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EXPLICATION DU PSAUME CXXXIV. 1 « LOUEZ LE NOM DU SEIGNEUR; LOUEZ LE SEIGNEUR, VOUS QUI ÊTES SES SERVITEURS; VOUS QUI DEMEUREZ DANS DANS LA MAISON DU SEIGNEUR, DANS LE PARVIS DE LA DE NOTRE DIEU. LOUEZ LE SEIGNEUR, PARCE QUE LE SEIGNEUR EST BON. (1, 2, 3) »
ANALYSE.
1 et 2. Heureuse influence que la psalmodie exerce sur les âmes. De lélection du peuple juif, qu'elle avait pour but l'intérét de toutes les nations.
3. Phénomènes merveillenx résultant de la rencontre des éléments contraires. De lutilité des vents. Ce qu'il faut entendre par ces trésors d'où, selon le Psalmiste , Dieu tire les vents.
4. et 6. Universalité de la Providence divine.
7. De la vanité des idoles , du parti que le démon sait en tirer pour perdre les hommes.
Nouvelle exhortation au sacrifice par !es louanges ; car c'est là le sacrifice, l'oblation qui convient à Dieu. Aussi, ailleurs encore, le Psalmiste dit-il : « Je louerai le nom de mon Dieu, en chantant un cantique; je le glorifierai par mes louanges, ce qui sera plus agréable à Dieu qu'un jeune veau, montrant ses premières cornes et ses ongles. » ( Ps. LXVIII, 31, 32.) Et il ne cesse de rappeler la maison, le parvis, le lieu où il attache, où il retient les transports des fidèles. En effet, dès le commencement la loi a voulu l'établissement du temple, pour prévenir toute impiété, toute idolâtrie ; pour tenir en un seul lieu les croyants rassemblés, pour empêcher la licence vagabonde, qui trouvait partout, dans les bois, auprès des fontaines, sur les collines, sur les montagnes, des occasions d'impiétés, de sacrifices, de libations sur les hauts lieux. Aussi le législateur va-t-il jusqu'à prononcer la mort contre celui qui sacrifie hors du temple : « Celui qui n'aura pas présenté l'offrande à l'entrée du tabernacle, pour être offerte au Seigneur, sera coupable de meurtre. » (Lévitique, XVII, 4. ) Si la loi rassemble de toutes parts les Hébreux en un seul et même lieu, c'est pour leur donner les enseignements de la sagesse, c'est pour les préserver de tous les écarts de la pensée. Et il leur est enjoint de chanter des cantiques et des psaumes , parce que les louanges adressées à Dieu les édifient dans la piété, leur exposent les vieilles histoires, les événements de l'Egypte, les événements du désert, ce qui est arrivé dans la Terre Promise, ce qui s'est passé quand la loi fut donnée, ce qu'on a vu sur le Sinaï, les guerres qu'ils ont eu à soutenir; en même temps que le peuple bénissait son Dieu, il chantait et s'instruisait tout ensemble, il apprenait les règles de vie qui le préparaient à des dogmes supérieurs. « Louez le Seigneur, parce que le Seigneur est bon. » Une autre version porte: « Parce que le Seigneur est débonnaire. » Toutes les qualités qu'on désire le plus en Dieu, l'Ecriture les lui attribue saris cesse, l'affection pour l'homme, la miséricorde, une débonnaire douceur. « Chantez son nom, parce que cela est beau.» Ces paroles montrent que la louange est un plaisir, qu'accompagne l'utilité. Le principal (217) avantage des hymnes qu'on adresse à Dieu, c'est de purifier l'âme, d'élever la pensée, de faire connaître la doctrine, d'apprendre la sagesse qui réfléchit sur le présent et sur l'avenir. A ces avantages, la mélodie ajoute un grand plaisir; c'est une consolation, c'est une récréation, et elle rend vénérable celui qui fait entendre ces chants. Ce qui prouve la vertu efficace des hymnes, c'est ce que dit un interprète: « Parce que cela est convenable; » un second interprète encore : « Parce que cela est doux. » Tous les deux disent la vérité. Quelque libertin que soit celui qui chante, s'il respecte son chant, il endort la tyrannie de ses passions; quoique accablé sous le poids de vices sans nombre, quoique possédé d'un mal qui abat son âme, sous l'action du plaisir qui la caresse, sa pensée devient plus légère, son intelligence prend des ailes, son âme s'élève sur les hauteurs . « Parce que c'est Jacob que le Seigneur s'est choisi pour être à lui; parce que c'est d'Israël qu'il a fait sa possession (4). » Le psaume ne parle pas des bienfaits partagés avec les autres peuples, mais du bienfait propre à Israël, et qui en fait un peuple choisi. Quel était ce bienfait? C'est que Dieu s'est choisi ce peuple, qu'il se l'est consacré, qu'il lui a montré une bienveillance toute particulière; et partout les prophètes se plaisent à rappeler les bienfaits qu'ils ont reçus de Dieu, ils en font comme la trame de leurs discours. Mais que signifient ces paroles: « sa possession ? » C'est-à-dire sa richesse, son luxe. En effet, si chétif que fût ce peuple , Dieu l'a choisi pour lui , comme on recherche la richesse; sans s'arrêter au petit nombre, ne considérant que la vertu à laquelle il veut amener ce peuple, il l'a choisi, parce que les autres nations ne lui présentaient pas autant de ressources, et ce peuple est devenu un peuple de choix, et pour manifester la bienveillance de celui qui l'a choisi, et pour servir d'enseignement aux hommes. C'est en effet l'habitude de Paul lui-même d'appeler richesse, le salut des hommes. Exemple, ces paroles: «C'est le même Seigneur « qui répand ses richesses sur tous ceux qui l'invoquent (Rom. X, 12); » et ailleurs: « Cela regarde son maître, s'il demeure ferme ou s'il tombe. » (Rom. XIV, 4). Voyez comme il montre la bienveillance de Dieu, sa providence, sa sollicitude, son amour pour les fidèles en les considérant comme sa