PSAUME CXXIII
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EXPLICATION DU PSAUME CXXIII. 1. « SI LE SEIGNEUR N'AVAIT ÉTÉ AVEC NOUS. »

 

ANALYSE.

 

1. L'homme a deux grands ennemis à combattre : le démon et ses semblables. Le premier est terrible, comme il l'a bien fait voir par la manière dont il a traité Job dans sa personne et dans tous ses biens. Les hommes ne sont pas moins à craindre, car l'homme livré à la colère est pire qu'un animal sauvage; cette passion le rendant aveugle et insensé : notre saint nous donne les remèdes pour la guérir.

2. Mais la protection divine. est plus que suffisante pour nous garder et quels que soient le nombre et la fureur de ceux qui cherchent à nous nuire, elle saura bien nous sauver. Quant à Satan, notre Sauveur l'a vaincu et désarmé, et il n'y a que les 1âches qui lui cèdent la victoire. Aussi, sommes-nous sans excuse si nous ne profitons pas des armes spirituelles qu'il nous a laissées et qui doivent nous assurer infailliblement la victoire.

 

 

1. Ce que j'ai dit souvent, je le répète en ce moment et je le répéterai encore, à savoir, que la captivité offre un grand enseignement et qu'elle peut ramener à la sagesse tout esprit attentif. Voyez, en effet, ceux qui se précipitaient vers les idoles, qui méprisaient Dieu et qui s'adonnaient à l'impiété, que disent-ils après leur captivité? En quels termes attribuent-ils leur salut à lieu ? Le Prophète lui-même, comme un excellent conseiller, leur ordonne de répéter souvent les mémés choses. Il commence donc par parler le premier, après quoi il leur commande, comme un maître à ses disciples, de redire après lui : « Qu'Israël dise maintenant : Si le Seigneur n'avait été avec nous lorsque les hommes s'élevaient contre nous, ils auraient pu nous dévorer tout vivants. » (182) Ils s'étaient vus sans armes, dépouillés de tout, captifs et esclaves; récemment délivrés de leurs maux, ils avaient une ville qui n'était pas environnée de murailles, ce n'était pas même une ville, et ainsi après leur retour ils étaient comme une proie sans défense. Mais Dieu leur servit de rempart et de citadelle. Disons, nous aussi, en ce moment . « Si le Seigneur n'avait été avec nous… nos ennemis auraient pu nous dévorer tout vivants. Que n'aurait pas fait, en effet, le diable, notre ennemi, si le Seigneur n'eût été pour nous? Ecoutez ces paroles du Sauveur à Pierre : « Simon, Simon, Satan a demandé souvent à  vous cribler, comme on crible le froment, mais j'ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille point. » (Luc, XXII, 31.) C'est une bête méchante et insatiable, et si elle n'était continuellement réprimée, elle sèmerait partout le désordre et la destruction. Dieu ne lui lâcha qu'un instant la bride contre le saint homme Job, et il renversa sa maison de fond en comble, disloqua son corps et fit comme une affreuse tragédie, en détruisant ses richesses, en tuant ses enfants, en faisant sortir de sa chair des vers en abondance , en soulevant contre lui sa femme, ses amis, ses ennemis, jusqu'à ses serviteurs qui l'accablaient de leurs reproches. Il nous anéantirait nous-mêmes si le Seigneur ne le retenait par mille moyens. C'est pourquoi le Psalmiste s'écrie : « Si le Seigneur n'avait été avec nous. » Les Juifs étaient en petit nombre et méprisés, et à peine de retour ils avaient à supporter de nombreuses attaques. Or, la sagesse de Dieu se montrait encore, en ce qu'il ne leur donnait pas la sécurité subitement et d'un seul coup, ruais à la longue et par degrés, afin de les maintenir dans la connaissance de son saint nom, et de ne pas laisser passer sans fruit la leçon qu'ils avaient reçue dans leur captivité. Comme la délivrance des maux a pour effet de rendre les hommes plus négligents, le Seigneur, tout en leur accordant les biens, permet qu'ils soient constamment tentés, afin qu'ils trouvent, dans les épreuves, un exercice continuel de la sagesse. Cependant, il ne les laisse pas toujours dans l'affliction, car ils succomberaient; ni dans le repos et la prospérité, pour les préserver du relâchement; mais il les sauve en les faisant passer par des vicissitudes sans fin.

