PSAUME CXXXIX
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EXPLICATION DU PSAUME CXXXIX. 1. « DÉLIVREZ-MOI, SEIGNEUR, DE L'HOMME MÉCHANT, DÉLIVREZ-MOI DE L'HOMME INJUSTE. »

 

ANALYSE.

 

1 et 2. Une, volonté dépravée rend l'homme pire que les bêtes féroces. Rien ne peut nuire à l'homme que le péché. Le démon est nommé absolument le mauvais. Le méchant se nuit à lui-mème. Il ne faut pas craindre les méchants , mais les plaindre; ne pas les insulter, mais les éviter

3 et 4. L'affliction ramène à Dieu. La méchanceté réfléchie est la pire. Le vice entralne naturellement avec soi sa peine. Nécessité de modérer sa langue, qu'il ne faut pas demander compte à Dieu de ce qu'il fait.

 

1. Où sont-ils maintenant ceux qui disent A quoi bon les bêtes féroces ? à quoi bon les scorpions? à quoi bon les vipères ? Voici qu'on vient de trouver un animal plus méchant, non par nature, mais par choix, l'homme. Aussi, le Prophète oublie tous les autres animaux méchants, c'est de l'homme qu'il veut être délivré. Eh bien ! répondez-moi, je vous en prie: parce que l'homme est méchant, valait-il mieux qu'il n'y eût pas d'homme? Dire oui, ce serait le comble de la démence. Rien n'est nuisible à l'homme que le péché; le péché disparaissant, tout devient facile, plus d'embarras, c'est la tranquillité, c'est la paix; avec le péché, partout les écueils, et les tempêtes, et les naufrages. Et maintenant, que nul ne nous condamne, si nous disons que l'homme vicieux est plus méchant qu'une bête féroce. Si la nature a refusé à celle-ci la douceur, en revanche il est facile de tromper sa cruauté: ce qu'elle est naturellement, elle le fait voir; tandis que l'homme qui médite le crime, qui se cache sous mille masques, est la bête féroce dont il est le plus difficile de se défendre. Sous la peau de la brebis souvent se cache le loup, et la foule imprudente se laisse prendre. Or, comme les bêtes féroces de ce genre ne sont pas faciles à surprendre, le Prophète a recours aux prières, et c'est le secours de Dieu qu'il implore pour être préservé de leurs attaques. En effet, le démon s'insinue souvent dans de pareils monstres, et c'est ainsi qu'il frappe ses coups; il y en a donc un grand nombre, qui de toutes parts nous tendent leurs pièges. Le méchant nous assiège, le démon furieux nous fait la guerre, la tentation nous accable et nous (245) trouble; de là cette prière que nous apprenons « Ne nous induisez pas en tentation, mais délivrez-nous du mal. » (Matth, VI, 13.) Les combats sont variés, les mêlées se multiplient et il faut être prêt à tout. De même que celui qui se dispose à parcourir les mers, doit prévoir tous les caprices des vagues impétueuses, les souffles furieux, les nuages amoncelés, les récifs, les écueils, les irruptions des monstres de la mer, les incursions des pirates, la faim, la soif, tous les périls des flots, les disputes entre les marins, le manque de subsistances, tous les malheurs de ce genre, et se tenir prêt à combattre tout cela; ainsi, celui qui va traverser l'orageux détroit de la vie présente, doit prévoir les souffrances du corps, les maladies de l'âme, les perfidies de la part de , l'homme, les attaques venant des ennemis; les artifices des faux amis, la pauvreté, les tourments, les outrages, les phalanges des démons, la fureur de l'ange des ténèbres, et se préparer à y tenir tête, s'il est juste, s'il veut parvenir jusque dans la cité royale ; s'il veut, comblé de richesses, pousser son vaisseau dans le port.