possession. Cette providence si rare se révèle donc de deux manières, et parce que Dieu a choisi ce peuple, et parce qu'il en a fait sa possession. Avez-vous bien compris comment le Psalmiste a montré l'amour de Dieu pour l'homme? Voilà pourquoi, dès le commencement, il dit: « Louez le Seigneur, parce que le Seigneur est bon, parce que j'ai reconnu que le Seigneur est grand (5). » Voilà un nouveau motif de louanges. Mais que voulez-vous dire, ô Prophète? Vous avez reconnu, dites-vous, que le Seigneur est grand: est-ce que les autres hommes l'ignorent (12) ? Non, certes, mais ils ne le savent pas comme moi. Oui, c'est là surtout le propre des saints, et de ceux qui se sont élevés le plus haut; ils connaissent mieux la grandeur de Dieu ; ils ne la connaissent pas tout entière (car cela est impossible) , mais ils la connaissent mieux que les autres. « Et que notre Dieu est élevé au-dessus de tous les dieux. » Voyez-vous, objectera-t-on, il a dit: « Que Dieu est grand ; » il a dit: « J'ai reconnu que le Seigneur est grand ; » et en poursuivant son discours, il l'affaiblit ; il compare Dieu aux autres dieux et il ne lui accorde qu'une supériorité relative. Nullement; le Psalmiste a égard à la faiblesse de ceux qui l'écoutent, et ce n'est que pas à pas qu'il les fait monter avec lui; ce n'est pas, en effet, une bien grande preuve de la grandeur de Dieu que de dire qu'il est plus grand que les autres dieux, au-dessus de tous, mais je répète ce qu'il me tardait de dire, il mesure son langage à la faiblesse de ceux qui l'entendent; il les fait monter pas à pas. C'était oeuvre de charité de ne leur faire entendre que ce qui pouvait produire en eux la persuasion. 2. En effet, que cette supériorité de Dieu défie toute comparaison, c'est ce que le Psalmiste montre par les paroles qui suivent, où il donne la plus forte preuve de la puissance divine, où il montre qu'il a voulu accommoder ses premières paroles à la faiblesse de ceux qui l'entendent. Voilà pourquoi, quand il ne fait qu'énoncer, ses expressions sont faibles; mais quand il veut insister, quand il démontre, quand il fournit les arguments qui établissent la grandeur de Dieu, ses paroles sont grandes alors. Que dit-il donc ensuite, qui soit digne de Dieu, de Dieu seul? Voyez ce qu'il ajoute: « Le Seigneur a fait tout ce qu'il a voulu, dans le ciel, dans la terre, dans les mers, et dans tous les abîmes (6). » Voyez-vous la toute-puissance, qui se suffit à elle-même? Voyez-vous la source (218) de vie ? Voyez-vous la force invincible? Voyez-vous l'incomparable supériorité? Voyez-vous la force, à qui rien ne fait obstacle? Voyez-vous la facilité absolue, que rien tic gêne? car, dit-il, le Seigneur a fait tout ce qu'il a voulu. » Où cela? répondez-moi. « Dans le ciel et dans la terre; » c'est-à-dire, non-seulement ici-bas, mais dans le ciel même; non-seulement dans le ciel, mais sur la terre ; non-seulement sur la terre, mais de plus, « dans les mers et dans tous les abîmes. » Abîmes signifie ici les parties les plus profondes de la terre, de même que «dans le ciel, » signifie les parties les plus élevées des cieux. Eh bien ! ces immensités n'ont rien qui embarrassent sa volonté ; elle franchit tous les espaces ; et, voyez la merveille ! Il a tout fait, et pour cela il ne lui a fallu ni peine ni fatigue, il n'a pas même eu besoin de commander, sa simple volonté lui a suffi pour tout faire, il a seulement voulu et l'oeuvre a suivi. Voyez-vous comme le Psalmiste montre la facilité de l'oeuvre, le luxe intarissable des ouvrages, la puissance qui ne connaît pas d'obstacle? Ensuite, cessant de parler du ciel et de la mer, il montre les ouvrages qui en dépendent, il ne les nomme pas tous, mais, franchissant rapidement ce qui est dans le ciel,.quoiqu'il y ait là des merveilles, il parle de ce qui est autour du ciel. Pourquoi? C'est que ces premières merveilles, si éclatantes qu'elles fussent, étaient ignorées d'un grand nombre; les autres, quoique moins admirables, étaient pourtant visibles, tous en avaient le spectacle. S'adressant à des hommes moins touchés de l'invisible que du spectacle étalé sous leurs yeux, il commence son enseignement par les merveilles visibles; le conseil qu'il donne, il le met lui-même en pratique. Que conseille-t il donc ? De louer Dieu par ses oeuvres, en les passant en revue l'une après l'autre, et de lui rendre gloire pour chacune de ses oeuvres. En donnant le conseil de louer Dieu, il ne cessait pas de répéter: « Louez le nom du Seigneur; louez le Seigneur, vous qui êtes ses serviteurs. » Et maintenant il montre comment il faut le louer; en parcourant la création tout entière, en admirant, en exaltant la sagesse de Dieu, sa providence, sa puissance, sa sollicitude. Par là, nous apprenons que notre nier n'est pas la seule qui existe, ruais qu'il y en a beaucoup d'autres, et d'une étendue immense. En effet, le Psalmiste dit : « Dans les mers, et dans tous les abîmes. » La mer Caspienne, la mer des Indes, et la mer Rouge sont séparées de la nôtre; et , en dehors, enveloppant tout le reste, est l'Océan. « Il fait venir les nuées de « l'extrémité de la terre (7). » Autre version: « Il fait monter; » autre version: « Il attire des dernières limites; » autre version: «Du bout du monde. » C'est encore ce qu'on voit dans Job: « C'est lui qui enserre les eaux dans les nuées. » (Job, XXV, 8.) Et Salomon : « Contenant l'eau comme dans un vêtement. » (Prov. XXX, 4.) Le Psalmiste ici parle d'une