PSAUME CXXXVII
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EXPLICATION DU PSAUME CXXXVII. 1. « JE VOUS LOUERAI, SEIGNEUR, DE TOUT MON COEUR. »

 

ANALYSE.

 

1. Il dépend de nous que nous soyons exaucés de Dieu.

2. Dieu n'abandonne pas ceux qui sont dans l'affliction. Dieu ne fait pas miséricorde indistinctement.

 

1. Je vous ai souvent expliqué ces paroles; nous n'y insisterons pas aujourd'hui, et nous prendrons tout de suite ce qui vient après. Que signifie : « Je célébrerai votre gloire à la vue des anges? » Un autre interprète dit : « Je vous chanterai, ô mon Dieu, en liberté; un autre: « A la vue des dieux, je chanterai pour vous. » S'il entend, par là, les anges qui sont dans le ciel, ses paroles reviennent à dire : Je m'efforcerai de vous chanter avec les anges, et (234) je riva lise rai avec eux, et je mêlerai ma voix aux choeurs des puissances d'en-haut. Si je ne suie pas leur semblable par la nature, l'ardeur de mon zèle au moins me permettra de riva lise r avec eux. Si nous en croyons une autre interprétation; le Psalmiste semble parler ici des prêtres : c'est en effet l'habitude de l'Ecriture d'appeler le prêtre, et un ange et un dieu tantôt elle dit : «Vous ne parlerez point mal des dieux, et vous ne maudirez point le prince de votre peuple (Exode, XXII, 28); » tantôt: « Les lèvres des prêtres garderont le jugement; c'est de leur bouche que l'on recherchera la justice parce que le prêtre est l'ange du Seigneur tout-puissant. » (Malach. II, 7.) Donc, s'il faut entendre ainsi ces paroles d'aujourd'hui; voici la pensée : Les prêtres commenceront à chanter, chanteront les premiers, comme il convient, et moi je suivrai, je les accompagnerai ; et moi aussi je chanterai pour vous, parce que vous avez entendu toutes les paroles de ma bouche. Voyez-vous la profonde reconnaissance? voyez-vous le zèle attentif et scrupuleux? Celui-ci ne ressemble pas à certains hommes nonchalants et lâches, pleins d'ardeur quand il s'agit de recevoir, et engourdis après qu'ils ont reçu. Celui-ci presse afin d'obtenir, et, quand il a obtenu, il montre encore la même constance, l'assiduité de la reconnaissance. Et ce qui prouve la pureté, l'excellence de ses prières, c'est que Dieu l'a écouté. Car, ce qui détermine le Seigneur à nous écouter, c'est que notre prière soit digne de lui.

