUS HAUTS LIEUX, LOUEZ-LE, VOUS TOUS QUI ÊTES SES ANGES. »
ANALYSE.
1. Le Psalmiste invite tout l'univers à !oser le Seigneur, il invite l'un et l'autre monde, celui d'en-haut et celui d'en-bas, le monde sensible comme le monde intelligible; donc, il n'y a qu'un seul et même Créateur pour tous les êtres, soit spirituels, soit matériels : conclusion qui condamne le manichéisme. Toute créature loue Dieu à sa manière.
2 et 3. Ipse dixit et facta sunt : ipse mandavit et creata sunt. Dans ces paroles, saint Chrysostome trouve l'affirmation de ces quatre vérités, que Dieu a créé ce qui existe, qu'il l'a créé en le tirant du néant, qu'il l'a créé sans peine, et qu'il régit et gouverne ce qu'il a créé.
4. Toutes les créatures ont leur utilité, même les serpents et les scorpions. L'homme sage tire son profit de tout ce qui existe.
5. Il vaut encore mieux avoir de mauvais magistrats que de n'en pas avoir du tout.
1. C'est l'habitude des saints, lorsque dans le transport de leur reconnaissance , ils vont rendre à Dieu des actions de grâces, d'appeler, auprès d'eux, un grand nombre de fidèles pour partager ce devoir de bénédiction ; on les voit toujours exhortant les âmes à s'associer à ce culte si beau d'adoration et d'hommages. C'est ce que firent les trois enfants dans la fournaise. (Daniel, III.) Ils invitèrent toutes créatures à bénir Dieu pour le bienfait qu'ils en avaient reçu; à élever vers le Seigneur leurs cantiques et leurs hymnes. C'est ce que fait encore ici le Psalmiste, s'adressant aux deux mondes, à celui d'en-haut, à celui d'en-bas, au monde sensible , au monde que l'esprit seul conçoit. C'est encore ce que fait le prophète Isaïe, quand il dit: « Cieux , louez le Seigneur; terre, soyez dans l'allégresse , parce que le Seigneur a eu pitié de son peuple. » (Isaïe, XLIX, 13.) C'est ce que fait aussi le Psalmiste lui-même, quand il dit: « Lorsque Israël sortit de l'Égypte, et la maison de Jacob, du milieu d'un peuple barbare, les montagnes sautèrent comme des béliers, et les collines comme (301) les agneaux des brebis. » (Ps. CXIII, 1, 4.) Ailleurs encore, Isaïe : « Cieux, que les nuées « fassent descendre le juste comme une pluie.» (Isaïe, XLV, 8.) Les hommes ne suffisent pas seuls à la tâche de louer, de célébrer Dieu, et alors ils vont partout, cherchant des compagnons de leurs hymnes. Quant au Psalmiste, c'est ce qu'il fait souvent, comme quand il dit: « Adorez-le, vous tous, qui êtes ses anges. » (Ps. XCXVI, 7.) Et encore : « Vous tous qui êtes des puissantes, et qui accomplissez ses ordres. » (Ps. CII, 20.) Et maintenant le Psalmiste se propose encore une autre pensée, quelle est-elle? Qu'un insensé n'aille pas se figurer qu'il y a deux créateurs du monde. Les créatures sont diverses, les substances, différentes (sensibles, spirituelles, visibles, invisibles, corporelles, incorporelles) ; il ne faut lias, de la diversité des ouvrages, conclure à la diversité des ouvriers. Voilà pourquoi le Psalmiste institue un choeur unique, un seul choeur de toutes les créatures, offrant le cantique au même Dieu, voilà pourquoi il dit que le même Dieu doit être célébré par les créatures d'en-haut, par les créatures du monde inférieur. Il montre par là, que c'est un seul et même ouvrier qui a fait les unes et les autres. Maintenant il commence par celles du monde supérieur et il dit: « Louez-le, vous tous qui êtes ses anges ; louez-le , vous tous qui êtes ses puissances. » Un autre texte: « Vous tous qui composez ses armées : » C'est-à-dire: chérubins, séraphins, dominations, principautés, puissances. C'est le propre d'une âme embrasée, c'est le propre d'un amour brûlant d'exciter tous les êtres à louer celui qu'on aime; c'est le propre d'une âme qui trouve toujours un plaisir plein de charme dans la pensée de Dieu; qui s'extasie devant sa gloire, et qui l'admire. « Soleil