autre merveille. De laquelle ? De celle qui a lieu lorsque l'air devenu plus lourd s'élève néanmoins, et, nonobstant le corps pesant qu'il porte, suit une marche ascendante, et contraire à celle que suivent naturellement les corps graves. Voyez que de merveilles ! l'eau est contenue dans l'air ; et, ce qui est bien plus admirable encore, l'eau est contenue dans un corps plus léger qu'elle qui la porte; mais ce qui est encore plus incroyable, c'est que l'eau contenue dans cet air, une fois répandue hors du nuage, n'est plus retenue par l'air qui est au-dessous, riais s'écoule en divers sens, de tous côtés, et se précipite sur la terre. Si elle était contenue dans le nuage naturellement, il faudrait qu'elle fût aussi contenue dans l'air. Supposons dans l'air, une outre peine d'eau, supposons que cette outre soit portée par l'air, nécessairement l'air portera aussi l'eau contenue dans l'outre, si cette eau vient à en sortir; voilà la conséquence naturelle des faits. Mais parce que toutes ces oeuvres sont des merveilles faites pour confondre la pensée humaine, elles sont supérieures aux lois ordinaires de la nature comme à la raison de l'homme. Comment ! ce qui est contenu dans l'air du nuage n'est plus contenu dans l'air qui suit le nuage? Avez-vous compris ce qu'il y a là de merveilleux, et comment un fait inférieur à tant d'autres merveilles, est encore une merveille? Le Psalmiste montre, de plus, un autre prodige, en disant: soit de « l'extrémité de la terre, » soit des « limites de la terre. » En effet, non-seulement les nuées montent, mais de plus elles voyagent; et ce n'est pas où elles ont d'abord paru, qu'elles envoient la pluie, elles franchissent souvent de grands espaces, versant ailleurs leurs eaux, par delà les cités et les peuples. La merveille n'est donc pas seulement qu'elles montent , mais qu'elles marchent aussi solidement que sur un plancher, en portant une si grande masse d'eaux. 3. « Il change les éclairs en pluie. » Voyez encore un autre prodige : des natures contraires qui se réunissent; rien n'est plus essentiellement du feu, que l'éclair; rien n'est plus froid que l'eau, et cependant ces éléments se mêlent sans se confondre, sans se tempérer l'un par l'autre; chacun d'eux conserve toute sa force. Le feu persiste dans l'eau et l'eau dans le feu, et le feu ne dessèche pas l'eau; l'eau n'éteint pas le feu. L'éclair est plus vif que la lumière du soleil, c'est un feu plus brillant, plus pénétrant; c'est ce qu'atteste le regard de l'homme en perpétuel rapport avec les rayons du soleil, et incapable de supporter l'éclair, même un seul instant; le soleil met un jour entier à parcourir le ciel, l'éclair en un moment illumine la terre ; c'est ce que le Christ atteste par ces paroles : « Comme un a éclair qui sort de l'orient et paraît à l'occident.» (Matth. XXIV, 27.) « Et il fait sortir les vents de ses trésors. » Autre élément maintenant, qui ne nous est pas d'une mince utilité, au contraire, élément précieux, vital, qui nous ranime, qui nous rafraîchit, qui rend l'air plus léger; telle est, en effet, l'oeuvre des vents; ils secouent l'air en tous les sens; ils en préviennent l'immobilité qui le corromprait; ils font mûrir les fruits, ils nourrissent les corps; comment énumérer les services qu'ils rendent aux navigateurs? ils s'élèvent à des époques déterminées, selon un ordre établi; ils se retirent mutuellement les uns devant les autres; ils dansent sur la surface de la mer et ils transportent les matelots. Tel vent pousse le marin et le transmet à un autre qui le reçoit; dans les routes contraires qu'ils suivent, ils se montrent nos serviteurs, et la guerre qu'ils se livrent nous est encore utile. On pourrait parler d'autres services, en nombre infini, que les vents nous rendent; toutefois, sans s'y arrêter, le Prophète laisse à celui qui écoute le soin de les découvrir; il se borne à montrer la facilité de la production, car ces paroles : « De ses trésors, » ce n'est pas pour faire entendre qu'il y ait je ne sais quels trésors des vents, c'est pour montrer la facilité de leur production, la rapidité, la toute-puissance du pouvoir qui les tient tout prêts. En effet, celui qui possède un trésor, y puise à son aise, il en tire toutes choses à sa volonté; c'est ainsi que le Créateur de l'univers a tout créé sans peine, et enrichi la nature. Voyez, dans l'air, quelle variété, quelles transformations dans l'eau et dans le feu? Les eaux sortent des fontaines ou de la mer, ou de l'air, ou des nuages, ou du ciel, ou des espaces supérieurs au ciel, ou des abîmes de la terre; et le feu maintenant vient du soleil, ou de la lune, ou des astres, ou des éclairs, ou de l'air, ou du bois, ou de ce qui nous entoure, ou de nos lumières, ou de la terre; et, en effet, partout se rencontre le feu qui vient de la terre; témoin les sources d'eaux chaudes, et le feu qui jaillit des pierres par le frottement, qui jaillit de la chevelure des arbres, par le frottement encore, et il y a le feu des tonnerres. Variété dans l'air maintenant : l'un est plus épais, celui qui nous entoure; l'autre, l'air supérieur, est plus subtil et aussi plus mâle de feu. Innombrable variété maintenant dans la nature des vents : l'un est plus subtil, l'autre plus épais; l'un rafraîchit, l'autre dessèche; l'un est plus humide, l'autre est plus chaud. Considérons encore les nuages aériens . les uns s'avancent lentement , les autres vont avec la vitesse d'un cheval au galop; mêmes