D'où il suit qu'il dépend de nous d'être écoutés de Dieu ; demandons-lui ce qu'il peut nous donner; demandons-le avec un désir ardent; montrons-nous dignes d'être exaucés ; Dieu nous écoute alors, et il nous accorde ce que nous lui demandons. « Je vous adorerai dans votre saint temple (2). » Ce n'est pas une vertu ordinaire qui peut monter jusqu'au temple, et y porter l'adoration qui vient d'une conscience pure. Il ne suffit pas de fléchir les genoux; il ne suffit pas d'entrer; ce n'est pas là ce qu'on demande; mais la ferveur, mais le recueillement de la pensée; je ne dis pas le recueillement du corps seulement, mais la présence de la pensée dans le temple, voilà ce qui est exigé. Ce n'est pas un petit privilège que d'adorer le Dieu de l'univers, comme il convient qu'on l'adore. Si c'est une dignité que d'approcher les rois de la terre; c'en est une bien plus grande que d'approcher le Dieu par qui tout subsiste. « Et je publierai les louanges de votre nom pour votre miséricorde et votre vérité. » Qu'est-ce à dire? Je vous bénirai, dit-il, parce que j'ai ressenti toute votre sollicitude. Ce ne sont pas mes vertus qui m'ont donné de recouvrer ma patrie , de revoir le temple ; je dois tout à votre miséricorde, à votre bonté. Voilà pourquoi je vous adorerai, voilà pourquoi je vous confesserai; je ne méritais que punition et châtiment; je ne méritais que de demeurer éternellement sur la terre étrangère, et cependant vous m'avez bientôt rappelé. « Parce que vous avez élevé au-dessus de tout votre saint nom. » Ce qui veut dire : Je ne bénirai pas seulement vos bienfaits, mais votre gloire ineffable, et votre grandeur infinie, et votre nature qu'aucune expression ne peut traduire. « Parce que vous avez élevé, » dit-il, « au-dessus de tout votre saint nom; » c'est-à-dire, vous l'avez élevé par vos bienfaits, par les éléments, par ce qui existe dans le ciel, par ce qui existe sur la terre; par les châtiments, par, ce que vous avez fait à nos ennemis, par ce que vous avez fait à votre peuple. Il n'y a pas une seule partie de la création, dans le ciel, sur la terre, dont la voix ne proclame, avec plus de retentissement que la trompette, la grandeur de votre nom. Passez en revue les anges, les archanges, les démons, les éléments insensibles, les pierres, les semences des choses, le soleil, la lune, les continents, les mers, les poissons, les oiseaux, les lacs, les fontaines, les fleuves, tout révèle que votre nom est grand. Au lieu de ces paroles : « Vous avez élevé au-dessus de tout votre saint nom, » une autre version dit : « Vous avez élevé an« dessus de tous les noms votre parole. » Un autre : « Votre voix. » « Dans le jour où je vous « invoquerai, exaucez-moi (3) ; » une autre version : « Dans le jour où je vous ai invoqué, vous m'avez exaucé. » Telle est, en effet, la promesse que Dieu a faite : « Dans le jour où vous m'invoquerez, je vous exaucerai, et je dirai : Vous n'avez pas fini de parler, me  voici. » (Isaïe, LVIII, 6.) Et le Psalmiste ne demande que ce que le Seigneur a promis. Telles sont en effet les âmes que la douleur afflige; il leur tarde de se voir affranchies de leurs maux. « Vous exalterez mon âme par votre vertu; » une autre version : « Vous avez établi dans mon âme les vertus. » Vous vous rappelez qu'au lieu de : « Exaucez-moi,» (235) une autre version dit: «Vous m'avez exaucé. Que signifie donc là parole: « Vous exalterez, » Poluoreseis? Les phénomènes appelés météores qui se passent dans les hauteurs sont ainsi nommés, en grec meteora du mot airesthai, de là le mot meteorismoi , qui s'applique aux flots que la mer élève, que, pour ainsi dire, elle exalte. Donc cette expression Poluoreseis, revient à : Vous m'exalterez, vous m'enlèverez dans les hauteurs. Le Psalmiste a encore employé la même expression dans un autre passage : « Vous avez élevé à votre hauteur les enfants des hommes. » (Ps. XI, 9.) Et là se trouve le mot grec epoluoresas, c'est-à-dire, vous avez attiré, emporté dans les hauteurs; de même ici encore il emploie ce mot poluoreseis  me, pour faire entendre , vous me remplirez d'une grande joie; vous rendrez mon. âme comme un météore; et, ce qui est le plus grand de tous, les biens, vous. ne permettrez pas que cette élévation, que cette allégresse soit sans consistance et de peu. de durée , mais vous. ferez qu'elle soit puissante, forte, ferme et inébranlable. Voilà caque veut dire : «.Vous exalterez mon âme par votre vertu. ».

2. Sa pensée, la voici : Votre vertu m'exaltera, votre force m'emportera dans les hauteurs, et vous serez mon secours. Voilà pourquoi un autre interprète, mettant en lumière la même pensée , dit : « Vous avez établi dans mon âme les vertus. » C'est bien dit, « dans mon âme; » car c'est le propre de Dieu, de retremper les âmes dans les afflictions, comme on l'a vu au sujet des apôtres. Battus de verges, ils s'en retournaient pleins de joie, c'est ainsi que leur âme s'exaltait. (Act. V, 41.) C'est là l'opération par laquelle éclate le plus sa puissance; au milieu des épreuves, il ne laisse pas nos âmes tomber dans le découragement. « Que tous les rois de la terre vous louent, Seigneur, parce qu'ils ont entendu annoncer toutes les paroles de votre bouche (4). » Voyez jusqu'où va sa piété ! il ne veut pas être seul à bénir Dieu, il veut que tous ceux qui ont la puissance, s'associent à ses bénédictions, et, avec eux, tous ceux qui portent le diadème. Quelles que soient leur autorité et leur puissance, tous vous doivent, ô Seigneur, des actions de grâces même pour les bienfaits que d'autres ont reçu de vous. Voilà pourquoi le Psalmiste ajoute : « Parce qu'ils ont entendu a annoncer toutes les paroles de votre bouche.»  Si donc ils ont pour vous des actions de grâces, ils en recueilleront de grands fruits, un gain précieux; car tels sont les présents que vous faites, ils sont à la portée de tous; il suffit de vouloir pour se les partager, pour en jouir. Leur autorité royale ne leur servira jamais autant que d'écouter vos paroles; voilà ce qui les rend inébranlables, voilà pour eux la force; voilà la beauté, voilà l'honneur, voilà la royauté; voilà pour l'autorité, la vraie gloire et la vraie puissance. « Et que l'on chante dans les voies du Seigneur (5); » autre version : « Et que l'on chante les voies du Seigneur. » Si l'on prend; « dans les voies du Seigneur, » cela veut dire conformément à vos lois, à vos commandements, ô mon Dieu ! si l'on prend, au contraire, «  les voies, » que l’on chante, dit le texte, vos glorieux prodiges; qu'on vous loue, qu'on vous célèbre, qu'on vous proclame, c'est ce que veut dire cette expression, « que l'on chante ». Parce que la gloire du Seigneur «est grande; » c'est-à-dire; exposée aux yeux de tous, manifeste à tous, évidente pour tous, prête à décerner ses bienfaits à tous; faisant, de tous, ses tributaires, parla reconnaissance. « Car le Seigneur est très-élevé: il regarde les choses basses (6). »