et lune, louez-le; étoiles et lumières, louez-le toutes ensemble; » un autre texte : « Etoiles de la lumière, louez-le, cieux des cieux, et que toutes les eaux, qui sont au-dessus des cieux, louent le nom du Seigneur; car il a parlé, et toutes ces choses ont été faites ; il a commandé, et elles ont été créées. Il les a établies pour le siècle, et pour le siècle du siècle. » Un autre texte: « Il les a établies , pour subsister sans interruption. Il leur a prescrit ses ordres, qui ne manqueront point de s'accomplir (3, 4, 5, 6). » Pourquoi, après avoir dit quelques mots des puissances célestes, se précipite-t-il si vite loin du ciel , vers les êtres visibles? pourquoi cette longue énumération, passant, un à un , en revue les objets visibles, et du ciel, et de la terre ? C'est que ces objets se manifestaient plus clairement aux auditeurs; ils les voyaient, ils les avaient sous les yeux. Et voilà pourquoi Moïse aussi, commençant son histoire par la création, ne s'étend, ni beaucoup, ni peu, sur les créatures supérieures; il commence par le ciel et par la terre ; il parle du soleil , de la lune , des plantes, des animaux qui nagent , des quadrupèdes, et finit par lhomme. Quant aux « cieux des cieux, » dont parle ici le Psalmiste, il ne s'agit pas d'une multitude de cieux différents ; « le ciel du ciel » a le même sens. L'hébreu en effet dit d'ordinaire : « Le ciel du ciel; » c'est ainsi qu'autre part encore le Psalmiste dit: « Le ciel du ciel appartient au Seigneur; quant à la terre, il l'a donnée aux enfants des hommes. » (Ps. CXIII, 7.) « Et toutes les eaux qui sont au-dessus des cieux.» Vous avez entendu Moïse dire aussi que le Seigneur, partageant les eaux , laissa les unes en bas, éleva les autres sur les voûtes célestes, établit le firmament au milieu de l'abîme, et permit aux eaux supérieures de couler comme sur le dos de ces voûtes. Mais maintenant, dira-t-on, quelles louanges peuvent faire entendre des créatures, sans voix, sans langue, sans âme , sans raison, sans intelligence; qui n'ont ni l'organe de la parole, ni la pensée? Il y a deux manières, de glorifier: l'une par les paroles, l'autre par ce que soient les yeux. On peut même ajouter une troisième manière, par la conduite et par les oeuvres. Car, ce ne sont pas seulement les paroles, le silence même de l'homme glorifie Dieu; c'est ainsi que le Christ a dit: « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes couvres et qu'ils glorifient votre Père, qui est dans les cieux. » (Matth. V, 16); et ailleurs: « Ceux qui me glorifient, je les glorifierai. » (I Rois, II, 30.) Il y a, sans doute la glorification par la langue, exemple Moïse, glorifiant Dieu avec Marie et disant: « Chantons des hymnes au Seigneur, parce qu'il a fait éclater sa gloire. » (Exode, XV, 1.) Il y a aussi la glorification qui résulte de la création même; c'est encore le Psalmiste qui nous dit: « Les cieux racontent la gloire de Dieu , et le firmament publie les ouvrages de ses mains. » (Ps. XVIII, 1.) Ainsi la (302) création même le loue par la beauté, par la position, la grandeur, la nature, l'usage, les services, la persistance, l'utilité; donc lorsque le Psalmiste dit: Louez le Seigneur, anges, vertus, cieux, lune, soleil, étoiles, eaux, qui êtes au-dessus des cieux, il veut dire que toute créature manifeste la sagesse de l'ouvrier, fait éclater des merveilles; ce que Moïse a exprimé rapidement au commencement de son récit. « Dieu vit toutes les choses qu'il avait faites, et elles étaient très-bonnes (Gen. I, 3l); » tellement bonnes qu'elles glorifiaient l'ouvrier, et portaient le spectateur de ces oeuvras à louer Celui qui les avait faites. 