Ici, le Psalmiste dit: « L'homme méchant; » mais, quand il parle du démon, il dit simplement : « le méchant. » Pourquoi? C'est que le démon est le père de la méchanceté. Voilà pourquoi on l'appelle, par excellence, le Méchant; cet adjectif mis seul à la place de son nom propre le désigne assez, puisque aucune méchanceté n'égale celle qui est en lui, non par sa nature, mais par sa propre volonté. Si maintenant, vous tenez à savoir d'où vient le nom de méchanceté, vous en retirerez encore un grand profit. Les Grecs appellent la méchanceté poneria parce qu'elle apporte au méchant ponon, de la peine, du chagrin. Voilà pourquoi un sage, exprimant cette pensée, dit: « Si tu es méchant, tu seras seul victime de ta méchanceté; si au contraire, tu es bon, ce qui est bon, tu l'auras, et pour toi, et pour tes proches. » (Prov. IX, 12.) Et comment, me dira-t-on peut-être, le méchant est-il seul victime de sa méchanceté? Combien d'hommes n'afflige-t-il pas par ses outrages? le réponds qu'il ne peut nuire à qui ne s'endort pas dans la lâcheté, dans l'inaction. Et, si vous voulez, laissons de côté l'homme méchant; prenons le méchant lui-même, le démon ; arrêtons sur lui nos regards. Dites-moi, n'a-t-il pas versé toute sa méchanceté sur Job ? Or, quel mal lui a-t-il fait? N'a-t-il pas rehaussé sa gloire? Ne s'est-il pas ménagé à lui-même une chute plus terrible ? Et maintenant Caïn ? N'a-t-il pas été seul victime de sa méchanceté? Nullement, me répond-on, mais Abel avec lui. Comment et de quelle manière? Parce qu'il a été rapidement lancé dans le port qu'aucun flot n'agite; mais c'est une rare faveur pour lui, qu'après avoir fait le bien, il soit mort; il ait payé, de la manière la plus avantageuse, la dette commune; car ce qui lui était commun avec les autres hommes, ce que la nécessité lui réservait, lui est arrivé avec une ample récompense. Ce n'est pas là souffrir un malheur, mais se parer le front d'une plus belle couronne. Et quel mal les frères de Joseph lui ont-ils fait? N'ont-ils pas été seuls victimes de leur méchanceté ? Mais, me répond-on, Joseph a été esclave, et après, moi, j'ajoute qu'il a été dans les fers; mais la question n'est pas là, il ne s'agit pas de savoir s'il a été esclave et dans les fers, mais s'il en a éprouvé aucun dommage, et c'est le contraire que nous voyons ; car il y a trouvé le plus grand profit; il a conquis de plus grands titres à l'affection particulière du Seigneur. Et ce qui paraissait contrarier sa fortune, lui a valu le bonheur dans la vie présente.

Donc, ne craignons pas les méchants, mais prenons-les en pitié. On pouvait les craindre, lorsqu'on ne connaissait pas encore la voie élevée qui conduit à la sagesse; mais aujourd'hui, ils ne sont plus à craindre, puisque désormais les cieux nous sont ouverts, et que les hommes sont devenus des anges. La bête qui, d'un bond impétueux, s'élance sur la pointe du fer, paraît se venger de celui qui le tient; mais elle se fait à elle-même une grave blessure, et, pareillement, qui regimbe contre l'aiguillon, s'ensanglante les pieds.