Elevé en nature; élevé en substance; ce que dit le Psalmiste en ce moment, c'est pour s'accommoder au culte juif; c'est une manière de parler. Ce qui suit, c'est une correction, pour redresser l’esprit:courbé vers la terre, et lui inspirer des pensées bien supérieures. Quelle est donc l'expression qui suit. « Et il ne voit que de loin les choses les plus élevées? » En effet, il est ici question de la prescience, qui est surtout le propre de la puissante divine; voilà pourquoi, dans les prophètes, Dieu prend si souvent occasion de cette prescience, pour condamner ceux qui sont retenus dans les liens de l'idolâtrie. Un autre interprète dit

« Et ce qui est élevé, il le distingue de loin ; » un autre : « Et ce qui est sublime. » En effet, après avoir dit, « le Seigneur est très-élevé, il regarde les choses basses; » le Psalmiste ajoute : « Il ne voit que de loin les choses les plus élevées, » montrant, par là, que, non-seulement il les connaît, mais qu'il les connaît à une grande distance, c'est-à-dire avant qu'elles arrivent, qu'elles soient accomplies, avant qu'elles se réa lise nt. « Si je marche au milieu des afflictions, vous me vivifierez (7). » Il ne dit pas: Vous chasserez loin de moi l'affliction, mais, je demeurerai au milieu même des (236) douleurs, et vous me vivifierez, c'est-à-dire vous pouvez sauver celui qui est tombé dans les plus grands dangers; vous pouvez, chose prodigieuse, incroyable, du sein même des tortures, du milieu même des ennemis, retirer, mettre en sûreté, celui que tant d'épreuves assiègent. «Vous avez étendu votre main contre la fureur de mes ennemis; » un autre interprète : « Vous étendrez votre main contre le souffle de mes ennemis. » Comprenez-vous, dans les deux textes, la manifestation de la plus grande puissance? car voici ce que dit le Psalmiste : « Au milieu même des douleurs, vous pourrez me sauver. » Ces furieux que la rage transporte, qui vomissent des flammes, vous pouvez les renverser, les jeter par terre. « Et votre droite m'a sauvé; » un autre : « Et votre droite me sauvera, » c'est-à-dire, votre puissance, votre force. Car Dieu est fécond en ressources et en moyens; il ne lui coûte rien de sauver ceux qui étaient dans le désespoir. « Le Seigneur acquittera pour moi (8); » un autre : « Le Seigneur payera avec moi; » un autre « Achèvera le paiement, » c'est-à-dire, punira mes ennemis. Il ne dit pas, punira, mais « acquittera pour moi, » montrant par là que, tout obligé que je suis à rendre un. compte, c'est lui-même qui payera et satisfera. Car il est plein de bonté; on peut d'ailleurs appliquer ces paroles à ce que le Christ a fait pour nous; car c'est lui quia tout acquitté pour nous. « Seigneur, votre miséricorde est éternelle; ne méprisez pas les ouvrages de vos mains. » Le Psalmiste donne ici deux raisons qui expliquent pourquoi l'on peut se concilier la clémence de Dieu ; l'une, c'est qu'il est plein de miséricorde et de bonté, que sa miséricorde ne se dément pas, ne connaît pas de bornes, que sa clémence ne s'arrête jamais; l'autre, c'est qu'il est notre créateur et celui qui nous a faits.

Mais si nous voulons être sauvés par cette clémence, par cette bonté, montrons, de notre côté, que nous ne sommes pas indignes de la miséricorde. (Exode, XXXIII, 19.) « Je ferai miséricorde à qui il me plaira de faire miséricorde. » (Rom. IX, 15.) Dieu, en effet, ne fait pas miséricorde sans aucune espèce de discernement. Dieu fait quelque distinction; s'il agissait sans discernement, personne ne serait puni. C'est pourquoi ne faisons pas notre devoir seulement pour obtenir la miséricorde,, mais aussi parce que c'est Dieu qui nous a faits. La créature qui est l'ouvrage de Dieu, l'ouvrage d'un si grand artisan, d'un tel roi, doit se conduire de manière à mériter tant de sollicitude et d'affection prévoyante. Si telle est notre conduite, nous obtiendrons les biens à venir. Puissions-nous tous entrer dans ce partage, par la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la gloire et l'empire, dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.

 

 

 

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