2. Voilà donc la louange qu'entend le Psalmiste, c'est la beauté des oeuvres; voilà ce qui provoque en l'honneur de louvrier les hymnes de louanges. Ce que Paul exprime aussi, en disant : « Les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles, depuis la création du monde, sa puissance éternelle et sa divinité.» ( Rom. I, 20.) Et le Psalmiste, après avoir parlé des créatures, et laissé au spectateur le soin de conclure, de l'aspect des choses visibles, la beauté, la grandeur et l'utilité des oeuvres de Dieu, indique une autre raison de louanges. « Dieu a parlé, et toutes ces choses ont été faites; il a commandé, et elles ont été créées. Il les a établies pour le siècle, et pour le siècle du siècle, il leur a prescrit ses ordres, qui ne manqueront point de s'accomplir. » La beauté, la merveilleuse magnificence de ses couvres se manifestent suffisamment aux regards. Quant à cette vérité, qu'il y a un ouvrier qui les a faites; qu'elles ne sont ni des effets du hasard, ni incréées, c'est ce que l'on peut déduire des paroles mêmes de l'Écriture. Je veux apprendre à celui qui doute, qu'il y a, de ces oeuvres un créateur, un ouvrier, prévoyant, plein de sollicitude. L'Écriture en effet pose ici deux vérités, ou plutôt trois; et, si l'on examine le texte avec attention on verra même qu'il y en a quatre, à savoir: que l'ouvrier a créé, et a crée du néant, et a créé facilement, et que ce qu'il fait exister, il le gouverne. En effet, cette expression, « il a parlé » montre la facilité de l'oeuvre; c'est ainsi que Paul disait: « Qui vivifie les morts, et qui appelle ce qui n'est, point, comme ce qui est. » (Rom. IV, 17.) Ce mot « appelle » c'est pour montrer la facilité. Quant à ce fait, que Dieu gouverne ce qu'il fait exister, le Prophète l'indique encore par ces paroles : « Il les a établies pour le siècle, et pour le siècle du siècle. Il leur a prescrit ses ordres, qui ne manqueront point de s'accomplir. » Voyez comme, ici encore, il nous montre la puissance, l'autorité, non-seulement par ce que l'ouvrier a établi, mais aussi, parce qu'il a prescrit ses ordres ; le Psalmiste emploie le langage humain pour faire comprendre l'action divine. De même qu'il vous est facile, à tous, de parler, de donner un ordre; de même il est facile, pour Dieu, de créer du néant, et de gouverner ce qu'il fait exister, disons mieux, la facilité n'est pas égale ; elle est, chez Dieu, de beaucoup plus grande; il n'est pas de paroles pour exprimer l'extrême facilité avec laquelle il a tout créé ; et, ce qui est admirable, ce n'est pas seulement qu'il gouverne, ni que les lois de la nature sont immuables, mais c'est que la création se perpétue à l'infini. Considérez la longueur du temps, et aucune confusion n'a troublé les êtres; la mer n'a pas inondé la terre ; le soleil n'a pas dévoré, de ses feux, les objets visibles ; le ciel ne s'est pas ébranlé; les limites du jour et de la nuit ne se sont pas confondues; il n'y a pas eu de bouleversement dans les saisons, ni rien de pareil : tout ce qui a reçu l'être, et dans le monde supérieur, et sur la terre, a conservé exactement les limites une fois prescrites dès le commencement du monde à chaque partie de la création. Après avoir parlé des créatures supérieures,, de celles qui résident dans les cieux, le Psalmiste descend sur la terre. Nous l'avons déjà vu parlant des créatures supérieures, commencer par les puissances super-célestes, descendre ensuite aux créatures célestes; de même, ici : des créatures célestes, il se précipite d'un bond vers celles de la terre. En effet, certains hommes décident que les créatures célestes sont dignes de Dieu, mais, pour celles de la terre, ils les censurent, parce que l'on trouve sur la terre des scorpions, des lions, des vipères, des dragons et d'autres espèces d'animaux; des arbres stériles. Le Psalmiste, comme pour leur répondre, entreprend une autre manière de raisonnement. Or, voyez ce que fait le Psalmiste: laissant de côté les animaux dont l'utilité est reconnue, les