2. Telle est la vertu; c'est un aiguillon, c'est la pointe d'un glaive, et tous les méchants sont pires que les bêtes féroces, et plus qu'elles, dépourvus de raison. Ainsi, quand ils se ruent contre les gens de bien, ils se transpercent profondément eux-mêmes. Aux gens de bien ils font souvent du tort, soit dans leur argent, soit dans leur personne; mais ils se blessent eux-mêmes dans l'âme, et c'est là le vrai tort, le vrai dommage. En effet, si les pertes d'argent nous attaquaient dans notre propre vertu, Paul ne nous aurait pas prescrit de souffrir l'injure sans la rendre; si c'était un mal que d'être atteint par l'injustice. Celui, dont les (246) lois ne commandent que le bien, ne nous aurait pas ordonné ce qui est mal. Cependant quoi qu'il en soit ainsi, il ne faut pas faire insulte aux méchants, ni leur courir sus, mais éviter, décliner leur commerce; quand ils nous attaquent, les recevoir .avec une fermeté virile. Voilà pourquoi nous avons l'ordre de prier, afin de ne pas entrer en tentation. Aussi, après avoir dit: « Délivrez-moi, Seigneur de l'homme méchant, » le Psalmiste ajoute : « Délivrez-moi de l'homme injuste, » se servant de l'expression générale qui marque le vice; car l'injuste, ici, n'est pas simplement celui que l'avarice égare, mais celui que toutes. les autres passions aussi poussent à l'injustice. Et la prière d'être délivré est pour demander de ne pas succomber, de ne pas devenir pareil à l'homme injuste. Et le Psalmiste ne se contente pas de prier, il commence par dire, qu'il a fait ce qui dépend de lui. C'est ainsi que vers la fin du psaume précédent, il dit qu'il fuyait tout commerce avec les méchants. Voilà ce qui l'autorise à demander, ici, le secours de Dieu. Précédemment il montre les dispositions de son coeur par ces paroles : « Hommes de sang, éloignez-vous de moi. » (Ps. CXXXVIII, 19.) Voici qu'à présent, il prie Dieu pour être délivré de leur méchanceté. Ce n'est pas en effet une circonstance légère, indifférente pour la sécurité, pour la liberté, pour le plaisir, quel qu'il soit, de la vie, que d'être délivré de la société de pareils hommes, que d'être bien loin de tout commerce avec les méchants. Au contraire, c'est là un grand élément de bonheur. Il dépeint ensuite leur méchanceté, et il ajoute : « Ceux qui ne pensent, dans leur coeur, qu'à commettre des injustices, me livraient tous les jours des combats. ». Voyez-vous ces bêtes féroces, dont il est difficile de se garder, qui méditent, au fond de leur coeur, leurs mauvais desseins, et qui cachent, dans le secret de leur âme, leur perfidie? « Ceux qui ne pensent, » dit-il, «dans leur coeur; » c'est-à-dire qui n'ont pas encore mis au jour, ruais qui nourrissent au dedans d'eux-mêmes la méchanceté dont leur âme est pour, ainsi dire grosse, et, ce qu'il y ai de plus terrible, qui ne procèdent pas étourdiment, qui ne s'égarent pas dans leur chemin, mais accomplissent leur oeuvre avec une entière attention. C'est ce que veut dire : «Ceux qui ne pensent, « dans leur coeur; » c'est-à-dire qui s'appliquent avec une ardeur passionnée, avec un

désir ardent. « Me livraient tous les jours des combats. » Ces paroles expriment la vie tout entière; les combats, dont il est question ici, ne sont pas ceux qui se livrent en règle, les armes à la main, mais ceux qui résultent des perfidies préparées: de ce que font, et sur la place publique, et dans l'intérieur des maisons, des hommes qui n'ont ni bouclier ni cuirasse, mais, pour toute arme, la perversité, et dont les paroles font de plus cruelles blessures que des javelots. Or le comble de leur perversité, ce n'est pas seulement qu'ils pratiquent la ruse, la feinte, qu'ils sont prêts à tous les combats, mais encore que, pendant toute la durée de la vie, ils ne suspendent par aucune trêve cette guerre terrible. S'ils tenaient tant à faire la guerre, ils avaient une raison de légitimes combats, ils devaient entreprendre la lutte contre les péchés, opposer leurs armes au démon, combattre les maladies de l'âme, aiguiser leurs glaives contre les mauvais anges. Mais c'est là une mêlée que ne soupçonnent même pas les hommes méchants. Ils ne font que se lancer mutuellement des traits, qui les frappent eux-mêmes. « Ils ont aiguisé leur langue comme celle d'un serpent; le venin des aspics est sous leurs lèvres (3). » Voyez la bassesse du vice : des hommes, il fait des bêtes sauvages, des aspics, des serpents ; et cette langue, destinée à être l'interprète de la raison, ils la ravalent à cette brutalité. Et maintenant, l'accusation que le Psalmiste leur a déjà adressée, il la leur oppose encore. Quelle est-elle? « Le venin des aspics est sous leurs lèvres. » Mais que signifie cette expression? « Le venin des aspics est sous leurs lèvres,» dit-il, « toujours; » c'est-à-dire, sans cesse; de même qu'il a dit plus haut : « Ils me livraient tous les jours des combats, » de même il dit encore ici : « Ils ont aiguisé leur langue comme celle d'un serpent.; le venin des aspics est sous leurs lèvres ton« jours. Tel est le sens de diapsalma, » en hébreu « sel, » qui revient à « toujours. » Or le vice, même dans un temps bien court, est chose grave et importune ; mais, quand on ne se lasse pas de le suivre, quand on en est insatiable, quel pardon peut-on mériter? de quelle excuse peut-on se couvrir? «Préservez-moi, Seigneur, de la main du pécheur; des hommes injustes, délivrez-moi. Ils ne pensent qu'à me faire tomber (4); les superbes m'ont dressé des piéges en secret; ils ont (247) tendu des filets pour me surprendre, et ils ont mis près du chemin de quoi me faire tomber (5). » Rien de plus injuste que ceux qui s'adonnent au vice, qui, avant de nuire aux autres, commencent par se blesser dans l'âme; ils sont des sujets de scandale, ils sont cause que la gloire de Dieu est décriée par les insensés qui voient leurs crimes impunis; ils ont reçu leur âme et leur corps de la bonté de Dieu; ils oublient la reconnaissance qu'ils lui doivent; pour tant de gloire et de bienfaits; ils rendent à leur bienfaiteur tout le contraire de ce qu'ils lui doivent. Où trouver plus d'injustice, plus d'ingratitude? Et, ce qui est plus grave et surpasse tout crime, ils s'efforcent aussi de nuire aux autres : « Ils ne pensent qu'à me faire tomber. » Si leurs pensées n'ont pas été suivies d'effet, il faut l'attribuer à la souveraine clémence de Dieu. C'est Dieu qui déjoue leurs conseils impies.