différences dans les nuées poussées par les vents: les unes ressemblent à des urnes, tantôt remplies d'eau, tantôt vides; les autres à un éventail. Quant à toi, au spectacle de cette diversité, de cette variété, apprends à admirer l'Ouvrier qui a fait toutes ces choses. « Il a frappé les premiers-nés de l'Egypte (8).» Après les généralités, après avoir montré la providence de Dieu embrassant toute la terre, par ses éclairs, par ses vents, par la variété des fonctions de l'air, par les nuages, par les pluies; après avoir confondu les insensés qui attribuent à la lune même une providence, il arrive aux oeuvres particulières faites dans l'intérêt particulier des Juifs. Que la terre, que le ciel, que l'univers se ressente de la bonté de Dieu, c'est ce que le Psalmiste a montré; maintenant, pour exciter la reconnaissance des Juifs, ii raconte, de plus, les faits qui les concernent en particulier, il leur montre que le Dieu de l'univers, qui prend soin de toutes choses, leur a départi certains bienfaits qui ne sont que pour eux, quoiqu'à un autre point de vue, il faille reconnaître que les faveurs, qui leur étaient départies, étaient encore,des bienfaits pour le monde entier. En effet, le privilège qui les avait choisis entre les autres peuples, était pour les peuples un motif d'émulation. Ce que Paul fait entendre par ces (220) paroles: « Leur chute est devenue le salut des gentils, jaloux de les remplacer. » (Rom. XI, 11.) Comme un père, quand ses enfants s'éloignent de lui, en prend un qu'il fait asseoir sur ses genoux, ce qu'il ne fait pas seulement par amour pour ce fils, mais bien plutôt pour que ses autres enfants se piquent d'émulation à cette vue, s'empressent de revenir, afin de recevoir la même preuve de bonté; ainsi Dieu a fait à l'égard des Juifs; il ne les a pas pris sur ses genoux, mais dans ses bras, comme dit le Prophète; « et il les a mis sur son dos.» (Osée, XI, 3.) Il leur prodigue les faveurs qu'ils enviaient, le temple, les sacrifices, et, ce qu'ils désiraient plus ardemment encore, les secours dans les combats, les victoires, les trophées, l'abondance qui vient de la terre, la fertilité des fruits ; et par là, en même temps qu'il les enrichit, il porte les autres peuples à riva
4. Considérez maintenant la sagesse du Prophète; il débute par des oeuvres d'un caractère général, avant d'en venir à des faits particuliers, afin que nul insensé ne s'imagine que ce soit d'un Dieu particulier à un peuple qu'il parle. Voilà pourquoi il commence par le général, avant de toucher les détails, avant de dire: « Il a frappé les premiers-nés de l'Égypte.» Ne vous semble-t-il pas que cette rigueur avait surtout pour but l'intérêt des Juifs? Eh bien! si je vous montre que Dieu, en frappant ce coup, pensait aussi aux autres peuples; que diront ceux qui prétendent que la providence de Dieu ne s'occupe pas de l'univers? Comment le prouverons-nous? Il suffit. certes de la pensée que Dieu exprime d'une manière si manifeste par ces paroles : « Car je vous ai établis pour faire éclater en vous ma toute-puissance, et pour rendre mon nom célèbre dans toute la terre. » (Exode, IX, 16 ; Rom. IX, 17.) Comprenez-vous que c'était une prédication que cette mort des premiers-nés de l'Égypte? que cette plaie, venue de la main de Dieu, c'était une parole destinée à publier partout sa puissance? Cette providence se préoccupe donc de tout l'univers alors même qu'elle sert les intérêts des Juifs. Quant à sa puissance , Dieu l'avait fait connaître assez dans les temps anciens, par exemple, par Joseph et par Abraham; en cette circonstance pourtant, il la déclara d'une manière plus manifeste. Comment? C'était alors par des bienfaits; mais , dans le second cas , ce fut par une plaie terrible. Et il ne cesse pas, comme je l'ai souvent dit, de se montrer à chaque génération, de se manifester par ses oeuvres; il ne le fait pas toujours de la même manière; ses moyens sont variés et différents. Tantôt, c'est l'épouse d'Abraham qu'il frappe de stérilité; tantôt c'est la famine ou l'abondance qu'il envoie; après, ce sont des plaies infligées coup sur coup. Comme ces Égyptiens accusaient Dieu d'impuissance, ils causèrent ainsi eux-mêmes la mort de leurs premiers-nés, et changèrent en sang les eaux de leur fleuve. A la même époque, Dieu leur donna encore d'autres marques, mais moins éclatantes de sa puissance. Ainsi les sages-femmes des Egyptiens, qui avaient méprisé des ordres cruels, éludé un monstrueux décret du roi, jouirent d'une grande abondance de bien. C'était un double effet de la providence de Dieu d'abord, que des femmes eussent montré plus de vertu que ceux qui portaient au front le diadème, et ensuite que leur vertu eût été récompensée, et que leurs familles se fussent accrues extrêmement. Ces paroles, en effet, « Dieu fit du bien aux sages femmes (Exode, I, 20),» signifient que leur parenté s'étendit; c'est que, pour les bienfaits que les Juifs reçurent d'elles, ces femmes avaient mérité la récompense du Seigneur, parce qu'elles ne tuaient pas les enfants des Juifs. Dieu accorda à ces égyptiennes une nombreuse postérité. Mais comme les Egyptiens persistaient dans leur endurcissement, Dieu les frappa d'une plaie encore plus terrible, qui fut un enseignement pour la terre, un enseignement pour les Égyptiens; les autres peuples apprirent par la renommée ce que les Égyptiens connurent par leurs propres souffrances, par la vue et par l'expérience, et torts purent. savoir