brebis, les bufs, dont l'utilité est une vérité de l'expérience ; les ânes, les chameaux, toits les animaux qui nous servent à transporter des fardeaux, il s'occupe de ceux qui paraissent inutiles, des dragons ; il parle des mers, qui ne sont pas navigables; il parle de ce qui semble créé pour nous importuner; (303) du feu, de la grêle, de la neige, de la glace; ensuite des arbres stériles, des montagnes ; il laisse, ici encore, de côté les plaines spacieuses et propres à la culture, les vergers produisant des fruits utiles et agréables ; il passe aux montagnes, aux collines, aux lieux déserts, et il mentionne tous les serpents. Pour plus de clarté, écoutons ses paroles mêmes. Après avoir dit: « Il leur a prescrit ses ordres, qui ne manqueront point de s'accomplir, » il ajoute : «Louez le Seigneur, ô vous qui êtes sur la terre ; vous, dragons, et vous tous, abîmes d'eau, feu, grêle, neige, glace, vents, qui excitez les tempêtes; vous tous, qui exécutez sa parole. » Un autre texte : « Vent de Typhon; vous montagnes, et toutes les collines; arbres fruitiers, et tous les cèdres; bêtes sauvages, et tous les autres animaux, reptiles, et vous oiseaux qui avez des ailes. (7, 8, 9, 10.) » D'où vient qu'il entreprend un pareil discours? Il veut montrer à satiété la providence de Dieu. Et en effet, si les êtres en apparence inutiles, ennemis du genre humain, sont tellement bons, tellement utiles qu'eux aussi célèbrent Dieu, qu'ils exaltent la gloire de l'ouvrier qui les a faits, réfléchissez en vous-mêmes, que dirons-nous des autres êtres? Si vous voulez bien, reprenons une à une chacune des créatures qu'il a nommées, « vous, dragons, » dit-il, « et vous tous abîmes d'eau.» Il faut entendre ici par « dragons, » les baleines comme dans un autre passage où il dit : « Ce dragon que vous avez formé pour s'y jouer (Ps. cru, « 26) ;» les passages abondent, où l'on peut voir la baleine appelée de ce nom. 3. Et comment, dira-t-on, cet animal glorifie-t-il celui qui l'a fait? Je réponds, moi, comment ne le glorifie-t-il pas ? Vous en voyez la grandeur, la structure, si nettement racontée dans le livre de Job. (Job, XL, 41 et suiv.) Comment n'admireriez-vous pas l'ouvrier, qui a produit un si grand animal ? Et en vérité, la grandeur n'est pas ici ce qui doit nous frapper; remarquons de plus ce fait, que cet animal a pour résidence des mers qui ne sont pas navigables, et il faut admirer que ces limites ne soient pas franchies par un monstre féroce et d'une incomparable grandeur. Il reste dans les régions qui lui ont été fixées, et, non-seulement il ne s'élance pas sur la terre, ni vers des contrées habitables, mais il ne s'échappe même pas vers ces parties de la mer que visitent les navigateurs; il ne détruit pas les différentes espèces de poissons; il vit en se renfermant dans les limites à lui fixées. Et ce n'est pas là la seule merveille; considérons, dans l'abîme, l'immensité de la profondeur. Ce que nous avons remarqué dans un animal, peut encore se remarquer dans la mer; soulevée par les vents, elle est irrésistible, le volume de ses eaux est immense et cependant elle ne franchit pas ses limites ; elle n'inonde pas les terres voisines, elle demeure attachée par d'indissolubles liens , quelle que soit d'ailleurs l'insolence de ses flots. Voyez donc une telle grandeur, les souffles si puissants qui la soulèvent, et cette merveille, cette masse désordonnée, cette masse énorme, cet élément d'une violence irrésistible, ne sort pas du lieu qui lui est propre ; et, au sein de perturbations si grandes, conserve l'ordre et la mesure. Méditez ces réflexions en vous-mêmes et vous chanterez alors le cantique de louanges en l'honneur de Dieu, et vous admirerez sa puissance, son habileté, sa force, son empire. Il y a encore des causes ineffables, connues seulement de celui qui a tout créé. De