3. Or, maintenant voyez combien le crime était médité, avec quelle application les piéges étaient dressés. Ils se sont cachés, ils ont tendu leurs piéges, et cela, près de la route, afin de s'aider de la longueur du chemin, et des ténèbres, et de la proximité , pour mieux saisir celui qu'ils voulaient prendre et réduire sous leur pouvoir. C'était une oeuvre de la perversité, que de tendre partout des piéges, uniquement pour perdre un homme. Voulez-vous voir comment le démon tend ses filets? Voyez encore ce qui arrive à Job. Quoi de plus large, quoi de plus long, quoi de plus rapproché que le piège? Ce n'est pas seulement dans la personne de ses parents, et de ses amis, et de sa femme, c'est dans son corps même, qu'il a tendu le piégea « J'ai dit au Seigneur, vous êtes mon Dieu ; exaucez, ô Seigneur, la voix de ma prière (6) ; Seigneur, Seigneur, qui êtes toute la force de mon salut (7). » Un autre texte : « La puissance de mon salut. » Après avoir parlé de la guerre et des piéges, et montré que les maux sont insupportables, il se réfugie auprès de l'invincible auxiliaire; c'est le ciel qu'il implore, pour obtenir le secours qui peut seul l'affranchir.

C'est la preuve d'une âme généreuse, c'est la marque d'un esprit sage, de ne pas chercher son refuge, dans de pareilles circonstances, auprès des hommes; de répudier les pensées de la terre ; de lever les yeux au ciel; d'invoquer le Dieu partout présent; de ne se, laisser abattre par aucun trouble; de triompher de tous les vertiges. Voyez maintenant la convenance des paroles. Il ne dit pas : Dans telle circonstance , dans telle autre ,         j'ai fait le bien ; ni, j'ai opéré telle action juste; mais que dit-il ? « Vous êtes mon Dieu, »exprimant par là la raison qui le détermine à demander du secours; c'est qu'il se réfugie auprès. du, Seigneur, auprès du suprême ouvrier, auprès du roi. « Exaucez , ô Seigneur , la voix de ma supplication, Seigneur, Seigneur, qui êtes la force de mon salut. »  Il dit, «la force ou la puissance de mon salut, » montrant par là, que c'est aussi la puissance qui décerne les châtiments et les supplices. Mais vous m'avez fourni, dit-il, la force du salut; vous pouvez, en effet, et faire du mal et exterminer; mais c'est toujours à mon salut que vous avez fait servir votre puissance. Voyez maintenant l'affection qui respire dans ces paroles ; ces mots répétés , cette expression qu'il ajoute , « de mon salut, » tout marque l'heureuse disposition de son coeur. « Vous avez mis ma tête à couvert sous votre ombre , au jour du combat. » Voyez-vous l'expression de la reconnaissance ? Il rappelle ce qui s'est passé, que Dieu l'a mis en sûreté. C'est là, en effet, ce qui signifie cette expression , « vous avez mis ma tête à couvert sous votre ombre. » Et maintenant, voyez de quelle manière il montre comme il est facile à Dieu de protéger. En effet, il ne dit pas : avant le jour, mais : Au jour même; quand les malheurs étaient suspendus sur moi, quand les ennemis étaient rangés en bataille, quand j'étais au milieu des plus grands dangers, c'est alors que vous m'avez iris en sûreté. C'est qu'en effet Dieu n'a besoin ni de préparatifs, ni d'aucune exhortation, lui qui connaît le