quelle est la puissance de Dieu ; et c'est pour cette raison que le fléau leur avait été prédit. Dieu ne voulait pas que la plaie parût un effet du hasard, un de ces coups que la mort frappe d'elle-même. Aussi pouvons-nous appliquer dans cette circonstance une parole prononcée ailleurs au sujet du Sauveur. Quelle est cette parole ? « Dominez au milieu de vos ennemis. » (Ps. CIX, 2) Dieu en effet ne les fit pas sortir (221) pour les mener dans le désert, ni ailleurs; ce fut au milieu même de leur ville qu'il les frappa. Et maintenant, voyez, jusque dans la plaie , la clémence , car le fléau s'attaqua d'abord aux troupeaux, et ce n'est qu'ensuite qu'il s'étendit sur les hommes. Comment donc ne pas admirer ce pouvoir qui produit toute chose dans le même instant, qui montre à la fois une modération et une sagesse ineffables? Et en effet, cette plaie ne fut pas la première qu'il leur infligea ; il leur en envoya d'autres d'abord, afin de les corriger, et, quand il frappa le dernier coup, ce rie fut qu'après l'avoir annoncé; pourquoi ? C'est qu'il voulait par de simples paroles les ramener à la sagesse, et prévenir ainsi une correction effective. Ensuite, quand ils refusèrent de se corriger, Dieu ne permit pas que la plaie eût un, sens équivoque. On aurait pu croire que c'était un effet du hasard, urne maladie, une peste survenue par accident; mais voyez quel concours de circonstances ! d'abord, dans une seule nuit, tous sont frappés; secondement, ce sont tous les premiers-nés qui périrent. Une peste ne se serait pas attaquée seulement à tous les premiers-nés, en épargnant les autres ; elle aurait fait, de tous indistinctement, ses victimes; troisièmement, une peste n'aurait pas absolument respecté les Juifs, de manière à ne s'attaquer qu'aux Egyptiens ; elle aurait, au contraire, sévi bien plus cruellement sur les Juifs, accablés de fatigues, de misères, de tant d'innombrables maux, depuis longtemps épuisés par la pauvreté et par la faim : elle ne serait pas tombée sur les personnes royales, élevées en dignité, jouissant de l'abondance de toutes choses, entourées de tant de soins. Une peste n'aurait pas fait invasion tout à coup ; elle aurait été précédée de symptômes précédant son arrivée. Au contraire ici, le mal sévit tout d'abord, dans toute sa rigueur, afin de confondre la démence des Egyptiens. Après cette plaie, malgré la conscience qui leur disait si clairement que c'était là un fléau envoyé de Dieu, ils poursuivirent les Juifs qui se retiraient. Ce qui est la preuve de leur délire, et la plus forte justification de la conduite de Dieu. Comme les signes allaient cesser, il les termine par un dernier signe qui sert à justifier tous les autres, pour peu qu'on veuille réfléchir sur ces événements. A celui (lui dirait : pourquoi tous les Egyptiens sont-ils punis, quand le roi retient seul les Juifs, est seul coupable ? le dernier signe est une réponse qui résout la question. Comment supprime-t-il l'objection, ce dernier signe ? C'est qu'après que leurs premiers-nés eurent été frappés, les Egyptiens chassèrent les Juifs, même en dépit du roi. Donc, s'ils avaient voulu, dès le commencement, ils auraient été plus forts que le roi; donc s'ils n'ont pas forcé la main au roi, tout d'abord, ce n'est point qu'ils ne le pouvaient pas, c'est qu'ils ne le voulaient pas. Et de plus, ce qu'ils ont fait ensuite, leur acharnement à poursuivre les Juifs, aggrave encore leur faute. 5. C'est précisément ce que noies avons vu, à propos de Saül. Quand il fallut soustraire son fils à sa colère, tous vinrent, poussés par l'esprit d'adulation, lui arracher ce fils, quoiqu'il eût transgressé la loi. (I Rois, XIV, 45.) Mais quand le roi voulut mettre à mort tant de prêtres, ces mêmes flatteurs ne firent pas entendre une seule parole pour les défendre. (I Rois, XXII, 17.) S'ils avaient pour eux dans le premier cas, un sentiment naturel, dans le second c'était le sentiment du droit qu'ils devaient invoquer. Les victimes étaient des prêtres, et le meurtre était tan sacrilège , un effet de la colère et non d'un juste jugement. Mais la raison de cette conduite c'était l'engourdissement des âmes et l'indifférence à l'égard des prêtres. Eh bien, voyez, plus tard, en punition de ces fautes, quels malheurs ! cette coupable négligence coûta cher. J'en conclus que quand vous serez témoins d'un sacrilège, vous ne devrez pas rester dans l'inertie, dans une lâche indolence; il faut alors être plus ardent que le feu, ressentir l'injure aussi vivement que les victimes; c'est par là qu'on évite des calamités sans nombre. « Depuis l'homme jusqu'aux animaux. » Pourquoi : « Jusqu'aux animaux? » Comme ils ont été créés pour l'homme, Dieu les punit aussi, à cause de l'homme, afin d'ajouter à l'épouvante; afin d'aggraver le fléau; afin de montrer que la plaie est envoyée par Dieu, que la guerre vient du ciel. « Et il a fait éclater des signes et des prodiges, au milieu de toi, ô Egypte (9)!» Qu'est-ce à dire : « Au milieu de toi ? » Ou ce terme désigne le lieu, ou il veut dire, d'une manière manifeste. En effet, ces paroles : « Au milieu, » signifient partout la même chose que, ouvertement ; c'est ainsi qu'il dit ailleurs : « Il a opéré notre salut au milieu de la terre (Ps. LXIII, 12) ; » ce qui est au milieu, tous le voient. « Il a envoyé des signes et des prodiges (222) au milieu de toi, Egypte ; » et c'est avec une grande sagesse; car il s'agissait de corriger les hommes, et de