« Ils auraient pu nous dévorer tout vivants.» Quelle cruauté dans leurs ennemis ! Ce sont des hommes qui montrent une férocité égale à celle des bêtes sauvages. Que dis-je? Elle la surpasse même puisqu'elle s'exerce centre leurs semblables. Après son premier choc, l'animal se calme et se retire; repoussé, il ne revient pas à la charge ; mais quand les hommes ont échoué dans leurs projets pervers, ils attaquent de nouveau , et ils se montrent avides de sang. Telle est la colère insensée, tels sont l'ardeur et le feu que cette passion allume dans l'âme. Comment guérir cette maladie? Songeons à ce que nous sommes, réfléchissons à la mort et à ceux qui nous quittent tous les jours, méditons sur notre nature ; nous ne sommes que cendre et poussière. Si la beauté de votre visage vous fait encore illusion, allez visiter les tombeaux et les cercueils de vos pères, contemplez-les dans leur repos, et en voyant cette poignée de terre, vous trouverez une grande occasion de vous abaisser. Ne trouvez pas ce langage trop sévère. De même que ceux qui out eu la fièvre ont besoin d'un air pur après leur guérison, ainsi ceux que les passions poussent à la folie, trouveront dans les tombeaux, comme dans une demeure très-salutaire, un remède à de nombreuses maladies. La vue seule d'une urne suffit, en effet, pour abaisser les plus arrogants. Transportez-vous ensuite, par la pensée, à ce jour terrible du jugement dernier, où personne ne prendra votre défense; songez aux questions qui vous seront adressées, au compte que vous aurez à rendre, à ces supplices où il n'y a plus de soulagement à espérer, Ces réflexions seront comme un charme qui calmera vos passions. Voyez aussi, parmi les hommes, ceux qui, dans la vie présente, ont passé de la richesse à la pauvreté, de la gloire à l'ignominie, et si vous éprouvez encore de la colère , que ce ne soit pas contre votre semblable, mais contre l'esprit du mal. Voilà de quoi vous fâcher. Ne vous réconciliez jamais avec lui, tournez et épuisez contre lui toute votre fureur, c'est contre lui qu'il faut diriger vos coups et lui faire une guerre acharnée. « Lorsque leur fureur s'est irritée contre nous, sans doute alors les eaux nous auraient submergés (4), un torrent aurait été amené sur notre âme. Assurément notre âme eût trouvé cette inondation insupportable.» L'eau et le torrent marquent ici la grande colère des ennemis des Juifs. L'eau, en effet, se précipite (183) en désordre, entraînant avec une grande force et une grande violence tout ce qu'elle rencontre. Il ne s'agit pas seulement ici de l'invasion des maux, mais de leur peu de durée.

2. Ne nous décourageons donc pas quand le malheur fond sur nous. Ce n'est qu'un torrent qui se précipite, une nuée qui passe. S'agit-il de quelque chose de fâcheux? cela aura une fin ; de quelque chose de difficile? cela ne durera pas toujours. S'il en était autrement, la nature n'y suffirait pas. Mais, direz-vous, un grand nombre sont entraînés par le torrent. Sans doute. Mais la cause en est moins clans sa violence que dans la lâcheté de ceux qui se laissent abattre trop facilement. Afin donc que le torrent ne nous entraîne pas et que nous puissions marcher d'un pas ferme jusque dans ses plus grandes profondeurs, sondons-le et saisissons l'ancre divine, pour n'avoir plus à redouter aucun naufrage. Un torrent n'est terrible que pour un temps, bientôt après il s'apaise d'une manière étonnante: « Les eaux nous auraient submergés. » Selon une autre version : « Alors les eaux nous auraient inondés en passant sur notre âme comme un torrent, et notre âme eût trouvé cette inondation insurmontable; » ou bien : « Alors les superbes auraient passé sur notre âme comme un torrent. » Admirons la grandeur du secours de Dieu et comment, au milieu de tant de maux, il ne permet pas que ses enfants soient submergés. En effet, s'il laisse augmenter les maux, ce n'est pas pour nous accabler, mais pour nous éprouver davantage et faire éclater sa puissance. Les superbes, dont il est ici question, sont les ennemis qui, tout en se précipitant sur les Juifs avec plus de violence qu'un torrent quelconque ou qu'une inondation insurmontable, ne leur ont fait aucun mal. La cause en est dans la protection de Dieu, dans son assistance divine et son secours invincible. Aussi, après avoir dit qu'il a été délivré des maux, il nomme son libérateur et il le comble de louanges. « Béni soit le Seigneur qui ne nous a pas laissés en proie à leurs dents (5) ! Car notre âme a été arrachée de leurs mains comme un passereau du filet des chasseurs. »