présent, l'avenir, le passé; lui qui peut tout, présent toujours, et toujours prêt à secourir. Le Psalmiste montre ensuite la victoire éclatante, la sécurité complète; il ne dit pas: vous m'avez sauvé, mais que dit-il? « Vous avez mis ma tête à couvert sous votre ombre, » c'est-à-dire, vous m'avez garanti de la moindre importunité ; je n'ai pas même senti la chaleur; sécurité parfaite, sécurité, plaisir, repos, voilà ce que vous m'avez procuré à tel point que je n'ai pas même senti de chaleur importune; j'étais agréablement à l'ombre, hors de toute atteinte, libre. De là cette expression, « Vous  avez mis ma tête à couvert sous votre ombre. » Et par ce troyen il montre encore la promptitude, la (248) facilité du divin secours; car ce mot, à couvert, » c'est comme s'il disait : il suffit que vous soyez là, et tout mal disparaît. « Seigneur, ne me livrez pas au pécheur selon son désir  (9). » Un autre texte : « N'accordez pas, ô Seigneur, ce que demandent les désirs du transgresseur; » ce qui revient à dire : n'exaucez pas ses désirs contre moi ; c'est-à-dire, ce qu'il désire contre moi , ne lui permettez pas de l'accomplir. Et il ne dit. pas: ce qu'il désire, mais selon le désir qu'il a contre moi ; le Psalmiste veut dire, n'exaucez pas la moindre partie de ce qu'il désire. Tels sont en effet les méchants ; c'est avec un désir ardent qu'ils trament des perfidies contre le prochain, tel est le démon, de qui l'Écriture dit: « Il rôde comme un lion rugissant, cherchant celui qu'il dévorera. » (I Pierre, V, 8.) C'est avec cette rage avide qu'il attaqua Job, et c'est ainsi qu'il méditait d'attaquer Pierre ; aussi l'Écriture dit-elle: « Que de fois Satan t'a demandé, pour te cribler comme le froment ! » ( Luc, XXII, 31. ) Voyez-vous cet ardent désir? Il y a aussi des hommes que l'envie tourmente, que le mal réjouit, qui riva lise nt avec Satan pour ce vice; l'Écriture les appelle des malheureux « Malheur à vous, qui vous réjouissez des maux; qui trouvez vos délices dans la perversité des méchants ! » (Prov. II, 144.) Et c'est avec raison que l'Écriture parle ainsi, car c'est là la marque d'un esprit dépravé et corrompu. S'il faut souffrir, s'il faut gémir, s'il faut pleurer pour ceux qui périssent, quel pardon mériteront, de quelle excuse pourront se couvrir ceux qui sont si loin de plaindre les méchants, qu'au contraire ils se réjouissent de leurs crimes? N'avez-vous pas vu le Christ lui-même, au moment de punir, pleurer la perte de Jérusalem ? N'avez-vous pas vu Paul, se lamenter et gémir , parce que la perte des autres le plonge dans le deuil? Mais il y a des hommes assez dépravés pour regarder comme une consolation de leurs maux, les douleurs qui accablent les autres. « Ils ont formé des desseins contre moi; ne m'abandonnez pas, de peur qu'ils ne s'élèvent toujours, » C'est là ce que veut dire Diapsalma. Un autre texte « Ne vous éloignez pas, de peur qu'ils ne s'élèvent. » Voilà le propre d'une âme souillée, corrompue ; c'est le propos délibéré, c'est après une longue réflexion, qu'elle se porte au mal; il ne lui suffit pas des emportements qui la perdent ; elle y ajoute la délibération, le long examen, qui a pour objet de commettre le crime.