parler aux yeux de ceux qui profiteraient de ces enseignements. Car ces prodiges n'arrivaient pas au hasard ; c'était l'effet d'une conduite admirable; et comme ces merveilles étaient de grands coups, et que ces coups frappaient d'une manière admirable, ils avaient une double utilité. « Contre Pharaon et contre tous ses serviteurs. » Voyez-vous l'ineffable puissance? Comprenez-vous bien? Comme ils étaient tous ensemble, le châtiment les a visités tous ensemble, de manière que les uns en souffraient, que les autres y trouvaient leur profit. Mais maintenant, que veulent dire ces paroles : « Contre tous ses serviteurs? » Assurément. ils n'avaient pas tous des premiers-nés; mais le Psalmiste parle des autres signes; et, en Egypte, pendant que les Egyptiens étaient frappés, les Israélites profitaient de la leçon. Dans le désert, pendant que les Juifs recevaient les bienfaits de Dieu , les autres en profitaient également. Dieu envoya des plaies aux ennemis des Juifs; il combla les Juifs dé bienfaits; et, soit plaies, soit bienfaits, tous y trouvèrent leur utilité. Mais pourquoi ne pas combler de bienfaits les Egyptiens aussi? c'est que d'ordinaire les hommes frappés par Dieu apprennent mieux à le connaître que ceux qui reçoivent ses bienfaits. Quant à ce qui prouve que Dieu ne voulait pas les punir, voyez-le différant toujours, retenant les coups, manifestant, par les maux qu'il envoie, comme par les biens, son pouvoir et sa clémence. Certes, après la première, la seconde, la troisième plaie, Dieu pouvait les considérer comme atteints d'une maladie incurable et les perdre lotis; mais Dieu ne le voulut pas, et, quoiqu'il connût l'avenir, qu'il sût bien que ni la cinquième, ni la sixième, ni la dixième plaie ne les rendraient meilleurs, il ne s'arrêta pas dans la marche qui lui convenait. De là, pour nous, les plus fortes raisons d'admirer sa puissance, sa sollicitude, sa sagesse et sa bonté : sa puissance, parce qu'il a frappé; sa sollicitude, parce qu'il s'est retenu ; sa sagesse, parce que, connaissant l'avenir, il a néanmoins suivi sa marche. Et maintenant ce qui prouve surtout sa clémence, c'est qu'il frappa, d'abord les êtres moins considérables , ceux qui ne sont pas doués de raison. Puis, allant progressivement, il atteignit le roi lui-même ; ce qui était le meilleur moyen de donner du retentissement au fléau. En effet, les manieurs d'un particulier sont obscurs, mais quand un homme illustre est frappé, la nouvelle aussitôt s'en répand partout. Après les raisons qui décident le châtiment, le Psalmiste indique les plaies. Mais il ne les passe pas en revue, il ne les détaille pas, un seul mot lui suffit et il passe outre en disant : « Il a fait éclater des signes et des prodiges au milieu de toi, Egypte. » Ensuite, il fait sortir de l'Egypte le peuple de Dieu, pour le conduire dans le désert., montrant partout que Dieu n'est pas seulement le Dieu de quelques hommes, que son empire ne se borne pas à une seule contrée, que sa domination embrasse l'univers. Voilà pourquoi il ajoute : «Il a frappé plusieurs nations, il a tué des rois puissants (10). » Dans tout ce voyage, lieu donne des preuves variées de sa puissance, se servant de faits sensibles pour instruire les peuples. En effet, leurs guerres et leurs victoires miraculeuses les éclairaient sur la nature des événements arrivés antérieurement en Egypte et leur faisaient comprendre qu'il fallait les attribuer, non pas à l'air ni aux autres éléments, ni à aucune autre casse naturelle, mais à la main divine qui les guidait et combattait pour eux dans les batailles. En sorte que ces deux groupes de faits se renvoyaient une mutuelle clarté, ceux de l'Egypte aidaient à comprendre ceux du désert et réciproquement. En, effet, lorsque sans amies, sans bataille rangée, les Israélites mettaient en déroute leurs ennemis, il devenait évident pour eux que si, en Egypte, Dieu s'était servi des éléments, ce n'était pas qu'il en eût besoin, mais qu'il voulait manifester différemment et diversement sa puissance. « Séon, roi des Amorrhéens, et Og, roi de Basan (11). » Le Psalmiste ne passe pas en revue les villes, il n'insiste pas sur les détails, il ne raconte pas les batailles une à une; mais ici encore, son grand esprit franchit d'un bond d'innombrables prodiges: il pouvait s'arrêter, amplifier ce riche et tragique sujet, il n'en fait rien ; à travers cette incomparable abondance, cette richesse des oeuvres de Dieu, il s'élance et poursuit sa route. Or ces peuples étaient armés, ils habitaient des villes fortifiées, ils connaissaient la guerre, l'art de disposer les armées ; les Israélites étaient des exilés, ignorant les batailles, respirant à peine d'une longue servitude, d'une tyrannie interminable, consumés par la faire et par les (223) malheurs. exposés aux mauvais traitements du premier qui voudrait leur faire injure; mais sous la conduite de ce Dieu, ils étaient plus puissants que tous les peuples. 