Quel contraste entre la faiblesse des Juifs et la puissance de leurs ennemis. Ces derniers se précipitaient semblables à des bêtes féroces et à des lions prêts à se nourrir de leur chair, pleins de force et de colère; eux, au contraire étaient plus faibles que le passereau. Mais les miracles de la puissance divine n'apparaissent jamais mieux que quand la faiblesse triomphe de la force insurmontable. Et puis, ce qui rendait ces embûches intolérables, ce n'était pas seulement la puissance redoutable des uns, leur colère, et leur soif de carnage, et fa faiblesse des, autres, leur petit nombre et leur peu de défense: mais, de plus, ces derniers étaient environnés de maux, comme enveloppés par les difficultés, et ayant de toutes parts des guerres à soutenir. Cependant, Celui qui est la puissance par excellence, dit le Psalmiste, et qui peut toujours sauver, quels que soient les maux et les périls dont on est environné, nous a délivrés avec une grande facilité. Tel est le sens de ces paroles : « Notre âme a été arrachée de leurs mains comme un passereau du filet des chasseurs. » — « Le filet a été rompu et nous avons été délivrés (7). » Mais comment cela s'est-il fait? C'est ce qu'indiquent les paroles suivantes : « Notre secours est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre (8). » Comme il est fort, comme il est puissant, Celui qui est venu à leur secours ! Il a même fait disparaître ce qui servait à dresser des embûches. Tout ce qui précède peut être pris dans le sens anagogique et doit s'entendre du diable et du genre humain. Nous y voyons comment le Seigneur a renversé et détruit les piéges de Satan depuis le jour où il a dit à ses disciples : « Foulez aux pieds les serpents et les scorpions et toute la puissance de l'ennemi de votre salut.» (Luc, IX, 19.) Il ne s'agit plus d'une guerre ouverte, la partie n'est pas égale , notre ennemi est renversé par terre et abattu, tandis que nous sommes debout, le dominant et le frappant de haut. Il est sans force, tandis que nous sommes pleins de vigueur. Comment se fait-il alors qu'il triomphe si souvent? C'est l'effet de notre lâcheté et de la paresse de ceux qui dorment; si vous vouliez résister il n'oserait pas vous attaquer de front. S'il triomphe de ceux qui s'endorment, ce n'est point à cause de sa puissance, mais de notre négligence. Qui ne triompherait d'un homme endormi, fût-on le plus faible de tous? Le fort est enchaîné, tous ses filets sont rompus, sa puissance brisée, sa demeure renversée, ses armes sans effet. Que faut-il de plus? Pouvez-vous encore le craindre? Pourquoi trembler? On nous ordonne de fouler aux pieds celui qui est déjà terrassé. (184) Encore une fois, pourquoi tremblez-vous? pourquoi attendre pourquoi hésiter? Oublions-nous clone quel est Celui qui nous doit secourir? Non-seulement notre ennemi est devenu moins fort, mais notre secours est plus grand. Le triomphe de la chair a été arrêté, le poids du péché enlevé, et nous avons reçu la grâce du Saint-Esprit qui donne la force. « Ce qu'il était impossible que la loi fît, parce qu'elle était affaiblie par la chair, Dieu l'a fait, ayant envoyé son propre Fils revêtu d'une chair semblable à celle qui est sujette au péché; et par le péché commis contre ce même Fils, lorsqu'il a été conduit à la mort, il a condamné le péché qui régnait dans notre chair, afin due la justice de la loi soit accomplie en nous qui ne marchons pas selon la chair. » (Rom. VIII, 3, 4.) Il nous a assujetti la chair, il nous a donné pour armure le bouclier de la justice, la ceinture de la vérité, le casque du salut, l'épée de la foi, le glaive de l'esprit. Il nous a laissé des arrhes, en nous présentant sa chair pour nourriture, son sang pour breuvage; il nous a offert sa croix comme une lance, mais une lance qui ne cède jamais. Il a lié notre ennemi, il l'a terrassé. Il ne nous reste donc plus d'excuse si nous sommes vaincus, et si nous cédons, nous n'avons plus de pardon à espérer. Nous avons en effet mille moyens de vaincre.

« Le filet a été rompu, » dit-il, « et nous avons été délivrés. Notre secours est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre. » Nous avons donc pour général et pour roi Celui qui a créé l'univers, et qui par sa seule parole a produit tant d'êtres, et cette masse de la terre, et cette immensité de l'espace. Point d'abattement donc, mais résistez courageusement, rien ne peut vous empêcher de triompher.

Sachant cela, mes bien-aimés, soyons sobres, combattons vaillamment, ne nous endormons pas, ruais après avoir préparé nos armes et raffermi notre courage, frappons notre ennemi avec ardeur, afin qu'après avoir remporté une victoire éclatante nous soyons mis glorieusement en possession du royaume des cieux. Puissions-nous l'obtenir, par la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient la gloire et l'empire, dans les siècles des siècles! Ainsi soit-il.

 

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