4. Quelle sera ton excuse, à toi, qui fais ton étude du vice, qui délibères afin d'accomplir des oeuvres détestables, et qui t'adjoins des complices? Mais voyez l'humilité du Psalmiste ! il ne dit pas: Ne m'abandonnez pas, parce que je suis digne de vous; ne m'abandonnez pas, parce que j'ai passé ma vie dans la vertu. Mais, que dit-il? Ne m'abandonnez pas, « de peur qu'ils ne s'élèvent, » c'est-à-dire, de peur qu'ils ne deviennent plus arrogants, plus insolents, après que vous m'aurez abandonné. «Toute la malignité de leurs détours et tout le travail de leurs lèvres les accablera eux-mêmes. (9) » Autre texte: « La haine amère de ceux qui m'entourent et tout le mal de leurs lèvres les accableront. » Il entend ici par « détours, » les rassemblements, les conciliabules, les ateliers de mauvais conseils,. les pensées criminelles. Ces paroles reviennent à ceci : que leurs pensées criminelles, que toute leur méchanceté, toute leur dépravation les écrasent et les perdent. « Le travail de leurs lèvres ; » le travail, c'est ici la perversité. En effet, la perversité est un travail, pour celui qui en est atteint; c'est sa perte, la perversité l'écrase. C'est ce qui est arrivé à propos de David; ses ennemis s'attendaient à le voir tomber dans les plus affreux malheurs; son nom est devenu plus glorieux. Assurément, me dit-on; mais ce n'est pas là ce que je cherche; mais montrez-moi comment de pareils ennemis se blessent eux-mêmes, se perdent par leurs propres conseils; montrez-nous-en des exemples. Exemple: les frères de Joseph. Ils voulaient en faire un: esclave, ils voulaient le perdre, et ils se sont eux-mêmes exposés aux plus grands dangers. Et certes, c'est dans la servitude, c'est dans la mort qu'ils ont précipité leur frère, autant qu'il était en leur pouvoir de l'y jeter.

Absalon voulait s'emparer de la royauté, pour anéantir son père, et cette royauté l'a perdu lui-même. « Des charbons enflammés tomberont sur eux; vous les précipiterez dans le feu (10). » Ce qui revient à ceci : . Sans doute, le vice tout seul suffit pour perdre ceux qui l'embrassent; mais, de plus, outre le poids de leurs vices, ils auront à supporter la colère divine. Les charbons et le feu signifient . ici le supplice infligé par le ciel. Souvent le feu a frappé les méchants. Exemple : Dathan, Coré, Abiron, et ceux qui entouraient la (249) fournaise de Babylone. « Ils ne pourront subsister dans les malheurs ; » un autre texte : « Ils tomberont dans les fosses pour n'en pas sortir;» autre texte : « Promptement, et ils n'en sortiront pas.» La pensée d'un des textes est celle-ci : vous les perdrez de telle sorte qu'ils ne se relèveront pas, l'autre interprète dit : avec une grande rapidité, car c'est là ce que signifie l'expression dont il s'est servi. « L'homme de langue ne sera pas dirigé sur la terre (11). »

Après avoir parlé de la colère de Dieu, le Psalmiste montre encore que le vice tout seul est suffisant pour perdre ceux qui en sont atteints. Ce n'est pas une faible preuve de la perversité, que l'insolence et le débordement de la langue. L'homme qui se laisse emporter par sa langue, c'est ici l'homme pétulant, le diseur de riens, le médisant, qui sans cesse aboie, qui n'a rien pour le mettre au-dessus du chien. Dites-moi le fruit qu'on retire d'une pareille disposition. « Il ne sera pas dirigé,» dit le texte, « sur la terre. » Autre texte : « Il ne s'établira point, » c'est-à-dire, il sera renversé, terrassé, anéanti. Voilà le fruit de la médisance. Ennemi pour tous, importun pour tous, à charge pour tous, voilà le médisant. De même que l'homme patient, doux, ami du silence, est solidement établi, et se rend agréable à tous, de même le médisant mène une vie incertaine, assiégé partout de mille ennemis, et surtout, il porte dans son âme un trouble qui ne lui permet pas de goûter le repos. Et même quand nul ne l'inquiète, mille combats, qui confondent son âme, s'élèvent au fond de son coeur. « L'homme injuste sera la proie des maux jusqu'à ce qu'il meure.» C'est ainsi que parle encore un autre sage (1) . « Les iniquités donnent la chasse à l'homme méchant. » Voyez-vous encore la preuve que le vice tout seul suffit pour perdre celui qui le porte dans son coeur? Mais pourquoi ici cette allusion à la chasse? C'est pour vous faire comprendre les suites inévitables de la perversité ; c'est afin que, si vous n'êtes pas frappé aussitôt que l'injustice est commise, vous ne vous laissiez pas, pour cela, enivrer d'une heureuse confiance. Voici, en effet, ce qui se passe à la chasse : le chasseur n'atteint pas toujours, ni tout de suite. Cependant, même quand les bêtes qu'on poursuit, ne sont pas prises , elles ne sont pas en