6. Ce n'est pas tout, la guerre était juste, les Israélites n'auraient pas fait d'invasion, si les peuples ne leur en eussent fourni des motifs, en leur barrant le passage, ce qui était de la dernière inhumanité. Quant aux Iduméens, Dieu ne souffrit pas qu'ils fussent enveloppés dans la guerre. Le silence de Dieu aurait pu autoriser les Israélites, à faire de nouvelles invasions: Dieu les prévint, il leur apprit avec quels peuples ils devaient combattre, de quels peuples ils devaient se détourner, il leur fit la leçon dans le désert, mais c'est avec des faits qu'il écrivit en quelque sorte la loi qu'ils devaient suivre en pareil cas et la conduite qu'ils devaient tenir envers les peuples qu'ils rencontreraient,. « Et tous les royaumes de Chanaan. » Comprenez-vous que cet enseignement s'adresse à la terre entière ? Comme le feu dévore les épines, de même ils envahissaient tous ces peuples et nul ne pouvait leur résister. Ecoutez les paroles de Balaam, instruit, non par les prophètes, non par Moïse, mais par l'expérience même : « Voici le peuple qui lèche toute la terre. » (Nombr. XXII, 4.) Comprenez-vous la justesse de la métaphore ? Il ne dit pas : le peuple qui fait la guerre, qui renverse. mais qui lèche la terre, voulant montrer par là la facilité de la victoire, les trophées sans effusion de sang, la conquête au pas de course; ils n'ont pas besoin, dit-il, d'armées rangées en batailles, ni de combats ; il leur suffit d'envahir les pays et rien ne leur résiste. En effet, Dieu ne leur a pas accordé seulement les victoires qui résultent des lois de la guerre, des règles de la stratégie ; on aurait pu attribuer les événements à leur valeur personnelle, mais Dieu soulevait contre leurs ennemis tous les éléments de l'univers. D'abord il abattait les courages, la grêle tombant par torrents, tua dans une rencontre beaucoup d'ennemis; le soleil, suspendant sa course, prolongea une bataille ; ajoutez un grand nombre de prodiges du même genre, un bruit de trompettes plus violent que le feu, s'abattant sur des tours, fit écrouler les murailles. Cette conduite de Dieu avait une double utilité, les uns apprenaient que la guerre qui leur était faite, ne leur venait pas des hommes, et les autres apprenaient à lever leurs regards vers Dieu, à ne jamais s'enorgueillir des événements, à fuir la présomption, à pratiquer la modestie. Ils gagnaient moins à vaincre qu'à vaincre de cette manière : ce qui les rendait terribles devait les rendre en même temps modestes ; terribles assurément , puisqu'ils avaient un tel général; modestes eu outre, parce qu'ils n'avaient pas lieu de s'enorgueillir de leurs triomphes. « Et il a donné leur terre en héritage à Israël ; il l'a donnée, pour être l'héritage de son peuple (12). » C'est là le plus grand prodige: non-seulement ils chassaient les peuples, mais il leur était donné de s'emparer des pays, et de s'en partager les villes : ce qui était pour eux une grande joie , un grand triomphe , une grande gloire ; et c'était là un effet de la puissance du Seigneur. Ce n'est pas un mince avantage que de s'emparer d'un pays ennemi : il faut, pour cela, un grand secours qui vient de Dieu. « Seigneur, votre nom subsistera éternellement, et le monument de votre gloire persistera à travers les générations (13). » Une autre version dit : « Et votre souvenir. » Ici, le Psalmiste s'interrompt pour glorifier Dieu ; c'est l'usage des Saints. Quand ils commencent à parler de ses miracles, ils s'enflamment, et impossible à eux de finir leurs récits , sans glorifier Dieu, sans le bénir pour les merveilles qu'ils ont racontées; ils satisfont ainsi leur cur. C'est ce que nous voyons encore, à chaque page , dans le bienheureux Paul, surtout au commencement de ses épîtres, comme lorsqu'il dit aux ég
7. Ensuite , ne pouvant pas raconter les oeuvres méritoires des Israélites, pour les justifier d'une certaine manière , il emploie ces mots de « peuple » et de « serviteurs. » Après avoir dit: « Il se laissera fléchir, » le Psalmiste montre que la réconciliation est un effet de sa clémence, et non de leurs mérites. Car, du moment qu'on se laisse fléchir c'est qu'il faut pardonner; c'est assez dire, que les actions méritoires manquent , et que le temps de la clémence est venu. Donc, après avoir dit: « Le monument de votre gloire persistera à travers les générations; » comme, à cette époque, les Israélites étaient le seul peuple qui reconnût le Seigneur, le Psalmiste ne veut dire que ceci: le salut de votre peuple est votre glorification au milieu des nations. La gloire propre à Dieu lui est assurée, même quand nul ne l'adore, et ne lui offre son culte; gloire inaltérable, impérissable, inaliénable. Quant à la glorification de Dieu au milieu des peuples, ce sera un effet de notre conservation , quand nous aurons recouvré notre cité, notre sainte demeure, notre temple; quand nous aurons été rendus à notre premier gouvernement. « Les idoles des nations ne sont que de l'argent et de lor, et les ouvrages de la main des hommes (15). » Le Psalmiste a commencé par dire : «Notre-Seigneur est au-dessus de tous les dieux. » Cette expression semblait donner l'idée d'une excellence relative, accommodée à la faiblesse de l'esprit des auditeurs. Voyez maintenant comme il développe cette grandeur incomparable. Il a d'abord rappelé la puissance de Dieu, les merveilles du ciel, de la terre, des abîmes; les prodiges accomplis pour les Juifs, dans leur propre pays, sur la terre étrangère, contre leurs ennemis, au milieu des nations; ensuite il a rappelé la bonté de Dieu, son amour pour les hommes, sa sollicitude, sa sagesse, sa force; il a montré qu'il est le Dieu de l'univers, attentif aux besoins de tout l'univers; alors il raille, il tourne en ridicule la faiblesse des idoles, et, tout de suite, il les attaque par leur propre nature ; ou plutôt, leur seul nom lui fournit son premier reproche. Une idole en effet, qu'est-ce , qu'un objet sans force, méprisable, dont le nom seul