là, ce que disait un sage : « Ne demandez pas pourquoi ceci , à quoi bon cela? Car tout a été fait à son usage. » (Eccl. XXXIX, 2.) « Feu, grêle, neige, glace, vents qui excitez les tempêtes, vous tous qui exécutez sa parole. » Ici encore, le Psalmiste ajoute une idée nouvelle. En effet, dans le psaume précédent, il admirait qu'en un instant bien court, là neigé envahit toute la surface de la terre; il admirait la glace qui durcit, qui se transforme, se change en ses contraires. Maintenant, dans le psaume qui nous occupe, il s'étonne que ce qui n'était pas ait été fait.; que ce qui a été fait subsiste, et que ces créatures qui subsistent soient des serviteurs qui, quoique dépourvus de raison, exécutent les ordres de Dieu avec une parfaite obéissance. ( Ps. CXLVII; 5, 6. ) Ce n'est pas tout, souvent un seul ordre a suffi pour la transformation complète des éléments en leurs contraires comme on l'a vu dans la fournaise de Babylone, où le feu brûlait et servait en même temps de rosée. Eh bien, après? objecte-t-on, y a-t-il là une raison de rendre à Dieu des actions de grâces ? Sans doute, et une raison des plus puissantes. En effet, Dieu mérite également d'être loué, quand il punit et quand il exempte du châtiment; car il y a là deux preuves qui manifestent également sa sollicitude, deux preuves égales de sa bonté. (304) Les hommes suivent tantôt la bonté, tantôt la perversité, la colère; Dieu, par des moyens différents, ne révèle jamais que sa bonté. Il faut donc également le louer d'avoir mis Adam dans le paradis et de l'en avoir chassé; il faut lui rendre grâces, non-seulement pour la royauté qu'il nous destine, mais aussi pour !'enfer; car s'il l'a fait, s'il nous en menace, c'est pour nous affranchir du vice. En effet, si nous remercions le médecin, non-seulement quand il nous permet la nourriture, mais quand il nous impose les tourments de la faim, non-seulement quand il nous envoie en promenade sur la place publique, mais quand il nous tient chez nous, enfermés ; non-seulement quand il nous frictionne, mais quand il brûle et ampute nos membres, parce que si les traitements sont différents, c'est toujours la même fin qu'il se propose; de même il faut louer Dieu pour tout ce qu'il fait et il faut le louer beaucoup plus encore, parce que c'est Dieu; le médecin n'est qu'un homme et souvent le résultat trompe le médecin; mais ce que Dieu fait témoigne de la plus sage sollicitude. Et, voyez maintenant : la grêle et le feu n'ont pas été seulement des instruments de supplices, mais la grêle et le feu ont affranchi du supplice, ont terminé des guerres, ont repoussé des invasions ennemies. Ignorez-vous les prodiges accomplis par le moyen de ces éléments, et en Egypte, et dans la Judée, et au milieu de notre génération ? Et la puissance de Celui qui commande est si grande, que les oeuvres qu'il accomplit par ses anges, par des créatures spirituelles, par de grandes puissances, il lui arrive souvent de les accomplir par le moyen des éléments, d'une manière admirable. Ce que Dieu fait, afin que l'insensé n'attribue pas les oeuvres à l'ange, mais à Celui qui lui a commandé. Un ange a mis fin à une guerre? la grêle en a fait autant. Un ange a exterminé les premiers-nés des Egyptiens? La mer en fureur, elle aussi, a exterminé tout un peuple. Donc, pour toutes ces merveilles, rendez grâces au Dieu de bonté. « Vous, montagnes, et toutes les collines, arbres fruitiers et tous les cèdres; vous, bêtes sauvages, et tous les autres animaux; vous reptiles, et vous, oiseaux qui avez des ailes. » Voyez-vous la complaisance avec laquelle il s'arrête sur les êtres inutiles, les montagnes, les bois, les collines, les animaux, les reptiles, les arbres stériles ? Les arbres fruitiers montrent d'eux-mêmes leur utilité, de même que les plaines et les animaux d'un caractère doux; mais les bêtes féroces, les serpents, les montagnes, les arbres stériles, dira-t-on, quelle utilité présentent-ils? Une très-grande assurément et qui répond pour nous à de grands besoins, car les montagnes, et les collines, et les arbres stériles nous sont très-précieux, pour nous fournir des matériaux de construction. Si ces matériaux nous manquaient, notre race périrait; de même donc que nous avons besoin de champs cultivés pour en tirer nos aliments, de même nous avons besoin de bois stériles et de pierres pour construire nos maisons et pour mille autres usages. 