 

1 Ou plutôt un autre interprète, car ce texte est de la version de Symmaque.

 

sûreté, pour n'être pas encore embarrassées dans les filets. Eh bien ! il faut pareillement que l'injuste ne se laisse pas aller à la confiance, pour n'être pas encore pris ; tôt ou tard il sera pris. Si vous aimez votre sûreté, renoncez au vice., et vous jouirez d'une pleine sécurité. Mais maintenant, pourquoi dit-il: « Jusqu'à ce qu'il meure ? » C'est parce qu'il y en a beaucoup qui sont pris , pour être sauvés, comme ceux qui sont pris par les apôtres et par les saints; mais il n'en est pas de même des méchants; le vice qui leur donne la chasse, les prend pour les perdre , et les exterminer. Et pourquoi le châtiment ne frappe-t-il pas tout de suite le pervers? C'est un effet de la clémence du Seigneur; s'il envoyait tout de suite chacun des pécheurs au supplice, la plus grande partie du genre humain aurait déjà disparu. « J'ai connu que le Seigneur fera justice à celui qui est affligé, et qu'il vengera les pauvres (12) ; mais les justes loueront « votre nom, et ceux qui ont le coeur droit, « habiteront avec votre visage (13). » Un autre texte: « Auprès de votre visage. » Au lieu de, « Habiteront, » un autre texte dit : «Demeureront; » un autre encore : « Seront assis; » et au lieu de, « J'ai connu, je sais. ».Après avoir dit : « Donneront la chasse, » et, « Périront; » après avoir montré que le supplice ne vient pas tout de suite, il ne veut pas que les esprits grossiers tombent dans le relâchement, et il ajoute : « J'ai connu, » afin de bien montrer la certitude de cet avenir, et que les victimes de l'injustice trouveront certainement un vengeur. Quant aux pauvres, ce mot n'a pas ici son sens absolu; il faut entendre, par là, ceux qui sont tout à fait humbles et contrits. Les paroles du Psalmiste sont une consolation pour ceux qui souffrent de l'injustice, et une correction, un avertissement pour ceux qui la commettent. Il ne faut pas que les uns, parce qu'ils attendent, désespèrent ; que les autres, parce que l'heure est différée, oublient de plus en plus le soin de leur âme. L'ajournement a pour but de provoquer le repentir; quant à celui qui persévère , il s'attire un châtiment plus rigoureux, et c'est tout à fait justice. Pourquoi ? Parce que les pécheurs auront méconnu tant de bontés dont ils auront été l'objet, et ne seront pas devenus meilleurs. Considérez en effet la grandeur de la clémence de Dieu ! quand il permet que ses serviteurs endurent des mauvais traitements, s'il ne les (250) venge pas, c'est qu'il veut que votre repentir vous corrige.

« Mais les justes loueront votre nom. » Que signifient ces paroles? Quoi qu'il arrive, ils vous rendront grâces; soit qu'ils voient les humbles éprouvés par l'injustice, soit qu'ils voient les méchants exaltés, ils ne vous demanderont pas d'explication. C'est là, en effet, le caractère le plus distinctif de la justice ; en tout temps et en toutes choses, rendre à Dieu des actions de grâces. « Et ceux qui ont le coeur droit, habiteront avec votre visage, » c'est-à-dire, après avoir joui du secours qui vient de vous, n'ayant dans leurs pensées que vous, désormais, toujours avec vous; n'en seront plus jamais séparés. Quoi qu'il arrive, ils ne se plaindront jamais ; ils ne s'affligeront jamais des événements; car c'est là la marque d'une âtre qui ne chancelle pas, d'une pensée que rien n'ébranle, de ne pas demander de comptes au Seigneur. Voilà ce qui faisait dire à Paul «En vérité, ô homme, qui donc es-tu, toi qui contestes avec Dieu ? Un vase d'argile dit-il à celui qui l'a fait : pourquoi m'avez-vous fait ainsi ? » (Rom. IX, 20.) Montrons donc, nous aussi, montrons toujours la même sagesse, rendant, pour toutes choses, des grâces au Seigneur, parce qu'à lui appartiennent la gloire et la bénédiction , et l'adoration , et maintenant, et toujours, et dans la durée infinie des siècles des siècles. Ainsi soit-il.

 

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