révèle l'infirmité? De là, ces premières paroles : « Les idoles des nations ne sont que de l'argent et de l'or. » Premier reproche, Idoles; second reproche, matière inanimée ; troisième reproche, par cela même que ce sont des idoles, non-seulement elles sont d'elles-mêmes, faibles, viles, misérables, mais, en outre, ce sont des choses que les hommes ont faites. Voilà pourquoi il ajoute : Et les ouvrages de la «main des hommes; » ce qui est certes le plus grand reproche adressé à ceux qui les adorent. En effet, ces hommes, qui ont fait ces idoles, attendent leur propre salut de ce qui n'existerait pas sans eux. « Elles ont une bouche, et elles ne parleront point; elles ont des yeux, et elles ne verront point; elles ont des oreilles, et elles n'entendront point; car il n'y a point d'esprit dans leur bouche; que ceux qui les font, leur deviennent semblables, et tous ceux aussi, qui se confient en elles (16, 18). » Voyez-vous comme il insiste sur le ridicule, comme il démontre la fraude; il arrive en effet souvent que les démons leur communiquent le mouvement; le Psalmiste met à découvert la feinte et la comédie; il montre (225) qu'il n'y a pas d'esprit dans leur bouche. Et pourquoi le perfide démon ne fait-il, et ne dit-il rien sans les idoles? Parce que ces idoles, à cause des types qu'elles représentent , sont comme les colonnes du temple abominable de la fornication, de l'adultère et de toutes les turpitudes humaines; la vue de ces simulacres est un moyen de séduction que le démon emploie pour induire les hommes à imiter les actions dont les idoles leur offrent les représentations : voilà pourquoi, il est si assidu auprès de ces idoles qu'il meut pour mieux tromper. Le Psalmiste les attaque encore par une autre ironie : « Que ceux qui les font leur deviennent semblables. » Réfléchissez en vous-mêmes, demandez-vous ce que sont ces dieux, s'il suffit, pour prononcer une imprécation terrible, de demander qu'on leur devienne semblable. Chez nous, il n'en est pas de même; c'est le comble de la vertu la plus haute, c'est acquérir d'inestimables biens, que de se faire, autant qu'il est possible, semblable à Dieu. Chez les idolâtres, au contraire, tel est le tulle, tels sont les dieux, que leur devenir semblable, c'est le dernier des malheurs que puisse souhaiter l'imprécation. Donc, que ces dieux soient une matière inanimée, l'ouvrage de ceux qui leur vouent un culte, des simulacres informes, sans vie, dépourvus de tout sentiment, que ce soit la plus terrible imprécation que de souhaiter qu'on leur devienne semblable; toutes ces vérités montrent l'erreur profonde des idolâtres. Après avoir mis en lumière la faiblesse, l'égarement, la perversité des démons, la stupidité des fabricateurs d'idoles, délivré de ces pensées, le Psalmiste conclut en glorifiant le Seigneur; il ne raconte plus les oeuvres que Dieu a faites; il les a suffisamment exposées. Mais, pour toutes les oeuvres qui, sont reconnues de tous, il réclame le tribut d'éloges, dû par ceux qui jouissent des divins bienfaits; il les appelle donc à glorifier Dieu; il fait entendre ces paroles : « Maison d'Israël bénissez le Seigneur; maison d'Aaron, bénissez le Seigneur (19) ; maison de Lévi, bénissez le Seigneur; vous qui craignez le Seigneur, bénissez le Seigneur (20) ; que le Seigneur soit béni de Sion, lui qui habite dans Jérusalem (21). » Pourquoi n'appelle-t-il pas tout le peuple à la fois? Pourquoi fait-il une division? C'est pour vous apprendre la grande différence qui distingue les bénédictions. En effet, autre est la bénédiction du prêtre, autre est la bénédiction du lévite; autre est la bénédiction du laïque, autre est la bénédiction qui vient du peuple entier. Quant à cette expression, « Bénissez, » elle a pour but de montrer quelle est cette nature bienheureuse et sans mélange. « Bénissez, » en effet, cela veut dire, parce que vous êtes affranchis de vos ennemis; parce que vous avez été jugés dignes d'adorer un tel Dieu; parce que vous avez reconnu la vérité. Dieu, en effet, est de lui-même, béni; il porte en lui la bénédiction; il n'a besoin d'aucune louange; et pourtant, vous, de votre côté, bénissez-le; non pas que votre bénédiction ajoute quelque chose à ce qu'il a en lui, mais c'est que, vous-mêmes, vous retirerez, de cette bénédiction, un fruit précieux; quoiqu'il soit de sa nature essentiellement béni, ce qui est de toute certitude, il veut pourtant, il veut, de plus, être béni par nous. Maintenant le Psalmiste nomme encore Sion et Jérusalem. C'est que le gouvernement des Juifs y résidait; c'était là que leur culte avait ses fondements; c'était là qu'ils puisaient l'enseignement et la sagesse; et le Psalmiste veut rendre ces lieux vénérables, magnifiques, en y attachant le nom même de Dieu, afin que la vénération dont ces lieux seraient l'objet, augmentât le désir de s'y porter; que ce désir croissant y attirât plus de peuple; que le peuple, attiré en plus grand nombre, imprimât plus profondément dans son âme le culte de Dieu; que ce culte plus profondément imprimé, produisît un accroissement de cette vertu pour laquelle toutes choses ont été faites. On disait alors: Jérusalem et Sion; nous disons aujourd'hui : le ciel, et ce qui est dans le ciel. C'est donc là, je vous en conjure, qu'il nous faut attacher, afin d'obtenir les biens de la vie future, par la grâce et par la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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