4. Mais les serpents, dira-t-on, les scorpions, les dragons, les lions, à quoi cela sert-il ? quelle en est l'utilité ? immense, inexprimable, aussi précieuse que celle que nous retirons des animaux apprivoisés. Ceux-ci nous sont utiles, à titre de serviteurs; les autres vous inspirent la crainte, pour vous apprendre la modération; pour vous exercer à la lutte; pour vous rappeler la faute de votre premier père ; pour vous montrer les déplorables suites de la désobéissance. 'En effet, ces animaux n'étaient pas, dès le principe, terribles pour l'homme; l'homme n'avait pas de raison pour les fuir; ils étaient doux et apprivoisés ; tel était leur caractère, lorsque Dieu les conduisit auprès d'Adam, lorsque Adam leur donna leurs noms. Le serpent adresse la parole à la femme; Eve ne s'en détourne pas avec horreur ; mais une fois que le commandement du Seigneur eut été transgressé , une fois que l'homme eut désobéi à Dieu, l'homme perdit la plus grande partie de ses glorieux privilèges. Donc, à la vue d'un lion, à la vue d'un serpent, rappelez vous l'enseignement sacré, et ce spectacle sera pour vous une éloquente leçon de sagesse; rappelez-vous aussi Daniel ; quand son âme eut reconquis l'antique innocence, il méprisa ces animaux qui inspirent la terreur. Paul, de même, méprisa la vipère. (Act. XXVIII.) Ces souvenirs réveilleront votre zèle, votre application. Nous pouvons d'ailleurs admirer encore ici une autre preuve de la sagesse avec laquelle Dieu a disposé les choses. Quelle est-elle? c'est que Dieu a fixé à ces animaux des résidences loin des villes, à savoir, les solitudes ; ils sont terribles et ils ne séjournent pas dans les cités; ils ne s'élancent pas sur les hommes qui les (305) habitent; la solitude leur plaît , ils sen contentent, parce que c'est là, dès le commencement, le séjour que Dieu leur a fixé. Ainsi, quand vous dormez, ces animaux parcourent la solitude: ce que le Prophète montre encore dans un autre endroit, par ces paroles : « Vous avez répandu les ténèbres , et la nuit a été faite, et c'est durant la nuit que toutes les bêtes de la forêt se répandent sur la terre. » ( Ps. CIII, 20. ) Voyez-vous les traces, encore aujourd'hui subsistantes, de votre premier empire? Quelque diminution qu'il ait subie, quoique mutilé , il conserve encore quelque signe qui le fait reconnaître. Ces bêtes sauvages sont comme des esclaves , relégués loin de nous, séparés de nous, par le temps et par l'espace; ne les attaquez pas, elles n'oseront pas vous attaquer; elles vivent dans les déserts; vos angoisses, vos chagrins, parce que des bêtes féroces ont été faites , rie prouvent que votre démence. Si votre conduite est conforme à la vertu, elles ne vous feront aucun mal ; si vous avez souffert du mal que vous ont fait les bêtes féroces, pensez que vous avez souffert beaucoup plus. de celui que vous ont fait les hommes. L'homme est plus redoutable que la bête féroce; celle-ci montre sa férocité, l'homme cache sa perversité sous le masque de la douceur; de là vient qu'il est souvent difficile de s'en préserver. Pratiquez la sagesse; ni bêtes féroces, ni hommes ne vous nuiront, mais au contraire vous serviront beaucoup. Et que parlé-je de la bête féroce et de l'homme , lorsque le démon lui-même, non-seulement n'a fait. à Job , aucun mal, mais a été pour lui l'occasion de conquérir les plus glorieuses couronnes? Que parlé-je de la bête féroce et de l'homme, lorsque les éléments mêmes que vous portez eu vous, si vous tombez dans le relâchement, sont, pour vous, des causes bien autrement graves de douleur? je parle de la bile ou de la pituite, que, dans votre intempérance, vous ne songez pas à réprimer, ennemis funestes, tant il est vrai que nous avons un besoin absolu de modération et de vigilance. Mais ici, de même que la négligence attire les plus grands maux, ainsi l'attention à veiller sur soi-même suffit pour trouver les plus précieux avantages; car enfin tout dépend de la volonté, du libre arbitre. Ce qu'est la neige dans l'univers, et le feu, et le vent des tempêtes; la pituite, le sang et la bile le sont pour le corps, et ce qu'il faut, c'est que la parfaite sagesse règle notre tempérament, si nous voulons retirer, de notre constitution, futilité qu'elle comporte; si nous ne voulons pas nous exposer aux maladies. Mais à quoi bon parler du corps? l'âme aussi a des puissances qui, une fois exagérées, deviennent des maladies ; châtiez-les, modérez-les, ces mêmes puissances deviennent des auxiliaires ; la colère convenable est un remède salutaire ; la colère immodérée cause votre perte. Le désir naturel, suivi avec modération, fait de vous un père; en effet, au point de vue de la procréation des enfants, ce désir a son utilité ; mais lâchez la bride, et il vous jette , trop souvent, dans les impuretés, dans les adultères. Donc, n'accusez pas les choses, n'accusez jamais que votre volonté. Si vous négligez de la surveiller, vous trouvez en vous-mêmes ce qui vous blesse; dans votre propre corps, ce qui le perd. Avez soin de votre âme; ni les anges déchus, ni le démon ne pourra vous nuire; et les bêtes féroces, bien moins encore. « Que les rois de la terre et tous les peuples (11); » un autre texte : « Et toutes les tribus.» « Que les princes et tous les juges de la terre; que les jeunes hommes et tes jeunes filles (12) ; » un autre texte : « Choisis. » Que les « vieillards; avec les plus jeunes; » un autre texte : « Avec les jeunes gens,» « louent le nom du Seigneur. » Ici maintenant le Psalmiste parle d'une autre preuve de la Providence, à savoir, (les princes; ce que Paul proclame aussi, dans sa lettre aux Romains, montrant, avec beaucoup de sagesse, que c'est une opération de la providence de Dieu d'avoir partagé tout le genre humain, d'une part en magistrats, d'autre part, en hommes qui leur obéissent. « Car le prince est le ministre de Dieu, » dit-il, « pour vous, en vue du bien. » (Rom. XIII, 4.) Supprimez-le, c'est la ruine du genre humain tout entier. Et en effet, si aujourd'hui que tant de princes et de magistrats sont corrompus et dépravés, leur utilité pourtant est si grande; s'il est vrai que, malgré leur malignité, ils nous rendent de si importants services, réfléchissez en vous-mêmes, supposez que tous ceux à qui des commandements sont confiés, sont des hommes vertueux, quel ne serait pas alors le bonheur du genre humain? Mais que des magistrats aient été établis, voilà l'oeuvre de Dieu ; que des pervers soient élevés aux magistratures, et abusent de leur pouvoir, (306) c'est ce qu'il ne faut attribuer qu'à la perversité humaine. 5. Donc, le Psalmiste nous dit qu'il faut rendre à Dieu de grandes actions de grâces, parce qu'il y a des rois et des juges. En effet, s'il a pris le soin de constituer, selon un ordre fixe, dans une mesure déterminée, le gouvernement des hommes; s'il n'a pas voulu qu'un grand nombre d'hommes vécussent d'une vie plus grossière que celle des bêtes sauvages, il a dû alors, comme il a inventé l'art de conduire les chars, et la science de diriger les navires, inventer aussi les puissances des magistrats et des rois. Donc, prince ou magistrat, rends grâces au Dieu de bonté, qui t'a donné l'occasion de montrer tant de zèle et d'activité ; et toi, qui n'es qu'un simple citoyen, rends ainsi grâces au Seigneur, qui t'a donné quelqu'un pour prendre soin de toi ; qui n'a pas voulu que les trames des méchants pussent t'écraser; vieillard ou jeune homme, rends grâces à Dieu ; c'est là en effet ce que prouve avant tout ce psaume. Il faut louer Dieu, pour toutes choses; que l'on soit magistrat, ou que l'on soit simple citoyen. Voilà pourquoi le Psalmiste dit: « Et tous les peuples, » c'est-à-dire, vieillard ou jeune homme, homme ou femme. « Parce qu'il n'y a que lui dont le nom est vraiment élevé. » Un autre texte. « Est au-dessus de tous (13). » « Au-dessus du ciel et de la terre se publient ses louanges; » un autre texte: « Et se chantent ses hymnes. C'est lui qui élèvera la puissance de son peuple. Qu'il soit loué par tous ses saints, par les enfants d'Israël, par ce peuple, qui est proche de lui (14). » Ce qui revient à dire : j'ai montré, par toutes les créatures visibles, sa prévoyance, sa gloire, sa majesté. Eh bien ! c'est lui-même qu'il faut louer, non-seulement pour ces raisons, mais, de plus, sans ces raisons, car, avant et sans ces raisons de louanges, à lui lélévation, à lui la gloire, à lui, de la part de tous les êtres, les actions de grâces. Et maintenant cette expression, « Il n'y a que lui » c'est pour le distinguer des faux dieux. Le Psalmiste élève encore l'auditeur à une contemplation plus haute ; de la terre il l'enlève au ciel. De même, en effet, qu'au commencement, il est descendu du ciel sur la terre, de même, par un mouvement contraire, il emporte l'homme loin de tous les êtres visibles, au-dessus du ciel, en disant: « Au-dessus du ciel et de la terre, se publient ses louanges, » ce qui veut dire, que, bien que les puissances supérieures, invisibles, purement spirituelles, ne cessent pas de rendre grâces à Dieu et de le louer, Dieu pourtant, un tel Dieu, un si grand Dieu, a daigné nous aussi, nous appeler son peuple, et non-seulement nous appeler, mais nous élever, nous exalter. Voilà pourquoi il a ajouté : « Et c'est lui qui élèvera la puissance de son peuple. » Nouvelle raison de rendre, à ce Dieu, un plus grand culte; et le Psalmiste nous montre que ce Dieu n'a besoin ni du culte ni de la vénération particulière de ce peuple (comment en aurait-il besoin, lui que glorifie la nature entière, à qui sont soumises tant de créatures ?). C'est par sa seule bonté qu'il s'est attaché particulièrement ce peuple, qu'il en a fait son ami, qu'il l'a rendu glorieux, illustre dans l'univers; ce que montrent ces paroles : « Qu'il soit chanté par tous ses saints, par les enfants d'Israël, par ce peuple qui est proche de lui. » Le Psalmiste, en effet, n'a pas voulu ménager des prétextes à la nonchalance, à l'indolence en appelant les Israélites le peuple de Dieu; il n'a pas voulu que, se confiant à ce titre, ils négligeassent la vertu. Aussi, après avoir dit. « Qu'il soit chanté par tous » il ne dit pas simplement, les hommes, mais « ses saints; » et encore , après avoir dit, « par les enfants d'Israël, » il a ajouté : « Par ce peuple qui est proche de lui. » Maintenant un autre interprète, au lieu de, qu'il soit chanté, dit, « qu'il soit loué. » Donc, ce que dit le Psalmiste, revient à ceci: si vous êtes saints, si vous vous approchez de Dieu, vous obtiendrez une grande gloire, car tous ses biens sont éternels, comme il convient à Celui qui possède tant de richesses et tant de gloire. Il faut donc, de plus, de notre côté, faire ce qui dépend de nous, afin de jouir, nous aussi, de la plénitude de la gloire, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire, et l'empire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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